La nouvelle petite perle pop/folk à paraître chez PIAS
fin Avril nous vient d'Allemagne et s'intitule Birthmarks. La fratrie Sarah
et JulianMuldoon nous livre leur
premier recueil de 11 chansons où mélancolie folk, peps et légèreté pop
fusionnent, hameçonnant littéralement l'auditeur séduit par ses ambiances
tantôt intimistes et dominées par les cordes mélancoliques de Julian ("White Lips", "Like A Letter" ou "Monster"), tantôt entraînantes
et menées par les mélodies et les rythmiques indie de Sarah ("Elephants", "Slow" ou
"Falling"). S'y devinent en
filigrane les influences de Regina
Spector, Agnes Obel ou Angus & Julia Stone ainsi que
celles de Coldplay, Arcade Fire et même The Cure. Le premier single "Mayflies" expose assez bien
cette habile combinaison de deux sensibilités distinctes qui se complètent à
merveille...
La productrice et chanteuse Yasmine Dubois alias Lafawndah publie son second EP baptisé Tan. La jeune artiste qui partage ses origines entre l'Egypte et l'Iran a déposé ses valises à New York après avoir séjourné à Mexico et Téhéran. Elle laisse derrière elle le Paris de son enfance et une France frileuse qui n'a su ni apprécier, ni soutenir son projet musical militant et expérimental.
Signant chez Warp un nouveau recueil de 4 titres barrés fusionnant rythmiques industrielles tranchantes, mélodies pop aux accents world et textes engagés, elle s'entoure pour l'occasion d'un tandem électro aventureux composé de l'américain Aaron Davis Ross alias ADR et de l'anglais James Connolly alias L-Vis 1990,ainsi que de ses collaborateurs en studio Tamer Fahri et Nick Weiss.
Définitivement inclassable, Lafawndah nous fait marcher au pas sur des cadences quasi militaires ponctuées de kicks technoïdes asséchés et de percussions tribales entêtantes d'inspiration turco-persanes. Destinée à embraser le dancefloor, sa pop futuriste prend des allures de folklore soufi electro-psychédélique, un trip sonique brutal, une transe bestiale ponctuée d'impactes de bass et de grime qui s'humanise pourtant grâce à sa voix sensuelle, faisant ici référence à Bjork ou Kate Bush et là à FKA Twigs ou Missy Elliott.
Le producteur japonais basé à Londres Masaaki Yoshida alias Anchorsong
nous balance une seconde bombe extraite de son excellent Ceremonial. "Expo"
est prévu pour le 29 Avril prochain et sera livré avec 2 bonus et 1 remixe nu disco du titre "Last Feast" orchestré par le producteur allemand VB Külh.
Le protégé de Tru
Thoughts frappe une nouvelle fois un grand coup dans la fourmilière
électronique avec un single très orienté hip-hop,
affichant son beat crasseux et ses riffs de guitare western façon Ennio
Morricone.
Sandra Rumolino et Kevin
Seddiki - Tres Luceros (Wildner Records/L'Autre Distribution)
La chanteuse argentine Sandra
Rumolino, diva du Tango, et le guitariste/percussionniste français Kevin Seddiki nous offrent leur sublime
Tres Luceros, une aventure poétique et acoustique inspirée et vibrante, reliant
les sonorités et les sensibilités des Suds d'ici et d'ailleurs. S'y écoutent forcément
les influences latines de Buenos Aires d'où Sandra puise son langage musical et dont les harmonies et les
rythmes sud-américains ont largement déteints sur le jeu de Kevin, qui partage d'ailleurs
régulièrement les scènes des jazzmen Dino
Saluzzi et Al Di Meola. Leur
origine italienne est aussi un dénominateur commun aux deux complices qui se côtoient
depuis maintenant 5 ans et à celle-ci s'ajoutent l'Algérie du concertiste, ici compositeur
et arrangeur de l'album, ainsi que l'Andalousie et l'Iran, qui transparaît à
travers sa pratique du zarb (instrument de percussion perse), transmise par l'illustre
famille Cheminari.
Chants et folklores d'Amérique du
sud, jazz, musique classique et rythmes orientaux se
mêlent et s'entrelacent dans une ambiance
tamisée et colorée à l'instar de la voix, de la guitare et des percussions qui
s'accompagnent tendrement dans un concert sonore intimiste où l'émotion prime.
