Le guitariste parisien Aurélien Bouly présentera le 02 Avril prochain Okun, un album brulant, énergique et coloré mêlant les sonorités magnétiques de la musique afro-cubaine à un jazz contemporain métisse, nourri de groove et de notes manouches. Fruit d'une fusion singulière entre l'univers musical d'Aurélien (hanté par le jeu des géants Georges Benson, Django Reinhardt ou encore Pat Martino) et l'héritage culturel du batteur originaire de la Havane, Lester "El Camaleon" Alonso Vazquez (élevé entre autre aux rythmes de la rumba et de la salsa, mais surtout imprégné par la santeria), Okun nous invite au voyage et au lâcher prise, bousculant les frontières et brouillant les pistes. Frais, dépaysant et mystique, le disque aligne des reprises de standards absolus passés à la postérité du latin jazz, dont "Song for my father" d'Horace Silver ou "Besame mucho" de Consuelo Velazquez et s'attarde sur une relecture caribéenne de "La Marseillaise" de Rouget de Lisle. Deux compositions du guitaristes figurent également au programme, dont l'hypnotique "Misterio Divino", qui me fait songer sans trop savoir pourquoi au vibrant "Like It Is" de Yousef Latif.
Manuel Anoyvega Mora - Cuba Cuba (Fofo Production/Caroline International)
Il aura fallu au pianiste et compositeur cubain, Manuel Anoyvega Mora, plus de vingt ans de scène avec les grands noms de la musique latine (entre autre Ernesto Tito Puentes ou encore Azuquita y su Melao), pour qu'il présente enfin son premier opus, Cuba Cuba, un disque de jazz à l’élégance rare, révélant toute la beauté et la richesse des motifs harmoniques si typés de la salsa. Originaire de la Havane mais installé à Paris depuis longtemps, le musicien nous offre donc 8 titres touchantset inspirés enregistrés en quintet avec les français Pierre Guillemant à la basse et Guillaume Naturel au saxophone, ainsi qu'Abraham Mansfarroll Rodriguez et Inor Sotolongo, respectivement batteur et percussionniste cubains... Un casting de haut vol pour un recueil des plus somptueux!
Le prodige de la six cordes, Samuelito, met sa maitrise et la force de son jeu typé au service d'une nouvelle voix du flamenco, la jeune Paloma, issue d'une famille d'artistes exceptionnels. Initiée très tôt à la scène et aux tournées au sein de la formation familiale Herencia, formée par son père, le chanteur Vicente Pradal, et son frère, le pianiste virtuose Rafael Pradal, elle brille par sa fougue, sa maturité et la puissance de sa voix. Toujours à voguer vers de nouveaux horizons, la jeune diva ouvre son répertoire à un tas d'autres sonorités, s'illustrant dans des projets jazz avec le célèbre arrangeur Pierre Bertrand ou le percussionniste argentin Minino Garay, hip-hop, electro et même ragga-dancehall, au sein du label Chinese Man.
Le 03 Mars prochain paraîtra sur Le Triton son premier opus baptisé Rabia, un recueil de 8 chansons exprimant la synthèse de son héritage ("Nana de Sevilla"), de ses influences et de sa sensibilité à fleur de peau ("Fiançailles"). Assistée par un casting de haut vol : Edouard Coquard et Mikael Torren à la batterie, basse et percussions, Edouard Bertrand au piano et fender rhodes, Juan Manuel Cortes aux jaleos etMederic Collignon au cornet, Paloma nous invite dans son univers singulier et métisse, offrant ici une reprise bouleversante de Jacques Brel"No Me Dejes" ouune interprétation pétillante du standard salsa"El Manisero" (du compositeur cubain Moises Simon), et là une composition personnelle vibrante, intitulée "Rabia", qui donne d'ailleurs son nom à l'album.
Tantôt radieuse et enivrante ("La Paloma"), tantôt tragique et solennelle ("Romance Del Don Boyso"), la cantaora nous berce tout le long du disque, s'imposant malgré ses 25 printemps, comme une référence du genre.
