jeudi 24 décembre 2015

Defected Presents House Masters Heller & Farley (Defected Records)


Defected Presents House Masters Heller & Farley (Defected Records)

Le label londonien Defected nous présente dans sa prestigieuse série House Masters, qui souligne la carrière de piliers de la scène électronique underground (Fankie Knuckles, Masters At Work, Dennis Ferrer ou encore Joey Negro) une rétrospective couvrant l'ensemble de l'œuvre d'un duo emblématique de la scène house anglaise, Heller & Farley. En effet les producteurs Pete Heller et Terry Farley, véritables légendes vivantes depuis leurs débuts dans les 90's se voient offrir une belle célébration de leur contribution à l'évolution d'un genre musical qui ne cesse de faire des émules. Composée de 30 morceaux choisis, la compilation rassemble leurs meilleures productions et remixes écoulés sur les plus exigeants dancefloors depuis près de 25 ans, de l'Amnesia à l'Hacienda en passant par le cultissine Ministry Of Sound.  

On notera bien sûr leur excellent rework du classique How Long d'Ultra Naté, mais aussi leur reprise up tempo et soulful de I Don't Want To Sess Myself (Without You) de Terry Callier. La liste des artistes que le tandem a remixés est longue et extrêmement hétéroclite, U2, GusGus, Simply Red et New Order figurent au même titre que les DJs précurseurs Robert Owens, Junior Vasquez ou Danny Tenaglia.

Un bel hommage!

Myrddin – Rosa de Papel (Zephyrus/L'Autre Distribution)


Myrddin – Rosa de Papel (Zephyrus/L'Autre Distribution)

Parti pour devenir clarinettiste de swing manouche, le musicien belge Myrddin de Cauter s'oriente à l'adolescence vers les sonorités ibériques du flamenco et devient finalement guitariste… Et quel guitariste? Inspiré et virtuose, il bâtit un langage musical singulier, forgé dans la tradition andalouse et alimenté de sonorités jazz bien sûr mais aussi glanées dans le répertoire de la musique classique. Il publie aujourd'hui son 5° opus intitulé Rosa de Papel et s'entoure pour l'occasion d'artistes d'exception comme le bassiste cubain Alain Perez (Paco de Lucia, Jerry Gonzalez), le pianiste prodige Jef Neve (José James, Gabriel Rios…), le saxophoniste américain Michael Campagna (Charlie Haden, Randy Brecker) et le percussionniste espagnole Manu Masaedo. Invitant son père Koen à chanter sur Mi Corazon Es Como Una Flor ainsi que les chanteuses flamencas La Susi sur le torride Deseo et Alicia Carrasco sur le sensuel Aire De Nocturno, Myrddin fait aussi appel aux charmes de l'envoutante danseuse Ana Llanes sur un titre éponyme captivant et enivrant qui symbolise à merveille l'optique résolument contemporaine vers laquelle le leader oriente son flamenco, gorgé ici d'un groove contagieux dompté par des lignes de basse massives et jouissives d'un Alain Perez remarquable.
A noter que Myrddin a composé tous les titres de l'album mis à part les deux hommages à Georges Brassens, Deseo et Trompeteas de la Fama, ainsi que Segundo Amor, écrit par Jef Neve. Il empreinte à trois reprises les mots du dramaturge Frederico Garcia Llorca dans Rosa de Papel, Aire de Nocturno et Deseo.

mercredi 23 décembre 2015

Henri Texier – Sky Dancers (Label Bleu/L'Autre Distribution)


Henri Texier – Sky Dancers (Label Bleu/L'Autre Distribution)

L'immense contrebassiste français Henri Texier nous présente son nouveau projet qu'il dédie aux peuples Amérindiens, intitulé Sky Dancers (nom que se donnent ces ouvriers de l'impossible qui réalisent les travaux acrobatiques lors de l'édification des gratte-ciels). On se souvient qu'il y a 25 ans il abordait déjà ce thème avec son Azur Quartet et l'album An Indian's Week. Aujourd'hui entouré de ses fidèles acolytes du Hope Quartet, le batteur Louis Moutin, les saxophonistes François Corneloup et Sébastien Texier (fils de …), le septuagénaire invite pour la première fois deux musiciens désormais incontournables de la scène jazz hexagonale, le tout jeune pianiste au touché délicat Armel Dupas (qui vient de publier son très réussi Upriver) et le guitariste éclectique aux accents électriques puissants, Nguyên Lê.

Lui qui a joué avec les plus grands artistes américains de Bill Coleman à Chet Baker en passant par Donald Byrd, Dexter Gordon et Bud Powell, n'a eu de cesse au cours de sa longue carrière de se renouveler. S'imprégnant du free jazz et du bebop outre atlantiques, il contribue pour beaucoup à l'évolution du jazz en Europe dans les années 70 et 80, développant un goût particulier pour l'exploration des sonorités world. Le trio emblématique qu'il forme avec le batteur Aldo Romano et le clarinettiste Louis Sclavis le mènera par exemple à 3 reprises sur les sentiers d'une Afrique vue par le photographe Guy Le Querrec et ses racines bretonnes le rapprocheront des musiques celtiques.

