Le tandem, associant la diva anglaise Harleighblu aux producteurs californiens Starkiller,accouchait fin 2016 d'un long format baptisé Amorine. Une collaboration fructueuse qui sera relayée par le single "Killing My Heart" etl'EP Save Me, dont parlions en Février dernier.
Tru Thoughts sortait le 12 Avril dernier une nouvelle rencontre au sommet de ce trio de choc, en effet C.E. Garcia et Alfredo E. Fratti se sont penchés sur le morceau "Tell 'Em" que la chanteuse soul nous présentait en Mai 2016 dans son EP Futurespective Pt.3 et dans lequel elle œuvrait auprès du multi-instrumentiste J-Felix.
Les américains basés à L.A.nous en livrent une version complètement "ré-imaginée" où la voix racée et vibrante d'Harleighblu demeure, mais où l'orchestration vintage y est beaucoup plus cinématique et psychédélique, rappelant l'atmosphère rétro d'une bande-son d'un François de Roubaix ou la signature de leur illustre complice, Adrian Younge.
Derya Yildirim & Grup Simsek - Nem Kaldi (Bongo Joe/Catapult Records/L'Autre Distribution)
Que dire de ce trip psychédélique dans l'espace et le temps, de cette aventure singulière et novatrice flirtant avec les sonorités électriques du rock anglo-saxon des 70's, les folklores bordant le Bosphore et le groove africain ? De prima bord, l'ambiance rétro-vintage pourrait nous faire penser à la BO d'un vieux film turc puis, insidieusement, les mélodies pop empreintes de traditions s'immiscent dans nos esprits grâce aux arabesques du zaz et aux ondulations de la voix envoutante de Derya Yildirim. Les notes virevoltantes et les accords corrosifs de l'orgue de Graham Mushnik se mêlant aux effets wah wah de la guitare électrique du flutiste Antonin Voyant, se devaient d'être soutenus par une section rythmique à toute épreuve, massive et imposante. C'est chose faite avec le solide duo formé par la batteuse londonienne Greta Eacott et le bassiste italien Andrea Piro. Dans ce tout premier EP de 4 titres baptisé Nem Kaldi, le quintet balaye les frontières et fusionne le rock anatolien, la psych-pop, l'afro-jazz et la poésie turque moderne... Belle découverte!
Harleighblu X Starkiller - Save Me (Single) (Tru Thoughts)
Début Novembre 2016 paraissait l'album Amorine, fruit de la rencontre entre la diva anglaise Harleighblu et le tandem basé à LA Starkiller,composé des producteurs C.E. Garcia et Alfredo E. Fratti. Pensé comme la bande originale d'un film de science fiction inspiré par les univers barrés du duo Jodorowsky/Moebius et du maître de la force George Lucas, le disque allie le timbre de voix profondément soul de la chanteuse à des ambiances retro tendances psychédéliques. Les sonorités futuristes qui s'extirpent de ce magma épais sont empruntes de rythmiques hip-hop tranchantes et d'atmosphères trip-hop envoutantes.
Aujourd'hui (le 17 Février 2017) l'écurie Tru Thoughts en publie un second extrait intitulé "Save Me". Succédant à "Killing My Heart", il est accompagné du "Chicago Remix" de "Live Fast, Die Young" orchestré par Phrāim, beat maker emblématique de la scène hip-hop de Chicago...
G!rafe & Bruno Girard - Panier sur la Tête (Discobole/L'Autre Distribution)
Nous découvrions cet étrange animal nommé G!rafe en 2015 avec l'EP L'Ami Que J'Aimais Bien. Le chanteur Bruno Girard collaborait alors avec la formation du guitariste Stéphane Hoareau,rendant hommage à l'auteur et musicien réunionnais disparu en 1995, Alain Peters. Le poète écorché vif et malmené par l'alcool fusionnait dans les années 70 sonorités psychédéliques, rock et maloya que cet opus de 9 titres, baptisé Panier Sur La Tête, se propose à nouveau d'explorer. À travers une adaptation poétique singulière et une orchestration rock rageuse, douloureuse et sombre, le disque nous restitue un univers musical tourmenté, bardé de guitares hurlantes et traversé par la fulgurance imagée du créole réunionnais, incarné ici par un slam à la voix grave et pénétrante.