Le chanteur congolais Bumba Massa, vétéran emblématique de la rumba zaïroise nous présente V70, un nouvel opus enregistré à Paris qui célèbre sa 54ième année de carrière. Déclarant humblement que "sa voix est comme le bon vin : plus elle vieillit, meilleure elle est”, l'artiste septuagénaire combine avec toujours autant d'aisance et d'élégance, les couleurs latines de la Havane aux rythmes sulfureux de Kinshasa. Depuis la formation de son premier groupe en 1963 nommé Cubana Jazz, son projet Kékélé pensé par l'illustre Ibrahim Sylla en 2000 et bien sûr son passage dans l'OK Jazz du prolifique Franco Luambo, Bumba n'a eu de cesse de mélanger les genres, flirtant avec la salsa cubaine, le kwasa kwasa, le zouk et la fameuse rumba congolaise, fruit d'un étrange aller-retour de l'histoire entre les Caraïbes et l'Afrique dans les années 30.
L'incontournable pianiste canadien Bill King nous présente Isle Of Saints,albumenregistré à Toronto courant 2017, avec son nouveau projet baptisé The Uprising. Entouré du bassiste Roberto Riveron, de la violoniste Elizabeth Rodriguez et de sa fidèle partenaire dans la formation OKAN, la percussionniste Magdelys Savigne, le compositeur nous offre 6 titres latin jazz envoutants et ensoleillés, largement imprégnées de sonoritéscaribéennes et notamment cubaines.
Les Isles Saintes ont tragiquement fait la une des actualités tout récemment lors du passage dévastateur de l'ouragan Maria... Ce disque coloré et bourré de vibrations positives (à l'image de sa couverture réalisée par Jesse “Dubmatix” King), sonne donc aujourd'hui comme un hommage plein d'espoir adressé aux victimes des intempéries.
Elizabeth Rodriguez and OKÀN - Desnudando El Alma (7 Arts)
Native de la Havane et installée au Canada depuis 2013, la violoniste et chanteuse Elizabeth Rodriguez accompagnée de sa formation jazz OKÀN, nous présente chez 7 Arts son dernier titre "Desnudando El Alma". La dernière grosse révélation cubaine nous avait été soufflée par l'anglais Gilles Peterson dans son projet The Havana Cultura, il nous présentait alors une autre diva, prodigieuse instrumentiste elle aussi, la pianiste Daymé Arocena.
L'envoutante ballade latin jazz, intimiste et chaleureuse, fut réenregistrée en live le 14 Octobre dernier à Toronto. La jeune artiste y est entourée d'une jeune section rythmique de haut vol avec elle qui fit ses armes auprès de la flutiste/saxophoniste canadienne Jane Bunnett. S'y côtoient des musiciennes exceptionnelles: la percussionniste originaire de Santiago de Cuba, Magdelys Savigne et la bassiste de Matanzas Celia Jimenez. Elles sont épaulées par le pianiste américain Bill King, qui porte aussi la casquette de producteur.
L'excellent Mr Bongo nous offre le Volume One de sa toute nouvelle série de compilations intitulée Mr Bongo Record Club. Les aficionados du label de Brighton fondé en 1989 devineront qu'il s'agit de mettre en lumière les raretés oubliées, les coups de cœur récents et les obscurs classiques qui composent son étonnant catalogue de disques vinyles, imposant et hétéroclite. En effet ce projet tire son nom de la célèbre émission radio mensuelle de 2 heures qu'animent entre autres Graham Luckhurst, Gareth Stephens, Ally Smith et Ville Marttila. Ce premier volet nous donnent un aperçu de la programmation de ces moments de découverte ou de redécouverte, avec 20 pépitesvintage chargées d'accents psychédéliques ("Mathar", "He's Forever"), où se côtoient rythmes brésiliens ("Esperar Pra Ver", "Deixa Tristeza", "Piranha", ...) et africains ("Samba", "Fish & Funjee", "Karam Bani",...), sonoritéssoul ("Can't Leave Without You"), funk ("Use My Body") reggae ("Mammy Hot Daddy Cool"), disco ("Freak") et jazz fusion ("El Mercado", "Chanson D'un Jour d'Hiver") ....
Ce souci de débusquer et de partager des trésors sonores quasi-inconnus constitue aussi la base des DJs sets postés par la maison de disques anglaise et confiés à des pointures internationales telles que Dj Okapi, MCDE, Floating Points, Jeremy Underground, Four Tet, Sassy J et bien d'autres... Remportant une large audience auprès d'un public toujours plus conquis, leurs mixes croisent un tas d'influences à l'instar de ce Mr Bongo Record Club - Volume One où se mêlent la guitare mandingue d'Amazones de Guinée et la sitar de Dave Pike Set, la MPB tropicaliste d'Evinha et l'afrobeat de The Rwenzori's, la samba funk de Neno Exporta Som et la salsa de Fruko Y Sus Tesos...
