Renaud Garcia-Fons - La Vie devant Soi (e-motive Records/L'Autre Distribution)
Le contrebassiste franco-espagnol Renaud Garcia-Fons nous enthousiasmait fin 2013 avec l'album Linea Del Sur publié chez Enja. Il y évoquait les sonorités orientalisantes et latines empreintes des folklores méditerranéens qui baignèrent jadis son enfance. Le 03 Février prochain il sera de nouveau dans les bacs grâce au label e-motive Records (Louis Winsberg, Ira Coleman, Stépahne Huchard, ...)avec un nouveau projet baptisé La Vie devant Soi, titre d'un livre d'Emile Ajar (pseudo de Romain Gary) paru en 1975, narrant l'histoire touchante d'un orphelin, Momo, et de sa maman de substitution, Madame Rosa, une ancienne prostituée juive ayant connu Auschwitz.
Si l'artiste explore depuis longtemps les liens ténus existant entre des cultures qui cohabitent de plus en plus difficilement malgré une histoire commune séculaire, il semble ici revenir vers des espaces plus familiers, brossant le portrait intimiste d'un Paris d'hier et d'aujourd'hui. Combinant les ambiances musicales qui définissent si bien la Ville Lumière, Renaud mêle avec nostalgie, poésie et sophistication le jazz à la musette, la chanson à la musique classique, le tout dopé par un groove enraciné dans un présent pluriel et cosmopolite.
Il forme pour l'occasion un 'trio de chambre' composé de l'accordéoniste David Venitucci et du vibraphoniste/percussionniste Stephan Caracci, deux complices virtuoses et tout terrain à l'élégance certaine.
Le saxophoniste libanais Toufic Farroukh nous offre son nouvel opus baptisé Villes Invisibles, un très beau recueil de 13 compositions brillantes où jazz, folklore des Balkans, sonorités orientales et musiques latines se chevauchent et s'entremêlent avec grâce dans une débauche d'évocations visuelles, dévoilant des cités utopiques radieuses, inspirées du roman homonyme de l'écrivain et philosophe italien, Italo Calvino. Comme le ferait l'auteur d'une bande originale de film, le musicien met des notes et bâti des ambiances autour de visions d'un réel sublimé et idéal. Entouré de figures bien connues de la scène hexagonales dont l'accordéoniste Didier Ithursarry, le bassiste Marc Buronfosse, le joueur de oud Ahmad El Khatib, le guitariste Frédéric Favorel ou encore le pianiste et co-arrangeur du disque Leandro Aconcha, Toufic ballade l'auditeur au gré de ses rêveries poétiques et délicates. Accompagnée par les excellents rythmiciens Luc Isenman à la batterie et Bachar Khalifé aux percussions, la formation établie une conversation raffinée flottant en dehors de tout repères temporels et géographiques. S'il un titre devait résumer Villes Invisibles, il s'agirait de "Rio de Cairo", le parfait trait d'union entre deux cultures à priori au antipodes l'une de l'autre, porté par la voix de Naima Yazbek. l'une des rares danseuses professionnelles au Liban, qui s'exprime ici en brésilien, sa langue maternelle.
Thundercat - Show You The Way Feat. Michael McDonald & Kenny Loggins (Single) (Brainfeeder)
Thundercat, bassiste et chanteur exubérant de l'écurie Brainfeeder menée par le mythique Flying Lotus s'apprête à publier son nouvel opus baptisé sobrement Drunk. Il fait suite à son mini album The Beyond/Where the Giants Roam paru en 2015 et au LP Apocalypse sorti deux ans plus tôt.
L'artiste dévoilait en Aout 2016 un premier extrait "Bus In These Streets" produit par le boss en personne Steve Ellison, il nous offre aujourd'hui, histoire de nous faire patienter jusqu'à la fin Février 2017, le single "Show You The Way" où il convie les crooners légendaires de la pop Michael McDonald et Kenny Loggins. Délicatement funky et toujours inspirée du rhythm'n'blues libidineux des Delfonics et autres formations de Philadelphie, la balladesoul distille avec humour et décalage les sonorités ouatées et cristallines d'un Thundercat au sommet de son art. Faisant mouche dès la première écoute, elle figure parmi les 23 titres de Drunk, qui peut compter parmi ses prestigieuses collaborations celles des immenses Kendrick Lamar, Pharrell, Wiz Khalifa et Kamasi Washington, auteur d'Epic, l'un des meilleurs disques de jazz de l'année passée.
Basé aux Pays-Bas, le label indépendant Spinnin Records, véritable mastodonte de l'industrie du disque, publie et diffuse depuis la fin des années 90 des productions qui façonnent le paysage de la musique électronique et notamment de la house, avec tous ses penchants EDM, progressive, big room, techno et bien d'autres... Il est à l'origine du lancement de producteurs, d'artistes et de DJs considérés comme des poids lourds du secteur comme Afrojack, Dimitri Vegas & Like Mike, Sander van Doorn, Nicky Romero, Bingo Players ou encore John Dahlbäck.
La maison mère possède un tas de labels et de sous-labels affichant chacun une orientation musicale spécifique (Spinnin' Deep pour la deep house et la future house ou Reset Records pour la trance) ou étant entièrement dédié à une tête d'affiche (SOURCE Records pour LVNDSCAPE ou Heldeep Records pour le mythique Oliver Heldens).
En ce début d'année 2017, Spinnin' nous présente les dernières nouveautés de ses artistes, dévoilant ainsi les titres future house"Calling On You" du duo Lucas & Steve avec en guest la chanteuse Reese, "Switch" de Don Diablo ou encore l'excellent "Something To Say" de Loud Luxury & Ryan Shepherd, puis ceux plutôt cadencés deephouse "Not Going Home" de DVBBS & CMC$ avec la participation de Gia Koda, "Need To Feel Loved" de Sander van Doorn & LVNDSCAPE et "Real Love" de LA Riots invitant Great Good Fine... Ailleurs, c'est la bombe reggaeton "Harder" de Dante Klein avec Hailz aux vocaux qui côtoie la touchante chanson electropop de Shwarz baptisée "Home", portée par des cordes et des accords de piano vibrants.