Adrian Younge presents The Electronique Void - Black Noise (Linear Labs)
Découvert dans son récent Something About April II paru fin 2015, le multi-instrumentiste californien Adriane Younge revient avec un nouveau projet intitulé ...The Electronique Void - Black Noise. S'il se penchait jusqu'à maintenant sur ses connections avec le milieu hip-hop, l'exploration des musique psychédéliques ou encore des sonorités soul/funk largement influencées par la culture Blaxploitation (on se souvient du disque Adrian Younge Presents The Delfonics sorti en 2013), l'apôtre des claviers vintage s'oriente aujourd'hui vers l'électro des pionniers (il cite d'ailleurs comme influences Dick Hyman et Wendy Carlos pour leurs expérimentations sur le synthétiseur modulaire Moog ou Raymond Scott ("Fly Away") et sa multitude d'inventions comme le clavivox) ainsi que celle des bandes originales de films de la fin des années 70 et 80 (on pense bien sûr aux ambiances de John Carpenter "Voltage Controlled"). Le cinéma toujours en toile de fond et le grain analogique qui lui tient tant à cœur sont les composantes essentielles de ses travaux.
The Electronique Void - Black Noise, entièrement enregistré avec des instruments électroniques et boîtes à rythmes d'époque (hormis quelques mesures de batterie jouées en live "System"), rappelle à certains moments les recherches sonores anglaises des ateliers radiophoniques de la BBC ("Black Noise Interlude") et de la formation avant-gardiste White Noise ("The Concept Of Love"), puis ailleurs celles des monstres sacrés allemands Klaus Schulze et Conrad Schnitzler...
Cependant, malgré ses intentions expérimentales, Adrian parvient à produire un album accessible, accordant un soin particulier à l'élaboration de ses mélodies et de ses atmosphères ("Suicidal Love").
L'excellent Mr Bongo nous offre le Volume One de sa toute nouvelle série de compilations intitulée Mr Bongo Record Club. Les aficionados du label de Brighton fondé en 1989 devineront qu'il s'agit de mettre en lumière les raretés oubliées, les coups de cœur récents et les obscurs classiques qui composent son étonnant catalogue de disques vinyles, imposant et hétéroclite. En effet ce projet tire son nom de la célèbre émission radio mensuelle de 2 heures qu'animent entre autres Graham Luckhurst, Gareth Stephens, Ally Smith et Ville Marttila. Ce premier volet nous donnent un aperçu de la programmation de ces moments de découverte ou de redécouverte, avec 20 pépitesvintage chargées d'accents psychédéliques ("Mathar", "He's Forever"), où se côtoient rythmes brésiliens ("Esperar Pra Ver", "Deixa Tristeza", "Piranha", ...) et africains ("Samba", "Fish & Funjee", "Karam Bani",...), sonoritéssoul ("Can't Leave Without You"), funk ("Use My Body") reggae ("Mammy Hot Daddy Cool"), disco ("Freak") et jazz fusion ("El Mercado", "Chanson D'un Jour d'Hiver") ....
Ce souci de débusquer et de partager des trésors sonores quasi-inconnus constitue aussi la base des DJs sets postés par la maison de disques anglaise et confiés à des pointures internationales telles que Dj Okapi, MCDE, Floating Points, Jeremy Underground, Four Tet, Sassy J et bien d'autres... Remportant une large audience auprès d'un public toujours plus conquis, leurs mixes croisent un tas d'influences à l'instar de ce Mr Bongo Record Club - Volume One où se mêlent la guitare mandingue d'Amazones de Guinée et la sitar de Dave Pike Set, la MPB tropicaliste d'Evinha et l'afrobeat de The Rwenzori's, la samba funk de Neno Exporta Som et la salsa de Fruko Y Sus Tesos...
Le percussionniste brésilien Pedro Sorongo, alias Pedro Santos, Pedro Dos Santos ou encore Pedro Da Lua, publiait en 1968 l'énigmatique et hypnotique Krishnanda, unique chef d'oeuvre qu'il sortit sous son propre nom. Il ne nous reste que très peu d'information sur ce virtuose carioca né en 1919, inventeur d'instruments, plasticiens, poète, philosophe et géniteur d'une musique spirituelle empreinte de psychédélisme, de folk, de rythmes africains, de mélodies orientales, de MPB (musique populaire brésilienne), de jazz, de bossa et de samba.
Au chant, aux percussions et aux effets, le mystique Pedro accouchait alors d'un disque emblématique aux sonorités cosmiques et avant-gardistes, dont le grain de folie fait encore aujourd'hui des émules, je pense à Madlib, Seu Jorge, Floating Points, Dj Nuts et Kassin. Non seulement fin rythmicien mais aussi mélodiste affirmé et auteur/compositeur bien plus apprécié en Europe que dans son Brésil natal, il n'a jamais étudié le solfège, il créait pourtant du son à partir de tout et de rien.