Ce Sky Dancers sextet nous invite à découvrir 9 compositions imaginées pour les festivals Europa Jazz du Mans, Jazz sous les Pommiers à Coutances et Rencontres de l'Erdre à Nantes, qu'Henri a pensé en hommage aux peuples de la terre Mapuche (originaire du Chili et d'Argentine) et de la paix Hopi (issu d'Amérique du Nord), aux indiens des plaines Dakota Mab, à la nation Comanche et aux célèbres Navajo (Navajo Dream). Forcément engagé contre le traitement réservé à ces minorités, l'imposant Texier oppose à l'indifférence générale des Etats concernés son jazz citoyen inspiré et massif, à l'élégance classique, au groove contagieux et arborant parfois des reflets fusion punchy, notamment servis par un Nguyên Lê électrisant qui brille de mille feu et qui s'intègre à merveille dans cette nouvelle formation détonante.

Installé sur les excellentes assises rythmiques de Louis (jumeau du contrebassiste François avec qui il forme le Moutin Réunion Quartet), Armel nous montre ici un autre aspect de son talent, imposant une sensibilité armée d'un swing époustouflant et vigoureux au piano comme aux claviers (il excelle dans le redoutable Dakota Mab, véritable petit bijou). Le tandem Texier fils et Corneloup accordent leurs saxophones alto et baryton sur des mélodies captivantes comme dans He Was Just Shinning, dédié à Paul Motian, assènent des "souffles de poing" dans le très énergique Mapuche ou créent une nappe vaporeuse dans le touchant Paco Atao adressé au percussionniste caribéen disparu, Paco Charlery.

Comme à son habitude, le chef de tribu généreux et passionné Henri Texier convoque la fine fleure du jazz et la laisse s'épanouir et se nourrir de ses notes afin d'accéder à de nouveaux espaces musicaux.



Ci dessous en live dans une formule sans pianiste

mardi 22 décembre 2015

Adrian Younge – Something About April II (Linear Labs)


Adrian Younge – Something About April II (Linear Labs)

Celui qui considère que l'on ne produit plus de vraie Soul depuis 1973 nous propose son somptueux Something About April II, second volet d'un dytique entamé en 2011 et qui poursuit les expérimentations analogiques d'un invétéré du magnétophone et des enregistrements à l'ancienne.

Le multi-instrumentiste, producteur et compositeur californien Adrian Younge se dresse en apôtre de la black music, dernier gardien et héritier du temple de la soul psychédélique et du funk des années 60 et 70. Ses débuts dans le rap en 1996 l'ont vite conduit au constat que les boucles et boites à rythmes étaient trop restrictives et que la pratique d'un ou de plusieurs instruments prévalait largement sur celle du sample. Impressionné par la manière dont les légendes vivantes façonnent le hip-hop de la fin des années 80 et du début des années 90, il s'intéresse aux sources de leurs productions et se plonge alors dans les sonorités racées issues du prestigieux catalogue de Stax, dans celles plus édulcorées de la Motown ou encore dans celles des formations emblématiques de l'époque, telles que le trio de Philadelphie The Delfonics. Toujours à la recherche du son idéal, il s'abreuve de toutes sortes de musiques, des œuvres d'Ennio Morricone au trip-hop de Portishead en passant bien sûr par Gangstarr et Curtis Mayfield mais aussi The Beatles et Air.

Ses talents de dénicheur de pépites et de musicien old school nostalgique séduisent d'emblée Ghostface Killah avec qui il va collaborer à plusieurs reprises, à l'instar des immenses Common, Ali Shaheed Muhammad ou Timbaland. Lui qui échantillonnait ses groupes fétiches se retrouve à son tour sollicité par la crème des rappeurs ou invité à leurs côtés, sur scène, comme avec le Wu Tang Clan le 05 juillet dernier au Zénith de Paris.

Depuis son premier effort édité qu'à 1000 exemplaires en 2000 et nommé Venice Dawn (fortement influencé par la musique des films italiens), Adrian réalisa en 2009 la bande originale de Black Dynamite aux accents Blaxploitation et signa nombre d'albums marquants notamment ceux de Bilal, Souls Of Mischief, William Hart (The Delfonics), Jay Z ou encore  Dj Premier.

Contrairement aux artistes de l'écurie Daptone, il ne veut pas refaire de la musique d'autrefois, mais juste utiliser son grain si particulier et le faire sonner dans des compositions très actuelles: "Je ne suis pas là pour faire de la musique de musée".

Dans son Something About April II enregistré avec sa collection d'instruments rares et vintage, le producteur de 37 ans basé à Los Angeles rapproche comme personne les univers sonores 60's de la dark soul américaine et du cinéma classique européen, le tout dans une épopée musicale raffinée et sophistiquée où brillent les voix soul de Raphael Saadiq (Magic Music), Loren Oden (Sandrine, Sittin By The Radio), Karolina (Winter Is Here, Hear My Love) ou encore de Laeticia Sadier et Bilal, qui interprètent en duo Step Beyond et La Ballade, allusion à peine voilée au couple sulfureux Gainsbourg et Birkin. L'artwork du disque, figurant deux jeunes femmes nues (l'une noire et l'autre blanche) s'enlaçant avec tendresse, fait immanquablement penser aux fameuses jaquettes d'Ohio Players, belles, subjectives et sensuelles, magnifiant la beauté afro.