On l'aura compris, Spinnin' Records brasse de larges influences et se positionne clairement sur un segment EDM (Electronic Dance Music) largement relayé par les radios et les festivals.
Le producteur anglais basé à Berlin Circula présentera chez Loose Lips le 01 Février prochain son nouvel EP intitulé Thought Reel. Composé de 6 titres, il sera disponible en téléchargement ainsi qu'en édition limitée sur cassette audio.
L'univers chill out que nous propose ici Circula est habité de textureselectronica, jungle, dub et hip-hop parcourues de sonorités glitch et jazzy. L'artiste y élabore de subtiles ambiances vaporeuses, flirtant avec celles que nous offraient le japonais Dj Krush et le français Dj Cam dans les années 90.
On notera dans les titres "Fragmentation" et "Tragedy of Repetition" la présence d'un invité prometteur, il s'agit de Zaphod qui dépose son flow spoken word narcoleptique sur des prods à la lenteur envoutante.
Captant toute l'attention de l'auditeur avec ses atmosphères cosmiques, il dépose ça et là quelques notes d'un piano réverbéré sur des nappes électroniques hypnotiques parfois hantées de cordes nébuleuses et brodées de lignes de basse ronflantes.
Un bijou!
From The Heart - A Tribute To Oscar Peterson (Radioland/7 Arts)
Le label 7 Arts nous présente un album-hommage au virtuose Oscar Peterson, prodige du piano originaire de Montréal, qui entra dans l'histoire du jazz américain au début des années 50. Sa dextérité, son goût pour la mélodie et son aise à improviser pousseront le Duke en personneà le sacrer "Maharaja du clavier". Largement impressionné par Art Tatum, il nourrira son jeu de gospel, de blues, de swing, de ragtime, de boogie-woogie, de be-bop, de hard-bop et de musique classique (notamment Chopin, Debussy et Bach), gagnant au fil des années le statut de maître du rythme et de l'harmonie. Oscar s'élèvera ainsi au rang de ses illustres contemporains avec qui il partagea d'ailleurs quelques scènes: Ella Fitzgerald, Billie Holiday, Dizzy Gillespie, Count Basie, Nat King Cole, Louis Armstrong, Stan Getz ou encore Charlie Parker.
A la tête de plusieurs trio dont Ray Brown sera le contrebassiste 30 années durant, l'imposant jazzman est ici célébré par ses compatriotes dans un projet élégant baptisé From The Heart. Il fut demandé à six pianistes parmi les plus respectés du Canada, tous accompagnés de leur trio respectif, de livrer un titre orignal et une interprétation d'un standard ou d'une composition signée O.P. S'y côtoient ainsi à travers 12 morceaux inspirés les formations piano/basse/batterie des fameux Bill King, Danny Restivo, Mark Eisenman, Bernie Senensky, Don Thompson et Wray Downes.
Le label anglais Defected nous présente le dernier EP du duo sud africain Black Motion intitulé Rainbow. C'est avec le vent en poupe que les Djs/producteurs Thabo Mabogwane et Bongani Mohosana publient 2 titres absolument hypnotiques. Le profond "It's you" est mené par des percussions afro délicates, survolées par un ensemble de cordes envoutantes et quelques accords de piano captivants. La voix sensuelle et langoureuse de Miss P parachève cette ode deep house des plus touchantes et idéalement conçues pour apprécier les fins d'après-midi sous le farniente en bord de mer. "Rainbow" n'est plus à présenter, il figure déjà depuis sa parution en 2014 parmi les plus appréciés des classiques afro deep, sa rythmique élancée et gracieuse est sublimée par la délicieuse Xoli M dont le timbre gorgé d'émotion se rapproche de celui d'une Tracy Chapman.
Deux héros de la scène house s'emparent de ce petit bijou pour orchestrer un remix plus musclé et potentiellement programmable en pleine soirée, il s'agit des légendes Dj Spen et Michele Chiavarini. Je le recommande chaleureusement!
Le mystérieux dj/producteur américain Anonym porte bien son nom, il masque son visage et dissimule les indices, une seule chose semble être acquise à son sujet, elle s'entend d'ailleurs dans ses productions, c'est son origine. En effet, les sonorités bien burnées issues de l'héritage techno de la scène électronique de Détroit se manifestent d'emblée dans sa musique. Son dernier EP qu'il publie chez Vakant est intitulé Back To The Source, il s'agit en 4 tracks d'évoquer toutes les facettes musicales d'un beatmaker talentueux, puisant aussi bien son inspiration dans les rythmes ethno et world comme on peut l'écouter dans le premier titre éponyme, que dans le hip-hop avec "By My Side", la ghetto house avec "Ghetto Jesus" et l'acidhouse avec "Rowdy Parliament". Excellent mais trop court aperçu de l'univers sonore d'un artiste underground à suivre de près malgré ! Back To The Source est le 3ième volet de sa série XXX.
Post Image - Fragile (Cristal Records/Harmonia Mundi)
C'est un vieux de la vieille qui refait surface avec un nouvel opus à la hauteur d'une réputation qui n'est plus à faire. Célébrant 30 années d'activisme dans un répertoire jazz-fusion où domine un groove contagieux flirtant souvent avec les sonorités world, le discret Post Image publie Fragile.
Fondée en 1987 dans le sud-ouest de la France par le bassiste Dany Marcombe et le batteur Didier Lamarque, la formation compte encore parmi ses membres historiques le trompettiste Freddy Buzon et le guitariste Patricio Lameira. Ils sont rejoints par le saxophoniste Jean-Christophe Jacques en 1999, puis par le batteur Eric Perez et le claviériste Frédéric Feugas en 2006. Le groupe à géométrie variable a rassemblé au cours de son long périple la crème des jazzmen hexagonaux parmi lesquels on note Pierre Blanchard, Roger Biwandu, Cyril Atef ou encore Médéric Coligon.
