Piloté par le batteur et compositeur strasbourgeois Victor Gachet, INK nous dévoilera le 21 Juin prochain son nouveau projet, African Roots. Si elle flirtait avec la musique électronique et ses nuances immersives dans l'EP Climax paru en 2022, la formation nous invite cette fois-ci dans l'Afrique des griots et l'ivresse des Caraïbes. Avec le soutien et la précieuse collaboration de deux musiciens burkinabé, Drissa Dembele et Losso Keïta au chant, kora, balafon et percussions, le quartet propose ici un jazz bigarré et coloré, aux sonorités résolument modernes et contemporaines. Y alternent des moments méditatifs et contemplatifs ("Besagne 1929" ou "Même Si"), des passages plus percussifs et dépouillés ("Interlude I, II, III") et des titres captivants où s'évanouissent les frontières entre les genres et les codes; j’évoque là les radieux et élégants "Mitozan", "Amazone" ou encore "International Anthem".
Autour de Victor sont présents Léonard Kretz au saxophone, Pierre-Alain Goualch au piano et Lionel Ehrhart à la basse.
C'est un véritable petit bijou aux sonorités jazz et world music que nous livre Homeland(s), trio à l'instrumentation singulière, piloté par le pianiste Matthieu Marthouret. Le captivant Lori,paru le 12 Avril 2024 sur WeSeeMusic, aligne 9 titres terriblement accrocheurs et méditatifs, mariant avec brio les couleurs musicales hindoustanies à un jazz délicat, mélodique et sophistiqué. Le compositeur orfèvre est épaulé par l'enivrant percussionniste et chanteur indien Mosin Kawa. Tout deux sont rejoints par l'excellent Loïc Réchard, guitariste polymorphe que l'on retrouvait notamment dans le projet ethio-jazz Akalé Wubé, A travers ses efforts de fusion et d'écoute de l'autre, entre ses entrelacements de nuances acoustiques et électriques, Homeland(s) trouve avec Lori son identité propre, son vocabulaire particulier qui touche à l'universel.
Csaba Palotaï, Steve Argüelles, Simon Drappier - Sunako (BMC Records)
La formation world fusion, Sunako (L'Enfant des sables), initiée par le guitariste hongrois Csaba Palotaï et le batteur anglais Steve Argüelles, tous deux rejoints par le contrebassiste Simon Drappier à la guitare baryton, publiait il y a quelques mois sur BMC Records son premier album au titre éponyme. Flirtant avec la musique contemporaine, les sonorités mandingues ("Air") et électronique ("Ricera"), le rock psychédélique ("Arsenal"), le blues touareg ("Buckboard", "The Trail", "Ave de Clichy"), le folklore des Balkans, le jazz et la surf music ("Phosphore II"), le trio nous livre un recueil de 10 compositions hypnotiques, aux rythmiques accrocheuses et aux mélodies entêtantes, parfois même planantes ("Henriette", "Dalva", "Messe").
Le guitariste et compositeur Cyril Salvagnac, accompagné de l'auteure, chanteuse et violoniste argentine Antonela Lucia, du contrebassiste Fabrice Camboulive et du percussionniste Laurent Meyerforment le délicieux Soary Quartet. Un Giorno Nuovo, qui paraîtra le 28 Octobre prochain, est le premier opus du quartet toulousain fondé en 2020. Avec ses sonorités latines et méditerranéennes, ses rythmes hypnotiques venus d'Afrique ("Tsara")et ses influences brésiliennes ("Al Sol"), le disque aligne 12 compositions envoutantes et poétiques; des chansons jazzy divinementinterprétées en espagnole et en italien, enregistrées entre les mois de Janvier et Juillet 2023 au studio Chez Alphonse, en région Occitanie. Ensoleillé, mélodieux et vibrant, Un Giorno Nuovo est une très belle découverte, pleine de promesses et de générosité...
Les disques que j'écoute inlassablement, les univers sonores qui hantent mon salon et habillent mes soirées, n'ont pas encore de place ici. Alors, comme "il y a un début à tout" je vais ouvrir les festivités avec un opus que m'a fait découvrir une amie il y a 23 ans, l'immense Beyond Skin, un chef d'œuvre étiqueté "asian vibe" que dévoilait Nitin Sawhney le 13 Septembre 1999.