La rétro-soul psyché-cinématique d'Adrian Younge impose le respect et place cet esthète du son parmi les plus talentueux artisans musicaux de sa génération.



vendredi 18 décembre 2015

Linx, Fresu, Wissels/Heartland - The Whistleblowers (Bonsaï Music/Harmonia Mundi)


Linx, Fresu, Wissels/Heartland - The Whistleblowers (Bonsaï Music/Harmonia Mundi)

Le délicieux The Whistleblowers succède au premier opus Heartland publié voilà plus de 15 ans et dirigé par 3 étoiles du jazz européen, le tandem David Linx (incontournable crooner belge) et son vieil ami le pianiste néerlandais Diederick Wissels, accompagné du délicat trompettiste italien Paolo Fresu.

Le projet édité par Bonsaï Music et coproduit par Fresu déborde d'élégance et d'émotion, il est écrit à six mains complices et pensé sur une même longueur d'onde. Son répertoire est constitué de 12 ballades originales (dont un hommage vibrant au trompettiste Kenny Wheeler, disparu en 2014) et d'une reprise d'un classique de la chanson italienne Le Tue Mani. L'un des chanteurs les plus emblématiques de la scène jazz vocal de ces 20 dernières années signe tous les textes et partage la composition avec ses deux acolytes.

Les mélodies souvent aériennes y sont touchantes et envoutantes, elles dégagent toutes une alchimie rythmée au fil des lignes voluptueuses du bassiste français Christophe Wallemme par les pulsations délicates du batteur norvégien Helge Andreas Norbakken. Le groove étincelant palpable dans des titres comme Contradiction Takes Its Place – Part 2 alterne avec la lenteur sensuelle de bijoux tels que This Dwelling Place, ils animent des textes parlant d'amour, d'amitié et du temps qui passe. Cette fluidité est le fruit d'une entente parfaite et d'un plaisir non boudé de jouer ensemble. Le souffle du trompettiste nous enivre comme à l'accoutumé tandis que les accompagnements essentiels et évidents de Diederick offrent un écrin subtil à la voix de David qui va et vient des aigus aux graves avec une aisance et une classe impressionnante.

Le quintet est agrémenté d'un quartet à cordes classique nommé Quartetto Alborado, ses interventions discrètes et mesurées place définitivement The Whistleblowers parmi les plus beaux disques classic jazz de cette fin d'année 2015 troublée.

mercredi 16 décembre 2015

Franck Vigroux – Radioland : Radio-Activity Revisited (The Leaf Label/Differ-Ant)


Franck Vigroux – Radioland : Radio-Activity Revisited (The Leaf Label/Differ-Ant)

Célébrant le quarantième anniversaire du 5° album de Kaftwerk intitulé Radio-Activity, le compositeur français Franck Vigroux accompagné du pianiste anglais Matthew Bourne et de l'artiste plasticien du mouvement Antoine Schmitt nous propose Radioland, un projet annoncé comme une relecture audiovisuelle ou "une méditation" en forme d'hommage à l'œuvre des pionniers allemands de la musique électronique, paru originellement en 1975.

Entre bruissements synthétiques, bourdonnements, glitchs (Antenna), craquements, vocoder, échos, réverbes et autres FXs, les trois acolytes réinterprètent les motifs et les mélodies des titres originaux qui magnifiaient un nouvel univers sonore en formation, célébrant les ondes radiophoniques (Radioland, Airwaves, Intermission/News) et la radioactivité (Geiger Counter, Uranium, Radioactivity) dans l'ère post-nucléaire.

La formation déploie pour ce rework tout un arsenal analogique (des familles Korg, Moog et Roland) et une imagerie live (les visuels étant tous codés par Antoine et générés par ses propres programmes). L'atmosphère mélancolique et inquiétante de ce Radio-Activity Revisited frôlant parfois le trip-hop des premières heures, demeure fidèle à sa matrice (The Voice Of Energy), la modernité industrielle et technologique y est toujours illustrée de façon romantique mais cette fois-ci traitée dans "une esthétique jazz" enrichie d'une approche plus contemporaine et malgré notre époque saturée de sonorités électroniques, l'effet Kraftwerk détonne encore de par la clairvoyance de leurs innovations sonores, de leur rigueur percussive et de leurs ritournelles entêtantes.

Enrico Pieranunzi – Proximity (Cam Jazz/Harmonia Mundi)


Enrico Pieranunzi – Proximity (Cam Jazz/Harmonia Mundi)

Après son sublime Double Circle, projet 100% italien paru il y a quelques mois et où il collaborait avec le jeune guitariste trevigiano Federico Casagrande, l'infatigable pianiste romain Enrico Pieranunzi nous revient avec deux actualités à paraître chez Cam Jazz et Intuition. C'est sur le disque publié par le label italien que nous allons nous attarder un petit moment…