Aujourd'hui, Post Image peut se targuer d'avoir croisé le fer avec les pionniers Tony Williams, Joe Zawinul, Herbie Hancock, John McLaughlin ou Wayne Shorter, figures emblématiques d'une scène jazz bouillonnante et aventureuse, osant bousculer les codes et mélanger les styles. Pas étonnant que les petits français aient tapé dans l'œil de Miles Davis lors de son passage à Andernos en juillet 1987.
Dans ce dixième album, il est bien sûr question de jazz-rock, celui qui nous fait songer à Weather Report, Magma ou Sixun . Un jazz vivace et hypnotique aux multiples facettes, parcouru d'influences électro, ethno et acid. Bien que sophistiquée et raffinée, la musique de Post Image est largement accessible grâce à son sens de la mélodie et à son lyrisme dégagé de toute technicité prétentieuse. Elle est de surcroit guidée par un désir d'émancipation des carcans et cette liberté prend différentes formes dans ce dernier Fragile, palpitante et trépidante dans les entrainants "Petit Citron", Sous le Soleil d'Ars" ou "Troubadour", électrisante dans "Funky Roots", elle se fait douce, colorée et réconfortante dans "Miniature" ou "Nouvelle Vie".
Ailleurs, le titre du disque prend tout son sens. En effet, lorsque l'un des invités de marque John Greaves dépose sa voix éraillée et vibrante sur le touchant "Oh Papa" ou le profond "Telmine", c'est une toute autre grille de lecture qui s'offre à nous, plus poétique et intimiste. A ses côtés, un autre guest se fait remarquer, il s'agit du saxophoniste Alain Debiossat, lui comme le chanteur anglais sont d'ailleurs de vieux complices de l'équipe, ils se devaient de venir souffler la trentième bougie!
Résolument barrée et irrésistiblement poussée par son désir d'exploration, d'expérimentation et de liberté, la formation parisienne pAn-G s'exprime avec fougue dans un langage jazz définitivement contemporain, alimenté par un tas d'influences allant du rock au folklore guadeloupéen en passant par les recherchesde Zappa, l'avant-gardisme du Liberation Music Orchestra et la musique minimaliste de Steve Reich. Dans ce second opus intitulé Futurlude, l'orchestre toujours formé par 10 musiciens rompus à la scène jazz hexagonale, interprète les compositions décapantes de son leader, le tromboniste et euphoniumiste (tuba ténor) Aloïs Benoit qui s'amuse à surprendre et à bousculer l'auditeur, s'armant d'une section rythmique électriquetonitruante et d'une escouade de 5 souffleurs complétement débridés. Mêlant l'énergie explosive du rock aux ambiances festive du carnaval de Pointe à Pitre, la spontanéité du jazz au phasing de la musique contemporaine, pAn-G nous offre 6 titres aux sonorités corrosives et rugueuses. Difficile d'accès, Futurlude est à prendre comme un expérience de laboratoire devant mener l'auditeur vers un état de transe jubilatoire ("M'Baracudja" ou "Trans-pAn-G-Xpress - à Greg Gensse"), entrecoupé tout de même de moments plus légers, propices à la méditation ("Futurlude") et au recueillement ("Echo du Silence - Hommage aux Charlie(s)").
La couverture plaira surement aux amateurs de The Rolling Stones puisqu'elle reprend le célèbre artwork de l'album de compilation Hot Rocks 1964-1971.
Omar Sosa & Seckou Keita - Transparent Water (World Village/Pias)
Après ses excellentsIlé et Eggun, le pianiste cubain Omar Sosa nous revient avec un nouveau projet élaboré en collaboration avec le célèbre joueur de kora et chanteur sénégalais Seckou Keita. Intitulé Transparent Water, le disque "rend hommage à l'eau, l'un des éléments les plus précieux et les plus importants de la nature", "symbolisant la clarté de l'âme de chaque personne". Il rassemble 13 titres envoutants et hypnotiques aux sonorités cristallines mêlant avec maestria les traditions musicales mandingues, indiennes, afro-cubaines, chinoises et japonaises. Le rapprochement périlleux de toutes ces cultures aurait pu nous paraître risqué voire impossible seulement voilà, son instigateur épris de liberté est passé maître dans l'art du métissage et de l'innovation. Au gré de ses rencontres fortuites et de sa soif d'improvisation il a développé un goût particulier pour la conversation musicale, c'est ainsi qu'autour de lui il a invité des interlocuteurs virtuoses issus d'horizons bien distincts comme le maître du sheng (flute traditionnelle chinoise) Wu Tong, la joueuse de koto originaire de Tokyo Mieko Miyazaki, les percussionnistes Gustavo Ovalles (Venezuela) et Mosin Khan Kawa (Inde), le joueur de geomungo (sitar coréenne) E' Joung-Ju et le batteur Steve Argüelles. Ce périple initiatique à travers les musiques du monde se déploie avec douceur, chaleur, grace et volupté prenant parfois la forme de plages sonores chill dépouillées et zen, ou de moments d'exaltation contenue où voix et cordes s'entremêlent. L'auditeur ne peut alors que se sentir happé par ces ambiances apaisantes où s'accordent sérénité et spiritualité.
Ensemble Art Sonic - Le Bal Perdu (Drugstore Malone/L'Autre Distribution)
C'est un pari risqué que se sont lancés le flutiste Joce Mienniel et le clarinettisteSylvain Rifflet, celui de ressusciter ces vieux airs de bal populaire qui font parti intégrante de notre patrimoine musical français. Jusqu'à présent, c'est l'accordéoniste Richard Galliano qui occupait le créneau avec son savoureux mélange de rythmes latins, de jazz, de musique classique et de musette. Aujourd'hui, c'est au tour d'une jeune génération de souffleurs de s'emparer de ce riche répertoire que l'on doit autant aux grands compositeurs de musique populaire que sont Jo Privat, Gus Viseur, Louis Ferrari ou Emile Carrara, qu'aux héros du verbe Serge Gainsbourg, Boris Vian ou Bourvil entre autres génies de la mélodie tels Django Reinhardt et Aldo Romano.
