Madison McFerrin - I Hope You Can Forgive Me (MADMCFERRIN MUSIC)
Dans la dynastie McFerrin, je demande Madison, fille de l'illustre chanteur et chef d'orchestre Bobby, sœur du talentueux Taylor (DJ/beatboxer/compositeur/producteur) et de Jevon,l'acteur. Il y a quelques semaines elle annonçait la sortie prochaine de son premier opus au long format, I Hope You Can Forgive Me, un disque solaire et saisissant introduit par les singles "(Please Don't) Leave Me Now" et "Stay Away (From Me)", tous deux largement parcourus de sonorités néo soul délicieusement langoureuses. La diva à la voix de velours publiait en 2019 l'EP You + I, une collection de 6 titres captivants, où douceur R&B, chaleur soul et textures électroniques servaient déjà d'écrin majestueux à un chant hypnotique et pénétrant. Auteure-compositrice, vocaliste, bassiste, claviériste, arrangeuse et productrice, Madison connaît toute les ficelles du métier et peut ainsi maitriser chaque aspect et peaufiner chaque détail de sa musique, de l'idée à sa réalisation. Dans le vibrant et sensuel "God Herself", nouvel extrait dévoilé il y a peu d'I Hope You Can Forgive Me, l'artiste engagée renoue avec son amour du gospel et du chant acapella, univers qu'elle avait déjà exploré en 2016 et 2018 à l'occasion des EPs Finding Foundations, Vol.I & II. Le titre est somptueusement mis en image par Sam Cannon dans une mise en scène qui n'est pas sans rappeler le sulfureux clip "Untitled (How Does It Feel)" de D'Angelo.
Bref, avec ces 3 premiers morceaux, Madison nous met l'eau à la bouche, il nous tarde de découvrir l'effort dans son intégralité!
Rhoda Scott - Movin' Blues (Sunset Records/L'Autre Distribution)
La mythique 'Barefoot Lady' Rhoda Scott, légende vivante de l'orgue Hammond qui a notamment accompagné Ella Fitzgerald, Count Basie ou Georges Benson (…), nous présentait en 2017 son excellent projet We Free Queens, avec son fameux lady quartet formé par Sophie Alour au saxophone ténor, Lisa Cat-Berroau saxophone alto et Julie Saury à la batterie. Le 31 Janvier prochain, elle publiera de nouveau sur Sunset Records - label de Stéphane Portet, son manager et producteur depuis 3 ans - l'opus Movin' Blues, un album blues intense et vibrant enregistré en duo avec le jeune batteur manceau Thomas Derouineau. Ce tandem orgue/batterie est formule qu'elle apprécie tout particulièrement, on se souvient en effet de ses collaborations précédentes avec, entre autre, Kenny Clarke en 2000 ou Daniel Humair en 1968. Revenant aux sources d'une musique qui l'habite depuis sa plus tendre enfance, Rhoda, fille de pasteur, nous offre un recueil de 12 titres envoûtants au groove entêtant, où les sonorités soulful héritées du blues, du jazz et des spirituals dégagent des vibrations positives contagieuses... Alignant des standards incontournables à l'image d'"Honeysuckle Rose" de Fats Waller et "Watch What Happens" de Michel Legrand, ainsi que des compositions originales dont "Movin' Blues" et "Blues at the Pinthière", le disque ravira particulièrement les amateurs du Duke avec les reprises de l'énergique "Caravan" et de l'émouvant "Come Sunday"...
Melba Moore - My Heart Belongs To You (Fereck Dawn Remix) (Soulfuric)
"My Heart Belongs To You" est un des succès house incontournables du label Soulfuric, porté par les vocaux soulful de l'ex diva du disco Melba Moore et la production édifiante du pilier Ron Carroll, Dj légendaire de Chicago. Remixé pour sa sortie en 2005 par les respectables Jon Cutler, WAWA et DJ Prom, le titre était réactualisé le 14 Juin dernier dans une version exclusive orchestrée par Ferreck Dawn, producteur néerlandais qui a définitivement le vent en poupe, avec à son actif de solides réalisations récemment publiées par la prestigieuse écurie londonienne Defected, Mettant en avant la voix puissante et gospel de la chanteuse, il élabore une vision deep house envoûtante et atmosphérique fidèle à sa signature si reconnaissable.