Loin d'être ce genre d'artiste visionnaire vivant à l'écart du monde, Pedro 'Sorongo' Dos Santos était très actif sur scène et en studio, il s'est d'ailleurs illustré aux côtés des plus grandes stars de la scène brésilienne des années 60 et 70 comme Clara Nunes, Meireles, Maria Bethania, Paolinho Da Viola, Gilberto Gil, Baden Powell, etArthur Verocai...
Produits par Hélcio Milito, batteur du fameux Tamba Trio et arrangés par Joppa Lins, les 12 titres de Krishnanda sont le lègue qu'il nous a transmis et que les têtes chercheuses du label Mr Bongo sont aller nous débusquer. Une réédition essentielle!
Une très belle découverte que ce premier opus paru en juillet 2016 du percussionniste, batteur et producteur américain Sarathy Korwar. D'origine indienne, il est issu de la communauté Sidi, descendante de populations d'Afrique de l'Est déplacées majoritairement entre le XV° et le XVII° siècle. Aujourd'hui installé à Londres avec une solide formation à la programmation et aux tablas - acquise auprès des maîtres Shri Rajeev Devasthali et Pandit Sanju Sahai - il ambitionne de marier ses 2 cultures, adaptant sa technique à la batterie occidentale: folklore indien, jazz et musique électronique communiquent ainsi dans un langage sophistiqué, élégant et poétique.
Imaginé pendant un périple dans la région rurale de Gujarat, suivi de séances aux Studios Dawn à Pune, Day To Day a été réalisé à partir d'enregistrements captés auprès de La Troupe Sidi de Ratanpur. Cette dernière dispose de cinq batteurs dont les polyrythmies reflètent son héritage africain, contrairement aux batteurs indiens traditionnels qui jouent à l’unisson. Leurs tours de chants hypnotiques (mélange de traditions bantu, gnawa et soufi) et leurs percussions répétitives constituent ainsi la substance, la matière première du disque que l'artiste enrichie ensuite de sonorités plus occidentales, glanées auprès des recherches free et cosmic jazz d'Alice Coltrane, de sessions avec la nouvelle scène jazz londonienne et nourries de rencontres musicales décisives, Karl Berger et Ingrid Sertso, Cara Stacey (Kit Records) ou encore Arun Gosh.
A la batterie, aux tablas et à la programmation, Sarathy s'entoure pour l'occasion du précieux saxophoniste Shabaka Hutchings (Sons of Kemet), du claviériste Al Mac Sween, des italiens Giuliano Modareli à la guitare et Domenico Angarano à la basse. Ensemble ils élaborent de sublimes textures sonores tantôt ambient ("Eyes Closed") et chill ("Dreaming"), tantôt jazz-rock ("Bhajan", "Indefinite Leave to Remain") aux accents free ("Mawra"), afro ("Bismillah"), astral ("Hail"), psychédéliques et organiques ("Lost Parade").
Un voyage initiatique au départ de l'Inde et à destination de l'Afrique, avec escales aux Etats-Unis et en Europe.
A noter que le projet est le fruit d'une collaboration entre le label Ninja Tune et la Fondation Steve Reid parrainée par Gilles Peterson, Four Tet, Floating Points, Emanative et Koreless.
The Paradise Bangkok Molan International Band - Planet Lam (Paradise Bangkok/Studio Lam)
Ayant publié son premier album 21st Century Molam en Décembre 2014, le projet thaïlandais The Paradise Bangkok Molan International Band est né sous l'impulsion des mythiques Dj Sessions du label Paradise Bangkok créé en 2009 par Dj Maft Sai et le digger britannique Chris Menist. Il s'agissait de mixer les sonorités traditionnelles et rurales du molam (qui se traduit par "expert du chant ou de la danse") issues du Nord-Est de la Thaïlande à descultures musicales plus urbaines, définitivement tournées vers le futur.
Le groupe sortira le 21 Octobre prochain son second opus baptisé Planet Lam. Composé des maîtres du molam, Kammao Perdtanon au Phin (flûte thaïlandaise) et le septuagénaire Sawai Kaewsombat au Khaen (une sorte d'harmonica en bambou), l'orchestre est renforcépar une solide section rythmique formée par le bassiste Piyanart Jotikasthira, le batteur Phusana Treeburut et le fameux Chris Menist qui troque ici sa casquette de patron de label, ses platines et ses vinyles, pour des percussions.
Ensemble ils délivrent un son singulier aux reflets psychédéliques et vintage, gorgé d'un groove festif et punchy, une immersion dans le son de Siam.
A noter, que Damon Albarn a fait leur première partie lors d'un passage à Berlin à l'occasion d'une de leurs tournées...
