Lilananda Jazz Quintet - Phares (Lilananda/Inouïe Distribution)
L'an passé, la chanteuse Claire Vaillant et le trompettiste, compositeur et arrangeur Pierre Drevet, publiaient EchangƎ, enregistrement d'un concert capté le 27 Novembre 2019 au Manège de Vienne avec le fameux Brussels Jazz Orchestra.
Le 25 Juin 2021, le tandem à l'origine du Lilananda Jazz Quintet nous revenait avec un nouvel opus, le radieux Phares - subtil écrin alignant 8 titres aux belles vibrations latin jazz, modern jazz et jazz funk - écrit en grande majorité par Claire, sur une musique aux arrangements brillants de son fidèle acolyte. Tous deux sont accompagnés par leurs complices du collectif Linananda: Etienne Kermac à la basse, Francis Larue à la guitare et Fabien Rodriguez à la batterie ainsi qu'aux percussions. Ensemble, ils forment un groupe à la cohésion redoutable, renforcé par un sublime quatuor à cordes qui vient s'exprimer avec brio sur l'incontournable "Chovendo na roseira" de l'illustre Tom Jobim, unique reprise du disque.
Faisant virevolter sa poésie avec autant de virtuosité qu'un cuivre, Claire parvient à captiver l'auditoire, imposant d'une voix douce et cristalline, un phrasé souple mais solide et plein de vitalité.
L'auteure, compositrice et chanteuse Valérie Marienval publiait il y a peu Viva, un recueil de 10 chansons où se croisent tendrement les sonorités cool jazz et samba, la variété et les rythmes afro-caribéens. Epaulée par un casting de musiciens prestigieux qui forment un solide quintet aux couleurs brésiliennes (Natallino Neto à la basse, Lameck Macaba à la guitare, Juliano Beccari au piano, Cesar Machado à la batterie et Zé Luis Nascimento aux percussions), Valérie donne vie à un projet généreux et gorgé de vibrations positives, dont les premières notes naquirent à Rio de Janeiro en 2014, avant de s'étoffer à Sao Paulo deux ans plus tard aux côtés du guitariste L. Costa. Elle puise son inspiration au travers d’expériences vécues ou empruntées auprès d’écrivains illustres comme Balzac (La Comédie Humaine), Baudelaire (L’Invitation au Voyage) ou Eugène O’Neil (Long Day’s Journey into Night).
C'est à Paris entre 2017 et 2018 que Viva est enregistré. Outre sa garde rapprochée - et la précieuse contribution de Lameck pour l'adaptation des textes - y est conviée une foule d'invités, dont l'excellent trompettiste Julien Alouret le saxophoniste californien Robby Marschall... Interprétés en français et en portugais, ses textes racontent la poésie des choses et célèbrent la vie de tous les jours, tantôt avec légèreté ("Ode au hamac", "Cubana Song"), tantôt avec gravité ("Humeur", "Rêver sa vie", "En Apparence", "Quelques Fois").
La diva brésilienne Bebel Gilberto, devenue l'une des figures emblématiques de la scène bossa nova électronique depuis la sortie en 2000 de son fameux Tanto Tempo, publiera le 21 août prochain via Pias son nouvel opus baptisé Agora. Produit par son complice de longue date, le pianiste Thomas Bartlett (Sufjan Stevans, The National, David Byrne, Martha Wainwright...), l'album fait suite à Tudo paru il y a 6 six ans et clôt un chapitre douloureux dans la vie de l'artiste, endeuillée coup sur coup par les décès de sa mère Miucha et de son père João Gilberto. Le disque rassemble 11 compositions entêtantes et gorgées d'émotions, toutes marquées à leur façon par le spectre de ses illustres parents disparus. Les orchestrations raffinées et luxuriantes, plus électroniques que jamais, immergent l'auditeur dans un espace où les lois de la gravité n'ont plus cours. Ces dernières sont autant d'écrins finement ciselés, recueillant la voix sensuelle et le timbre envoûtant si langoureux de la chanteuse new-yorkaise. Le 03 Mars, un premier extrait nommé "Deixa" et plus récemment le second single intitulé "Bolero" nous mettaient l'eau à la bouche, il ne reste maintenant plus que quelques semaines à patienter pour étancher notre soif de vibrations chill do Brasil.