D'origine indienne, le DJ, producteur et compositeur londonien a grandi à Rochester, dans une Angleterre des années 70 et 80 rongée par la violence et le racisme. Initié très tôt à la musique, il apprend à jouer du piano, de la guitare, de la cithare et des tabla. Alors qu'il mène des études de droit à Liverpool, il s'essaye à la scène au côté de son ami claviériste James Taylor et le suit le temps d'unetournée estivale dans son projet jazz funk: The James Taylor Quartet. Puis, au début des années 90, le multi-instrumentiste se lance en solo avec Spirit Dance, publié sur son tout jeune label World Circuit. Suivront les excellents Migration, puis Displacing The Priest en 1996, avant que n'arrive le premier coup d'éclat de Nitin Sawhney, ce fameux Beyond Skin, couronné de succès dès sa sortie.
Combinant ses influences asiatiques ("Serpents", "Anthem Without Nation") au jazz ("Tides"), en passant par le hip-hop ("Pilgrim"), la drum and bass ("Nadia")ou encore le flamenco ("Homelands"), le compositeur engagé y affirme une identité musicale underground et plurielle, mariant arrangements orchestraux, chants et instruments traditionnels, pulsations et textures électroniques ("Nostalgia"), le tout en prônant des valeurs de tolérance et de paix, en vantant le multiculturalisme ("Immigrant") et la spiritualité, puis en s'impliquant politiquement...
Mais le moulage angoissant d'un visage pétrifié lançant un cri de désespoir et de souffrance - visible sur la pochette - indique un certain malaise et en effet, le thème principal de Beyond Skin n'invite ni à la gaieté ni à l'optimisme. Y plane le spectre menaçant de l'arme atomique. La magnifique ouverture "Broken Skin", abordant les tensions entre deux frères ennemis, l'Inde et le Pakistan, résonne comme un étrange écho à la guerre en Ukraine, déclenchée suite à l'agression russe en Mars 2022. La chanteuse Sanchita Farruque est conviéeà s'exprimer sur ce morceau downtempo entêtant, ponctué d'arrangements de cordes et de nappes de Wurlitzer.
Les cordes, qu'elles soient frottées, frappées ou pincées, sont omniprésentes dans Beyond Skin, elles établissent un équilibre subtil, une lien magique entre programmations électroniques et orchestrations acoustiques. Les percussions et notamment les tabla ("The Conference") occupent aussi une place importante dans l'univers sonore organique et ouvert sur le monde du producteur.
Dans la tendre complainte "Letting Go", la chanteuse Tina Grace nous demande de lâcher prise dans un décors musical immersif et inspirant, avec pour fil conducteur les arpèges délicats de la guitare acoustique de Nitin. Plus loin, ses accords et ses riffs gipsy nous enflamment tandis que la voix sensuelle et bienveillante de la chanteuse Nina Miranda nous fait songer au sable de Copacabana. Ailleurs encore, c'est au piano et dans un répertoire aux couleurs nettement plus jazzy que l'artiste nous emmène avec ses ritournelles hypnotiques. On notera d'ailleurs la précieuse contribution du contrebassiste Andy Hamill, avec la rondeur et la douceur réconfortante de ses lignes.
La chanteuse Swati Natekar, les chanteurs Jayanta Bose et Devinder Vikyat Singh ou encore le joueur de flute bansuri Ronu Majumdar apportent également, chacun avec leur spécificité et leur authenticité, ce supplément d'âme si universaliste et fédérateur que dégage un Beyond skin véritablementvibrant et troublant de beauté.
La diva cap-verdienne Lucibela, qui nous avait captivé en 2018 avec son premier opus Laço Umbilical, publiait le 03 Juin 2022 - de nouveau sur le label de José Da Silva, Lusafrica - son envoutant Amdjer, un hommage vibrant à La Femme, aux femmes de l'archipel ou d'ailleurs. Les subtiles sonorités de la morna ("Ilha Formose") et de la coladeira ("Txe Txu Fla"), qu'avait immortalisé en son temps l'immense Césaria Evora, sont ici délicieusement alignées dans des productions envoutantes et sophistiquées, pilotées par Toy Vieira; les rythmes de la mazurca, du batuku lent et du bolérocubain ("Vem Presto Amor") empreignent également ce recueil élégant où la saudade, ce "sentiment de délicieuse nostalgie et de désir d'ailleurs", nous laisse songeur. A l'écriture, se croisent des auteurs de différentes générations dont la divine Elida Almeidaou le précieux Ary Duarte... Une réussite!