Nous parlons régulièrement de la diva Harleighblu depuis la sortie de son Forget Me Not en 2013 et son fameux single Sittin' By The Window, récemment nous explorions ses 3 EPs Futurespectiveparu chez Tru Thoughts... Elle nous offrira début Novembre une nouvelle actualité baptisée Amorine, fruit de sa collaboration avec le duo de producteurs basé à Los Angeles Starkiller, amateur de Blaxploitation et proche du célèbre prodige Adrian Younge qui devait initialement conduire le projet.
Pensé comme la bande originale d'un film de science fiction inspiré par les univers du tandem Jodorowsky/Moebius et de George Lucas, le disque allie le timbre de voix profondément soul de la chanteuse à des ambiances retro tendances psychédéliques, aux sonorités futuristes empruntes de rythmiques hip-hop et d'atmosphères trip hop.
Inquiétants voire parfois oppressants, les 11 titres de ce concept album étaient précédés par la sortie en aout dernier du 1er single "Killing My Heart", sombre et vintage mais définitivement expérimental.
Une nouvelle aventure pour cette étoile montante de la soul anglaise, un voyage troublant dans un conte d'anticipation narrant l'histoire d'amour malheureuse d'un couple improbable.
Speed Caravan - Big Blue Desert (World Village/Harmonia Mundi)
Le oud hero algérien Mehdi Haddab nous présente le dernier opus de son projet jazz-rock mâtiné de worldSpeed Caravan, intitulé Big Blue Desert. Conçu et enregistré à Dakar en compagnie d'artistes emblématiques du cru et des alentours, Abulaye Lo (batteur de Youssou N'dour), Khadim M'Baye et Alioune Seck (respectivement percussionnistes de Cheick Lô et Omar Pène), ses fidèles acolytes Pasco à la basse et Skander Besbes aux claviers/guitare, sans oublier Julien Perraudeau (Rhodes, synthés et piano), le disque mêle avec frénésie et jubilation mbalax sénégalais et heavy metal, grooves afro et rock psyché, sonorités orientales et funk. Armé de son oud électrique, ses riffs fulgurantset abrasifs font échos à ceux de Jimi Hendrix ou Frank Zappa, tandis que les atmosphères qu'il élabore rappellent ici celles d'AC/DC ou de Led Zeppelin et là de Queens Of Stone Age ou King Crimson. On notera la participation de la chanteuse franco-marocaine Hindi Zahra dans l'hypnotique "Desert Trip" et du chanteur Pape Diouf dans le sombre et tourmenté "The Warriors".
Tamer Abu
Ghazaleh – Thulth (Mostakell/Differ-ant)
Artiste complet et engagé, sans doute le plus doué de sa
génération et pour certains considéré comme le plus novateur d'un monde arabe moderne,
le palestinien Tamer Abu Ghazaleh nous
présente son troisième opus intitulé Thulth.
Né au Caire, il étudie le oud, le buzuq, la musicologie, la composition,
l'orchestration et la performance à Ramallah sous la houlette de l'immense Khaled Jubran.
Le chanteur, multi-instrumentiste crée en 2008 une
plate-forme créative dédiée à la nouvelle scène indépendante du monde arabe
nommée eka3, promouvant autant des
artistes issus du rock que de la musique électronique ou instrumentale plus
traditionnelle. Outre le label Mostakell,
il fonde dans la foulée une agence de booking et de licence, puis un magazine
de musique. En découle ce dernier album qu'il imagine comme une compilation de ces 8 années d'échanges
et de collaborations.
Au chant, aux chœurs, au oud et aux effets, il est entouré du batteurKhyam Allami, du claviériste Shadi El-Hosseiny, du bassiste Mahmoud
Waly et du percussionniste Khaled
Yassine. Ensemble ils élaborent de riches textures sonores, complexes et hypnotiques
lorgnant souvent sur le rock et
mêlant habilement sonorités
moyen-orientales et FXs. La formation alterne temps calmes aux ambiances douces
voire radieuses et moments de fureur, de brutalité et de frénésie. A l'image du
titre "Takhabot" où humour et
légèreté (avec un clin d'œil à la panthère rose) se heurtent soudainement à un mur
de son rageur et frénétique, les prouesses vocales de Tamer se montrent pour le moins vertigineuses ("Namla").
Loin, très loin de l'image d'Epinal convenue et exotique que
l'on se fait du Brésil, la formation Meta
Meta représente la nouvelle scène bouillonnante et engagée de Sao Paulo. Si
son inspiration est puisée dans les traditions
afro-brésiliennes, elle se nourrit surtout de la crise politique et sociale
qui ronge actuellement un pays désinformé, où haine raciale, injustice et
inégalité sèment le trouble. Il en résulte alors une fusion étrange faite de psychédélisme, d'avant-gardisme, de chants
incantatoires, d'improvisations et d'harmonies rugueuses. La chanteuse Juçara Marçal, le guitariste Kiki Dinucci et le saxophoniste Thiago França nous présente aujourd'hui
leur 3ième album intitulé MM3.