Fania - A Legendary Salsa Album (Fania/Wagram Music)
(Disponible en digipack et vinyle le 26 août 2016)
La légendaire maison de disques cubaine Fania s'apprête à nous offrir en version remastérisée 7 albums
mythiques extraits de son précieux catalogue regroupant depuis sa création en
1964 les artistes les plus emblématiques de la salsa.
Parmi cette collection figure l'un des disques les plus
importants de la carrière de la "Reine
de la Rumba"Célia Cruz, il
s'agit du disque d'or Célia & Johnny,
fruit de sa collaboration en 1974 avec le flutiste, percussionniste et chanteur
dominicain Johnny Pacheco, également
co-fondateur du label avec le business man Jerry
Masucci. Ensemble ils interprétèrent 10 titres qui resteront des succès
intemporels dont le hit "Quimbara",
qui allie subtilement le groove incomparable de Pacheco au charme et à la voix inimitable de la diva.
Fania réédite
aussi l'opus magistral du percussionniste virtuose Ray Barretto intitulé Indestructible.
Datant de 1973 il marque la renaissance d'un artiste qui débuta sa carrière dans
le jazz (ou plus précisément le cubop : mélange de bebop et de rythmes afro-cubains)
et le rhythm and blues, en côtoyant Charlie Parker, Herbie Mann ou Gene Hammons.
Dans cet effort, le jazzman devient salsero et accouche d'une œuvre ouverte et
éclectique, accueillant aussi bien le swing et le jazz de ses premières amours
que les rythmes africains. Il en résulte une salsa puissante, dansante et
sophistiquée qui contribua à faire de Ray
un artiste majeur de la musique tropicale.
L'aura du tromboniste Willie
Colon, qui révolutionna la salsa
avec son fidèle acolyte le chanteur Hector
Lavoe et, est célébrée par son Casa
Nuestra paru initialement en 1969. Il
y aborde des thèmes sensibles dont celui de la criminalité à travers les
rythmes du boléro, du son, de la bombacaribéenne entre autres
influences pluriculturelles (Afrique, Brésil…)…
La Fania All Stars
est l'orchestre qui réunie les meilleurs musiciens et chanteurs de la maison de
disques que l'on considère comme la "Motown
de la Salsa", en 1975 il donne un concert inoubliable au Yankee
Stadium de New-York qui sera immortalisé et gravé en 2 volumes. Fania All Stars Live At Yankee Stadium est
le premier enregistrement de musique latine à rentrer en 2004 dans le
classement des 50 albums les plus importants du 20ième siècle (Library
Of Congress). Y ont participé Célia Cruz,
Hector Lavoe, Ray Barretto, Willie Colon,
Ismael Miranda ou encore Justo Betancourt…
"El Cantante de
los Cantantes"Hector Lavoe,
chanteur iconique à la voix perchée et au talent d'improvisation exceptionnel
s'est illustré très tôt dans la formation de Willie Colon, qui continuera à produire ses disques même après la séparation
du groupe. C'est ainsi qu'en 1975 paraît La
Voz qui remporte un succès immédiat, imposant Hector comme le meilleur chanteur de salsa de tous les temps.
L'illustre pianiste Eddie
Palmeri (architecte d'une salsa
progressive) délivre en 1971 avec son immense Vamonos Pa'l Monte un hymne à la liberté porté par une salsa engagée et novatrice teintée
d'éléments de jazz. Il y célèbre la musique afro-cubaine à travers des
orchestrations non conventionnelles où cohabitent un sax bariton, un orgue et
un piano électrique… Là encore il s'agit d'un brulot engagé contre la pauvreté et l'injustice…
Autant dire que ces 7 volumes sont absolument
incontournables!