Amir Alexander - Blessed Are The Meek (Classic Music Compagny)
Le DJ/producteur originaire de Chicago Amir Alexander publiait le 03 Mai dernier pour son entrée au sein du label londonien Classic Music Compagny, l'excellent "Blessed Are The Meek", un tube gospel house en puissance, mené tambours battant par des vocaux soulful et une ligne de basse entêtante... Reconnu pour ses sets enflammé au Panorama Bar de Berlin, il nous livre ici un ÉNORME banger au groove irrésistible!
Sophie Lloyd Feat. Dames Brown - Calling Out (David Penn Extended Remix)
On a tous en tête l'hymne disco house"Calling Out", que la productrice anglaise Sophie Lloyd publiait en 45T et en version 12' courant 2018, chez Classic Music Compagny. Porté par les vocaux gospel surpuissants du trio de Détroit, Dames Brown, le titre, déjà revisité l'an passé par les pionniers Floorplan dans leurs "Club & Revival Mixes", est remixé en ce début d'année 2019 par l'immense David Penn. Le vétéran espagnol nous livre une véritable bombe club à la musculature saillante et dont la ligne de basse hypnotise littéralement l'auditoire!
Fire Island - There But For The Grace of God (4 To The Floor)
4 To The Floor réédite le hit house des années 90, "There But For The Grace of God" dans un recueil de 10 mixes orchestrés par la fine fleur de la scène club. Produit par le mythique duo anglais Fire Island alias Heller & Farley -que Defected célébrait en 2015 dans un House Masters lui étant consacré - était invitée pour l'occasion la diva gospelLove Nelson. Le titre aux reflets soulful et discoïdes paru initialement en 1993 nous est livré dans sa version originale et revisité par les pointures du genre à savoir Roger Sanchez, Joey Negro et X-Press 2.
Cambis & Wenzel Feat. Debbi Blackwell-Cook - Prescription for Life (Defected)
Le 15 Juin dernier, les allemands Cambis Sharegh et Felix Wenzel basés à Munich et Hambourg, publiaient chez Defected leur excellent "Prescription for Life". Évoluant en duo depuis 2010, le tandem Cambis & Wenzel nous livre, pour ses débuts sur le label londonien, une petite bombe électro aux vibrations house, animée par une rythmique 4/4 fédératrice. Avec sa ligne de basse acidulée, héritée de la chicago house, la production au groove captivant sert d'écrin aux vocaux soulfulet gospel de la diva américaine Debbi Blackwell-Cook... Un titre indéniablement club!
Kamasi Washington - Heaven and Earth (Young Turks)
Dans des œuvres aussi prenantes, denses et riches que celles du saxophoniste américain Kamasi Washington, l'auditeur entrevoit la porte d'entrée, l'emprunte, mais pris par surprise, oublie vite de chercher la sortie, préférant s'égarer dans un dédale d'influences et de références musicales, où toutes notions de temps et d'espace se délitent. La puissance, le génie et l'immense raffinement de l'artiste imposent, outre le respect bien sûr, la divagation, l'introspection, la réflexion et l'exaltation des sens. Cette ivresse ressentie quand tout s'accorde, quand les souvenirs se conjuguent au présent et que les aspirations se confondent à la réalité, s'exprime parfaitement dans cette dernière odyssée livrée par un jazzman sorcier. Intitulée Heaven and Earth, elle est constituée d'un double album, qui succède au triptyque grandiose que futThe Epic, publié en 2015 sur Brainfeeder.
La diversité des compositions de Kamasi est à l'image de la constellation d'artistes qui gravitent autour de lui, de ses amis Herbie Hancock et Flying Lotus au collectif jazzWest Coast Get Down (Thundercat, Josef Leimberg, Dexter Story et Ryan Porter), en passant par ses influences majeures (John Coltrane, Roy Hargrove) ou les figures emblématiques de la scène californienne (Horace Tapscott, Build An Ark).
En véritable virtuose de l'écriture, il construit des orchestrations dramatiques et des arrangements épiques dignes des plus grands compositeurs de musique de film. Il combine avec éloquence le pluralisme et la sophistication dujazz au discours incisif et réaliste du hip-hop, mais plus largement célèbre le groove sous toutes ses formes, bousculant des frontières entre les genres qui n'ont finalement aucune raison d'être.