Pierre Daven-Keller - Kino Music (Kwaidan Records)
Kino Music est le quatrième opus que l'auteur, arrangeur, producteur et multi-instrumentiste Pierre Bondu publie sous son alias Pierre Daven-Keller. Partenaire sur scène et en studio de Dominique A, Philippe Katerine et Miossec, il compose en 2001 la musique du long métrage de Catherine Corsini, La Répétition, il s'agissait alors de ses premiers pas dans le milieu cinématographique.
Avec son esthétique s'orientant délibérément vers les musiques de films des années 60 et 70, Kino Music - succèdant à Réaction A, Réaction B et Réaction C, 3 albums tantôt orientés chanson pop, tantôt composé d'une suite de pièces pour quatuor à cordes, percussions, clavecin et piano -plonge d'emblée l'auditeur dans l'univers instrumental intemporel des colonne sonore italiennes, avec en filigrane l'oeuvre magistrale d'Ennio Morricone qui surgie ça et là, entre autres réminiscences bossa nova et samba ("Melancholia", "Intermezzo Retro", "Tatoo Totem") et pop psychédélique ("Champ Magnétique", "Dakota Jim" ou "Farfisa"). Les spectres de François de Roubaix, Michel Magne, Eric Demarsan, Georges Delerue et même Serge Gainsbourg (période Histoire de Mélody Nelson) planent également au dessus de ce sublime recueil de 14 compositions touchantes et envoûtantes, que les voix sensuelles et accrocheuses d'Helena Noguerra, Ariel Dombasle et Maeva Galantier participent à rendre unique et captivant. Des mélodies inoubliables resteront gravées dans les esprits des plus nostalgiques, à l'image de "Corniche Kennedy" et ses textures sonores attendrissantes, traversée par des cuivres, clavecin et autres cordes...
Yara Music réédite Indéfiniment, second opus de la douce et passionnée Yara Lapidus, chanteuse sublime d'origine libanaise dotée d'une voix profonde à la fragilité hypnotique et sensuelle. Auteure de la plupart des textes de l'album brillamment mis en musique par le compositeur Gabriel Yared (Le Patient Anglais, 37°2 le Matin, L'Amant, ...) et enregistré dans les mythiques Studios Abbey Road, l'ancienne créatrice de mode murmure et sussure sa poésie vibrante sur des instrumentations inspirées aux orchestrations délicates et intimistes, parfois habitées de touchantes sonorités orientales ("Ilalabad", "Depuis Toi"). Ballades aux réminiscences folk ("Çà Sert à Rien", "Vingt-Quatre Heures") et bossa nova ("Saudade de Voce"), chansons solaires aux mélodies pop ("Encor Encor", "No No No No t'en fait pas", "Un Matin sans Toi") et aux arrangements de cordes envoûtants ("Indéfiniment", "Loin très Loin"), ambiances acoustiques et nappes électroniques ("Le Plus Doux des Rêves")... Indéfiniment regorge décidément de belles surprises, notamment 3 bonus où sont conviés le joueur de oud palestinien Adnan Joubran, le chanteur brésilien Chico Cesar et le crooner punk Iggy Pop.