A la tête d'un quartet américano-néo-zélandais composé du contrebassiste originaire d'Auckland Matt Penman et des californiens Ralph Alessi à la trompette/cornet/bugle et Donny McCaslin au saxophone ténor/soprano, il présente Proximity. Enregistré à New-York au printemps 2013, c'est un recueil de 8 compositions intimistes et accrocheuses où l'absence de l'assise rythmique d'une batterie ne gâche en rien l'effet que procure son jazz post-bop pur, essentiel et évident. Loin d'être de vouloir mettre ses acolytes en position délicate sans batteur pour marquer la mesure, Enrico en doyen bienveillant et sensible leur ouvre le champ des possibles. Et c'est avec la limpidité et la clarté du jeu des plus grands (on pense bien sûr à Miles Davis et Chet Baker) que Ralph et Donny le suivent, accompagnés des rassurantes 'walking bass' de Matt qui viennent structurer leurs divagations aériennes. Les accords du pianiste offrent un écrin délicat aux improvisations alambiquées de nos deux souffleurs, ensemble ils alternent ballades introspectives (Sundays, Withinn The House Of Night) et conversations passionnées (No-Nonsense, Line For Lee) flirtant avec un jazz classique aux reflets parfois free (Proximity) où le leader se passe même des touches pour marteler directement les cordes de son piano, créant alors une atmosphère dissonante des plus tendues (Five Plus Five).

mardi 15 décembre 2015

Bareto – Impredecible (World Village/Harmonia Mundi)


Bareto – Impredecible (World Village/Harmonia Mundi)

La formation péruvienne Bareto, formée en 2002 à Lima, publie via World Village son sixième opus baptisé Impredecible, sa musique alternative tropicale accède ainsi pour la première fois à une audience internationale. Le disque nous propose, entre autres invités, la participation exceptionnelle de la diva Susana Bacca dans le très chaloupé El Loco, qui arbore des accents acoustiques afro-latins enivrants. Mâtinant les rythmes traditionnels de la cumbia péruvienne (La Voz del Sinchi) de sonorités caribéennes (No Es Para Mi, La Semilla), electronica (dans les intros) ou reggae/dub (Viejita Guarachera), Bareto semble à certains moments vouloir privilégier les ambiances acoustiques (El Impredecible) sans pour autant rompre avec l'influence majeure du rock psychédélique, audible sur les lignes électriques des guitares de Rolo Gollardo et Joaquin Mariategui, les deux compositeurs. Enregistré à Lima et mixé en Colombie, l'accrocheur Impredecible s'apprête à répandre à travers le monde les mélodies tantôt festives et tantôt romantiques de la chicha ou de la cumbia psicodélica, genre urbain apparu dans les 70's et devenu aujourd'hui très populaire au Pérou.
 

lundi 14 décembre 2015

Kandia Kouyaté – Renascence (Syllart Records/Sterns Music)


Kandia Kouyaté – Renascence (Syllart Records/Sterns Music)

La ngara malienne Kandia Kouyaté, grande jelimusolu (griotte) et joueuse de kora émérite, nous présente son nouveau projet intitulé Renascence. Originaire de Kita dans le sud-ouest du Mali, la chanteuse contralto baigne dans la culture mandingue depuis son plus jeune âge. Très tôt, la musique s'impose comme une vocation héréditaire ainsi qu'un moyen non négligeable de subsistance pour elle et sa famille.

Débutant alors sa carrière à Bamako où elle joue dans les cérémonies traditionnelles, sa beauté rayonne et la tessiture de sa voix grave impressionne. Kandia apprend l'art du Jeli et devient rapidement une cantatrice appréciée et adulée des puissants qui l'invitent à se produire aux 4 coins du pays, lors de récitals publics ou privés. Peu encline à enregistrer des disques et jusque là diffusée uniquement sur cassettes, il faudra attendre 1999 et Kita Kan pour apprécier enfin sa voix gravée sur support cd accompagnée, en plus des instruments traditionnels, d'un orchestre à cordes, de guitares électriques et de cuivres. En 2002 paraît son second Biriko, suivi de ses participations au projet commun Mandekalou : The Art And Soul of The Mandé Griots, dirigé par son producteur, le sénégalais Ibrahima Sylla (Ismaël Lô, Salif Keita, Africando…).
Une attaque cérébrale éloigne un temps Kandia dite La Dangereuse (car elle donnait le vertige à ses auditeurs) de la scène mais grâce au fondateur de Syllart Records (disparu en 2013 des suites d'une maladie), la diva retourne en studio pour nous offrir une poignante Renaissance, sa voix y est plus sombre, profonde et vibrante qu'auparavant mais toujours entourée des incontournables koras, ngonis et balafons, des guitares acoustiques et électriques (Djeli Moussa Kouyaté), des djembés et autres calebasses. La guinéenne Hadja Kouyaté assure les chœurs avec Manian Demba et Nanakoul Kouyaté donnant aux chansons une dimension aérienne (Sadjougoulé), François Bréant qui remplace Ibrahima au côté de sa fille Binetou Sylla à la production et aux arrangements, s'occupe quant à lui des claviers. Dans ses 10 titres somptueux qui marquent le come back d'une survivante, Kandia loue la cohésion et la fraternité prônée par sa lignée Kouyaté (Koala Boumba), chante la joie et l'indépendance de son Mali (Mali Ba), rend hommage à ses mécènes (Mongoya Douman, Dakolo) à sa tante (Konoba Doundo) et aux guerriers Peuls (Tié Faring)…

Bref, Renascence est une célébration de la vie et de la famille, un ouvrage dédié à ces traditions séculaires que Kandia, gardienne du temple, entretient et dispense.

jeudi 10 décembre 2015

Hannah Holland Feat. Imma/Mess - Lush EP (Classic Music Compagny)