Le bassiste Laurent Salzard, qui s’est notamment illustré auprès d’Ed Motta, Tony Allen, Emmanuel Bex ou encore Sly Johnson, publiait le 17 Février dernier son second opus baptisé Mundo. Le titre nous donne déjà un petit indice sur la teneur, les couleurs et les sonorités que vont dégager l’album et, lorsqu’on s’attarde un peu sur le casting de musiciens qui l’entoure, il devient alors évident que les 11 compositions du disque vont brasser un large spectre d’ailleurs musicaux (Minino Garay aux percussions et batterie, Cédric Hanriot au piano et Yann Cléry à la flûte). Et en effet, le jazz pluriel de Mundo nous fait voyager à travers un kaléidoscope d’harmonies, de rythmes et d’influences, tel un carnet de route, il nous rend compte des paysages et des ambiances vécus ou sublimés par un aventurier amateur, parti découvrir le monde et s’imprégner de ses folklores. L’hémisphère sud de notre globe et ses traditions musicales semble avoir davantage capter l’attention de Laurent, se succèdent ainsi des clins d’œil à peine voilés à l’Espagne avec “Valencia”, à l’Afrique avec “Mali Mila”, “Têtes Brûlées” ou “Serpent du désert”, à la Turquie avec “Derviche Tourneur”, à l’Inde, mais également à la région de la Cordillère des Andes avec “Ojos del Salado”…
Le guitariste globetrotter Yohann Le Ferrand,
nous présentait en début d'année 2022 son projet Yeko, un disque
inspiré alignant 6 titres colorés, imprégnés par les folklores d'Afrique de
l'ouest et plus particulièrement par les sonorités endémiques du Mali ("Konya" et Yerna
Fassé"). S'étant illustré aux cotés de Rokia Traoré et Serge Aimé Coulibaly, d'Inna
Modja et de Tiken Jah Fakoly, le musicien breton s'est forgé une solide et
riche identité musicale aux atours afro world bien sûr, mais
également aux nuances pop ("Dunia"), folk ("Sauver"), jazz/funk ("Yellema")et hip-hop ("Doussoubaya").
Dans ce mini LP paru chez Back2Bam Production, il s'entoure
d'artistes emblématiques de la scène malienne et nous livre ainsi une série de
6 collaborations édifiantes, un recueil de 6 portraits musicaux "dédié à
la ville de Bamako, son énergie et ses habitants...”
Se dévoilent alors
pour notre plus grand plaisir, les voix magiques et enivrantes des
divines Khaira Arby, Kandy Guira, Salimata
"Tina" Traoré etMamani Keita, ainsi que les chants
vibrants de Koko Dembélé et Mylmo...
Après Asi de Simpleparu en 2020, le guitariste, percussionniste et chanteur cubain Joel Hierrezuelo nous revient avec un nouvel opus vibrant et envoutant: Cimarron. Enregistré au Studio de Meudon et disponible à partir du 07 Octobre prochain via le label Continuo Jazz, ce disque généreux et inspiré aux sonorités jazz, afro-caribéennes et plus largement world, rassemble 12 compositions originales que le musicien natif de la Havane interprète avec un casting de haut vol, où l'on retrouve notamment ses fidèles acolytes Lukmil Perez à la batterie et Felipe Cabrera à la basse acoustique. S'expriment à leurs côtés d'autres instrumentistes tout aussi prestigieux et emblématiques de la scène parisienne, tels que le pianiste/claviériste Leonardo Montana, le trompettiste Sylvain Gontardet le flûtiste Sylvain Barou. Ensemble, ils croisent, entremêlent et métissent avec poésie et bienveillance des cultures a priori lointaines les unes des autres. Bruno Peffeifer de Libération résumait bien l'univers musical de Joel Hierrezuelo avec ces mots: " la pâte majeure de musiques de genre étonne (guajira et son, pour Cuba; zapateo, pour l’Espagne; des traces de Zamba uruguayennes; certains rythmes brésiliens du Nordeste). De surcroît, quelques marbrures africaines assumées, et des résonances moyen-orientales, traversent la cohabitation capiteuse des genres" .