Après la saxophoniste Sophie et son petit frère le trompettiste Julien Alour, c'est au tour de la grande sœur Chrystelle de faire le grand saut et de se livrer dans un splendide premier opus jazz baptisé Traversée. Baignant dans la musique depuis son plus jeune âge, elle s'en détournera un temps pour finalement y revenir, sur le tard mais avec une sensibilité et une justesse renversante. La chanteuse et pianiste, également auteure et compositrice, nous offre un recueil de 9 chansons touchantes empreintes notamment de rythmes brésiliens, dont 7 titres originaux et 2 reprises d'icônes absolues de la MPB, le sublime "O Leãonzinho" de l'immense Caetano Veloso et le vibrant "Rota Do Individuo (Ferrugem)" de Djavan. Interprétant avec une fraîcheur déconcertante, des textes écrits en français et en portugais, Chrystelle déploie une voix généreuse, gorgée de chaleur et chargée d'émotion. Elle s'exprime avec autant d'aisance, de tendresse et de sensualité sur la bouleversante "Dans L'Eau Vive" -ballade mélancolique qui nous fait étrangement songer à Romy Schneider dans "la Chanson d'Hélène" (Les Choses de la vie) ou Anne Germain dans "Amour, amour" (Peau d'Âne) - que sur des airs de bossa"Un Dernier Rêve" ou de samba"Florabaila". Son quintet d'exception, composé du guitariste Sandro Zerafa, du saxophoniste ténor DavidPrez, du batteur Manu Franchiet du contrebassiste SimonTailleu, semble être le support idéal pour la porter dans son projet, qui malgré ses sonorités radieuses et ses mélodies ensoleillées dissimule une part d'ombre, quelques notes de tristesse et de nostalgie. A noter la présence de Sophie et Julien en guests... Le jazz est aussi une histoire de famille!
Après nous avoir fait découvrir son univers musical coloré et raffiné au sein de la formation toulousaine La Gitana Tropical avec l'EP Meztiza paru en 2016, la chanteuse multi-instrumentiste Irina Gonzalez nous revient en solo avec son premier opus baptisé Emigrar, subtil recueil de 13 compositions latin jazz arrangées par ses soins et servi par une section rythmique majestueuse animée par le bassiste Sunny Adroit et le batteur Andy Berald-Catelo. Entourée d'une pléiade d'invités dont l'étincelant joueur de sitar Fermin Zarape ("Isla")et le brillant ensemble de cuivres Somesax Quartet, la compositrice originaire de Santa Clara, au sud-est de la Havane, élabore des orchestrations éblouissantes et touchantes ("Emigrar", Cubana Soy") empreintes de réminiscences swing ("El Rio de Tu Amor") et de notes brésiliennes ("Alma", "Illusion"), de sonorités cubaines ("Guajira", "Un Bolero"), de groove urbain ("Desde Que Te Vi") et de profondeur soul ("Tus Ojos"). Dédié à tous les migrants du monde, heureux ou malheureux, la musique d'Irina nous va droit au cœur, s'adressant à l'esprit elle réchauffe également les corps ("Na Lua").
Diana Horta Popoff - Amor De Verdade (Bonsai Music/Idol)
La diva brésilienne originaire de Belo Horizonte, Diana Horta Popoff nous livrera le 14 Septembre prochain via Bonsai Music, son second opus - autoproduit - baptisé Amor De Verdade. Issue d'une famille d'illustres musiciens dont son oncle, l'incontournable Toninho Horta - guitariste hors paire, complice de l'immense Milton Nascimento et partenaire des emblématiques Elis Regina, Maria Bethania, João Bosco, Gal Costa, Sérgio Mendes ou encore Chico Buarque - elle élabore un disque aux sonorités latin-jazz chaudes, sophistiquées et délicates, un recueil de 10 titres dont 9 compositions, habillés avec grâce de sa voix caressante, sensuelle et gorgée de bons sentiments. Chanteuse touchante mais également pianiste au touché raffiné, flûtiste et compositrice avertie, Diana incarne l'héritage et l'avenir de la musique du Minas Gerais. Ayant su s'entourer d'une équipe d'orfèvres, encadrée par le prodige multi-instrumentiste André Memhari, la fille des prestigieux Lena Horta et Yuri Popoff (tous deux invités sur "Nina"), impose le respect, brillant par sa fraîcheur et son sens inné pour l'arrangement.
La chanteuse capverdienne Nancy Vieira nous revient avec un nouvel opus baptisé Manhã Florida, un sublime recueil de 12 chansons aux arrangements de guitares raffinés et à la production impeccable, conduit d'une main de maître par l'excellent TeofiloChantre. Rassemblant tous les ingrédients qui caractérisent le charme intemporel de la musique capverdienne, l'album se compose de titres soigneusement sélectionnés dans le répertoire classique de l'archipel (Vitorino Chantre et Amândio Cabral, Eugenio Tavares et Kaka Barbosa, ...) ainsi que parmi celui de la génération actuelle (Mario Lucio, Betu, Tiolino, Antonio Alves), à commencer par Teofilo lui-même qui signe notamment la ballade chaloupée donnant son nom au disque.