Hannah Holland Feat. Imma/Mess - Lush EP (Classic Music Compagny)

La Dj britannique Hannah Holland, productrice et patronne de l'exigent label Est-londonien Batty Bass, nous présente son nouvel EP Lush, façonnant comme toujours une house hybride alimentée de sonorités acid, techno et bass music. Composé de deux titres, elle y invite l'artiste performer et drag queen new-yorkais Imma/Mess qui, dans le sombre High Over You pose sa voix sensuelle et lancinante sur des beats minimalistes et brutes de décoffrage où une ligne de basse vrombissante semble surgir des 90's, nous replongeant dans la bonne époque des productions marquées du sceau des légendaires Korg MS20 et autres Electribe. Le titre Lush est bâti du même acabit avec ses reflets house old-school, sa rythmique dépouillée mais puissante, son groove hypnotique et ses quelques nappes et accords de synthé aériens.

A noter que l'EP sort sur l'excellent label de Derrick Carter et Luke Solomon, Classic Music Compagny, un gage de qualité !
Body Bold Feat. Mama (parue le 3 Aout dernier)

mardi 8 décembre 2015

Sofiane Saidi - El Mordjane (Quart de Lune/Rue Stendhal)


Sofiane Saidi - El Mordjane (Quart de Lune/Rue Stendhal)

Le chanteur algérien Sofiane Saidi nous présente son premier opus solo baptisé El Mordjane (Le Corail). Si le raï fait partie intégrante de sa culture musicale depuis ses débuts sur scène à l'âge de 12 ans, l'artiste originaire de Sidi Bel Abbes n'a de cesse de le mâtiner de sonorités urbaines, électroniques et jazzy. Repéré par Natasha Atlas, il collabore avec Tim Whelan de l'incontournable Transglobal Underground, enregistre et joue aux côtés de grands noms de la scène orientale, apparaissant parallèlement auprès de projets aux ambitions bien distinctes comme le groupe breton Startijenn ou la formation aux tendances klezmer, Yoksotot...

El Mordjane marque le renouveau d'un genre qui perça en France à la fin des années 80 grâce aux aînés Cheb Khaled, Cheb Mami et Rachid Taha. S'imprégnant à l'origine des styles rock, pop, funk, reggae et disco, le raï dont Sofiane fait usage est aussi nappé de UK beat aux reflets chill (Kifache Bnadem), électro chaabi (Kallimatte, Bahr El Wsaya), jazz (Al Jazair Black Out) voire trip-hop (Kirani) et psyché blues (Gasbah Ya Moul Taxi). Malgré cette fusion singulière, il demeure profondément ancré dans l'héritage des orchestrations orientales traditionnelles (Mektoub, Taali), où la voix envoûtante, grave et puissante du chanteur s'allie à celle de la diva et complice Natasha Atlas, aux mélodies et aux rythmiques raffinées de ses acolytes Smadj (au oud), Grégoire Florent (aux percussions) et tant d'autres qu'il a croisé au cours de ses pérégrinations avec Raïna Raï, Naab ou encore L'Orchestre National de Barbès.

Un titre caché reprend l'hymne de Joe Dassin Si tu n'existais pas interprétée en français avec tendresse et orchestrée à l'orientale, avec ses cordes et ses percussions enivrantes, rehaussée de beats électroniques délicats et discrets.

dimanche 6 décembre 2015

Alain Chamfort - Versions Revisitées (Le Label/Pias)

Alain Chamfort - Versions Revisitées (Le Label/Pias)

L'ex "chanteur à minettes" repéré et lancé par Claude François au début des 70's, débutait sa carrière musicale quelques années plus tôt derrière un piano, interprétant des standards de jazz. Avec les Murators il fît une incursion dans le répertoire des Beattles, avant de rejoindre un temps Jacques Dutronc puis Dick Rivers. Le succès n'était pas franchement au rendez-vous mais la rencontre avec Cloclo lui permettra de connaître une certaine renommée commerciale. En 1977, le beau gosse confie l'écriture de ses textes à Gainsbourg et décide d'enregistrer à Los Angeles. Teintée de nouveau-romantisme et de disco mélancolique, sa musique glisse dans les 80's vers la new wave, elle arbore alors avec élégance des sonorités électroniques et des mélodies pop édulcorées. Cette période restera celle de ses plus grands tubes ainsi que celle de ses musiques de film pour Mocky et Sélignac. Moins présent mais toujours actif dans les années 90 et 00, il apparaît à la télé et au cinéma tout en publiant quelques albums, dont l'hommage au couturier Yves Saint Laurent en 2010 baptisé Une Vie Saint Laurent.

Ses 50 ans de carrière se devaient d'être saluées, le Dj, réalisateur et photographe Marco Dos Santos mît alors sur pied le projet Alain Chamfort Versions Revisitées. Le directeur artistique - qui officia dans les clubs Paris Paris et Social Club - nous présente 12 remixes décapants et surprenants, servis par l'élite de la scène électro underground hexagonale. Scratch Massive, Ivan Smagghe, Jackson and His Computer Band, Chloé et Jennifer Cardini parmi d'autres ont pris soin de se réapproprier et de retravailler le meilleur de l'éternel dandy de la chanson française. Ses tubes intitulés Manureva, Bambou, Traces de toi ou La Fièvre dans le Sang font peau neuve, bardés de leurs nouveaux atouts ils prouvent que le temps n'a que peu d'emprise sur la sensualité et le répertoire d'un chanteur svelte à la beauté intemporelle.