Roger Sanchez – Strictly Roger Sanchez (Strictly Rhythm)
Le Dj new-yorkais Roger
Sanchez, que l'on peut sans conteste considérer comme l'un des pionniers de
la house music, voit sa prolifique
carrière de producteur être célébrée par le label américain Strictly Rhythm dans une compilation de30 titres emblématiques intitulée Strictly Roger Sanchez. La légende qui commence à mixer dès l'âge
de 13 ans, se fait remarquer au début des années 90 lors de remixes pour
Mickael Jackson et Diana Ross, avant d'enchaîner tubes et albums qui marqueront
les esprits des clubbers des 00's. Dj
Résident au Pacha d'Ibiza depuis déjà un certain temps, il est
l'organisateur des fameuses soirées Release
Yourself, devenues cultes sur l'ile. Véritable institution de la culture
club, on le retrouve derrière un tas d'alias illustres dont S Man, Ego Trip, The Funkjunkeez
ou encore Transatlantic Soul.
La sélection nous offre ainsi un panel très représentatif de
ses multiples facettes, une première partie réunie quelques uns de ses
meilleurs remixes comme son "Narcotic
Mix" de "Stand Up"
(Love Tribe) et son "Roger SanchezUplifting Club Mix" de
l'énorme "Givin It Up" d'Incognito (1993)…
Dans un second temps, l'artiste expose ses talents de
producteurs incluant les moments les plus marquants de son travail en studio,
on retient alors les excellents "Roger's
Uplifting Mix" de "As I Am"
parue en 1998 et "The Deep"
qui porte d'ailleurs fort bien son nom (1996).
Enfin, Roger Sanchez
illustre son attachement à Strictly
Rhythm en choisissant des morceaux exclusivement réalisés par le label,
c'est ainsi que l'on redécouvre les classiques, devenus depuis des références
incontournables de la scène house underground, "Get Hi" et ses accents disco
et "Sumba Lumba" parés de
vocaux yoruba. Ce dernier sortait pour la première fois en 1994 et représente
le premier succès - originellement coloré latino-dub - d'un monstre sacré qui nous
l'offre ici dans un rework signé "S-Man's
Got You In A Trance Mix".
Le producteur d'origine soudanaise Edyth nous présente, grâce à l'entremise du label parisien Fake Music, son second EP baptisé Agua Verde. Clairement orienté bass music et dominé par des textures électroniques planantes et entêtantes,
il succède à son excellent Bare I
paru l'an dernier.
Le premier single intitulé "On My Way" annonce la couleur avec sa ligne de basse
massive, ses nappes de synthés vaporeuses et ses accents drum plutôt down-tempo.
"Recycled Class"
nous immerge dans l'univers franchement narcoleptique
du beatmaker, plus sombre et profond que l'ouverture, la lenteur du titre a quelque
chose de psychédélique, impressionnotamment
renforcée par la succession obsédante de ses 4 accords de claviers et de samples
vocaux réverbérés.
Toujours au ralenti, les sonorités latines et les couleurs
estivalesd'"Aguaverde"
sont rassurantes, un petit arpège de guitare en toile de fond évoquant
vaguement les rythmes chaloupés et délicats de la bossa nova nous mène tout
droit vers les plages mythiques de Copacabana ou d'Ipanema.
Avec "Costa
Blanca"nous restons sous les
tropiques mais le propos d'Edyth
prend des allures d'abstract hip-hop
façon Dj Krush ou bien de trip-hop jazzyet nébuleux teinté d'ambient…
Pour faire court, son electronica
nocturne est parfaitement bien taillée pour animer une session chill-out tardive en bord de mer !
The Hue –
Crisscross EP (Classic Music Compagny) (Sortie le 22 Avril 2016)
Le label londonien Classic
Music Compagny ancré dans le segment house
music depuis sa création en 1995 par les très respectables Luke Solomon et Derrick Carter, nous présente le nouvel EP Crisscross du duo The
Hue, formé par les Djs/producteurs
JT Donaldson et Tim Kvasnosky.
A travers les 4 titres de l'EP, le tandem opère un virage Back to the Classics et revient aux racines
de la house nous immergeant tour à
tour dans l'univers classieux du jazz
avec un "Fata Morgana" au swing savoureux et ouaté (nous
rappelant les dernières productions du prodige Tim Deluxe) et dans celui plus dansant du disco avec ses rythmes entraînants soutenus par un groove funky entêtant, à l'image de "The Calling" et ses couleurs
caribéennes ou "Watch Out"
et sa ligne de basse assassine. L'excellent "Spaced
Out" est lui aussi construit du même bois, dans la lignée de ces
longues plages instrumentales nu disco
et electro funk que le mythique Metro Area de Brooklyn nous délivrait
au début des années 2000.