Signer son disque chez l'anglais Young Turks est déjà un geste fort en soit, car il ne s'agit pas d'un label spécifiquement jazz, mais plutôt ouvert à un vivier de créateurs originaux et novateurs, s'illustrant autant dans l'électro et la pop que dans le R&B (Jamie XX, FKA Twigs, SBTRKT, Sampha...).
Entouré de sa garde rapprochée, The Next Step et de quelques complices prestigieux comme le contrebassiste Miles Mosley, le saxophoniste a souhaité, selon ses propres mots, représenter dans son volet Earth"le monde tel qu'il le voit de l’extérieur, le monde dont il fait partie. L'Acte Heaven montre quant à lui, le monde tel qu'il le perçoit de l’intérieur, le monde qui lui appartient. Son identité et ses choix reposent quelque part entre les deux".
Bien que perché, mystique, cosmique et psychédélique, le jazz crossover de Kamasi est avant tout politique, il s'inscrit pleinement dans l'actualité et son urgence, intégrant parfaitement un héritage légué en grande partie par la population afro-américaine. Heaven and Earth fait appel àtout un pan de la mémoire collective des Etats-Unis, puisant sa matière et son inspiration dans le gospel, le cinema, le jazz symphonique, le jazz vocal, l'afrobeat et les rythmes afro-latins, le free jazz de Sun Ra, le jazz rock de Zawinul et Herbie Hancock, la soul et le funk des années 70, le spiritual jazz de Coltrane et Pharoah Sanders... Parfois toutes ces influences se retrouvent piégées dans un seul et même morceau, c'est dire le haut niveau technique et le besoin insatiable qu'éprouve Washington à partager avec nous et ses musiciens tout ce qui le taraude et le révolte, toutes ces questions en suspend et ces non-dits qu'il transmet avec le brio qu'on lui connaît! Il explore un espace qu'avait défriché avant lui des géants, dont le plus illustre n'est autre que Miles Davis, élevé de son vivant au rang de pop star, de figure incontournable comme semble le devenirce nouveau messie du saxophone à la garde-robe d'Earth Wind and Fire.
Sophie Lloyd Feat. Dames Brown - Calling Out 12" (Classic Music Compagny)
Je ne vais pas répéter tout le bien que je pense de l'excellent "Calling Out" et de ses accents gospel portés par le trio vocal de Détroit Dames Brown,titre house aux sonorités disco/funk que la Dj productrice anglaise Sophie Lloyd publiait en 45T l'an dernier sur le label de Luke Solomon, Classic Music Compagny, mais juste signaler que sa version 12'' paraîtra le 23 Mars prochain cette fois-ci accompagnée de deux puissants mixes orchestrés par le duo Floorplan, composé de Robert Hood et sa fille Lyric Hood, pionniers de la techno de Détroit. Leur "Club Mix" muscle le groove accrocheur de "Calling Out" et "Revival Mix" le métamorphose en un monument piano house absolument irrésistible.
The Joi Fuhl Feat. ShezAr - Don't You Worry (Soulfuric Recordings)
La prestigieuse maison de disques Soulfuric Recordings revient en force avec une nouvelle réalisation succédant à sa réédition sur Soulfuric Trax du titre "Larry's Jam"de John Julius Knight, il s'agit du percutant "Don't You Worry" orchestré par le producteur anglais Kwame Safo alias The Joi Fuhl, plus connu sous son pseudo Funk Butcher. Dans ce dernier projet, l'artiste aligne des sonorités classic house captivantes, il est épaulé par la talentueuse diva née à Hackney, Sherelle Mckenzie alias ShezAr, qui dépose avec brio sa voix puissante aux accents gospel sur une instrumentation dominée par des riffs de piano édifiants et une rythmique 4/4 urgente. La légende house de Baltimore Dj Spen s'est allié à ReelSoul de Los Angeles, pour nous offrir un remix des plus souful, adoucissant les reliefs plus abruptes de la version originale. Le cofondateur de Soulfuric, Brian Tappert a lui aussi mis la main à la pâte, nous livrant un edit spécial de "Don't You Worry", la version "Believe Dub" du "Dj Spen & Reelsoul Remix".