L'allemand Superpitcher, de l'écurie Kompakt, a choisi de nous offrir le classique Géant dans une vision légèrement plus groove et chaloupée que la version originale, il a su capter et amplifier sa douceur mélancolique, son érotisme pudique et magnétique. Pilooski & Jayvich ont repris Bambou, titre éminemment "gainsbourgien", en donnant un sérieux coup de syncope à l'instru déjà funky ils ont invité l'ex de Lio en personne à venir réciter d'une voix calme et posée, grave et sexy, les mots écrits jadis par un Serge Gainsbourg amoureux !

The James Hunter Six – Hold On! (Daptone Records/Differ-Ant)

The James Hunter Six – Hold On! (Daptone Records/Differ-Ant)

Daptone Records, vivier de la nouvelle vague retro soul, nous présente le 4ième opus du soulman anglais James Hunter. Hold On! succède à l'excellent Minute by Minute paru en 2013, il poursuit l'incursion du chanteur natif de Colchester et de ses 5 acolytes dans les sonorités rhythm & blues vintage dopées à un cocktail de cuivres brulants, à un swing ravageur et à ce grain old school, typique des enregistrements de Sam Cooke ou Otis Redding. La voix du crooner à ce "je ne sais quoi" de Ray Charles ou de Nat King Cole, une magie et une chaleur qui séduit d'emblée… Alternant des ballades aux reflets latins de rumbas et de mambos (This Is Where We Came In, Something's Calling), des morceaux au groove plus intense et urgent (If That Don't Tell You, (Baby) Hold On) et d'autres plus soft rock (Light Of My Life), le James Hunter Six nous délivre un son racé et authentique digne de ses nouveaux voisins d'écurie, les Dap Kings et autres Saun & Starr...

 

jeudi 3 décembre 2015

Julian Julien - Terre II (A Bout de Son)

Julian Julien - Terre II (A Bout de Son)

Artiste multi-instrumentiste et globe trotter, Julian Julien est le genre de musicien qui n'entre dans aucune case bien définie, rompu à la musique classique lors de ses classes au CNR de Paris, il s'essaie au jazz et au rock puis s'abreuve des pulsations world glanées lors de voyages en Asie.

Il publie aujourd'hui le second volet d'un polyptique entamé en 2000 avec Terre. Largement dominé par un esprit chill aux reflets électroniques délicats, l'univers musical métis de Julian se déploie à la lisière de plusieurs genres. Si la liberté d'improvisation et la sophistication du jazz transparaît en filigrane dans des titres comme Iris IV, porté par les phrasés du saxophoniste Michaël Havard et du flûtiste Siegfried Canto, on devine aisément les influences de compositeurs de musique de film tels que Nino Rota ou John Barry, à qui il dédie même son sensuel et groovy Mr John Barry. Un Terre II très cinématique donc mais pas que, puisque le Syrinx de Claude Debussy plane au dessus d'un Ailleurs aux accents éthiojazz et que Non Sens batifole avec les sonorités krautrock.

Tenant son rôle de chef d'orchestre très à cœur, Julian se fait assez discret. A l'origine des 13 compositions de l'album il y distille savamment et avec retenue ses qualités de percussionniste, sound designer et claviériste, mettant ainsi en avant les interventions de ses invités et acolytes. On notera alors le chant ensorceleur d'Hélène Argo dans Une Attente enivrante épaulée par la violoncelliste Adeline Lecce, ou bien la souplesse et la virtuosité du cornettiste Médéric Collignon dans les Iris III et IV. Rémi Dumoulin impose quant à lui sa puissante clarinette basse dans l'inquiétant Prélude et dans sa suite très jazzy Terre II.

L'Etrangleuse - Memories To Come (MSMV/L'Autre Distribution)

L'Etrangleuse - Memories To Come (MSMV/L'Autre Distribution)

A n'en pas douter, l'oreille experte du multi-instrumentiste anglais John Parish, producteur entre autres de PJ Harvey, Tracy Chapman ou encore Arno et Dominique A, n'est pas étrangère à la magie que dégage le second opus de ce surprenant duo lyonnais nommé L'Etrangleuse (nom trouvé à la hâte avant le premier concert). Maël Solètes, guitariste du groupe L'Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp et Mélanie Virot, harpiste classique, nous convient dans leur univers musical singulier traversé de sonorités folks, rock, afro et électroniques. Dans ce subtil Memories To Come, les riffs d'une guitare convertie à la culture mandingue et les arpèges d'une harpe qui se prend parfois pour une kora malienne nous plongent dans une vision envoutante de la musique africaine séculaire (Doesn't Matter, Drifting Around). L'Etrangleuse nous surprend même a faire sonner ses cordes à l'heure abyssinienne avec sa paisible ouverture Do I et ses reflets éthio jazz. Cependant les ambiances post-rock et psychédéliques de son premier album réapparaissent dans des titres comme Noise/Silence ou Who We Are. Si ED nous happe dans sa spirale trip-hop (notamment mise en forme par une section rythmique  entièrement réglée et jouée par l'homme orchestre John Parish lui-même), L'Un Languit et Then I Try avec leurs chants fragiles et lancinants nous font prendre de la hauteur, poussés par leurs cordes enivrantes et atmosphériques. En clôture de ce disque acoustico-électrique séduisant, le sensible Caged Bird, interprété par le chanteur G.W. Sòk, déroule son délicat duvet japonais et nous offre une ballade zen troublante et vibrante. 