A la direction musicale ainsi qu'à leurs instruments respectifs, le tandem a fondé l'ensemble de musique de chambreART SONIC, un quintette composé de Cedric Chatelain (hautbois et cor anglais), Sophie Bernardo (Basson) et Baptiste Germser (Cor) qui propose un regard singulier sur la musique du Paris d'entre deux guerres.
Pour ce second projet baptisé Le Bal Perdu, la formation a invité l'accordéoniste Didier Ithursarry (San Severino, Alban Darche, Clarika...), ensemble ils nous offrent 18 interprétations orchestrales où valses, musettes, javas, tangos et sonorités tziganes s'enchaînent et s'emmêlent avec grace et volupté, sous le doigté expert d'une fine équipe d'instrumentistes virtuoses. On redécouvre ainsi sous un jour nouveau et parfois insolite des thèmes inoubliables comme "La Javanaise", "Les Bluets", Il Camino", "Java des Bombes Atomiques", Quatre Cent Coups" ou "Reine de Musette"...
Fin octobre 2016, le chanteur franco-ghanéen basé à Cambridge (UK) Myles Sanko publiait chez Légère Recordings son troisième opus intitulé Just Being Me. Ce qui demeure frappant dès la première écoute, outre les excellents arrangements pour cordes et cuivres, c'est le timbre et la puissance de sa voix qui rappelle à bien des égard celle de l'imposant crooner californien Gregory Porter.
Adolescent, l'artiste amorçait son parcours musical au son hip-hop des Tribe Called Quest. Plus tard il contracte la fièvre du funk qui le conduit en 2012 à un premier EP autoproduit Born in Black & White, puis à un second acclamé par la critique en 2014 Forever Dreaming, davantage orienté soul. Ne voulant s'enfermer dans aucun carcan, Myles fonctionne au feeling, faisant naturellement évoluer son style vers des contrées plus jazzy. S'appuyant sur l'héritage des prestigieuses maisons Stax, Motown ou Atlantic et des artistes comme Bill Withers, Bobby Womack, Donny Hathaway, Jill Scott Heron ou The Last Poets, il prend garde à ne pas s'y enfermer pour autant, refusant de nous servir du réchauffé. En effet, si importantes qu'elles soient, ces seules références ne suffisent pas à résumer son identité sonore, enrichie d'influences contemporaines piochées chez Maxwell, the Cinematic Orchestra ou encore Matthew Halsall. Musicien charismatique, il nous impose son énergie hors norme, sa fraicheur et son talent mis au service d'une vision singulière de la Black Music. L'indéniable qualité de ses textes et la sophistication de ses orchestrations soulful mariant jazz, groove et R&B, font de ce disque engagé et racé l'une des plus belles surprises de ce début d'année.
Vincent Bourgeyx - Short Trip (Fresh Sound Records/Socadisc)
Le pianiste bordelais Vincent Bourgeyx, sans doute le plus américain des jazzmen français, nous offre son nouvel opus intitulé Short Trip. Membre actif de la scène new-yorkaise depuis la fin des années 90, puis hexagonale dès son retour en France fin 2001, il a fait ses armes aux côtés du tromboniste légendaire Al Grey (ancien de l'orchestre de Count Basie) et de la saxophoniste avant-gardiste Jane Ira Bloom, deux grandes sources d'inspiration qui lui soufflèrent son sens du swing et son goût du risque.
S'étant illustré outre atlantique auprès d'artistes majeurs comme Ravi Coltrane, Mark Turner, Bobby Durham, Jane Monheit ou Elizabeth Kontoumanou, il s'acoquine à Paris avec les non moins talentueux Sylvain Beuf, Médéric Colignon ou David Elmalek et retrouve son fidèle ami Karl Jannuska, avec qui il publie en 2007 le disque Un Ange Qui Ricane.
Aujourd'hui, celui qui considère que "la musique doit parler de la vie" et que le jazz est davantage une histoire de cœur plutôt qu'une posture, se livre dans un nouveau recueil de 13 titres, entouré des américains Matt Penman à la basse (complice depuis l'époque du Berklee College à Boston) et Obed Calvaire à la batterie. Ce trio d'expert devient parfois quartet, avec les participations du saxophoniste ténor de haut vol David Prez ou de la chanteuse Sarah Lazarus, héritière de la grande tradition du jazz vocal et de ses divas Carmen McRae ou Shirley Horn.
Constitué de 8 compositions et de 5 reprises allant du "Tune Up" de Miles Davis au "This Is New" de Kurt Weill, Short Trip est un album radieux à l'énergie débordante. Vincent y exprime son jazz inspiré et contagieux où swing, groove et musicalité s'enlacent avec fougue et élégance. Son jeu ample, instinctif, incisif et sensuel touche l'auditeur de l'ouverture avec le titre éponyme où brille d'ailleurs le cuivre étincelant de David, jusqu'au touchant solo de clôture "For All We Know", une merveilleuse ballade. De par sa spontanéité et son désir de partager, le trio parvient à y élaborer des ambiances tamisées, chaudes et conviviales, nous projetant dans un club imaginaire à l'espace intimiste. Lorsque résonne la voix sobre et délicate de Sarah la magie n'en est que plus vibrante...
Le trio néo-soulJ-Silk nous présente son premier EP baptisé WWWD. Issue de la scène bordelaise et largement inspirée par les sonorités hybrides d'entités telles que The Internet (Los Angeles), Portishead (Bristol), Hiatus Kayote (Melbourne) ou Little Dragon (Goteborg en Suède), la formation distille une musique intimiste façonnée par une batterie de claviers analogiques, de rythmiques trip-hop (Didier Bassan), de guitares planantes, de lignes de basse hypnotiques (Louis Gaffney), le tout sublimé par une voix sensuelle et singulière, celle de Joanna Rives. Flirtant avec le groove, la pop, la soul, le hip-hop et l'électro, J-Silk signe 4 titres captivants.