Ces airs si familiers et ces orchestrations acoustiques si radieuses et touchantes, expriment une nostalgie, une mélancolie, une douceur de vivre et une sensualité créole que la voix ensorcelante de la diva restitue avec maitrise, grâce et fluidité. Nancy parvient à combiner, avec la douceur qu'on lui connaît, toutes ses influences musicales allant du fado portugais à la bossa nova brésilienne, en passant bien sûr par la mornaet la coladeira de Mindelo.
Gildas Boclé plays Cole Porter & Tom Jobim - So In Love (Absilone/Socadisc)
On ne se lassera jamais d'écouter et de réécouter les standards intemporels de Broadway légués par l'immense Cole Porter ("Love For Sale", "So In Love" ou encore "Night And Day") ni même les thèmes gorgés de chaleur et de nostalgie d'Antonio Carlos Jobim ("Chega De Saudade", "How Insensitive" ou "Bonita"), co-inventeur à la fin des années 50 de la bossa nova, avec entre autres Vinicius de Moraes et Joao Gilberto.
Le contrebassiste Gildas Boclé l'a bien compris, et les dizaines de versions déjà enregistrées de ces différents titres n'ont absolument pas entamé sa détermination à relever le défi de ce neuvième album, baptisé So In Love. Rapprochant les univers de ces deux compositeurs de génie, il a en effet choisi d'interpréter 11 de leurs compositions qui constituent la base du répertoire jazz, s'entourant pour l'occasion de ses vieux complices, le guitariste Jérôme Barde et le batteur Marcello Pilliteri, tous deux rencontrés à Boston dans les années 80, ainsi que du musicien brésilien Nelson Veras, prodige de la six cordes dont il fit la connaissance à Paris, après son retour des US. Ensemble ils expriment avec maestria et beaucoup d'émotions la force mélodique de ces deux auteurs et leur proximité, "I Concentrate On You" réunit d'ailleurs leurs affinités musicales puisqu'écrit par Cole Porter en 1940 pour le film musical Broadway Melody, il fut arrangé par Tom Jobim dans les années 60 pour Frank Sinatra.
La nouvelle incarnation dufado, Maria do Carmo Carvalho Rebelo de Andrade alias Carminho, nous présente via le label portugais Ruela Music (Tito Paris, Luis Guerreiro, Rui Veloso, Sara Tavares, Maura, ...) son dernier projet baptisé Carminho Canta Tom Jobim, un tendre hommage empli d'émotions et de vibrations, rapprochant la saudade brésilienne et la mélancolie du fado.
La diva ancrée à Lisbonne a enregistré son recueil de 14 reprises dans les mythiques studios Biscoito Fino à Rio de Janeiro, qui ont accueilli entre autres Alcione, Trio Nordestino, Hamilton de Holanda, Daniela Mercury, Rosa Passos et bien d'autres vedettes de la MPB. Elle s'est entourée pour l'occasion de la dernière formation ayant accompagné le maître: la Banda Nova. Il s'agit là d'un casting de rêve,réunissant les immenses Jacques Morelenbaum au violoncelle, Paulo Jobim à la guitare (fils de ...), Daniel Jobim au piano (petit-fils de ...) et Paulinho Braga à la batterie (l'un des inventeurs de la batterie moderne brésilienne).
Dans ce cadre idyllique, si propice à l'appropriation d'un des catalogues les plus mythiques de la musique populaire brésilienne et du jazz, Carminho a su attirer la bienveillance d'artistes prestigieux tels que les chanteuses Marisa Monte, Fernanda Montenegro et Maria Bethania, ainsi que la légende Chico Buarque, qui interviennent respectivement dans les standards intemporels "Estrada Do Sol", "Sabia", "Modinha" et enfin "Falando De Amor". Carminho Canta Tom Jobim est un disque d'une remarquable élégance, où tendresse, puissance et fragilité sont magnifiés par une interprète talentueuse à la voix de velours qui, tour à tour, étreint et transperce l'âme. Magique!