Crisscross nous
propose aussi d'écouter les versions remixées de "The Calling" - Eddie
C y renforce ses reflets funk
tandis que le boss Luke Solomon le
pare de claviers et d'accents un brin plus électroniques – et de "Fata Morgana" que l'argentin Leonel Castillo habille d'une rythmique
deep housemusclée, bien plus orientée dancefloor que l'originale.
Paper Tiger
- I'm A Cyborg (But That's Ok) (Wah Wah 45s)
La formation electronica
basée à Leeds Paper Tiger
revient enfin, après 18 moins de silence radio, avec le single "I'm A Cyborg (But That's Ok)".
Les six surdoués des platines, séquenceurs, claviers et autres drum machines annoncent
la sortie imminente de leur prochain album prévu ce printemps. Le titre séduit
d'entrée de jeu avec sa syncope hip-hop synthétique,
sa mélodie 8 bit, ses samples vocaux un brin réverbérés et sa
progression délicate vers une ambiance
funky ample et aérienne motivée par des synthés entêtants. Le groupe a voulu renouveler son empreinte
sonore la faisant évoluer peut être dans un genre hybride plus affirmé, le futur LP proposera un casting de
choix avec notamment les interventions de Shafiq
Husayn (Sa-Ra), Sarah Williams White,
Pyramid Vitra ou encore Chester Watson. On a hâte…!
L'écurie Tru Thoughts
a décidé de mettre toute sa puissance de frappe au service d'une plateforme
spécialement dédiée à la promotion de la
nouvelle scène issue de la culture sound system anglaise. Baptisée Sharp And Ready et conduite avec
passion par Jean Claude 'Lionbeat'
Charnier, elle réunit et chouchoute des artistes émergeants de milieux
musicaux variés, allant du reggae à la
jungle en passant par le hip-hop, le dub et le dancehall, sélectionnant leurs
tracks avec amour et laissant le soin de la réalisation au célèbre et exigent
label électro de Brighton.
Fin Mars 2016 paraîtra Sharp
And Ready Compilation,rassemblant
11 morceaux dont 2 exclusivités incluant notamment l'intervention du poète
rastafari Benjamin Zephaniah aux
côtés de The Sea et Yaz Alexander dans le très conscient "Pressure I (Red String Riddim)".
Les 9 autres titres sont récemment
sortis chez Tru Thoughts (je pense entre
autres à l'excellent "Frass FeatSerocee" produit par le tandem Ed
West & RTikal) et figurent déjà parmi les classiques du genre.
Emanation du label Sub
Pop, qui signait à leurs débuts des groupes emblématiques comme Nirvana,
Soundgarden et autres acteurs de l'effervescente scène rock alternative de
Seattle, Hardly Art nous présente
une nouvelle formation aux sonorités prog
punk nommée Gazebos. Le quatuor indie rock et tape-l'oeil, composé de
la chanteuse ultra tatouée Shannon Perry,
du guitariste TV Coharan, du
bassiste Shane Herrell et du batteur
Jordan Y. Adams, décrit lui-même sa
musique de "whoa pop". Il publie
son premier opus intitulé Die Alone qui
rassemble les compos, démos et sensibilités de chacun des membres, retravaillées,
captées et enregistrées à l'ancienne chez TV
par Kurt Block (Fastbacks) sur un Tascam
8 pistes à cassette. Ce patchwork de
9 titres est un joyeux bordel aux ambiances surf rock, art rock et post punk aux relents 80's.
La bande de girls
pétillantes originaires de Seattle et formant depuis 2007 le quatuor Tacocat,présente son troisième opus intitulé Lost Time. Alternant les sonorités
pop, punk, surf-rock et shoegaze, le groupe aux textes engagés et décalés, mais qui
refuse pourtant tout étiquetage féministe, nous offre grâce à la production d'Erik Blood (Shabazz Palace) un son frais et tonique, un brin enragé
mais surtout fun et estival. Eric Randal,
unique paire de *** de la formation, impose ses riffs et ses rythmiques musclées
à la guitare entouré des fougueuses Bree
McKenna à la basse, Emily Nokes
au chant et Lelah Maupin à la
batterie. Leur premier single "I
Hate The Weekend" donne le ton avec son instrumentation accrocheuse, rappelant que si pour les uns, la fin
de semaine est un moment de relâche et de défoulement, elle ne l'est pas pour d'autres
qui bossent comme à l'accoutumé…
Après le single Dusk, qui nous avait fait fort bonne impression l'an dernier, le jeune DJ/producteur et multi-instrumentiste de Manchester Werkha alias Tom A. Leah nous offre un nouvel EP extrait de son premier album Colours Of A Red Brick Raft. "City Shuffle" déploie un son funky des plus entraînants toujours imprégné d'un beat électro bien punchy. On y retrouve une fois encore la voix puissante et soulful de Bryony Jarmane-Pinto,une vielle connaissance de l'artiste. L'EP est enrichi de 3 remixes ou plutôt de 3 reworks bluffants, on commence avec une relecture minimaliste et organique du titre "The Invincible Feat. Alex Rita" orchestrée par la légende de l'UK Bass Scratcha DVA, c'est ensuite au tour de l'excellent Tom Blip (patron du label Blip Discs) de s'occuper du très beau "Falling Through The Wall" le transformant en une petite pépite down-tempo accrocheuse. Contours s'empare enfin de "A Revolution Blue" lui donnant des reflets jazzy délicats.