David Linx - Be My Guest - The Duos Project (Cristal Records)
Le crooner belge David Linx nous revenait le 12 Novembre dernier avec Be My Guest - The Duos Project, un disque généreux et majestueux réunissant des reprises et des compositions personnelles, dans lequel le chanteur a fait appel à un casting de musiciens hors normes, avec qui il partage "une forte amitié, mais surtout une vision commune du comment et du pourquoi faire de la musique". Avec cette virtuosité vocale et cette dextérité technique maintes fois louées, l'artiste autodidacte installé à Paris exprime au fil des 15 morceaux de l'opus toute la richesse de l'environnement sonore dans lequel il a grandi et s'est épanoui. En tant que musicien indépendant au style singulier et à la sensibilité à fleur de peau, David Linx transcende ici et comme jamais tous les genres, passant avec une facilité déconcertante du jazz au country/blues, du choro brésilien au tango argentin, de la musique contemporaine au chant baroque ou encore de l'électro au spoken words. S'y croisent les impressionnants Marc Ducret, Hamilton de Holanda, Magic Malik, Tigran Hamasyan ou Nguyên Lê,ainsi que d'autres talents, découverts au fil de sublimes tandems avec David, comme le pianiste israélien Or Solomon, le vibraphoniste Bart Quarier ou la chanteuse et joueuse de ukulélé Rani Weatherby... On notera également la participation, en ouverture de l'effort, de Trevor Baldwin, qui lit une lettre que lui a adressé son oncle, l'écrivain James Baldwin (proche de Linx), dans un "Letter to Trevor" émouvant et intimiste, gorgé d'harmonies envoutantes à la profondeur gospel.
L'immense chanteur angolais Bonga est de retour sur Lusafrica avec Kintal Da Banda, nouvel opus qui succède à Recados de Fora paru en 2016 et qui célèbre 50 ans d'une carrière bien remplie. Avec près d'une quarantaine d'albums à son actif, dans lesquels il s'illustre en portugais comme en angolais traditionnel, l'octogénaire engagé n'a jamais perdu le soutien de ses fans, répartis à travers le monde. En effet depuis le début des années 70 et son fameux Angola 72, sa musique douce et militante allie merveilleusement le folklore portugais, les rythmes chaloupés du semba et l'esprit festif du kizomba, tout en agrémentant cet héritage colonial et ouest-africain de sonorités cap-verdiennes et brésiliennes des plus radieuses et fédératrices.
Dans ce nostalgique et brulant Kintal Da Banda, la voix grave et éraillée de Bonga chante avec une inébranlable joie de vivre une enfance heureuse, passée dans la maison familiale à Kipiri, bercée par la musique bien sûr, mais également ponctuée par les couleurs, les odeurs de plats et les instants précieux de partage. Ces moments seront aussi le terreau d'une conscience politique profonde, qui conduira très tôt ce sportif de haut niveau devenu artiste, à lutter pour la libération de son pays contre le joug portugais.
Une fois de plus accompagné par son vieux complice, le guitariste Betinho Feijo, Bonga s'est également entouré de Camélia Jordana, dansun délicieux "Kudia Kuete" aux saveurs culinaires angolaises. Une invité de marque qui vient enrichir la liste de ses sublimes collaborations, dont celles menées aux côtés de Bernard Lavilliers ("Angola" en 2010), Agnès Jaoui ("Dikanga" 2009), Gaël Faye ("Président" 2013), Manu Dibango ("Diarabi" 1994) ou encore de la diva Cesaria Evora ("Sodade" 2002)...
Un disque plein d'émoi, de tendresse et de fête à ne pas bouder en ces temps de conflit et de pandémie.
C'est au détour d'une écoute suggérée par les algorithmes d'une plateforme de streaming, que j'ai découvert les tendres nuances polynésiennes de la futur soul ouatée et terriblement accoucheuse de Mara TK, chanteur métisse, aux origines maoris et écossaises, officiant depuis 2009 dans la formation néo-zélandaise, Electric Wire Hustle. En mai dernier, il publiait sur le label Extra Soul Perception,son premier opus baptisé Bad Meditation, un recueil de 13 compositions qu'il a entièrement réalisé et interprété en solo, après 5 années de tâtonnements et d'apprentissages en studio. Abordant les thèmes universels de l'amour et de la perte, de l'enfance et de l'héritage culturel légué par ses ancêtres, Mara accouche d'un petit chef d'œuvre aux sonorités hybrides, où se mêlent avec sensualité des éléments acoustiques organiques et des textures électroniques immersives. On pense à Maxwell et sa néo soul nébuleuse, à Marvin Gaye bien sûr, à ses compatriotes du Fat Freddy's Drop, mais aussi à Adrian Younge et à l'incontournable H.E.R.... Mélancolique et hypnotique, le groove magique du jeune artiste fait mouche à tous les coups, caressant l'auditeur avec ses lignes de basse langoureuses et funky, dodelinant sur des nappes de claviers délicieusement dissonantes, des arpèges de guitares folk ou électriques aux saveurs vintage et des lamentations de cordes fragiles et émouvantes... Le tout, aligné sur des rythmiques de percussions et de batteries aux charmes indicibles et à l'efficacité indécente.