Sam Mangwana - Galo Negro (Grounded
Music/Socadisc)
L'une des plus belles voix de la rumba congolaise, le chanteur angolais Sam Mangwana dit 'Le Petit
Django Reinhardt', voit l'un de ses plus beaux disques Galo Negro être réédité grâce à l'entremise de Grounded Music. Pour la petite histoire, le projet naquit à Paris en
1996 sous l'impulsion de Cyril Dohar
des Editions Levallois et du guitariste/producteur
Nkouka Batenda. Un an plus tard,
entouré de vieux complices (dont le guitariste Nedule Montswet dit Papa Noel R.I.P.) et d'une belle
brochette de musiciens panafricains, débutent les enregistrements sous la
direction détendue de Christian Pollini
(Papa Wemba, Alpha Blondy). Y sont invités Murray
Head sur le langoureux "Manjani"
aux couleurs sud-africaines et Nilda
Fernandez sur la ballade folk
aux airs de morna frenchy "La Sentence" (brulot adressé
à l'ONU soulignant son incompétence à régler les problèmes du Tiers Monde).
Paru en Février 1998, le disque reçoit un accueil chaleureux qui le propulsera
jusqu'aux USA grâce à Dan Storper et
son célèbre label Putumayo. Sam y interprète des textes engagés (contre
la corruption, la violence, la xénophobie…) en français, swahili, anglais, portugais,
kikongo ou lingala sur des mélodies
inspirées destraditions de la
République Démocratique Congo, du Cap Vert ou de l'Angola. Voyageur
cosmopolite, il les pare de sonorités
afro-caribéennes et afro-cubaines,
tissant ainsi avec une élégance
chaloupée et nonchalante des liens solides et évidents entre les continents
bordant l'Océan Atlantique, le berceau de l'humanité d'un côté et le nouveau
monde de l'autre. Il est le digne représentant de ces rythmes importés
d'Afrique vers les Amériques qui reviennent à leur point d'origine pour
repartir une nouvelle fois vers la mer des Caraïbes…
Cette réédition est enrichie du duo avec Nilda et de 6 inédits enregistrés par le bassiste français Vincent Hamamdjian.
Alune Wade & Harold Lopez-Nussa - Havana-Paris-Dakar (World Village/Harmonia Mundi)
Lorsque que deux prodiges se rencontrent échangent et
partagent leur amour pour leur culture respective, le résultat ne peut qu’être enthousiasmant.
Dans le projet world jazzHavana-Paris-Dakar, à
paraître chez World Village, la
magie opère naturellement autour du jazz
et d’un feeling humain puis musical
rapprochant l’Afrique de l’Amérique latine, les rythmes du cha cha cha, de la rumba et de la salsa cubaines
à ceux de la morna cap-verdienne ou
du chaabi magrébin entre autres
influences sénégalaises, maliennes ou camerounaises.
Ainsi, après le live AtHome, qui rassemblait la diva malienne Fatoumata
Diawara et le pianiste de la Havane Roberto
Fonseca, nous découvrons une nouvelle œuvre fusionnant l’héritage des deux
continents, où le bassiste nomade et chanteur sénégalais Alune Wade a franchi l’Atlantique pour rejoindre le jeune virtuose
du piano cubain, Harold Lopez-Nussa.
Présent sur le dernier Afrodeezia
de Marcus Miller avec sa voix cristalline
et délicate (suivant les pas tracés par les immenses Salif Keita et Lokua
Kenza), Alune est aussi agile au
chant que sophistiqué à la guitare-basse, sa grâce et la douceur de son jeu nous
nous font forcément penser à son aîné camerounais Richard Bona. Son parcours et son talent le mènent à seulement 18
ans dans l’orchestre d’Ismael Lô puis d'Oumou Sangaré et
plus tard dans le studio d’enregistrement de Youssou N’Dour... Il est aujourd'hui installé à Paris.
Harold Lopez-Nussa,
auteur du splendid New Dayparuen 2013, est issu d'une grande famille de musiciens, il mène de front piano jazz, musique classique et traditions caribéennes, s'appropriant subtilement les répertoires de Maurice Ravel, Keith Jarrett ou Wayne Shorter, accompagnant sur scène la chanteuse Omara Portuondo ou parcourant le monde en égrenant ses propres compositions dans les plus prestigieux festivals (Montreux, Montréal, Sète...)
C'est en Allemagne que les deux hommes se rencontrent presque par accident, Alune remplace le bassiste d'Harold pour un concert donné dans un club en Avril 2012, l'alchimie est telle que naît l'envie d'aller plus loin. Tous deux ont été impressionnés et largement influencés par
la fusion des genres qu’ont initié les jazzmen légendaires des 70’s et des 80’s
tels que Joe Zawinul ou Herbie Hancock.