Sophie Lloyd Feat. Dames Brown - Calling Out (Classic Music Compagny)
Véritable temps fort de l'année 2017, le titre house"Calling Out" de la reine du disco, Sophie Lloyd, résonne déjà comme un pur classique avec ses atours d'hymne gospel fédérateur, son instrumentation aux vibrations live et sa rythmique 4/4 captivante. Dotée d'une ligne de basse discoïde des plus contagieuses, le miracle de cette production tient, pour une grande part, dans la magie qu'opèrent les vocaux soulful édifiants du trio originaire de Détroit, Dames Brown (formé par les divas Lisa Cunningham, Jael Coston et Teresa Marbury). Deux autres éléments de taille viennent compléter cette joyeuse célébration, y ajoutant vigueur et authenticité, il s'agit de l'orgue bien sûr (indissociable du gospel) mais surtout du piano, qui invite à la transe par salves puissantes et festives...
L'artiste anglaise nous livre là un tube piano house en puissance qui marque son entrée fracassante au sein de la famille dirigée par Luke Solomon, Classic Music Compagny.
Raphaël Imbert - Music is my Hope (Jazz Village/Pias)
Nous ayant laissé en 2016 avec son sublime Music is my Home, où il partait explorer les racines du jazz dans le delta du Mississippi avec le concours de quelques figures emblématiques de la scène blues et New Orleans, le saxophoniste autodidacte Raphaël Imbert rempile avec un nouveau chapitre de ses aventures musicales humanistes outre-Atlantique, un nouvel opus généreux de 12 titres, intitulé Music is my Hope. Tissant toujours un lien de filiation entre les traditions blues, jazz, gospel et soul, le tout baigné dans une énergie rock vigoureuse, l'ethnomusicologue avertirassemble ici, dans une veine plus militante mais aussi plus intime, les incantations brulantes et jubilatoires du spiritual, les revendication profondes et urgentes des protest songs, ainsi que l'introspection poétique et la quête de réponses existentielles du folk...
Porté par les voix envoutantes d'Aurore Imbert, Marion Rampal, Manu Barthélémy et Big Ron Hunter, Music is my Hope nous est servi par un casting de musiciens de haut vol, on compte en effet autour de Raphaël,les instrumentistes virtuoses Pierre-François Blanchard aux claviers, Pierre Durand et Thomas Weirich aux guitares, puis Dominique Di Fraya à la batterie.
Music is my Hope est un disque riche et engagé, un voyage singulier nous remémorant les combats et les luttes emblématiques de Paul Rabeson (initiateur du mouvement des droits civiques aux Etats-Unis qui s'est battu pour l'émancipation des peuples dans le monde entier), les textes révérés de Joni Mitchell (diva incorruptible du folk qui a su traduire avec magie ses réflexions sur la société et l'environnement, ainsi que ses sentiments à propos de l'amour, de la confusion, de la désillusion et de la joie) et la pensée militante de Pete Seeger (pionnier avec son acolyte Woody Guthrie de la musique folk).
La diva parisienne originaire des Antilles Céline Languedoc nous offre son premier opus très justement baptisé Rencontre. Composé de 13 titres radieux où gospel, soul, jazz et blues s'entremêlent et revêtent tour à tour des accents caribéens et latins, l'album exprime à merveille ce que le métissage a de plus noble et de nécessaire, à savoir une énergie vitale inépuisable ancrée dans un patrimoine fort, encline à s'ouvrir aux autres cultures. Pour cet effort la chanteuse à la voix puissante et captivante s'est entourée de jeunes musiciens fort talentueux, au piano s'illustre le martiniquais Gregory Privat, à la batterie, à la guitare et aux percussions les guadeloupéens Arnaud Dolmen, Ralph Lavital et Sonny Trouvé, à la basse l'haïtien Franck "Boom" Jean, à la contrebasse et au saxophone les cubains Irving Acao et Damian Nueva, puis enfin le français Bastian Mayras à la flûte. Un casting sur mesure pour une musique plurielle gorgée de vitalité, affichant tantôt ses reflets roots inspirés des traditions afro-caribéennes, tantôt ses harmonies complexes issues du jazz. Interprétant ses propres textes en créole et en français, la compositrice a pu compter sur l'excellence de son pianiste pour la plupart des arrangements, on notera d'ailleurs la magnifique adaptation de l'intemporel "Summertime" de Gershwin. Céline propose ainsi une entrée en matière remarquable laissant présager un avenir musical riche et audacieux.