Piloté par la chanteuse Caroline Tolla, le projet Maluca Beleza se propose de marier les sonorités brésiliennes de la MPB, de la samba, de la bossa nova ou du forro, à un jazz-fusion nourri de rock, de psychédélisme et même de reggae. O Silencio Imperfeito, premier opus de la formation marseillaise, rassemble 9 titres dont 7 compositions du contrebassiste Pierre Fenichel,élaborées autour des poésies de personnalités emblématiques de la littérature brésilienne, Thiago De Melo, João Cabral de Melo Neto et Cecilia Meireles, mais aussi autour des textes du jeune musicien nordestin Rodrigo Samico et de Caroline elle-même. Epaulés par le guitariste Wim Welker, le clarinettiste Roman Gigio-Gary, le tromboniste Romain Morello et le batteur Julien Heurtel, Caroline et Pierre reprennent également deux titres : l'intemporel "Na Baixa Do Sapateiro", une des deux œuvres incontournables d'Ary Barroso (avec la célèbre "Aquarela Do Brasil") et l'immersif "Search For Nirvana" de l'immense guitariste hongrois Gabor Szabo.
Loin des reprises habituelles et convenues d'un répertoire brésilien usé, O Silencio Imperfeito nous embarque vers un autre Brésil, poétique et plein de surprises !
Eric Séva Triple Roots - Résonances (Laborie Jazz)
Le saxophoniste marmandais Eric Séva - que l'on décrit souvent comme un nomade sonore à la boulimie créative - nous revient en trio acoustique avec Résonances, un recueil de 7 compositions radieuses tantôt rythmées et entraînantes ("Résonances"), tantôt plus intimistes et contemplatives ("Reason and Heart"), où s'entremêlent avec douceur et générosité, jazz, blues et musiques populaires auxsaveurs world. Après Mother Of Pearl, son précédent album paru l'an passé, le musicien retrouve sa formule de prédilection, un format plus resserré, dans le lequel il s'entoure du contrebassiste Kevin Reveyrand (auprès duquel il œuvrait en 2018 dans l'excellent Kafé Groppi du guitariste Khalil Chahine) et du batteur/percussionniste/chanteur Jean-Luc Di Fraya. Ensemble, ils forment le Triple Roots, une rencontre de trois artistes qui parviennent à fusionner avec brio leurs racines musicales propres; une formation où l'improvisation, le goût pour la mélodie, l'envie de partager et l'écoute de l'autre se devinent dès les premières mesures.
Accompagné par ces deux pointures incontestées du jazz hexagonal, Eric nous invite donc à prendre part à sa petite virée aux 4 coins du monde, avec quelques arrêts plus marqués dans le Sud de l'Espagne par exemple sur "Les Roots d'Alicante", ou à Belle-île-en-mer avec la "Luz de Port Coton"... Un beau voyage!
Jean-Marie Machado - Majakka (La Buissonne/Harmonia Mundi)
Né à Tanger et ayant passé son enfance au Maroc, Jean-Marie Machado s'est toujours efforcé d'associer son jazz (auquel il s'initie très tôt en autodidacte) à d'autres cultures, d'autres esthétiques et d'autres langages, le faisant sans cesse dialoguer avec les folklores latins, la musique improvisée et la tradition classique.