"WWWD" nous embarque d'emblée dans un univers west coast aux accents future soul et G-funk, le décors étant planté, le vibrant "If You Leave" déploie son ambiance un brin plus pop, bien que gorgée d'une soul racée façon Amy Winehouse. "Regrets" inonde ensuite son auditoire d'une douce lumière carioca et le berce au son d'une guitare bossa. La chanteuse y exprime sa nostalgie, si palpable qu'elle en donne des frissons... Là encore le spectre de la regrettée diva du club des 27 est bien présent.
En clôture, "Humminbird" dévoile son bourdonnement de basse captivant, la guitare se fait nébuleuse et la batterie martèle un tempo lent sur lequel vient s'étaler le timbre fragile d'une voix chargée en émotions.
Très belle entrée en matière pour J-Silk dont l'EP WWWD est prévu dans les bacs en Mars prochain.
Elida Almeida - Di Mi Ku Di Bo (Single) (Lusafrica)
Nous découvrions en Avril 2015 le délicat Ora Doci Ora Margos de la chanteuse et compositrice capverdienne Elida Almeida. Un single nommé "Txika" paraissait près d'un an après, en juillet 2016 avec aux arrangements l'excellent guitariste Hernani Almeida, déjà présent sur les 13 morceaux du premier album. Lusafrica nous dévoile aujourd'hui un nouveau titre baptisé "Di Mi Ku Di Bo", enregistré à l'automne lors du premier voyage d'Elida à la Havane. Arrangé par Emilio Da Veiga, ce petit bijou aux saveurs cuivrées fusionne avec grace les sonorités cubaines à celles de la coladeira. Après sa participation courant 2016 au RFI Découvertes Tour en Afrique ainsi qu'à une 50aine de concerts à travers le monde, l'artiste prépare une tournée européenne qui débutera après la sortie de son prochain EP prévu en Mars 2017, ce dernier sera bien sûr suivi d'un long format attendu pour l'été à venir.
Un emploi du temps serré donc, pour cette jeune maman dont la carrière naissante a le vent en poupe.
Une nouvelle année s'amorce avec un hiver qui bat son plein et pour célébrer l'ouverture de la saison de ski le label Bargrooves publie pour la sixième édition de sa série Après Ski une collection de 30 titres house et deep house triés sur le volet et spécialement choisis, puis compilés, pour animer l'heure de l'apéro en bas des pistes des prestigieuses stations des Alpes ou des Rocheuses.
S'y enchaînent ainsi les tubes emblématiques dernièrement fournis par la crème des DJs et producteurs en vue ces derniers temps, je pense à Dennis Ferrer avec son "Right Thing Featuring Ben Westbeech", ATFC et son incontournable "No Victim Song Featuring Hannah Williams", Red Rack'em et sa bombe "Wonky Bassline Disco Banger" ou encore Nomumbah avec "Words". Outre les versions originales de ces véritables perles pour le dancefloor, Bargrooves Après Ski 6.0 rassemble aussi quelques remixes notables devenus classiques, comme le "Funky Club Mix" de "Funky People" (Funky People featuring CassioWare) orchestré par Knee Deep ou bien le "Más Jugo’ Dub" de l'excellent "Piña" (Metro Area) par SWAG.
Bref, que du beau monde... La compilation sera disponible à partir du 03 Février prochain en streaming ou bien en téléchargement sur toutes les bonnes plateformes.
Milareva - Search For The Light (Mo Wonder Records)
La toute jeune formation néo-soulMilareva nous offre son premier EP très accrocheur baptisé Search For The Light. Signé sur le label parisien Mo Wonder Records, le disque composé de 6 titres en dit gros sur le potentiel d'un quartet soul-jazz très prometteur, construit autour de la chanteuse et auteure toulousaine Ruth Eva Lemarchand alias Evalem et du pianiste/compositeur stéphanois Etienne Bally. Ses sonorités racées imprégnées defunk, de hip-hop et de R&B made in US, sont à rapprocher des expérimentations jazzy de musiciens tels que Robert Glasper, Austin Peralta ou Gretchen Parlato. Elaborant un groove chaud, profond et contagieux, que la section rythmique formée par le bassiste Sunny Adroit et le batteur Yoann De Danier contribue largement à faire briller, Milareva se distingue par la sophistication de ses arrangements et l'ambiance intimiste et envoutante qu'il dégage aussi bien en studio qu'en live. La voix suave et délicieuse de la diva, qui rappelle à bien des égards celle de Meshell Ndegeocello, se prête à merveille aux compositions du claviériste dont les mélodies, délicatement posées sur des rythmiques alliant P-Funk, accents urbains et contemporains, séduisent dès la première écoute.
Le producteur Roberto Occhipinti, reconnu comme l'un des meilleurs contrebassistes canadiens s'exprimant aussi bien dans le répertoire jazz que dans la musique classique, nous présente son album Stabilimento, paru le 01 Novembre 2016 sur son propre label Melodica Music. Parmi les 9 titres aux saveurs cuivrées de l'opus, 6 sont des compositions de l'artiste enregistrées en quartet ou en nonet augmenté d'ensembles à de cordes.
Au travers d'elles il mêle à son jazz classique aux orchestrations luxueuses et souvent flamboyantes ("Tinacria"), les sonorités world issues d'Amérique latine et d'Afrique du Nord ("Tuareg", "Que Bolla", "Markato"), l'écriture de Beethoven et la sensibilité de John Coltrane ("Opus 132"), sans oublier la fusion de Zawinul ("Stabilimento") et l'audace de Charles Mingus...
Les 3 autres morceaux du disque marquent la richesse du jeu et des influences d'uncompositeur et arrangeur versatile. Roberto s'y illustre en effet dans une veine plus smooth et cool jazz : "Penelope" de l'immortel Wayne Shorter, "Dom de Illudir" du brésilien Caetano Veloso et "Another Star" de l'immense Stevie Wonder.
Un grand plaisir d'écoute !