À leur tour ils élaborent un métissage scintillant et fédérateur des styles, rendant ainsi hommage aux racines africaines de la musique cubaine. Le tandem, enregistrant l'album à Cuba en décembre 2012, réinterprète une série de standards empruntés aussi bien au gambien leader de la scène salsa de Dakar Labah Sosseh (Aminata), qu'à l'héroïne aux pieds nus de Sao Vicente Cesaria Evora (Petit Pays), en passant par le succès immortalisé par un des chantres de la scène raï Rachid Taha (Yarahya) ou encore par une perle mandingue extraite de l'œuvre du griot malien Salif Keita (Seydou).
Ces titres, accompagnés des compositions inédites d'Alune (Sagô, Salimata, Dom), d'Harold (Nussa Solo) ou de son frère le batteur/percussionniste Ruy Adrian Lopez-Nussa (Guajira) sont tous une invitation à la danse et à la fête, à l'instar du sublime hymne à la liberté Ayé Africa de Manu Dibango trait d'union idéal entre l'île des Antilles et la terre-mère.
À noter qu'autour de nos deux leaders se sont greffés des artistes hors paires, une garde rapprochée composée de Ruy à la batterie, Adel Gonzalez aux percussions et Reinaldo Melian à la trompette, puis d'invités prestigieux comme les chœurs de l'Orquesta Aragon, les guitaristes Hervé Samb et Amen Viena ou la chanteuse cap-verdienne Sara Tavares.
Les arrangements de Havana-Paris-Dakar servent un dessein plus que respectable, celui de d'afficher un sourire radieux à ses auditeurs conquis par la découverte d'une Afrique colorée de 'cubanité' et de latin jazz...
Daymé
Arocena – The Havana Sessions (Havana Cultura/Brownswood Recordings)
L e dénicheur de perles rares et de nouveaux talents Gilles Peterson nous revient via son
projet The Havana Cultura, avec un
sublime EP de 4 titres nous présentant une toute jeune chanteuse cubaine nommée
Daymé Arocena. Véritable révélation
d’à peine 22 ans, elle impressionne dès son premier tour de chant grâce à une voix puissante et précise, gorgée d’un
groove R&B éblouissant, d’une maîtrise vocale digne des divas historiques
du jazz et d’une énergie latine puisée dans les traditions afro-cubaines du
boléro et de la salsa. L’écouter donne l’impression d’avoir en face de soi un
chœur formé de Gregory Porter et Concha Buika, une association parfaite de
passion, de soul, de vécu et de métier !
Fraichement signé sur le label du DJ/producteur anglais Brownswood Recordings, la jeune artiste
a fait parti du projet Havana Cultura
Mix en Mai 2014. Ce dernier consistait à inviter plusieurs producteurs émergeants de musique électronique à la Havane et établir ainsi des collaborations
avec les musiciens locaux (on se souvient notamment de l’ouvrage Mala In Cuba du fondateur du dubstep,
réalisé en 2012 lors de l’édition Havana Cultura – The Search Of…).
Après 3
featurings dans la compilation et une prestation live lors du lancement du disque à Londres, il est
apparu logique et souhaitable qu’elle enregistre son propre album !
Son génie s'écoute d’emblée sur le vibrant Drama, ouverture resplendissante de ce Havana Cultura Sessions, qui démarre
comme une complainte délicate et intimiste interprétée par Daymé et le pianiste Rob
Mitchell, mais qui se pare très vite d’un groove enivrant mis en scène par
les percussions d’Oli Savill, Simbad et Maître Samsou, ainsi que par la ligne de contrebasse de Neil Charles.
La jeune prodige à la carrure de Jill Scott, immense héroïne de la scène néo soul U.S., opère une fusion majestueuse des musiques jazz et
caribéennes ancrées dans un héritage africain vivace et sauvegardé, notamment
grâce à la religion Santeria et ses rythmes
de transe. Cet héritage est d’ailleurs marquant dans le jeu des percussions du
titre Cry Me A River, reprise
étonnante du standard immortalisé par Ella
Fitzgerald.
Ce morceau est un des classiques du jazz les plus joués mais ici, il nous est livré dans une version
magique et dépouillée, à la croisée du chant gospel et de l’incantation chamanique.