Le pianiste, toujours en quête d'exploration, nous revient avec Majakka (le phare en finnois), un nouvel opus enregistré en Septembre 2020 au studio La Buissonne avec le percussionniste Keyvan Chemirani, le saxophoniste Jean-Charles Richard et le violoncelliste Vincent Segal. Le recueil rassemble 10 compositions lumineuses qui, pour la plupart, ont jalonné son parcours de musicien prolifique, ponctuant une œuvre plurielle et sophistiquée, ouverte sur le monde et cultivant les échanges. Ces titres, élaborés pour de précédents projets, partagent les mêmes couleurs et s'orientent inexorablement vers une même tendance, celle de croiser les notes bleues de l'artiste aux sonorités du bassin méditerranéen et du Brésil, ou encore de les enrichir de pulsations inspirées d'Orient.
Parmi eux, figurent tout de même 3 morceaux inédits, spécialement écrits pour le quartet. Ils témoignent d'un changement dans la vie personnelle du compositeur, mais soulèvent également l'épineuse question de l'urgence climatique, dont les stigmates sont de plus en plus perceptibles. Imaginés dans un contexte de crise sanitaire pour le moins perturbé et perturbant, "Les Pierres Noires", "La Mer des Pluies" et "Outra Terra" invitent donc à la réflexion et à une prise de conscience.
«Les mélodies, les sons, les timbres, les rythmes, le nom évocateur des pièces... tout est riche et généreux sur Majakka. Poétique, ciselé, tantôt en rondeur délicate, tantôt en grande ferveur.»
Thierry Peala & Verioca Lherm - A Tania Maria Journey (Edyson Production/Inoui Distribution)
Débordant d'authenticité et de virtuosité dans son interprétation d'un répertoire incontournable de la musique brésilienne, l'exceptionnel duo français mené par Verioca Lherm et Thierry Peala, nous présente son premier opus baptisé A Tania Maria Journey. Célébrant les 20 ans de leur rencontre à l'occasion, justement, d'un concert que la diva nordestine donnait à l'Olympia en Février 2001, le tandem a choisi 13 compositions parmi les plus emblématiques du catalogue de la pianiste, les arrangeant avec brio pour deux voix, une guitare et de discrètes percussions... Un dépouillement acoustique touchant, chargé de vibrations latines accrocheuses et pleines de chaleur.
Accompagnés sur 6 morceaux par l'excellent percussionniste paoliste Edmundo Carneiro, Verioca et Thierry sont parvenus à nous restituer tout le génie de Tania Maria, après s'être imprégnés de son énergie communicative et de sa poésie tropicale ponctuée de notes bleues.
Mariant subtilement depuis le début des années 70 le jazz, la pop et le blues au choro, à la bossa et à la samba, Tania a largement su s'imposer dans le paysage de la MPB (musica popular brasileira) marquant notamment les esprit avec une technique de scat éblouissante et une manière singulière de siffler sur ses mélodies délicieusement chaloupées.
Il fallait donc bien des musiciens hors paire pour rendre hommage comme il se doit à une grande dame de la chanson. Il fallait également un talent certain pour transposer sa musique "pianistique" à la guitare (le jeu de cordes de Verioca rappelle souvent celui de Joao Bosco) et s'exprimer avec autant d'aisance et de naturel en portugais comme en anglais...
Genoma est le premier opus du pianiste trentenaire Ismail Sentissi. Accompagné par ses complices Cedrick Bec à la batterie et Maurizio Congiu à la contrebasse, l'artiste autodidacte natif de Casablanca nous plonge dans un univers musical inspiré et touchant, où jazz contemporain, sono mondiale, polyrythmie et couleurs modales marocaines s'entremêlent dans une succession de 12 compositions hypnotiques, tantôt explosives et joyeuses ("Vent Sourd", "Silence d'Oumma", "Genoma" ou "Cafouillages"), tantôt plus douces et immersives ("Flocon", "In Other Wise", "Aniss" ou encore "Absence").
Son enfance passée dans un Maroc paisible et ensoleillé ("Aït Tamejjout"), ses apprentissages du piano, de la guitare puis de l'écriture, son goût pour la mélodie et sa découverte des incontournables EST, Bojan Z, Hadouk, Ali Farka Toure et Fela Kuti, ont suscité chez le jazzman un besoin viscéral d'élaborer une musique plurielle et colorée, un répertoire intimiste et gorgé de vibrations positives, invitant à l'évasion et au dépaysement total.
Les ambiances qu'il tisse majestueusement avec son trio rappellent celles que le contrebassiste israélien Avishai Cohen nous offrait il y a quelques années, dans des albums lumineux comme At Home (2005), Gently Disturbed (2008) et bien sûr Seven Seas (2011). Une influence notable et appréciable !