Miles Mosley - Uprising (World Galaxy/Alpha Pup Records)
Nous évoquions il y a peu la sortie de l'excellent triptyque The Epic du saxophoniste californien Kamasi Washington, nouvelle sensation jazz aux accents expérimentaux gravitant dans l'entourage du producteur Flying Lotus. C'est au tour de l'un de ses acolytes du West Coast Get Down (collectif de jazzmen novateurs basé à Los Angeles),de s'illustrer dans un album puissant affichant des sonorités clairement urbaines teintées de jazz bien sûr, mais aussi de soul, de blues, de funk, de pop et de rock psychédélique. Il s'agit du contrebassiste, compositeur et chanteur Miles Mosley et de son magistral Uprising. Composé de 11 titres aux orchestrations riches et cuivrées, ce disque mérite sa place dans le palmarès des plus belles oeuvres récentes en ligne avec l'héritage musical afro-américain, au même titre que Black Messiah de l'immense D'Angelo ou To Pimp A Butterfly du génial Kendrick Lamar. Tout en élaborant d'intenses arrangements de cordes, de cuivres et de chœurs gospel, Miles a choisi de tirer le maximum de textures et d'émotions de son instrument de prédilection, en lui appliquant des filtres et des effets, nous faisant penser au détour de quelques solos enflammés au lyrisme d'un Page ou Hendrix.
C'est son premier single "Abraham" relayé en France par la radio TSF en 2016, qui frappa le premier l'oreille des auditeurs amateurs d'un jazz vocal racé empreint de soul et de gospel façon Grégory Porter. Son second extrait "Young Lion", paru à la sortie de l'album le 27 Janvier dernier, conforte les premières impressions laissées par "Abraham", imposant sur un rythme effréné une énergie vitale vigoureuse et fédératrice qu'un certain Lenny Kravitz pouvait, à l'âge d'or de sa carrière, nous communiquer.
Autour du contrebassiste se retrouvent les exceptionnels Tony Austin à la batterie, Ryan Porter au trombone et Kamasi au saxophone, Cameron Graves au piano et Brandon Coleman aux claviers... Ils sont la fine fleur d'un jazz américain bousculant ses frontières et ses carcans.
Hifi Sean Feat Crystal Waters - Testify (Defected)
Defected publie un titre plutôt insolite dans son répertoire house souvent qualifié d'underground, il s'agit du festif "Testify", un tube pop en puissance aux reflets disco et aux accents gospel. A la voix s'illustre la diva des années 90 Crystal Waters (celle-la même qui signait de son sceau, en 1991, le mythique "Gypsy Woman (She's Homeless") et à la production, le vétéran anglais Sean Dickson alias Hifi Sean, ancien membre de la formation indie rock The Soup Dragons et boss de Plastique Recordings sur lequel paraissait originellement le single en Novembre dernier.
Ce dernier, à la patte reconnaissable entre mille, a déjà collaboré avec une pléiade d'artistes singuliers et emblématiques des 40 dernières années dont l'immense Bootsy Collins, l'atypique Little Annie, le leader des B-52's Fred Schneider ou encore la chanteuse Paris Grey, reconnue pour ses travaux avec la légende techno de Détroit Kevin Saunderson...
Son univers housefluo et bariolé est parcouru d'influences diverses mais on devine un goût particulier pour les sonorités disco et soulful, pour lui, la musique doit être sexy, décalées et fun à souhait, emplie d'émotions et de légèreté. Pas étonnant qu'il soit régulièrement en résidence dans les plus gros clubs de Londres.
Natif du Spanish Harlem à New-York, le Dj Producteur Sandy Rivera y a commencé sa carrière à 13 ans. Il se lance dans la house music au début des années 90 et parcourt depuis le monde entier pour y répandre ses sonorités electro chaudes, festives et dansantes, imprégnées de soul, de funk, de hip-hop et de R&B, sous ses différents alias, dont les plus emblématiques demeurent Kings Of Tomorow (le plus mainstream) et Soul Vision.
Véritable légende de la dance music, le patron des labels BlackWiz et Deep Vision Records est aussi bien apprécié pour la versatilité de ses sets (où il joue une house aux multiples facettes: progressive, techy, electro-disco et bien sûr soulful, sa spécialité) que pour l'excellence de ses productions ("I Can't Stop", "Just Won't Do", "Come Into My Room" ou encore le classique "Finally").