The Men In The Glass Booth - Ground breaking re-edits and remixes by the disco era’s most influential DJs (BBE Records/Differ-Ant Distribution)
Une partie des productions house actuelles semble tendre vers un retour à ses fondations disco, bâties dans les années 1970 en réponse à la domination de la scène rock, il n'y a qu'à écouter, pour s'en rendre compte, les travaux récents d'Eli Escobar, Dimitri From Paris, Red Rack'em, Joe Negro ou Purple Disco Machine. C'est entre Philadelphie et New York que naît et se développe cette nouvelle tendance musicale (accompagnée de ses codes vestimentaires et surtout de ses chorégraphies) tant décriée à l'époque par les tenants d'une contre-culture déclinante.
Fruit d'un habile mélange de soul, de funk et de pop, enrichi de cordes et de cuivres puis de synthétiseurs et de boites à rythmes, le disco est dédié au dancefloor, à la fête, à la légèreté et à l'insouciance. Les clubs foisonnent et la demande en tubes accrocheurs et entraînants fait émerger une nouvelle génération dedisc-jokers qui ne se contentent plus de passer des disques, mais qui deviennent véritablement producteurs voire musiciens accomplis, élaborant des techniques de mixages, d'orchestrations et d'enchainements sophistiquées. Ces derniers devaient dénicher la perle rare parmi la myriade de titres mis sous presse hebdomadairement et souvent concevoir des extended versions afin de fournir des sets classieux au mix impeccable et sans temps mort. Ces artisans de la nuit donneront leurs lettres de noblesse au métier de DJ, encore tant envié et adulé aujourd'hui. Walter Gibbons alias The DJ's DJ, resident au Galaxy 21 de New-York, était un véritable pionnier dans ce domaine et surtout un remixeur de premier ordre, il fut l'un des protagonistes majeurs dans l'éclosion de la scène disco underground, notamment grâce à son "Sunshine Sound Acetate Edit" de "Ten Per Cent" du groupe Double Exposure sorti en 1976 chez Salsoul Records. Foulant le premier la porte d'un studio d'enregistrement, ses initiatives inspireront les icônes de la house music dont les emblématiques Frankie Knuckles alias The Godfather Of House (DJ au mythique Warehouse de Chicago), disparu il y a peu et Larry Levan pilier du célèbre Paradise Garage de New-York.
La carrière de Gibbons était étroitement liée au label légendaire Salsoul Records fondé par les 3 frères Cayre (1974-1985), qui hébergea outre Double Exposure, des formations comme The Salsoul Orchestra, Instant Funk, Inner Life ou First Choice et des artistes comme les divas Loleatta Holloway, Jocelyn Brown ou encore Carol Williams. Originellement orientée musique mexicaine, la maison de disques flaira le bon filon en s'intéressant au disco et en sortant la première, un format de disque vinyle insolite à l'époque : le maxi 45 tours.
Le coffret The Men In The Glass Booth revient sur cette époque glorieuse à travers des remixes et re-edits des Djs les plus influents de l'ère disco. On notera aux côtés de Walter Gibbons, les noms prestigieux d'artistes tels que Jim Burgess, John Morales (toujours dans le circuit à 62 ans!), Bobby DJ Guttadaro, Tom Savarese, Jellybean Benitez, Tee Scott ou John Luongo…
Les 3 CDs compilés par le DJ écossais Al Kent - fidèle collaborateur du label anglais BBE et fan inconditionnel de Walter Gibbons - seront accompagnés d'un généreux livret de 40 pages nous renseignant sur l'histoire de ces magiciens des platines, passés maître dans l'art d'enflammer les pistes de danse !
A noter que le label Barely Breaking Even (BBE), actif depuis 1996, rassemble un panel de musiciens assez exceptionnel, en effet Masters At Work, Paul Weller et Black Coffee y sont passés comme d'ailleurs J Dilla, Will I Am, Ty, Dj Spinna ou Dj Jazzy Jeff...
Une référence absolue!
Qui veut ressentir un frisson blues, celui bien roots et rugueux du delta du Mississippi, doit absolument pencher une oreille attentive sur le premier projet long format de King Biscuit, intitulé Well Well Well. Basé à Rouen, le guitariste parisien Sylvain Choinier y convie le violoniste Frédéric Jouhannet et nous offre 11 titres absolument explosifs et brulants. Gavé de larsens et de sonorités analogiques distorduesKing Biscuit délivre, avec une énergie folle, un son brut et captivant, façonné par un ensemble malmené de guitares acoustiques et de violons torturés. Les micros et mégaphones poussiéreux lâchent leur crachin vintage sur des rythmiques endiablées, battues des pieds sur des estrades amplifiées, agrémentées de quelques éléments de batterie disposés ça et là, parmi une ribambelle de câbles qui s'entremêlent. Baptisée 'indie blues', la musique du diable que cuisine King Biscuit est on ne peut plus rock, relevée par quelques pincées d'un grungeéraillé et crasseux.
Belle découverte.
Invaders - Carnival Of Sounds (Il Monstro/L'Autre Distribution)
Inspirés par le film d'épouvante américain de Herk Harvey, Carnival Of Souls, sorti en salle en 1962 avec dans le rôle principal l'actrice Candace Hilligoss, le batteur Nicolas Courret et le claviériste David Euverte publient Carnival Of Sounds, un album sombre et abyssal en forme de bande-son imaginaire retro-futuriste renouant avec la tradition des oeuvres crépusculaires et angoissantes de John Carpenter. Mêlant sonorités analogiques et musique électronique, Invaders élabore des ambiances cinématiques aux nuancestrip-hop ("Hey Johnny, Who's The Doll?"), pop rock ("Carnival Of ounds (Main Title)"), ambient ("Shivers In The Emporium") et cosmic disco ("Mary-Go-Round"), alternant tour à tour les textures subaquatiques, planantes et brumeuses hantées de synthés fantomatiques captivants.