Sacre du Tympan Présentent François de Roubaix - Et Si On Invitait James Dean ?
Fred Pallem et son Sacre du Tympan nous présentaient il y a peu leur dernier opus rendant hommage à l'oeuvre du compositeur de musique de film François De Roubaix. En bonus, le bassiste nous offrait le single "Et Si On Invitait James Dean" enregistré en 2007 et tiré de la bande originale de La Grande Lessive, que Jean-Pierre Mocky a réalisé en 1968 avec Bourvil dans le rôle d'Armand Saint Juste. François avait à l'époque envisagé d'écrire des paroles, sans donner suite... Fred ayant redécouvert cette version inachevée dans les archives, fît donc appel à la chanteuse Juliette Paquereau pour compléter le texte et l'interpréter à ses côtés. Répondant à sa complice comme Birkin le faisait avec Gainsbourg et jouant les parties de basse, de synthétiseur et de guitare, il invite le batteur Nicolas Mathuriau pour assurer l'assise rythmique.
Il en ressort une jolie chanson gorgée de tendresse et d'accents retros des plus touchants.
Leyla McCalla - A Day For The Hunter, A Day For
The Prey (Jazz Village/Harmonia Mundi)
Figurant au casting du tout récent projet de Raphaël Imbert, Music Is My Home Act1, la chanteuse, guitariste et violoncelliste
new-yorkaise Leyla McCalla avait
fait fort bonne impression notamment pour son interprétation de "La Coulée Rodair" de Canray
Fontenot. S'Installant en Louisiane en 2010 après un séjour au Ghana où elle se
plongea dans son identité africaine,
elle décide de renouer avec ses racines
haïtiennes et s'imprègne alors des traditions
créole et cajun de la Nouvelle Orléans. La musicienne engagée, qui a
commencé à jouer dans la rue et le métro avant d'être repérée par le manager du
groupe Carolina Chocolat Drops,
publie aujourd'hui son second opus intitulé A Day For The Hunter, A Day For The Prey, où elle poursuit son
exploration de l'héritage culturel transmis par ses parents. Mâtinant son blues du bayou de folk, de jazz et de twoubadou (folklore haïtien), elle
manie avec maestria le banjo ténor (en plus du violoncelle et de la guitare) interprétant
des chansons traditionnelles et ses
propres compositions en français, en créole et en anglais.
Nous délivrant un son
puissant et abrasif aux sonorités
tropicalistes psychédéliques issues des influences de la scène punk/rock, free jazz, voodoo funk, cumbia et métal, le trio détonnant Fumaça
Preta nous lâche son second opus aux reflets
caribéens et brésiliens intitulé Impuros
Fanaticos. Basé à Amsterdam, la formation rassemble autour de son leader,
le portugais d'origine vénézuélienne, Alex
Figueira (batterie/percussions, chant) le bassiste James Porch et le guitariste/claviériste Stuart Carter, tous deux anglais de Brighton. Sombre et théâtral, ce deuxième disque a pris forme lors de
sessions d'enregistrement dans des lieux plutôt insolites, une usine abandonnée
du désert espagnol, un bled pommé à frontière brésilienne et une base militaire
désaffectée de la République Tchèque. Entre les moments de transes narcotiques
("Migajas" et "Morrer de Amor") et de trip sonique expérimental saturé ("Ressaca Da Gloria", "La Trampa"), Fumaça
Preta explore sans retenue les contrées sauvages et enfumées du rock mutant pauliste des années 70 et 80,
nous faisant renifler sa mixture nauséabonde où baignent les viscères fraîchement
dégluties du chanteur et des restes d'une guitare fracassée sur le béton!