Quelle belle surprise!

 

mercredi 2 décembre 2015

Strictly Mood II Swing : The Definitive Collection (Strictly Rhythm)

Strictly Mood II Swing (Strictly Rhythm)


Le duo de producteurs américains Mood II Swing est une référence incontournable de la scène électronique des années 90 et 00. Après un début douteux, Lem Springsteen et John Ciafone s'orientent vers les sonorités housedeep house et UK garage. Rapidement remarqués pour leurs productions originales sophistiquées et soulful (à l'instar des énormes tubes et désormais classiques Searchin' et Critical), ils remixent les artistes pop emblématiques de l'époque, s'attaquant aussi bien aux accents R&B jouissifs de Lucy Pearl (Don't Mess With My Man), qu'aux reflets gospel/soul des divas Ultra Naté (Free) et Stéphanie Cooke (Holding On To Your Love) ainsi qu'à l'univers pop/folk d'Everything But The Girl (Wrong). Aujourd'hui disparus des écrans radar, l'exigent label new yorkais Strictly Rhythm (jumeau de l'anglais Defected Records) offre aux deux pionniers une rétrospective luxueuse et exhaustive de 33 titres. On y retrouve alors la puissance de leurs rythmiques marquées et entrainantes, martelant un dancefloor captivé par leurs BD massives (accompagnées d'une suite de charleston, snares et claps hypnotiques) et leurs lignes de basse au groove disco assassin.

 

Med/Blu/Madlib - Bad Neighbor (Fat Beats/Differ-Ant)

Med/Blu/Madlib - Bad Neighbor (Fat Beats/Differ-Ant)

L'immense producteur Otis Jackson Jr alias Madlib (alias Quasimoto, alias Yesterdays New quintet, alias The Beat Konducta, alias Dj Rels), pierre angulaire du label californien Stone Throw Records nous propose son dernier opus intitulé Bad Neighbor, qu'il a réalisé en collaboration avec les figures emblématiques du hip-hop West Coast alternatif, le MC MED (anciennement Medaphoar) et le rappeur Blu.

Avant même de parler contenu, citons les noms de quelques invités : aux côtés de la légende anglaise du rap hardcore MF Doom ou du pâpe du G-funk le bien nommé Dam-Funk, trônent l'excellent Oh No (frangin de Madlib), l'imposant Phonte (membre de Little Brother et Foreign Exchange), le crooner soul Meyer Hawthorne ou encore le chanteur R&B Aloe Blacc.

Pas de doute possible, à l'écoute des instrus lo-fi désarticulées et chaotiques (comme dans Birds,  Streets ou Serving), on devine d'emblée la patte du maître des samplers, claviers et autres MPCs. Madlib impose une fois de plus sa touche de producteur si singulière, mais semble vouloir se rendre plus digeste pour les néophytes entrant dans son esthétique sonore organique, brinquebalante et crasseuse où le glitch est un motif prédominant.

En effet avec le premier single, Knock Knock, il nous immerge  d'entrée dans une vague funky des plus moites et accrocheuses, empruntée au I'll Be With You de Bernie Worrell (Parliament, Funkadelic), où la diction de MF Doom semble ressusciter le flow sensuel et posé de Notorius BIG. Ce Penchant pour les sonorités raw funk se remarque aussi dans les reflets soul 70's de The Buzz , les accents jazzy (délivrés par la divine Jimetta Rose) de Burgundi Whip ou bien avec les clins d'œil au gangsta rap des années 2000 de Drive In et du délicat Finer Things (où intervient Likewise). Ces tracks participent, avec leurs samples catchy triés sur le volet et leurs loops au groove contagieux, à rendre ce Bad Neighbor séduisant et redoutablement efficace.
Les addictifs The Stroll (avec AMG au mic) et Peroxide comptent aussi parmi les réussites de l'opus avec leurs beats bien lourds et leurs mélodies accrocheuses, il se pourrait bien qu'ils soient les deux bombes de la galette.
Madlib nous entraîne dans ses vestiges soniques de la blaxploitation, accompagné de Blu, Med et leurs invités de marque, il réconcilie le hip-hop underground et son vieux frère old school.

 

lundi 30 novembre 2015

Abd Al Malik - Scarifications (Pias)


Abd Al Malik - Scarifications (Pias)

Abd Al Malik est l'artiste de tous les paradoxes. Accumulant depuis plusieurs années un palmarès de récompenses assez impressionnant, le poète est "lyricalement un stremon" aussi bien capable de citer dans la même phrase Balavoine, Opération Dragon, Amy Winehouse et Albert Camus que d'écrire et réaliser son propre film, ou bien d'admirer Brel, Darc, Téléphone et Radiohead tout en rêvant en secret de bosser en studio avec Quincy Jones et l'équipe de Thriller du King Of Pop Michael Jackson.