Ian Lasserre - Sonoridade Polvora (Ajabu!/L'Autre Distribution)
Originaire de Bahia, le chanteur et guitariste brésilien âgé de seulement 26 ans, Ian Lasserre, nous présente son nouvel opus baptisé Sonoridade Polvora, un très beau projet folk initié en 2014 sous l'égide du producteur suédois Sebastian Notini.
Composé de 8 chansons au format suffisamment long pour laisser s'exprimer les sonorités acoustiques chaudes et captivantes des cordes (guitare, basse, violon, mandoline) et percussions, l'album laisse échapper de subtiles mélodies aux lignes suaves et envoutantes. Intimiste, poétique et touchant, il affiche un groove sensible et savamment dosé où se croisent diverses influences, de la bossa nova au blues, en passant par le jazz, le tropicalisme et bien sûr les folklores nordestins. Allant toujours à l'essentiel, la voix douce et de chant langoureux de ce jeune étudiant en philosophie font inévitablement songer à l'immense Caetano Veloso, l'un des plus fins mélodistes de la musique populaire brésilienne.
A noter, outre le fait que le poète Thiago Lobão a contribué à l'écriture de certains textes, l'excellente intervention du violoniste iranien Pedram Shahlai dans le mélancolique titre éponyme.
Belle découverte!
La divine Gal Costa est l'une des plus grandes voix que la Brésil n'ait jamais porté. Figure emblématique de la musique populaire brésilienne (MPB), elle a fait parti dès le début des années 60 de ces immenses artistes qui ont véritablement contribué à faire rayonner la scène carioca de par le monde. Proche de Caetano Veloso et de sa sœur Maria Bethania, de Paulinho da Viola, Gilberto Gil et Joao Gilberto, elle a publié en près d'un demi siècle de carrière, une trentaine d'albums studio enregistrés avec les meilleurs musiciens du pays, Arthur Verocai, Dominguinhos, Rogerio Duprat et Tenorio Jr. en sont quelques illustres exemples. Sa voix cristalline et captivante a toujours su séduire un auditoire qui l'a soutenu et suivi dans toutes ses périodes stylistiques.
Mr Bongo réédite aujourd'hui un disque emblématique que la diva publiait initialement en 1973, il s'agit de India, chef d'oeuvre absolu composé de 9 titres écrits notamment par ses acolytes de toujours, Gilberto Gil (également présent aux guitares ainsi qu'à la direction artistique) et Caetano Veloso, mais aussi Luiz Melodia et Antonio Carlos Jobim. En studio, se sont retrouvés à ses côtés les excellents instrumentistes Roberto Menescal, Toninho Horta, Chico Batera, Roberto Silva, Luiz Alves ou encore Wagner Tiso, qui ont élaboré des ambiances envoutantes,influencées ici par le tropicalia et là, par les folklores nordestins. Les arrangements de ces chansons radieuses et souvent romantiques, traversées de touches jazz, bossa-nova, funk et folk, figurent parmi les plus luxueux, sophistiqués et complexes que la chanteuse ait eu à dompter.Ils font incontestablement d'India le disque le plus singulier du répertoire de Gal Costa. Pourtant, la critique de l'époque passa quasiment à côté, ne se focalisant que sur un seul titre, celui de Tom Jobim, "Desafinado".
On notera qu'à sa sortie initiale, l'effort fut immédiatement censuré par la dictature militaire, sa pochette ayant été jugée trop sulfureuse au goût du pouvoir liberticide maintenu en place au Brésil entre 1964 et 1985!
En 2014, le plus brésilien des musiciens américains Arto Lindsay publiait un double disque intitulé Encyclopedia Of Arto: une sélection de 12 titres composés entre 1996 et 2004 était accompagnée d'un live expérimental, enregistré en solo à Berlin en 2011. L'occasion était alors idéale pour découvrir la richesse de la palette sonore d'un artiste singulier, novateur et explorateur, esthète et provocateur, sensuel et séducteur pour son penchant sexy Arto, tumultueux et bouleversant pour son autre facette scary Arto.