Quinto et Matador jouent les claves, chékérés et autres tres-dos tandis que Dagoberto Arocena et Yosvani Diaz l’accompagnent au chœur.
Dans Sin Empezar, Daymé se met au piano et entame une
merveilleuse balladeaux reflets mélancoliques servis par la
trompette au son feutré de Yelfris
Valdes. Le culte qu’elle voue à feu Whitney
Houston s’y manifeste alors pleinement, mâtinant son jazz d’une sensualité
R&B touchante.
Avec ses rythmes chaloupés et son invitation à la danse
dignes de la grande Célia Cruz, El Ruso demeure le titre le plus ‘cubain’
de cet EP qui annonce un album Nueva Era
des plus intéressants de ce début d’année. Les talents d’interprète et de
compositeur de Daymé confirment une fois
de plus que Gilles Peterson a vu
juste en la plaçant sous l’aile bienfaitrice de Brownswood Recordings, comme il le fît par le passé pour José
James, Ben Westbeech, Zara McFarlane ou les japonais de Soil & ‘’Pimp’’
Sessions.
La toute jeune violoniste et chanteuse installée en Suisse Yilian Canizares nous présente son
second opus intitulé Invocacion.
Originaire de la Havane, elle allie avec fougue et passion les folklores afro-cubains au jazz moderne, y intégrant quelques accents de musique classique
et des éléments de la culture Yoruba.
Elle élabore au violon un swing dont
le lyrisme nous ramène irrémédiablement vers celui de notre modèle absolu Stéphane Grapelli, un petit faible pour
la France qu’elle manifeste d’ailleurs en reprenant un air immortalisé par Edith Piaf, Non Je Ne Regrette Rien. Sa voix
puissante et délicate à la fois, effleure de sublimes ballades aériennes et ensorceleuses comme Breoni Abebe Osun et Toi Mon
Amour ou accompagne les ambiances
brulantes aux rythmes plus soutenus de titres comme Mapucha ou Laïla, dans
lequel ses vocalises prennent la forme d’un scat presque guerrier doublé par un jeu virtuose et incisif au violon.
Entourée de ses trois comparses - Daniel
Stawinski au piano, David Brito
à la basse et contrebasse, Cyril Regamey
à la batterie et aux percussions - avec qui elle partage la scène et les
studios, Yilian forme le quartet Ochumare (du nom de Ochun, orisha des
eaux et rivières, déesse de la beauté dans la santeria)qu’elle agrémente en toute fin d’Invocacion, par l’invitation de la poétesse à la vibe hip-hop/jazz Akua Naru, sur un Iya Mi envoutant teinté d’un groove urbain auréolé de volutes
caribéennes.
Buena Vista
Social Club – Lost & Found (World Circuit)
Le projet Buena Vista
Social Club, mené par Ry Cooder et
immortalisé au cinéma par Wim Wenders,
fut largement salué dès la parution du 1er disque au titre éponyme en
1996. Il consistait à remettre en selle les légendes de la musique cubaine des
années 50, provoquant alors un nouvel engouement international pour lesrythmes chaloupés de la salsa, de la guarija, du son cubain et autres
boléros de la Havane. 20 ans plus tard et en guise d’adieu, le label
anglais World Circuit publie un recueil
de raretés et d’inédits intitulé Lost
& Found. Il rassemble 13 titres captés en live ou lors de sessions d’enregistrements
en studio et retrace l’épopée d’une équipe qui, depuis, vit disparaître
certains de ses membres éminents comme Compay
Segundo, Ibrahim Ferrer ou
encore Ruben Gonzalez. Les
survivants ont prévu un Adios tour
afin de partager une dernière fois sur scène ce patrimoine de la trova, que la chanteuse Omara Portuondo continue d’explorer et
de promouvoir en solo.
La légende vivante de Cuba Omara Portuondo nous revient après 3 ans d'absence avec son magistral Magia Negra - The Beginning. Enregistré pour la première fois en 1958 pour le label Velvet, alors que la chanteuse faisait encore partie du groupe féminin Cuarteto de Aida, ce disque de jeunesse rendait hommage à la musique sud-américaine, avec ses thèmes populaires comme Besame Mucho (boléro composé en 1941 par la chanteuse mexicaine Consuelo Vélazquez) et au jazz américain, avec Magia Negra (originellement intitulé That Old Black Magic,écrit par Johnny Mercer et composé par Harold Arlen en 1942) et Caravana (reprenant le célèbre standard Caravan de la fin des années 30, écrit par Irving Mills sur une composition de Duke Ellington).