Molotov
Jukebox – Tropical Gypsy (Pause For Effect Records)
Prenez les rythmes frénétiques et les cuivres entraînants de
la musique des balkans, mixez-les
aux couleurs chaudes et latines de
la samba, de la cumbia et du forro,
rajoutez-y une voix fiévreuse aux accents
R&B et vous obtiendrez un délicieux cocktail fruité aux saveurs explosives et festives. Succédant
à Carnaval Flower paru l'an dernier,
ce second Tropical Gypsy annonce le
retour tumultueux du déjanté Molotov
Jukebox, combo un brin frappé mené par l'actrice et chanteuse Natalia Tena. Explorant la rencontre
improbable de sonorités géographiquement aux antipodes les unes des autres et
pourtant marquées par le même esprit de
fête, les six musiciens reconnus comme étant de véritables bêtes de scène agitent au shaker un tas
d'influences (pop, funk, flamenco, electro, ska, soul...) refusant tout étiquetage et se concentrant essentiellement sur la
production d'ondes positives et le partage d'énergie vitale !
Colin Stetson
– Sorow "A Reimagining of Gorecki's 3rd Symphony"
Le saxophoniste et multi-instrumentiste américain Colin Stetson, souvent investi dans des projets free jazz ou jazz d'avant-garde et dont le travail est largement
influencé par les pionniers de la musique
minimalistePhilip Glass, Steve Reich et Terry Riley, est notamment respecté
pour sa technique et sa maîtrise de la
respiration circulaire ainsi que reconnu pour ses prestigieuses collaborations, parmi
lesquelles on compte Arcade Fire, Bon Iver et autres monstres sacrés de
la scène rock tels que Lou Reed ou Tom Waits.
Le musicien protéiforme nous présente son nouvel opus baptisé Sorrow. Il s'agit d'un
réarrangement ambitieux et inspiré de la 3ième
Symphonie du compositeur polonais Henryk
Gorecki, devenu depuis sa redécouverte et son édition en 1992, l'un des
plus grands succès commerciaux de la musique classique.
Se tenant à la note près aux partitions originales, Colin a réimaginé l'orchestration des 3
mouvements de la Symphonie des Chants
Plaintifs que Gorecki avait écrit
en 1976 et qui rompait de par son tempo lent avec les formes classiques du
genre. Conservant les cordes de violons et violoncelles (où s'illustrent Sarah Neufeld, sa talentueuse épouse, et
Rebecca Foon) il s'offre les
services du puissant batteur métaleux Greg
Fox et d'une imposante section constituée de bois, de synthétiseurs et de
guitares électriques. Le résultat sonne d'une manière singulière et forcément
centrée sur ses instruments à hanches de prédilection, les repères de la musique classique sont bien sûr
présents, mais se parent de reflets typés black
metal et electro. L'orchestre composé
de 12 artistes a enregistré Sorrow en
2015 à Brooklyn, on y note parmi les pointures citées plus haut, la présence vibrante
au chant de la sœur de Colin,Megan Stetson diva mezzo-soprano…
Coronado - Au Pire, Un Bien (La Buissonne Label/Harmonia Mundi)
Le guitariste Gilles Coronado, présent dans le dernier disque punk/jazz de la contrebassiste Sarah Murcia, Never Mind The Future, nous présente son nouveau projet solo intitulé Au Pire, Un Bien.
Entouré d'une formation plutôt dévergondée et répondant simplement au nom de Coronado, il élabore avec Franck Vaillant à la batterie, Antonin Rayon aux claviers et Matthieu Metzger au saxophone ténor, un univers musical tourmenté et pluriel parcouru de motifs mélodiques dissonants et de rythmiques complexes asymétriques qui s'entrechoquent et s'entrelacent, s'accompagnant pour mieux se repousser.
Sonorités jazz, rock et électro s'y télescopent dans une mise en scène théâtrale jalonnée de moments calmes et de passages explosifs. Si l'auditeur est décontenancé par ces changements brusques d'atmosphère, les musiciens s'en amusent et, armés d'un gros son, construisent savamment les larges plages instrumentales (dépassant pour la plupart les 7 minutes) d'un album résolument sophistiqué et en constante ébullition!
Mais si l'ensemble demeure expérimental et barré, il est un titre qui paraît de prime abord plus conventionnel avec son format radio de 3 minutes, il s'agit d'une chanson interprétée par le singulier Philippe Katerine, elle donne d'ailleurs son nom au disque. Ses reflets pop sont mis à mal par un montage surprenant en post-production, enregistrée plusieurs fois à des vitesse différentes, ses parties sont recollées laissant les écarts de tempo jouer les trouble-fête et souligner ainsi la liberté de ton et l'humour avec lesquels Coronado aime traiter.