Entourés du bassiste Marcelo Cabral
et du batteur Sergio Machado, ils bousculent
une nouvelle fois les codes en explorant pour l'occasion des contrées plus
sombres qu'à l'accoutumé, dominées par des sonorités graves, urgentes, corrosives
et saturées, où le langage réaliste et
urbain s'articule autour du jazz, du rock voire du punk, alimenté de folklores issus du Maghreb ("Oba Kosô"), d'Ethiopie ("Corpo Vão") et du
Mali ("Toque Certeiro").
Graveola – Camaleão Borboleta (Mais Um Discos/Differ-Ant)
Tout récemment le label anglais Mais Um Discos nous présentait le dernier opus de la diva carioca Elza Soares :The Woman At The End Of The World. Pilotée par la tête chercheuse Lewis Robinson, la maison de disque est
devenue en seulement quelques années la vitrine internationale des nouvelles
musiques brésiliennes. Elle publiera le 29 juillet prochain le 3° disque du
sextet post-tropicalisteGraveola intitulé Camaleão Borboleta (Caméléon Papillon).
Composé de 10 titres inédits, autant influencés par le samba-reggae, le folk-rock et le pagode
baiannais que par les sonorités contestatrices
et psychédéliques du Tropicalia
des années 60, il s'appuie évidemment sur les rythmes traditionnels nordestins du
maracatu, du frevo et du ijexa, fusionnant ainsi les folklores du riche
patrimoine brésilien à l'innovation nécessaire de la musique populaire.
La comparaison avec les super groupes des 70's tels que Os Mutantes, Novos Baianos et Doces
Barbaros (formé par les immenses Gal Costa, Maria Bethania, Gilberto Gil et
Caetano Veloso) est évidente. D'ailleurs, afin d'enrichir son penchant pop électrique, Graveola s'est adjoint les services du
producteur Chico Neves (O Rappa, Lenine, Skank) qui l'a
guidé et l'a aidé à évoluer, à se réinventer, à intégrer d'autres univers musicaux
(comme le caméléon adapte sa couleur), pour finalement se métamorphoser (comme
la larve en papillon).
La formation engagée
aborde des thèmes de société brûlants, comme la question des indigènes ou la
dépénalisation des drogues, faisant de ce disque tant au niveau musical
qu'humain, une œuvre pertinente et
généreuse qui reçut l'appui de l'état du Mina Gérais par l'intermédiaire de
son programme Natura Musical (créé
pour valoriser la culture brésilienne).
Le décapant septet soul/funk basé à San Francisco, Con Brio, annonce la sortie de leur premier opus Paradise sur V2 Records. Composé de 12 titres brulants aux sonorités psychédéliques, le disque fait suite à l'EP Kiss The Sun paru l'an dernier. Menée par le jeune chanteur charismatique Zieck McCarter - dont le sex appeal, la puissance vocale et l'énergie peuvent se mesurer à celles d'un Robert Plant, Mickael Jackson ou James Brown -la formation s'est rapprochée du producteur légendaire David Caldato (Seu Jorge, Beastie Boys, Beck...). Ensemble ils nous proposent un cocktail explosif et euphorique habité d'une sensualité à toute épreuve. Salué par Meshell Ndégéocello ou Trombone Shorty, Con Briodépoussière un genre trop souvent teinté de reflets vintages,interprétant des textes engagés louant la révolution et rejetant l'injustice et les pressions sociales.
Ca joue dure, ça chante fort, ça groove diablement mais lorsque la fougue du funk cède sa place à la profondeur de la soul, on obtient des ballades étourdissantes comme "My Love", "Honey" ou encore "Paradise Outro", d'où semble surgir le spectre de Marvin Gaye. Naturellement on pense aux immenses D'Angelo et Maxwell (notamment dans "Can't Get Enough"), mais l'alchimie du groupe est belle et bien singulière, portée par les chœurs de Kelly McFarling et Lady Chi, les guitares de l'excellent Benjamin Andrews, les cuivres de Brendan Liu et Marcus Stephens, les claviers de Patrick Glynn, les lignes de basse de Jonathan Kirchner et la batterie d'Andrew Laubacher.
