Adrian
Younge – Something About April II (Linear Labs)
Celui qui considère que l'on ne produit plus de vraie Soul depuis 1973 nous propose son
somptueux Something About April II,
second volet d'un dytique entamé en 2011 et qui poursuit les expérimentations analogiques d'un invétéré
du magnétophone et des enregistrements à l'ancienne.
Le multi-instrumentiste, producteur et compositeur californien
Adrian Younge se dresse en apôtre de la black music, dernier gardien et héritier du temple de la
soul psychédélique et du funk des années 60 et 70. Ses débuts dans le rap en 1996 l'ont vite conduit au
constat que les boucles et boites à rythmes étaient trop restrictives et que la
pratique d'un ou de plusieurs instruments prévalait largement sur celle du
sample. Impressionné par la manière dont les légendes vivantes façonnent le
hip-hop de la fin des années 80 et du début des années 90, il s'intéresse aux
sources de leurs productions et se plonge alors dans les sonorités racées issues
du prestigieux catalogue de Stax, dans
celles plus édulcorées de la Motown
ou encore dans celles des formations emblématiques de l'époque, telles que le
trio de Philadelphie The Delfonics. Toujours
à la recherche du son idéal, il s'abreuve de toutes sortes de musiques, des œuvres
d'Ennio Morricone au trip-hop de Portishead en passant bien sûr par Gangstarr et Curtis Mayfield mais aussi The
Beatles et Air.
Ses talents de dénicheur
de pépites et de musicien old school
nostalgique séduisent d'emblée Ghostface Killah avec qui il va
collaborer à plusieurs reprises, à l'instar des immenses Common, Ali Shaheed Muhammad
ou Timbaland. Lui qui échantillonnait
ses groupes fétiches se retrouve à son tour sollicité par la crème des rappeurs
ou invité à leurs côtés, sur scène, comme avec le Wu Tang Clan le 05 juillet dernier au Zénith de Paris.
Depuis son premier effort édité qu'à 1000 exemplaires en
2000 et nommé Venice Dawn (fortement
influencé par la musique des films italiens), Adrian réalisa en 2009 la bande originale de Black Dynamite aux accents Blaxploitation
et signa nombre d'albums marquants notamment ceux de Bilal, Souls Of Mischief,
William Hart (The Delfonics), Jay Z ou encore Dj
Premier.
Contrairement aux artistes de l'écurie Daptone, il ne veut pas refaire de la musique d'autrefois, mais juste
utiliser son grain si particulier et le faire sonner dans des compositions très
actuelles: "Je ne suis pas là pour faire
de la musique de musée".
Dans son Something
About April II enregistré avec sa collection d'instruments rares et vintage,
le producteur de 37 ans basé à Los Angeles rapproche comme personne les univers
sonores 60's de la dark soul américaine
et du cinéma classique européen, le
tout dans une épopée musicale raffinée
et sophistiquée où brillent les voix soul de Raphael Saadiq (Magic Music),
Loren Oden (Sandrine, Sittin By The Radio),
Karolina (Winter Is Here, Hear My Love) ou encore de Laeticia Sadier et Bilal,
qui interprètent en duo Step Beyond et
La Ballade, allusion à peine voilée
au couple sulfureux Gainsbourg et Birkin. L'artwork du disque, figurant deux jeunes femmes nues (l'une noire
et l'autre blanche) s'enlaçant avec tendresse, fait immanquablement penser aux
fameuses jaquettes d'Ohio Players,
belles, subjectives et sensuelles, magnifiant la beauté afro.
La rétro-soul
psyché-cinématique d'Adrian Younge
impose le respect et place cet esthète du son parmi les plus talentueux
artisans musicaux de sa génération.
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