Fresh Sound From Les Chroniques de Hiko (March 16 Week 01 & 02)
Juste un petit tour du côté des dernières actualités musicales abordées dans mon blog Les Chroniques de Hiko... Omer Avital, Man Delgado, Sébastien Texier Quartet, Julien Alour Quintet, Christophe Laborde Quartet, Red Star Orchestra Feat.Thomas de Pourquery, Anotr, Nisennenmondai, Chucho Valdes, Sarah Murcia, Framix, Tribeqa et Anakronic Electro Orkestra.
Le jazzman originaire de Quimper Julien Alour nous présente son second opus baptisé Cosmic Dance. Succédant à l'excellent Williwaw, il réunit à nouveau François Théberge au saxophone ténor, Adrien Chicot au piano, Sylvain Romano à la contrebasse et Jean-Pierre Arnaud à la batterie. Le
quintet mené par le trompettiste à l'écriture subtile et inventive, nous invite
à travers 9 compositions originales et un standard à pénétrer dans un jazz acoustique aux couleurs chaudeset aux mélodies rassurantes.
Si le titre éponyme semble être extrait du répertoire d'Ibrahim Maalouf avec ses reflets
orientalisant si reconnaissables, "Super
Lateef" et son swing hard-bop
nous inonde dès les premières mesures de cette lumière radieuse et essentielle
qui découle bien sûr d'une formation à l'entente parfaite, mais aussi et
surtout du jeu si juste, simple et jouissif de son leader, qui alterne à
l'instar de ses illustres aînés, Miles
Davis et Freddie Hubbard,
trompette et le bugle.
Cette impression d'être au plus près des musiciens et de
vivre leur jazz incandescent en live,
amplifie cet état de béatitude dans lequel Cosmic
Dance nous plonge, il semble être tout entier bâti sur l'idée de partage,
d'échange et d'instantanéité, abattant les frontières et les distances, se
jouant de l'histoire et des styles.
"Solstice"
nous berce avec ses accents latins, "Le
Bal des Panthères" nous titille les gambettes avec son afro-groove
hypnotique et "Black Hole in D"
nous impose son tempo énergique qui déboule à plus de 100km/h manquant de nous
provoquer un arrêt cardiaque… "Think
Of One" est l'unique reprise de l'album, Julien l'emprunte au répertoire de Thelonious Monk et le fait sonner avec grande classe, sans fioriture
ni esbroufe.
Julien Alour et
ses fidèles acolytes signent une nouvelle fois un effort de grande qualité que l'on ne se lasse pas d'écouter et de réécouter, tel les grands classiques du genre !
Manu Delago - The Hidden Gobelins EP (Tru Thoughts)
Ayant fait ses classes à l'Université Mozarteum d'Innsbruck,
le percussionniste autrichien Manu
Delago s'initie au jazz à Londres et se passionne pour le hang, instrument acoustique suisse dérivé
du steel drum. S'en suit une
multitude de projets cross-over et
de collaborations prestigieuses dans des styles musicaux variés allant de la
musique électronique de Bjork au jazz de Bugge Wesseltoft ou à la musique
classique du London Symphony Orchestra, en passant par la néo-soul de Joss
Stone.
En 2015, le producteur et compositeur publiait chez Tru Thoughts son nouvel opus Silver Kobalt. Après une tournée de
près de 70 dates, il apparaîtra courant Avril dans le dernier album d'Anoushka Shankar intitulé Land Of Gold et prépare déjà une version unplugged de son dernier opus
pour une série de concerts prévus en Mai.
Tournant autour des sonorités
intimistes de son instrument aux résonnances métalliques délicates, Silver Kobalt est largement traversé
d'autres éléments acoustiques (basson, piano et percussions) que Manu renforce par une production
soignée faite derythmiques et de textures électro nappées
de couches de synthés.
Il bâtit ainsi un univers sonore hybride et expérimental des
plus séduisants à l'image du titre ouvrant ce dernier EP baptisé The Hidden Gobelins. "Grey Hair Man" et sa
dominante pop nous présente la
chanteuse Rahel, sa voix cristalline
et parfaitement maîtrisée nous hypnotise littéralement alors que l'instru aux
accents organiques se déploie dans une ambiance
down tempo qui s'accélère progressivement jusqu'à nous offrir un beat plus
soutenu (à rapprocher des travaux de Bonobo).
La version remixée par l'allemenad Pitto de "Chemical
Reaction", où apparaît encore la divine Rahel, poursuit notre lente incursion sur le danceflooravec un rework orienté minimal techno plus smooth et cosmique que
l'original, à la production plus tranchante et breakbeat.