Family
Atlantica - Cosmic Unity (Soundway Records)
Originaire de Londres, la formation ethno jazz/funk Family Atlantica nous présente chez Soundway Records son second opus
baptisé Cosmic Unity. Remarqué par
les Djs Gilles Peterson et Hugo Mendez lors de la parution d'un
premier album éponyme en 2013, le groupe allie la voix puissante et racée de la chanteuse traditionnelle vénézuélienne
Luzmira Zerpa (adoubée par Manu Chao) et les arrangements afro/tropico cosmiques de son compagnon, le producteur
multi-instrumentiste Jack Yglesias
(bongos, flûte,...).
Membre du fameux The
Heliocentrics, qui a notamment collaboré avec le maître Mulatu Astaké dans Inspiration Information en 2009, Jack est passé par l'excellent Quantic
Live Band de Will Holland avant
de se concentrer sur ce projet transatlantique réunissant autour de la diva le
percussionniste nigérian Kwame
"Natural Power" Crentsil et le guitariste Adrian Owusu.
Renforcée par une section cuivre explosive, composée du
saxophoniste alto Marshall Allen (leader
du Sun Ra Arkestra affichant tout de
même 91 printemps au compteur) et du saxophoniste ténor Orlando Julius (jeune nigérian septuagénaire, pionnier de l'afrobeat), la Family Atlantica affiche un tas d'influences, empruntant autant au highlifeghanéen qu'à la tradition nordestine du baiao brésilien, en passant par le blues éthiopien, le steel
drum caribéen, la rumba cubaine,
le calypso, le jazz fusion ou la tornada et
le tambor vénézuéliens… Le tout
baignant dans une mixture épicée parcourue de sonorités psychédéliquesintergalactiques.
Une diversité qui se reflète dans les textes engagés que Luzmira interprète en anglais, yoruba, espagnol et portugais.
Idris
Ackamoor & The Pyramids – We Be All Africans (Strut Records/Differ-Ant)
Pulsations afro, sophistication jazz, magie funk et reflets psychédéliques ont fait bon ménage aux USA et en Afrique dans
les années 70, puis le filon s'est tari peu à peu… Devenus rares et collectors,
ces projets gravés sur vinyle et influencés par les travaux de quelques gourous
tels que JamesBrown, George Clinton, Sly Stone pour le funk et Sun Ra, Alice Coltrane ou Pharoah Sanders pour le jazz/fusion,
s'échangent aujourd'hui à prix d'or. Autour de cet engouement toujours
croissant pour ces sonorités vintages
dont le Ghana, le Nigeria, le Congo ou le Sénégal ont été de grands pourvoyeurs,
les maisons de disques se sont mises à rechercher ces trésors oubliés, rééditant
des perles disparues ou participant à la reformation d'anciens groupes
mythiques.
Strut Records
s'est ainsi rapproché du groupe légendaire The
Pyramids, fondé dans l'Ohio en 1972 et affiné à Paris sous l'impulsion de son
leader charismatique et mystique, Idris
Ackamoor. Héritier d'une lignée de musiciens nés au Etats-Unis mais ayant
effectué un retour aux sources dans le berceau de l'humanité, le saxophoniste
multi-instrumentiste accompagné de ses acolytes Margo Simmons à la flûte et Kimathi
Asante à la basse, a bâtit une musique
spirituelle, consciente et militante aux accents afrobeat, P-funk, free, éthio et cosmic jazz.
Séparés en 1977 après avoir sorti 3 albums emblématiques et
avant-gardistes qui succédèrent à leur voyage initiatique en Afrique (Lalibela en 1973, King Of Kings en 1974 et Birth/Speed/Merging
en 1976), The Pyramids reprennent du
service en 2010 et publient en 2012 Otherwordly. Gilles Peterson salue alors l'ensemble
de leur œuvre en décernant à Idris
un Lifetime Achievement Award lors
de sa fameuse cérémonie annuelle des Worldwide
Awards.
Le 27 Mai prochain paraîtra We Be All Africans, dernier opus de ces légendes de l'afro jazz/funk, enregistré à l'ancienne
au Studio Philophon de Berlin avec
la collaboration du batteur Max
Weissenfeldt. Grâce à ce dernier les musiciens se plient au son analogique, à sa chaleur et à son
grain… On y retrouve la tendance astrale
et psychédélique de leurs débuts, comme s'ils reprenaient les choses là où
ils les avaient laissées il y a 40 ans, avec la même énergie, la même fougue et
un désir d'aventure et de partage toujours omniprésent. On notera la présence
solaire de la chanteuse indienne Bajka
dans le mélancolique "Silent
Days", single à venir très bientôt!