Onom Agemo & The Disco Jumpers - Liquid Love (Agogo Records/Differ-Ant)
Le quintet berlinois Onom Agemo & The Disco Jumpers nous revient avec un second album baptisé Liquid Love. Succédant à Cranes & Carpet paru en 2015, ce nouvel opus aux saveurs 70's nous replonge dans les grooves afro bardés desonorités funky et psychédéliques de 5 larrons, adeptes de culture mandingue, garifuna, gnawa et éthiopienne. Adoratrice de synthés analogiques et d'ambiances électro vintage flirtant souvent avec le rituel sufi et la guitare wah wah, la formation est dotée d'une solide assise rythmique maîtrisant à merveille la polyrythmie africaine et d'une section cuivre retorse et musclée. Ensemble elles explorent les tendances free, cosmic, éthio et future jazz, krautrock et afro funk à travers les héritages maliens et marocains ou le folklore pygmée... Le résultat est hypnotique et nous fait rappelle forcément les recherches d'artistes novateurs et aventuriers tels que Sun Ra, Manu Dibango et de projets plus récents comme celui de The Heliocentrics.
Excellente découverte!
This upload features tracks from recent reviews covered in my blog Les Chroniques de Hiko... Artits in order of appearance:
Aïda & Babak
Joona Toivanen
Vosper
Memoryman & Rogue D
Swedish House Mafia (Mirco Caruso Edit)
Sandy Rivera
Chris Lorenzo
Danvers
Midland
Black Legend
Jimmy Scott
Girafe & Bruno Girard
Léa Castro
Sleepin' Giantz (DieMantie Remix)
Moonchild
Toronto Art Ensemble
Battle Of Santiago
Richard Galliano - New Jazz Musette (Ponderosa/Pias)
L'accordéon était à l'honneur fin 2016 avec Les Racines du Ciel de Frédéric Viale, il le sera aussi en ce début d'année 2017 avec le double album intitulé New Jazz Musette,du monstre sacré Richard Galliano . Afin de marquer les 30 ans d'une carrière bien remplie, la référence incontournable de l'accordéon - aussi bien à l'aise dans le jazz que dans la chanson, dans la musique classique (Bach sorti sur le prestigieux Deutsche Grammophon) que dans les rythmes brésiliens ou argentins - nous offre un aperçu du chemin parcouru depuis l'impulsion du maître Astor Piazzola. Ce que ce dernier fit au tango, Richard l'appliqua à la musette contre vents et marées, malgré les réticences et les à priori. Aujourd'hui comme à ses débuts, le musicien cannois s'entoure de la formation type du jazz-musette, un quartet composé de la trinité guitare-contrebasse-batterie. Il convie pour l'occasion ses fidèles acolytes, figures emblématiques du jazz hexagonal, le bassiste Philippe Aerts, le guitariste Sylvain Luc et le batteur André Ceccareli. Des complices de haut vol qui évoluent avec une spontanéité et une facilité déconcertante dans son monde musical varié et fédérateur.
Venant tout juste de souffler sa 66ième bougie, il était important pour lui de revisiter le répertoirenew musette qu'il partagea au fil des années avec des sommités de la scène jazz internationale telles que Phillip Catherine, Aldo Romano, Biréli Lagrène, Jean-Marc Jafet, Daniel Humair, Michel Portal, Wynton Marsalis, Didier Lockwood, Toots Thielemans et j'en passe.
L'accordéoniste franco-italien qui fit ses classes au Conservatoire de Nice (où il obtint en 1969 le 1er prix d'excellence au trombone!) revient aussi sur un thème qu'il affectionne particulièrement: "Tango Pour Claude" composé pour son ami Claude Nougaro (RIP). Ailleurs, il aborde ses aventures avec Mino Cinelu, Gonzalo Rubalcaba et Charlie Haden à travers "Aurore", morceau extrait du disque Love Day datant de 2008.
Enregistrés en 3 jours, ces 18 titres expriment avec délicatesse, rondeur et légèreté toute la profondeur d'un artiste qui a su redoré le blason d'un instrument poussiéreux, intégrant les influences des vénérables Herbie Hancock, John Coltrane, Bill Evans et Chick Corea, écoutant les pionniers Marcel Azzola et Joss Baselli ou explorant les univers d'Edith Piaf, JacquesBrel, Barbara, Nino Rota, Chet Baker ou bien des illustres Tchaîkovsky, Ravel, Vivaldi et Mozart...
Se dégage aussi de ce New Jazz Musette une chaleur des suds qui lui sont si chers et notamment celui de la France. On notera à cet égard l'unique morceau inédit: "Nice Blues" dédié aux niçois touchés en plein cœur par l'attentat du 14 juillet 2016.
Papanosh - A Chiken in a Bottle (Yellow Bird/L'Autre Distribution)
Je connaissais le crapaud glissé mystérieusement dans la fameuse bouteille de gniole, référence à la scène culte du film Les Bronzés Font du Ski, mais pas encore le poulet, c'est chose faite avec ce nouvel opus du quintet rouennais Papanosh intitulé A Chicken in a Bottle. Suite à son Oh Yeah Ho acclamé par le public et la critique, la formation jazz constituée en 2006 nous offre 8 compositions inédites et pétillantes souvent explosives, accompagnées d'une reprise vibrante de la ballade "Plain Gold Ring" écrite par George Stone et immortalisée jadis par la diva Nina Simone. Dominé par les claviers de Sébastien Palis (piano, orgue B3, wurlitzer) et les sonorités cuivrées du trompettiste Quentin Ghomari et du saxophoniste Raphaël Quenehen, ce nouveau projet largement orienté hard-bop nous balance son swing désarticulé et ses mélodies touchantes mais souvent brinquebalantes et bariolées, inspirées des aventures free jazz de Mingus, Dolphy ou du Art Ensemble of Chicago. La section rythmique menée par le batteur Jérémie Piazza et le contrebassiste Thibault Cellier déploie un groove captivant nous menant au gré de ses accélérations et décélérations dans des univers colorés aux frontières poreuses, où fricottent blues, jazz nocturne, notes bleues dissonantes et incandescentes, reflets latinset afro, parfum des balkans, fulgurance et virtuosité... Le tout avec audace et inventivité, dans un esprit festif et de partage !