Avec son nouveau Cuidado Madame, premier album-studio depuis Salt paru en 2004, Arto nous plonge à nouveau dans son univers bipolaire, ponctué d'un côté d'élans avant-gardistes dévergondés et décadents, habité de l'autre des rythmes afro-brésiliens de Bahia et des mélodies accrocheuses de la pop. Les percussions traditionnelles des cérémonies religieuses du Condomblé (jouées aux atabaques par Gabi Guedes, Jaime Nascimento, Ricardo Braga, Gabi Guedes, Iuri Passos et Icaro Sa) se confrontent ainsi aux bidouillages bruitistes de sa guitare et aux sonorités étincelantes de celles de Patrick Higgins, aux grooves hypnotiques du bassiste Melvin Gibbs, à la versatilité du batteur/beatmaker Kassa Overall et aux ambiances tantôt sombres tantôt radieuses du claviériste Paul Wilson.
Arto juxtapose avec une élégance sans pareille les textures acoustiques et l'électroniques, le rock de Brian Eno, le punk hardcore de John Zorn et le trip-hop de Portishead au tropicalisme de Caetano Veloso et aux ballades sophistiquées d'Antonio Carlos Jobim. Il est capable dans le même disque de nous offrir des compositions barrées, informes, rageuses et amélodiques, à l'instar d'"Arto Vs. Arto" (où il extirpe des sons torturés des entrailles de sa guitare électrique), des chansons touchantes et envoutantes comme "Pele de Perto", "Each to Each" ou 'Seu Pai", voire délicieusement funky, comme "Tangles". Cuidado Madame est à l'image de son auteur: "la juste synthèse entre musique expérimentale et populaire".
Voici une délicieuse découverte aux sonorités jazzy, afro-latines et caribéennes que le trio toulousain La Gitana Tropical nous présente, il s'agit de son premier EP autoproduit, intitulé Mestiza, un cocktail savoureux mêlant harmonieusement les accords sophistiqués d'une guitare brésilienne radieuse, le groove langoureux et entraînant d'une basse bien dodue et l'assise syncopée d'une batterie précise et bienveillante. Formée en 2013 par la chanteuse cubaine Irina Gonzalez, également compositrice et multi-instrumentiste, La Gitana Tropicale célèbre dans 5 chansons élégantes, raffinées et pleines de joie, les douceurs de la vie, de l'amour et du quotidien, parfois amer. Le bassiste Julian Babou et le batteur Yoann Danier s'accordent à merveille à l'univers coloré de la diva ainsi qu'à l'énergie positive qu'elle dégage, flirtant sans cesse avec les rythmes créoles des Caraïbes, du Brésil et des Antilles, tels que la guajira et le son cubain, la samba et la bossa nova, le gwoka et la biguine de la Guadeloupe et pour finir le bèlè de la Martinique.
Le percussionniste brésilien Pedro Sorongo, alias Pedro Santos, Pedro Dos Santos ou encore Pedro Da Lua, publiait en 1968 l'énigmatique et hypnotique Krishnanda, unique chef d'oeuvre qu'il sortit sous son propre nom. Il ne nous reste que très peu d'information sur ce virtuose carioca né en 1919, inventeur d'instruments, plasticiens, poète, philosophe et géniteur d'une musique spirituelle empreinte de psychédélisme, de folk, de rythmes africains, de mélodies orientales, de MPB (musique populaire brésilienne), de jazz, de bossa et de samba.
Au chant, aux percussions et aux effets, le mystique Pedro accouchait alors d'un disque emblématique aux sonorités cosmiques et avant-gardistes, dont le grain de folie fait encore aujourd'hui des émules, je pense à Madlib, Seu Jorge, Floating Points, Dj Nuts et Kassin. Non seulement fin rythmicien mais aussi mélodiste affirmé et auteur/compositeur bien plus apprécié en Europe que dans son Brésil natal, il n'a jamais étudié le solfège, il créait pourtant du son à partir de tout et de rien.