Originaire de Strasbourg, le rappeur éclectique fan de Malcolm X, Gil Scott Heron et The Last Poets dépoussière et rafraîchit l'image d'un hip-hop français souvent sclérosé et décérébré, en y injectant avec son slam fracassant des textes sophistiqués, parfois engagés et toujours raffinés.

 Le premier effort solo nommé Le Face à Face des Coeurs, sort en mars 2004, il est alors considéré comme un élan d'amour face la haine...

 Gibraltar, second opus, paru en 2006 assoit véritablement l'artiste dans le paysage musical hexagonale, son rap riche et son "flow de dingue" le projettent même en tête des charts notamment grâce au titre éponyme. Il marque aussi la rencontre d'Abd Al Malik avec le compositeur et pianiste de Jacques Brel, Gérard Jouannest, et de son épouse Juliette Greco, icône de la chanson française (qui croisa la route de Gainsbourg, Miles Davis ou Brassens) devenue complice de l'héritier des pionniers du rap US "old school" Big Daddy Kane et Rakim.

 Après l'écriture et la réalisation de son premier long métrage autobiographique intitulé Qu'Allah Bénisse la France (diffusé en salle en 2014), au cours duquel il fait la connaissance du producteur/DJ français Laurent Garnier, il publie son cinquième album baptisé Scarifications... 5 ans qu'il se faisait attendre, depuis Château Rouge en 2010 enregistré avec Chilly Gonzales... Et forcément il devait être à la hauteur! 

La complicité liant le pâpe de la techno française au rappeur est d'emblée frappante, avec Bilal (frère et partenaire de studio du slameur philosophe), ils forment un combo incisif et redoutable. Les ambiances de Scarifications sont parfois sombres et pesantes voire inquiétantes, l'artiste y fait son introspection et nous raconte son adolescence de dealer et de voleur à la tir, marquée au fer rouge par la violence de son quartier de Neuhof et la mort de ses amis victimes d'overdose. Ce disque très personnel est la confidence urgente, rageuse et fascinante d'un homme conscient de ses failles; mais renforcé par ses erreurs il se dresse fièrement dans "ce monde qui est une tombe". Le slam d'Abd Al Malik y laisse sa peau au profit d'un rap underground pressant et tranchant.

Les pulsations digitales de Garnier plongent l'auditeur dans l'obscurité, ses nappes de synthés et de drone glaçants et ses rythmiques dubstep l'enveloppent mais ne l'étreignent pas. Ces instrus fracturées sont aux antipodes des productions électro pop mainstream positives et superficielles, les beats y sont lourds et assommants autant que les mots qui écorchent et atteignent leur cible en pleine tête. Les quartiers chauds de Strasbourg battent aux rythmes de la techno de Détroit, un  accord osé qui fonctionne mais qui intrigue!
 


Paroles et Musiques : Abd Al Malik – Bilal – Laurent Garnier

PAROLES :

C’est soit le deal soit c’est l’usine
Grandir dans un monde ou l’altérité est assassine
Diplômé de la rue une autre vie estudiantine
La même couleur mais pas le destin de Lamartine
Si on s’arrête un instant que nous enseigne-t-on
On s’en sort si on le veut vraiment
J’ai poussé ma réflexion le soleil était absent
Je me suis fait pluie en attendant
Mais tout prend l’eau trop de mecs nous bassinnent
C’est comme dans Matrix le règne des machines
Du rap ne subsiste que le bacchique
La mort de Pavlos Fyssas est-elle un hic
Mais rien n’est illogique de la crise naissent tous les fascismes
Classique l’Histoire ne se répète pas mais rime
Abîme toujours les mêmes drôles de mise en abîme
Effets miroirs toutes les vies comestibles
Ghettos Ter Ter et guerres intestines
Je suis né dans le pays de la guillotine
Muslim et Noir de peau qu’est-ce qui me détermine
Qu’est-ce qui se joue dans ma poitrine
Mon cœur cesse de battre parfois c’est la routine
Est-ce donc ça qui discrimine
Je n’entérine aucune nouvelle doctrine
Ne suis-je pas un enfant de la république
Hun Hun de la République
Lyricalement j’suis un stremon
J’suis un stremon…

Michael Felberbaum – Lego (Fresh Sound New Talent/Socadisc)


Michael Felberbaum – Lego (Fresh Sound New Talent/Socadisc)

Le guitariste italo-américain Michael Felberbaum nous présente son cinquième opus jazz baptisé Lego. Entouré du pianiste Pierre de Bethmann, du bassiste Simon Tailleu et du batteur Karl Jannuska, il nous invite à pénétrer son puzzle sonore sophistiqué qui, pièces après pièces, dévoile une identité musicale complexe au lyrisme économe mais hypnotique voire psychédélique. S'il fallait décrire son jeu, il faudrait alors le confronter à celui des deux maîtres de la guitare jazz moderne, Jim Hall d'un côté et John Scofield de l'autre. Deux techniques aux sonorités opposées, l'une est sensuelle, délicate et fluide, l'autre plus rugueuse et bluesy. Malgré cette dualité et une élaboration savante de ses 9 compositions faites de motifs rythmiques et mélodiques qui s'entrelacent et se superposent, Michael a su insuffler des nuances rassurantes et captivantes de groove (Variations), de bossa nova (Now), de blues et de rock (Mint) voire même quelques reflets andalous, dans sa ballade poignante Nostalgia.