En Septembre dernier paraissait chez Defected le 1er volume de la collection 4 To The Floor, rassemblant 53 titres house emblématiques des années 80 et 90, revisités, réédités ou remixés par la crème des producteurs actuels. Ce second volume présenté par ITH (acronyme de In The House) affilié à la célèbre écurie londonienne, poursuit son immersion dans le son old school et underground des pionniers comme Kerri Chandler et 'Little' Louie Vega tout en nous délivrant des pépites brulantes d'actualité d'artistes plus jeunes mais néanmoins incontournables, comme CrookersouRed Rack'em. Parmi les 50 morceaux compilés dans cette mouture à paraître le 20 Janvier prochain, s'y côtoient aussi quelques Djs/producteurs infatigables que l'on retrouve régulièrement derrières les platines des clubs les plus en vue de la planète, je pense notamment à Dennis Ferrer, Osunlade, Quentin Harris, Shuya Okinoou Benji Candelario...
Une fois de plus, 4 To The Floor nous fait apprécier toute la richesse d'une house music indémodable, qui ne cesse de s'appuyer sur ses classiques pour bousculer les codes et aller de l'avant.
Rhoda Scott - We Free Queens (Sunset Records/L'Autre Distribution)
La légende vivante du jazz Rhoda Scott, véritable mythe et ambassadrice prestigieuse de l'orgue Hammond depuis près de 40 ans, s'apprête à publier chez Sunset Records son dernier opus intitulé We Free Queens, un disque produit par Stéphane Portet (directeur du célèbre club de jazz parisien Sunside/Sunset). Entourée de son Lady Quartet, composé depuis une rencontre sur scène au Sunset en 2007, des jeunes pousses Sophie Alour au saxophone ténor, Lisa Cat-Berro au saxophone alto et Julie Saury à la batterie, la 'Barefoot Lady' (femme aux pieds nus) fait groover au fil des 8 titres un swing classieux, teinté de rhythm'n'blues et marqué par les grandes heures du label Blue Note. Derrière ses claviers au timbre chaud et percutant, la pétillante Rhoda y aborde des compositions originales comme sa Valse à Charlotte ou Joke écrite par Sophie. Le quartet y explore aussi un des thèmes intemporels de la chanson française, le fameux Que reste-t-il de nos amours de l'illustre Charles Trenet.Ailleurs la formation s'aventure dans le répertoire sulfureux du 'Genius'Ray Charles avec son tube What I Say ainsi que dans celui des standards du jazz américain, avec One by One de Wayne Shorter.
L'organiste et chanteuse, aussi bien à l'aise avec la note bleue que dans la musique classique, blues et gospel, a joué aux côtés des plus grands, de George Benson à Count Basie en passant par Ella Fitzgerald. Elle nous offre à 78 ans un disque généreux, revigorant, frais et accessible, mettant en avant la virtuosité des excellentes instrumentistes qui l'accompagnent, fleuron de la nouvelle scène jazz française.
Söndörgo - Live Wires (Riverboat Records/World Music Network)
Pour célébrer les 20 ans d'une carrière musicale menée tambour battant aux sons effrénéset bourdonnants de la tamburizta, la fratrie hongroise Eredics composée d'Aron, Benjamin, David et Salamon, accompagnée depuis 21 ans par leur acolyte bassiste Attila Buzas, nous offre Live Wires, un album compilant 12 titres enregistrés en live durant leurs tournées en Europe entre 2010 et 2015. Débordantes d'énergie, les sonorités envoutantes et pétillantes de la formation folklorique nous plongent avec virtuosité dans les traditions musicales bulgares, serbes, macédoniennes, turques, juives et tziganes, revisitant les oeuvres emblématiques de maîtres tels que Béla Bartók (compositeur et pianiste reconnu comme étant l'un des pères de l'ethnomusicologie) ou Tihamér Vujicsics (compositeur qui a beaucoup écrit pour le cinéma), tous deux férocement attachés à l'héritage d'une culture d'Europe orientale riche de ses multiples métissages.
Ces mélodies des balkans misent en oeuvre par les chants à l'unisson captivants, le pincement véloce des cordes cristallines du tamburitza, les ondulations racées de l'accordéon, puis les souffles vigoureux et virevoltants des flûtes, clarinettes entre autres trompettes, se déploient sur des cadences endiablées, hypnotiques et frénétiques, savamment orchestrées par les touches percussives de la derbuka ou du tapan.
Une légende oubliée de la musique éthiopienne des années 60 et 70, Girma Bèyènè, refait enfin surface après des années d'absence passées aux Etats-Unis loin des instruments, de la scène et des studios. Plus connu en ses temps de gloire que le vénérable maître de l'éthio-jazzMulatu Astatké, l'organiste, compositeur et arrangeur natif d'Addis Abeba, s'est largement fait connaître grâce à ses influences rock et soul empruntées à la musiquepop anglo-américaine. Convié en Amérique pour une tournée organisée en 1981 par Amha Eshèté (boss du label éthiopien Amha Records) avec son fameux Wallias Band,l'artiste y déposera ses valises, fuyant ainsi la dictature du lieutenant-colonel Mengistu.
De retour au pays en 2008 grâce à l'entremise du producteur Francis Falceto, le survivant du Swinging Addis se met au piano et renoue avec ses premières amours musicales. A 70 ans, le musicien devenu pour l'occasion chanteur, est l'invité de la célèbre formation Akalé Wubé dans son dernier Mistakes On Purpose.
Digne représentant du groove abyssinien dans l'hexagone, le quintet offre à Girma l'occasion de renaître de ses cendres à travers 14 titres racés et cuivrés, dont 13 ont été écrits et composés par le crooner lui-même, fan d'Elvis, Sam Cooke et autres Lee Dorsey. Enregistré au Studio Prado et entièrement arrangé par le groupe basé à Paris, le disque constitue le 30ième volume de l'excellente collectionEthiopiques du label Buda Musique, dédiée aux pionniers de l'éthio-groove.
Une sortie marquante pour ce début d'année 2017 prévue le 13 Janvier prochain, qui sera prolongée d'un concert à l'Alhambra le 18.