Loin d'être ce genre d'artiste visionnaire vivant à l'écart du monde, Pedro 'Sorongo' Dos Santos était très actif sur scène et en studio, il s'est d'ailleurs illustré aux côtés des plus grandes stars de la scène brésilienne des années 60 et 70 comme Clara Nunes, Meireles, Maria Bethania, Paolinho Da Viola, Gilberto Gil, Baden Powell, etArthur Verocai...
Produits par Hélcio Milito, batteur du fameux Tamba Trio et arrangés par Joppa Lins, les 12 titres de Krishnanda sont le lègue qu'il nous a transmis et que les têtes chercheuses du label Mr Bongo sont aller nous débusquer. Une réédition essentielle!
Entre fado, bossa nova et MPB savante (Musique Populaire Brésilienne), folk grec et jazz, la chanteuse chypriote Vakia Stavrou déploie sa voix envoutante et cristalline sur des compositions intimistes aux mélodies limpides et aux arrangements acoustiques dépouillés mais raffinés. Elle publie chez Accords Croisés son nouvel opus baptisé Alasia, dans lequel elle est entourée du brésilien Carlos Bernardo à la guitare et aux arrangements, du délicat Guillaume Robert à la contrebasse, du cubain Inor Sotolongo aux percussions et d'Octavio Angarita au violoncelle. Admiratrice des divas Billie Holiday et Ella Fitzgerald, sensible aux timbres si singuliers d'Edith Piaf et Charles Aznavour, Vakia s'exprime aussi bien en anglais et en portugais qu'en grec dans des chansons d'amour vibrantes, où planent les spectres bienveillants de Gal Costa, Maria Bethãnia et Amalia Rodriguez. Courts, déchirants et renversants, les 15 titres à l'éclairage tamisé d'Alasia nous dévoilent leurs lignes pures et leurs couleurs méditerranéennes si attachantes...
Les têtes chercheuses du label anglais Mr Bongo sont allées nous débusquer une oeuvre magistrale et pourtant quasiment disparue des écrans radars d'Arthur Verocai, multi-instrumentiste, compositeur et arrangeur brésilien originaire de Rio de Janeiro, qui s'est notamment illustré aux côtés des divas Maria Creuza, Gal Costa ou Ellis Regina.
Souvent comparé à Tim Maia et Jorge Ben, le chef d'orchestre méconnu publiait en 1972 son album éponyme de 10 titres, où la fusion des genres folk, classique, jazz, samba, funk, bossa nova (Tom Jobim), soul et tropicalisme dénotait un esprit d'aventure d'une grande sophistication.
Osant même bousculer les codes de l'époque en explorant les sonorités électroniques et psychédéliques ("Karina"), Arthur a su éviter la censure militaire en employant un style d'écriture imagée:
Si les ambiances soul/funk 70's étasuniennes transparaissent dans "Presente Grego", c'est en effet pour mieux critiquer le pouvoir en place et ses fausses apparences, il fait allusion à l'épisode du Cheval de Troie et du piège tendu aux troyens par les grecs.
S'inspirant autant d'artistes nord-américains tels Shuggie Otis, David Axelrod et Charles Stepney ou Miles Davis, Bill Evans, Oscar Peterson et Herbie Hancock que de ses compatriotes précurseurs comme H. Villa Lobos, Milton Nascimento et Tom Jobim, il avait déjà imposé sa marque par le passé en arrangeant les cordes pour Jorge Ben ou en produisant Agora d'Ivan Lins (1971) et 2 albums pour Célia (chanteuse d'ailleurs présente dans son projet). Sa réussite fut telle que Continental lui offrit la possibilité d'enregistrer ses propres compositions, défi qu'il accepta en imposant le choix de ses musiciens. Au casting figurent donc12 violonistes, 4 altos et 4 violoncelles, des percussionnistes, batteurs, guitaristes, bassistes, trompettistes, flutistes et claviéristes... On y croise entre autres les pointures Pedro Santos (percussions) Toninho Horta (guitare), Edson Maciel etPaulo Moura (saxophone) ou Pascoal Meireles (batterie)... sans oublier les chanteurs Carlos Dafe et Oberdan.