C'est chez l'anglais DefectedRecords que Sandy publie sa nouvelle bombe baptisée "Yeah!". Il s'agit de la 510ième sortie de la prestigieuse maison de disques londonienne. Une fois de plus, le producteur nous livre un titre punchy, massif et inspiré, affichant une rythmique racée et musclée, boostée par des vocaux puissants aux couleurs gospel et blues. Une ligne de basse hypnotique et quelques nappes d'orgue nous accompagnent dans une transe quasi-mystique!
Rachel MacFarlane & Nick Hussey - Let Nothing (Defected)
Le lien charnel qui unie tout un pan de la dance music au gospel apparaît évident à l'écoute de ce"Let Nothing", livré par le duo Nick Hussey à la production et Rachel MacFarlane au chant. Tous deux originaires de Manchester, ils partagent leur amour inconditionnel pour la house et notamment celle gorgée d'émotions soulful. La diva, qui a collaboré dans les années 90 avec N-Trance et le groupe Loveland, impose sa voix intense et racée sur une instrumentale piano-house au son old school des plus classiques et efficaces.
Ci-dessous un lien d'écoute vers le podcast du label avec en n°5 le "conga remix" de "Let Nothing"
Martha High
- Singing For The Good Times (Blind Faith Records/Differ-Ant)
Le nom de James Brown
est indissociable de celui de ses fidèles acolytes Fred Wesley, Bobby Bird,
Alfred "Pee Wee" Ellis, Lyn Collins et autres Marva Whitney … Pourtant
il en est une dont on ne parle que trop rarement, c'est sa choriste Martha High, qui l'accompagna sur scène
et en studio pendant plus de 30 ans, avant de rejoindre au début des années
2000 l'orchestre du saxophoniste Maceo
Parker (autre étoile de la JB's
factory), puis la formation hexagonale Shaolin
Temple Defenders en 2008 (W.O.M.A.N.)
et enfin les Speedometer en 2012 (Soul Overdue). S'apprêtant à publier un
nouvel opus solo baptisé Singing For The
Good Times prévu pour le 22 Avril prochain, la "Platine Blond Soul Sister" revient sur le devant de la
scène pour le plus grand plaisir des aficionados d'une southern soul profonde et originelle, puisant ses racines dans
le blues et le gospel ! A travers 11 titres
enregistrés à l'ancienne, elle nous replonge dans ses sonorités corrosives des 60's,
si chaudes et si sensuelles, qui firent la renommée d'un genre qui n'a
jamais cessé de passionner et de renaître de ses cendres (Amy Winehouse, Angie
Stone, The Dap Kings…). Epaulée par le producteur et crooner italien Luca Sapio la diva, qui a dépassé les
70 printemps, n'a rien perdu de sa fraîcheur et de sa superbe, comme le prouve
son premier extrait intitulé "Lovelight",
résolument racé et si proche du Memphis Sound
de l'illustre écurie Stax.
Various Artists - Daptone Gold II (Daptone Records/Differ-Ant)
Le désormais mythique label Daptone Records, basé à Brooklyn depuis sa création en 2001 par le bassiste Gabriel Roth et le saxophoniste Neal Sugarman, publie sa seconde compilation intitulée Daptone Gold II.
Spécialisée dans les sonorités soul et funkdes années 60 et 70, la maison de disque entretient les méthodes d'enregistrement et de mixage de l'époque, misant tout sur le grain de l'analogique et l'acoustique "poussiéreuse" de leur studio.
En 20 titres piochés parmi les parutions de ces 6 dernières années, Daptone nous présente l'étendue et la richesse de son répertoire parmi lequel se trouve de jeunes formations devenues phares dans cette quête retro soul et deepfunk revival comme The Budos Band (Unbroken, Unshaven ou Aphasia), qui intègre des cuivres éthio-jazz ou Menahan Street Band (The Traitor ou Keep Coming Back) et leur soul instrumentale parsemée d'afro-beat.
Mais Daptone sait aussi remettre en scène des acteurs oubliés de ces années folles où Stax et Motown dominaient quasiment sans partage. On redécouvre ainsi la soul torride de Charles Bradley sosie presque parfait de James Brown (Stricly Reserved For You, Heartaches And Pain) et la "musique de l'âme" de Naomie Shelton imprégnée du gospel de son Alabama natal (Sinner, You Got To Move).