Dans "Torsh
Track" le hang est mis en
avant et joue le chef d'orchestre lorsqu'il est rejoint au bout de 3 minutes par
un carillon, un piano et des cordes dans une symphonie caverneuse vibrante. On y retrouve l'atmosphère lancinantedes plus beaux morceaux de Cinematic Orchestra, auprès de qui il
s'est d'ailleurs illustré. Pour l'anecdote, ce titre figurait en introduction
du live de Silver Cobalt, où toute
scène éteinte les musiciens tenaient un flambeau, faisant ainsi référence aux
mineurs chercheurs d'argent qui, les mauvais jours, ramenaient un minerai y
ressemblant nommé Cobalt.
Le Dj anglais Mount
Bank alias Samuel Organ nous livre quant à lui sa vision de Dearest, où l'on retrouve en guest une
autre chanteuse au timbre touchant, l'australienne Katie Noonan. Ici sa voix n'est plus qu'un écho lointain, chargée
de réverbération elle semble se dissoudre dans un épais brouillard électronique.
Pour finir, Manu
Delgado arme sa percussion mélodique de beats cogneurs et trashy, surjouant
ainsi sa bipolarité… Il intègre même en clôture un accordéon faisant passer "Almost Thirty" pour la
berceuse de grand-mère.
Si vous n'aviez pas encore acheté le disque, The Hidden Gobelins EP vous aidera
surement à passer à la caisse!
Formé en 1999 à Tokyo, le trio post-punk féminin Nisennenmondai
(qui se traduit Bug de l'An 2000)
publie chez On-U Sound son nouvel
opus instrumental intitulé #N/A. Adrian Sherwood, le boss du label
indépendant positionné sur un secteur musical basé sur l'influence de la
musique jamaïcaine dans la culture UK Garage, en assure la production lui garantissant
une qualité sonore des plus affûtées. Le compositeur et remixeur touche-à-tout y
accentue les petits détails extirpés de ces rythmiques métronomiques imposantes et noisy que Nisennenmondai déploie
depuis ses premières heures no-wave dans
des textures sonores répétitives et
hypnotiques, dominées par des pulsations
minimalistes aux reflets organiques. L'anglais y ajoute subtilement sa touche dub amplifié d'FX gorgés de
d'échos et de réverbes qui s'expriment plus largement dans les deux bonus "A'(Live In Dub)" et "B-1' (Live In Dub)" captés à l'Unit
à Tokyo.
Composé de Masako
Takado à la guitare, Yuri Zaikawa
à la basse et Sayaka Himeno à la
batterie, le trio expérimental s'est
bâti une solide réputation grâce à ses
prestations scéniques époustouflantes. Avec des titres fleuves comme" #2" qui s'étend sur 16mn 20s,
le groupe a le temps de planter son décor
radical, dépouillé et progressif
avec "ses variations monochromes"
oppressantes.
Le saxophoniste et clarinettiste Sébastien Texier,que
l'on écoutait tout récemment sur le dernier album de son père Sky Dancers, publie son nouveau disque
intitulé Dreamers. Le quartet rêveur qu'il forme avec Olivier Caudron à l'orgue Hammond 83,
Pierre Durand à la guitare
électrique et son fidèle acolyte Guillaume
Dommartin à la batterie, nous offre 8 titres originaux et
inspirés, tous composés par le leader, mis à part la délicate ballade "Cape Cod" que l'on doit à
l'organiste, déjà repéré aux côtés de Sarah Lazarus, Aldo Romano ou OlivierSens...
Nous emmenant au gré de ses compositions dans un jazz pluriel, il aborde tantôt les rythmes festifs de la Nouvelle Orléans
avec le fringant "Let's Roll",
tantôt les ambiances cinématiques
vaporeuses avec l'inquiétant "Dreamers".
Se dégage de cet opus largement basé sur l'osmose et la complicité, une musique
élégante empreinte de swing et d'histoire (celle du be-bop"Friendship"
, du blues"Silent March" ou du free
jazz"Dreaming With
Ornette"), mais surtout parcourue de somptueuses mélodies aux vibrations contemporaines (à l'image du
paisible "Smooth Skin") où
l'imagination et l'improvisation s'expriment librement.
TribeQa nous veut
du bien et il s'arme de toutes sortes d'onguents et autres mixtures pour nous
le faire savoir!
Le compositeur et chanteur Josselin Quentin, également joueur de balafon a renouvelé la
formule de son combo nantais aux accents
world,jazz et hip-hop, il nous
propose aujourd'hui son nouvel effectif réduit à un trio, dans lequel il fait
appel à Jonas Le Fillastre aux
platines et aux machineset Etienne Arnoux-Moreau à la guitare et
au chant.