Au début des années 50, la jeune Omara créait d'ailleurs, avec son quatuor fémininformé de sa sœur Haydée et ses partenaires Elena Burke et Moraima Secada,un courant musical métis baptisé filin (ou feeling), inspiré bien sûr du son cubain (ou rumba) et autres boléros, mais aussi du swing grandiose et classieux des divas Ella Fitzgerald ou Sarah Vaughan.
Placée sous le feu des projecteurs en 1996 grâce au projet Buena Vista Social Club du guitariste Ry Cooder, Omara relance sa carrière et le grand publique (re)découvre alors une artiste majeure de la scène jazz de Cuba. N'oublions pas que l'immense Nat King Cole, le compositeur Jorge Drexler, le groupe Los Van Van et plus récemment les chanteurs brésiliens Maria Bethania et Chico Buarque, les bassistes Richard Bona et Avishai Cohen, le pianiste Chucho Valdes ou encore le percussionniste Trilok Gurtu [...] l'ont tous croisés au moins une fois en concert ou lors de séances d'enregistrements.
Malgré un grand nombre de scènes (Olympia de Paris, Carnegie Hall de New-York), d'albums solo et de collaborations prestigieuses étalées sur plus d'une trentaine d'années, elle se faisait de plus en plus rare, la politique de Fidel n'ayant pas facilité les choses.
À tout juste 84 ans, cette grande dame du jazz et de la culture caribéenne semble détenir le secret de la longévité. De retour en studio pour cette nouvelle mouture de Magia Negra - The Beginning, "la novia del filin" retrouve l'équipe avec laquelle elle avait gravé en 2011 Omara & Chucho. Rolando Luna est au piano, Gaston Joya à la contrebasse, Rodeny Barreto à la batterie, Andres Coayo aux percussions, Alexandre Abreu à la trompette et Juan Manuel Ceruto au saxophone ténor et à la flûte.
Omara a aussi sollicité plusieurs invités spéciaux. On note en effet et non des moindres, le compositeur et chanteur brésilien Yvan Lins qui intervient à ses côtés sur le touchant No Puedo Ser Feliz. El Micha, célèbre chanteur de reggaeton, associe quant à lui sa voix à celle du conteur Luis Carbonell (disparu en Mai dernier) sur le titre au groove urbainOguere, se transformant presque en ballade hip-hop. Des voix féminines contribuent aussi à apporter une touche de modernité à l'album. Nous pouvons ainsi écouter la voix de sa petite-fille Rossio Jimenez sur une Noche Cubana langoureuse.
Pour sa tournée internationale, Omara s'entoure d'une pléiade de jeunes artistes tout aussi talentueux, comme les chanteuses cap-verdiennes Lura et Mayra Andrade ou bien la somptueuse section rythmique du pianiste cubain de génie Roberto Fonseca, rassemblant son trio composé de Joel Hierrezuelo aux percussions, Ramsés Rodríguez à la batterie et Yandy Martinez à la basse.
Autant dire qu'ellen'est pas encore prête à rendre son micro !
Tru
Thoughts 15th Anniversary (Tru Thoughts Recordings)
Le label anglais basé à Brighton Tru Thoughts fête cette année ses 15 ans d’existence. Embrassant
toutes les tendances musicales urbaines, on retrouve ses signatures dans les
milieux hip-hop, funk, ambient, electro, jazz, soul, reggae, afrobeat ou encore latino. Devenu une véritable marque de fabrique omniprésente dans
les festivals et sur les dancefloor avec des artistes tels Quantic, Bonobo ou
encore Alice Russell, Ty, Titeknots ou bien Omar et Nostalgia 77, Tru Thoughts a su entretenir
brillamment son indépendance et son attachement à la scène musicale
underground.
Le coffret Tru
Thoughts 15th Anniversary, qui ne sera disponible qu’en 500 exemplaires
numérotés et griffés par le grapheur Aroe,
se propose de présenter cette esthétique hétéroclite passée, présente et à
venir en 3 disques 33t colorés et 2 CDs, accompagnés d’un livret bardé d’interviews
et de photos.