Bien que l'opus soit court, une trentaine de minutes à peine, Arthur Verocai a su traduire le large spectre musical qui inondait le Brésil à l'époque, il témoigne ainsi d'une effervescence féconde, qui prend ici des allures de bande-sonorchestrale psych-funk. La musique de film l'ayant toujours attiré, c'est pour son travail à la télévision qu'il sera finalement récompensé avec entre autres les musiques pour les pubs de Brahma, Fanta ou Petrobra's.
Le disque, dont une version originale peut se vendre autour des 2000$, a été échantillonné par les piliers de la scène hip-hop US dont MF Doom, Ludacris & Common, Little Brother ou encore Action Bronson. L'immense Madlib déclare même à son sujet "I could listen to the album everyday for the rest of my life"!
Le label Mr Bongo est une nouvelle fois allé nous dénicher une petite pépite musicale oubliée... Il s'agit du premier opus (et accessoirement chef d'oeuvre) S.P. / 73 du multi-instrumentiste, compositeur et arrangeur brésilien Hareton Salvanini (RIP). Paru initialement en 1973 chez Continental, le disque est aujourd'hui réédité pour le plus grand bonheur des amateurs d'un jazz-funk orchestral aux reflets carioca, façon Eumir Deodato dans son illustre reprise du théâtral "Also Sprach Zarathoustra" de Richard Strauss.
Directeur musical de TV Record (Sao Polo) à la fin des années 90, il demeure un auteur méconnu de jingle publicitaire et de musique de film. Véritable crooner à la voix d'ange (qui remporta le 1er prix de chant lors du festival universitaire de TV Tupi), il nous régale de 11 titres symphoniques interprétés par la quarantaine de musiciens de l'Orchestre Municipal du Théâtre de Campinas qu'il dirige avec maestria. Son frère Ayrton, qu'il considère comme son bras droit,signe quant à lui les textes de chansons qui alternent avec des plages exclusivement instrumentales à rapprocher de celles de Lalo Schifrin ou d'Henry Mancini. Entre bossa nova, BOF, jazz, MPB et musique classique, Hareton nous livre un disque emblématique et rare... Qui reçu à l'époque le prix du meilleur album étranger au Japon.
Le jeune chanteur belge Ivan
Tirtiaux publie son premier opus intitulé L'Envol. Et quelle meilleure entrée en matière que son titre
d'ouverture Charlatan, révélant un
univers musical country-folkdominé par la guitare et une écriture subtile?
Il manie un répertoire de mots justes faisant mouche à tous
les coups et maîtrise à merveille une voix profonde allant aussi bien chercher les aigus
de -M- (Je me Brûle les ailes) et la douceur de Matthieu Boogaert que les grains de Dick Annegarn (Présage) ou
d'Arthur H.
Ses mélodies solaires
aux accords sophistiqués et aux rythmiques chaloupées explorent les
sonorités latines et notamment brésiliennes, en témoignent les bossa nova La Marche du Soleil et Ta
Tristesse ou le très nordestinoPourquoi Remettre à Demain. Dans Les Océans il fait même une halte au
Cap-Vert, empruntant à la regrettée Césaria les saveurs saudade d'une morna.
Graines d'Arbres et
son blues nous invite sur les bords
du Mississippi, un somptueux quatuor à cordes y ajoute une touche cinématique
des plus prenantes avant que l'hypnotique Berceuse
fasse son œuvre. Dans La Guitare, ce sont les mots de Louis Aragon qui expriment le lien si intime et particulier qu'ilentretient avec son instrument. Ses arrangements plantent le décor, la finesse de sa plume et la matière autobiographique font le reste. Pour ce baptème de l'air Ivan a su s'entourer de musiciens
d'exception, Raphael Dumas
à la mandoline et au banjo, Stéphane
Poujin à la batterie et aux percussions, puis Eric Bribosia au piano. Le songwriter redonne
aux chansons à textes leurs lettres de noblesse, insufflant une brise plus
contemporaine de spleen, de doute et de mélancolie à un genre trop souvent borné aux vénérables Gainsbourg, Brassens et autres Ferré.