‘We
Be All Africans’ is a message of survival. A message of renewal. A message that
we are all brothers and sisters. We are all one family, the human family and we
need one another in order to survive on this planet that we all share. Idris
Ackamoor
Les têtes chercheuses du label anglais Mr Bongo sont allées nous débusquer une oeuvre magistrale et pourtant quasiment disparue des écrans radars d'Arthur Verocai, multi-instrumentiste, compositeur et arrangeur brésilien originaire de Rio de Janeiro, qui s'est notamment illustré aux côtés des divas Maria Creuza, Gal Costa ou Ellis Regina.
Souvent comparé à Tim Maia et Jorge Ben, le chef d'orchestre méconnu publiait en 1972 son album éponyme de 10 titres, où la fusion des genres folk, classique, jazz, samba, funk, bossa nova (Tom Jobim), soul et tropicalisme dénotait un esprit d'aventure d'une grande sophistication.
Osant même bousculer les codes de l'époque en explorant les sonorités électroniques et psychédéliques ("Karina"), Arthur a su éviter la censure militaire en employant un style d'écriture imagée:
Si les ambiances soul/funk 70's étasuniennes transparaissent dans "Presente Grego", c'est en effet pour mieux critiquer le pouvoir en place et ses fausses apparences, il fait allusion à l'épisode du Cheval de Troie et du piège tendu aux troyens par les grecs.
S'inspirant autant d'artistes nord-américains tels Shuggie Otis, David Axelrod et Charles Stepney ou Miles Davis, Bill Evans, Oscar Peterson et Herbie Hancock que de ses compatriotes précurseurs comme H. Villa Lobos, Milton Nascimento et Tom Jobim, il avait déjà imposé sa marque par le passé en arrangeant les cordes pour Jorge Ben ou en produisant Agora d'Ivan Lins (1971) et 2 albums pour Célia (chanteuse d'ailleurs présente dans son projet). Sa réussite fut telle que Continental lui offrit la possibilité d'enregistrer ses propres compositions, défi qu'il accepta en imposant le choix de ses musiciens. Au casting figurent donc12 violonistes, 4 altos et 4 violoncelles, des percussionnistes, batteurs, guitaristes, bassistes, trompettistes, flutistes et claviéristes... On y croise entre autres les pointures Pedro Santos (percussions) Toninho Horta (guitare), Edson Maciel etPaulo Moura (saxophone) ou Pascoal Meireles (batterie)... sans oublier les chanteurs Carlos Dafe et Oberdan.
Bien que l'opus soit court, une trentaine de minutes à peine, Arthur Verocai a su traduire le large spectre musical qui inondait le Brésil à l'époque, il témoigne ainsi d'une effervescence féconde, qui prend ici des allures de bande-sonorchestrale psych-funk. La musique de film l'ayant toujours attiré, c'est pour son travail à la télévision qu'il sera finalement récompensé avec entre autres les musiques pour les pubs de Brahma, Fanta ou Petrobra's.
Le disque, dont une version originale peut se vendre autour des 2000$, a été échantillonné par les piliers de la scène hip-hop US dont MF Doom, Ludacris & Common, Little Brother ou encore Action Bronson. L'immense Madlib déclare même à son sujet "I could listen to the album everyday for the rest of my life"!
Elza Soares
- The Woman At The End Of The World (Mais Um Discos/Differ-Ant)
A presque 80 ans l'icône carioca Elza Soares n'en finit pas de nous surprendre, se réinventant sans
cesse et abordant des problématiques brûlantes d'un Brésil bien éloigné des
clichés. Masquant les outrages du temps par multe interventions esthétiques et
sous une épaisse couche de fond de teint, la diva aux sept vies publie son 34ième
album studio intitulé The Woman At The
End Of The World (A Mulher Do Fim Do Mundo), composé de 11 morceaux
inédits… Une première pour l'artiste !
Représentante d'un
nouveau genre musical baptisé dirty
samba ou samba sujo issu de la scène avant-gardiste paoliste, Elza nous dépeint sur fond d'histoires
sordides le portrait renversant d'un pays abusé et excessif, où racisme, sexe,
drogue et violence côtoient l'image d'Epinal du Carnaval et des plages de Rio.