Dans sa version basique, la compilation sort le 21
Octobre prochain sous la forme d’un double CD, avec au programme 31 titres
sélectionnés avec soins par le co-fondateur Robert Luis et sa team, où sonorités acoustiques et électroniques,
explorations et expérimentations, remixes et edits, succès éprouvés (de Bonobo ou Quantic) et futures (d’Harleighblu, Youngblood Brass Band
ou Lost Midas) se succèdent sans faute de goût.
Ricardo Lemvo & Makina Loca – La Rumba Soyo
(Cumbancha/Pias)
On retrouve dès les premières notes, les premiers accords et
les premières paroles du disque La Rumba
Soyo, l’énergie et la chaleur afro-latine d’Africando avec qui le chanteur zaïrois Ricardo Lemvo a d’ailleurs collaboré par le passé. Pionnier de ce mélange des cultures afro-cubaines (salsa,
rumba, merengue) et panafricaines (soukous, semba, kizomba), l’artiste installé
à Los Angeles a fondé dans les années 90 son impressionnante machine à danser Makina Loca composée de 12 musiciens
enflammés et aguerris. Avec eux, Ricardo
nous offre une célébration de la vie, de l’Afrique et de ses influences, avec ses
sonorités racées à mi-chemin entre traditions et modernité.
Don Pascal - The Cali Experiment EP (Tru Thoughts)
Le Dj français Don Pascal, originaire de Toulouse et résident à Londres depuis 2012, nous livre par l'entremise du label Tru Thoughts un nouvel EP aux sonorités électro-caribéennes gorgé de chaleur latine et de beats bien ronds. Collectionneur de disques vinyle, il parcourt les Amériques (notamment la Colombie) et l'Afrique à la recherche de pépites et mélange allègrement les accents jazz, soul, funk, latino, broken-beat, hip-hop, dubstep, 2step... Avec The Cali Experiment, l'alchimiste mêle l'énergie de la salsa dura à l'efficacité de la house music au travers deux titres racés Tributo et Tumbao. Spécialement taillés pour le dancefloor, ils nous abreuvent des motifs étourdissants de piano salsa interprétés par le colombien Cristhian Salgado.Le chanteur Hector Viveros ydéploie une voix incroyable et authentique digne des légendes cubaines tandis que les congas et la contrebasse de Tumbao s'enflamment dans une déferlente de bass drum et de clap. L'EP propose en side B deux bonus, une version longue et un remix de Tributo orchestré par un maître du genre, le français The Reflex, spécialiste des reworks funk et disco.
Depuis 1993 et la parution de leur premier disque, le
producteur sénégalais Ibrahima Sylla et l’arrangeur malien Boncana Maïga sont
devenus des références incontournables dans le monde de la salsa. Composée de musiciens
latino-américains basés à New-York, de chanteurs africains originaires de Guinée, du
Sénégal, du Congo, d’Haïti, du Bénin et du Cap-Vert, cette véritable machine à
danser nous revient, après 7 ans d'absences, avec l’immense « Viva Africando », enregistré à
Paris fin 2012. Toujours aussi dansante et brulante, la salsa d’Africando est
chantée en espagnol bien sûr, mais surtout en wolof, en lingala et autres langues
africaines. En 13 titres colorés et racés, le combo réaffirme sa maîtrise du son et du rythme afro-cubain rapprochant
ainsi La Havane de Dakar.
Célia Cruz –
This Is… Célia Cruz, The Absolute Collection (Legacy/Sony Music)
Célia Cruz, c’est LA voix qui incarne le plus la musique cubaine et la salsa. Partie de rien, son chant va
d’abord séduire la Havanne, puis l’Amérique latine dans les années 50 et les
USA dans les 60’s (fuyant ainsi le régime de Fidel Castro). L’Europe la
découvre au milieu des années 70, alors qu’elle devient une des stars du
célèbre label Fania Records. Dans cette
« Absolute Collection », sont compilés 12 titres de la diva Café Con Leche, dont les succès « Qimbara »,
« Usted Abuso » et « Yo Viviré ». Piochés entre 1955 et 2001, on
peut y écouter La Reina de la Salsa s’illustrer
au côté des légendes Tito Puente, Ray Barretto ou encore Willie Colon. Cet hommage
est une célébration saluant la longue carrière d’une artiste que seule la maladie
fit taire en 2003 à presque 90 ans !