Laura Prince - Peace Of Mine (Autoproduction/L'Autre Distribution)
Elaborant un délicieux cocktail de saveurs métisses et soulful aux tendres sonorités jazz et afro, c'est dans la langue de Norah Jones et d'Alicia Keys que la chanteuse française aux racines togolaises, Laura Prince, a choisi dese dévoiler. Elle s'exprime dans premier opus élégant et touchant, baptisé Peace Of Mine.
Dirigé par le pianiste/compositeur martiniquais Grégory Privat et co-écrit avec David Sonder, le recueil marie sur fond de sono mondiale,la sophistication et les harmonies du jazz à des vibrationsurbaines imprégnées de quotidien. Ponctué de mélodies touchantes aux notes intimistes ("Save Me", "In Your Eyes") et irradié d'une douce lumière caribéenne, Peace Of Mine nous donne définitivement envie d'ailleurs ("Amazonia"). Se frottant au blues ("So Unconditional") et au spoken word("Musical Inspiration"), l'envoutante diva à la voix de velours manie avec sensualité un vaste registre d'émotions.
Alignant une section rythmique prestigieuse formée par Tilo Bertholo à la batterie, Zacharie Abrahamà la contrebasse et Inor Sotolongo aux percussions, Laura Prince et Grégory Privat se sont également adjoints les services d'un quatuor à cordes bouleversant ("Peace Of Mind"), dans lequel on retrouve le violoncelliste Guillaume Latil ainsi que les violonistes Gabrielle Lafait, Johan Renard et Jules Dussap ("Scared Of Dark").
Inspiré par les tubes du Bollywood des années 70-80 et les musiques classiques indiennes, le batteur, percussionniste, claviériste et chanteur parisien Stéphane Edouard nous livrait le 15 Janvier dernier Pondicergy Arlines, un premier opus aux vibrations world, exprimant l'histoire et le parcours musical du compositeur et arrangeur autodidacte ayant grandi à Cergy. Largement marqué par la culture de ses parents issus du sud de l'Inde et par sa découverte, adolescent, du rock, du jazz, des sonorités cubaines etafricaines, il recherche la pluralité des sons et mélange les couleurs, les croise et les harmonise habilement. Dans cet univers fusion aux grooves généreux et exotiques, il a choisi d'inviter une myriade de musiciens, des compagnons de route, qui viennent le rejoindre avec leurs propres bagages. Son frère tout d'abord, Prabhu Edouard, virtuose des tablas, puis l'incontournable flutiste Magic Malik, mais également les guitaristes Nguyên Lê et Anthony Jambon, l'accordéoniste Vincent Peirani, le bassiste Etienne M'Bappe, les pianistes Fred Soul et Alfio Origlio, le claviériste Bojan Z ou encore la chanteuse Julia Sarr... Un casting hors norme pour un disque qui l'est tout autant et qui sonne bon le partage, le métissage et l'ouverture d'esprit!
La divine Elida Almeida nous revient avec Gerasonobu, un troisième album aux sonorités captivantes et festives qui sortait le 06 Novembre dernier sur l'excellent label Lusafrica. Devenue à 27 ans seulement une figure emblématique de la musique capverdienne, elle participe au rayonnement culturel de l'archipel, allant toujours de l'avant tout en préservant ses racines implantées sur l'île de Santiago.
A nouveau épaulée par le précieux Hernani Almeida, guitariste multi-instrumentiste et producteur avisé, la diva s'est également entourée de l'artiste kenyan Blinky Bill, Dj et beatmaker basé à Nairobi, qui nous avait agréablement surpris en 2018 avec son LP Everyone’s Just Winging It and Other Fly Tales. Ce dernier apporte une coloration plus urbaine et afro-électro à l'ouvrage, le titre "Nha Bilida" en est un exemple frappant. Mais les traditionnels batuque ("Tolobaska"), funaná ("Mundu Ka Bu Kaba", "Funana"), coladera ("Obrigadu Papa"), morabeza("MuDJei") ou tabanka ("Bidibido") sont toujours omniprésents. Leurs rythmes accompagnent les textes engagés de la jeune chanteuse, qui célèbre l'amour pour ses proches et la beauté de son pays, mais qui dénonce également la dérive des comportements sur les réseaux sociaux ou les violences faites aux femmes.