Celle qui fut la protégée de Louis Armstrong dans les années
50, l'épouse de la légende du foot Garrincha
et qui partagea la scène de Chico Buarque, Caetano Veloso et autres
Gilberto Gil, a toujours voulu innover
sa samba l'associant au jazz, à la soul, au hip-hop, au funk ou à la musique
électronique. C'est avec le free
jazz et le rock que l'octogénaireà l'énergiepunk décide
aujourd'hui de fricoter, dans un disque
dur et éraillé où la MPB (musica
popular brasileira) est largement mise à mal. Le batteur/percussionniste Guilherme Kastrup en est le maître d'œuvre,
conviant aux côtés de la chanteuse les auteurs, musiciens et compositeurs de
SP: Kiko Dinucci, Rodrigo Campos, Felipe Roseno, Marcelo Cabral, Thiago
França, Douglas Germano, Clima, Celso Sim et Romulo Froes…
Sa voix rauque et
vibrante dans l'ouverture en acapella "Coraçao
Do Mar" (poéme d'Oswald de
Andrade, auteur moderniste du célèbre Manifeste Anthropophage), nous fait
calmement glisser vers la sublime samba
triste "A Mulher Do Fim Do Mundo"
où accents électro et guitares saturées
nous annoncent d'emblée une musique grave et pesante, exprimant douleur, désespoir et colère…
Les cordes viennent rajouter une touche de lyrisme hypnotique et terriblement
captivant à un titre qui demeure plutôt soft au regard de ce qui suit.
En effet tout se gâte à partir de "Maria Da Vila Matilde", la samba devient bruyante (samba
esquema noise), une chape de plomb s'abat sur l'auditeur avec cette chanson
sombre et corrosive où Elza incarne une
femme battue (du vécu?)
avertissant son ex-compagnon de ne plus l'approcher sinon "você vai se
arrepender de levantar a mao pra mim" (tu
vas regretter d'avoir levé la main sur moi).
"Luz
Vermelha" et sa mélodie
dissonante aux reflets psychédéliques nous livre ensuite une réflexion
pessimiste et effrayante sur le monde…
Le très explicite "Pra
Fuder" ("pour baiser")
et son air desamba afro-punkendiablé
exprime le désir sexuel incandescent et sauvage d'une femme prédatrice…
L'instrumentation y est dominée par les cuivres acides de Bixiga 70.
"Benedita"
raconte l'histoire d'un transsexuel drogué accablé par les violences sociales,
violences illustrées par la distorsion des guitares tranchantes…
La moiteur du Shrine transparaît ensuite dans l'afrobeat de "Firmeza?!", qu'elle interprète en duo avec Rodrigo. Les cuivres funky rappellent bien sûr ceux de Fela Kuti…
Le tango désarticulé
et chancelant"Dança" est
post mortem, narré par une disparue qui, même réduite en poussière, veut
danser…
Dans la ballade maritime "O
Canal" est cité Alexandre Le Grand, veillant sur la construction d'un passage
près de la mer Egée et réprimant ses sujets par cupidité et désir de grandeur…
Un écho à la dictature militaire au Brésil?
Le tendre "Solto"
est l'unique titre de l'opus dans lequel il n'y a pas de perturbation sonore ni
d'agression verbale, l'orchestration y est composée d'arpèges de guitare et d'un
quatuor à cordes formant un doux écrin à la voix apaisée d'Elza, qui ne crie plus mais murmure un texte demeurant tout de même
noir et triste, faisant sans doute écho à sa liaison avec l'amour de sa vie.
En clôture de ce qui semble être le meilleur album brésilien de l'année 2015 (Rolling Stone Brazil), Elza se retrouve à nouveau seule , nous offrant un second acapella touchant, surgi d'une nappe électronique cacophonique et angoissante. "Comigo" est un hommage à la mère, qui malgré sa disparition reste présente auprès de ses enfants... Des mots qui résonnent de façon particulière pour la diva qui perdit un fils quelques mois avant le lancement du disque fin 2015.
Bien que les textes soient écrits par d'autres, l'artiste se les approprie et se raconte san jouer la comédie...
Nous délivrant un son
puissant et abrasif aux sonorités
tropicalistes psychédéliques issues des influences de la scène punk/rock, free jazz, voodoo funk, cumbia et métal, le trio détonnant Fumaça
Preta nous lâche son second opus aux reflets
caribéens et brésiliens intitulé Impuros
Fanaticos. Basé à Amsterdam, la formation rassemble autour de son leader,
le portugais d'origine vénézuélienne, Alex
Figueira (batterie/percussions, chant) le bassiste James Porch et le guitariste/claviériste Stuart Carter, tous deux anglais de Brighton. Sombre et théâtral, ce deuxième disque a pris forme lors de
sessions d'enregistrement dans des lieux plutôt insolites, une usine abandonnée
du désert espagnol, un bled pommé à frontière brésilienne et une base militaire
désaffectée de la République Tchèque. Entre les moments de transes narcotiques
("Migajas" et "Morrer de Amor") et de trip sonique expérimental saturé ("Ressaca Da Gloria", "La Trampa"), Fumaça
Preta explore sans retenue les contrées sauvages et enfumées du rock mutant pauliste des années 70 et 80,
nous faisant renifler sa mixture nauséabonde où baignent les viscères fraîchement
dégluties du chanteur et des restes d'une guitare fracassée sur le béton!