Ce troisième opus intitulé Experiment arbore ainsi de nouvelles nuances, fusionnant davantage les reflets acoustiques et électroniques tout
en conservant son goût prononcé pour le groove
et les sonorités afro. Garantissant
un équilibre délicat entre musique traditionnelle du monde et esprit d'aventure,
TribeQa allie à la perfection
l'énergie du scratch et la précision des programmes aux mélodies organiques du
balafon et à la chaleur intimiste de la guitare acoustique.
Si la dimension instrumentale hypnotise et captive notre
attention avec ses lignes de basse langoureuses et ses rythmiques marquées et incisives,
le chant et la voix n'en demeure pas moins des composantes essentielles de
l'effort, avec les vibrations soul, funk
et R&B de Josselin et Etienne ("Farafina", "Blow"
ou "Zion") et les échantillons tribaux parfaitement découpés
et sélectionnés de Jonas, qu'il
balance par exemple dans l'ouverture "Never Stop" ou bien en clôture
avec le très touchant "Tribute"
aux couleurs brésiliennes.
Ayant dépassé la phase expérimentale, TribeQa prépare la diffusion de ses ambiances néo-soul radieuses et métissées prévue courant Avril 2016.
A son écoute on pense irrémédiablement aux atmosphères d'Hocus Pocus (nantais eux
aussi), de Chlorine Free ou même de la légende anglaise Omar…
Après s'être fait remarquer en 2015 avec son excellent EP Strobe, le tout jeune duo hollandais ANOTR (anciennement Piotr & Zhan) composé des
producteurs Jess Van Der Heijden et Oguz Han Guney, revient chez DFTD avec Mighty Kingdom. Il s'agit de 3 nouvelles tracks puissantes alliant sonorités house et tech house, l'EP
s'ouvre avec le titre éponyme qui, dès les premières mesures, impose son beat imposant et taillé pour le dancefloor,
rejointpar un accord de clavier genre
rhodes plaqué façon sonar et un vocal
soulful enivrant. "Nobody's Fool"
est une autre bombe faite du même acabit et marquée par une ligne de basse
entêtante, on y distingue des accents piano
house des plus efficaces, adressant un clin d'œil vers les classiques des
90's. Le tranchant "Wrong Back"
et son côté plus électro tabasse tout autant, maintenant un tempo soutenu à 125
bpm il illustre à sa manière la silhouette musclée d'ANOTR, affuté comme jamais!
Chucho Valdés - Tribute To Irakere (Jazz Village/Harmonia
Mundi)
L'adjectif "magique" s'impose ici de lui même, en
effet Tribute To Irakere, dernier
projet en date du musicien cubain Chucho
Valdés (sacré "meilleur pianiste du monde" par son propre père Bebo, disparu il y a maintenant 3 ans)
nous invite à un voyage enivrant au cœur d'une des entités musicales majeures
de ces 40 dernières années à Cuba.
Le septuagénaire, entouré de ses jeunes Afrocuban Messengers (on devine en filigrane la référence à
l'illustre formation d'Art Blakey), rend un hommage vibrant à son ancien combo
de jazz Irakere qu'il fondait en
1973, en pleine période de Détente entre les blocs Est et Ouest. Le groupe
fusionnait alors avec maestria les rythmes
africains et latins au jazz. Sous les auspices caribéens, leur musique intégrait des éléments empruntés à
d'autres régionsdu mondeainsi qu'à la grande tradition Classique. Festive et sophistiquée, elle invitait
aussi bien le public à danser qu'à savourer ses sonorités révolutionnaires !
Mis en suspend par son créateur au début des années 2000
pour développer d'autres collaborations plus resserrées, l'entité devait
renaître à Barcelone en 2014 lors d'un spectacle nommé Irakere 40. Revisitant ce répertoire détonnant et résolument
moderne The Afrocuban Messengers y
interprètent de nouvelles compositions ponctuées d'improvisations à grands
frissons, sous l'œil béat d'un pianiste patriarche, directeur artistique et
arrangeur bluffant de vitalité, pour qui les années n'ont en rien entamé son esprit
d'aventure et son désir de partage.
Ce Tribute To Irakere,
enregistré en live à Jazz In Marciac
en Aout 2015 et masterisé courant septembre aux Sounid Studios de la Havane, nous en offre un avant-goût plus qu'alléchant,
en partie grâce au renfort d'une section de cuivres imposante et brillante. La musique sacrée de la Santeria, ses percussions batà et ses chants Yoruba (servis par un Dreiser Durruthy Bombalé épatant), côtoie
les cadences endiablées et
vivifiantes de la rumba, du mambo, du tango,de la timba et même du funk… Le tout étant arrosé d'un swing ravageurfaçon Duke Ellington!