Il serait impensable d'aborder Daptone sans parler de la dure à cuire Sharon Jones et de son groupe magique les Dap Kings (Better Thing To Do, Inspiration Information ou Little Boys With Shiny Toys). En effet, la chanteuse ex-surveillante pénitencière et convoyeuse de fonds (mais surtout survivante d'un cancer du pancréas) est devenue l'égérie de l'écurie new-yorkaise avec sa voix si puissante et sa section rythmique sans pareille, qui en 2006 enregistra d'ailleurs aux côtés de la regrettée diva Amy Winehouse dans son immense Back To Black. Ensemble ils nous mènent dans leur soul sublime, violente, enivrante et originelle habitée des spectres de Marvin Gaye, Sam Cooke ou Bobby Womack.
Oeuvrant dans les choeures de Sharon lors de ses débuts, les ex-Dapettes Saun & Starrsont aussi à l'honneur dans Daptone Gold II (Hot Shot, Look Closer (Can't You Sess The Signs?)) grâce à leur récente actualité Look Closer au groove radieux et survitaminé.
Antibalas, formation installée à Brooklyn, nous plonge quant à elle dans les percussions et l'énergie afrobeat (Dirty Money) de Fela Kuti.
Le trio gospel originaire du Mississippi The Como Mamas (Out Of The Wilderness), toute nouvelle signature de Daptone Records, vient parfaire une compilation des plus classieuses et indispensables pour tous les amoureux de soul comme elle se pratiquait à son apogée, il y 50 ans !
Né en 1981 et déjà considéré comme une légende de la nouvelle
sphère jazz américaine, le saxophoniste californien Kamasi Washington nous présente son triptyque The Epic, publié par Brainfeeder,
label underground de l’immense producteur Flying
Lotus, qui lui a donné toute latitude pour la réalisation de cet album hors
norme !
La particularité de ce musicien qui mérite d’entrer dans
l’arène des géants du jazz, c’est la facilité avec laquelle il passe d’un
répertoire hard bop, fusion voire free jazz à des projets aux sonorités plus urbaines, comme le hip-hop, l’electro, la nu soul ou
le G-funk. En jetant un coup d’œil à
sa bio on entrevoit cette versatilité, aussi bien présent aux côtés des
légendes Wayne Shorter, George Duke ou Herbie Hancock, que d’artistes non moins talentueux mais dans des
registresplus populaires Quantic, Lauryn Hill, Snoop Dogg, Raphael Saadiq ou encore Kendrick
Lamar… Une liste non exhaustive qui n’est pas prête de se clore !
Kamasi est devenu
une référence incontournable de la nouvelle scène jazz expérimental, clairement redevable aux monstres sacrés que
sont les époux Coltrane (John et Alice), Miles
Davis, Pharoah Sanders, Fela Kuti, Guru, Marvin Gaye ou Malcom
X (pour ne citer qu’eux), il réinvente le modern jazz en remettant notamment au goût du jour les arrangements
magistraux pour big band orchestral
et en nourrissant ses compositions et ses reprises d’influences gospel, soul, impressionnisteeuropéenne et blaxploitation.
L’album se
divise en 3 actes : The Plan, The Glorious Tale et The Historic Repetition.
Dans ce triple disque
en forme de célébrationsincère et
passionnée AUX jazz, qu’il enregistra fin 2011 lors de séances marathon avec
sa formation habituelle basée à Los Angeles West Coast Get Down (constituée d’amis de longue date voire d’enfance :
le claviériste Brandon Coleman, le tromboniste
Ryan Porter, le trompettiste Dontae Winslow, les batteurs Tony Austin et Ronald Bruner Jr, le frère de ce dernier l’exubérant bassiste Thundercat aka Stephen Bruner, le pianiste Cameron
Graves, le contrebassiste Miles
Mosley, la chanteuse R&B Patrice
Quinn), le compositeur engagé et
multi-instrumentiste militant s’offre
la direction d’un orchestre de 32
musiciens et d’un chœur de 20 chanteurs, décloisonnant les styles et les
genres, prenant des risques et menant sa barque là où on ne l’attend pas.
The Epic, même
s’il ne révolutionne pas le genre jazz, fait forcément figure d’ovni dans le
répertoire de Brainfeeder plutôt
orienté abstract hip-hop et électro. Dans ce concert explosif et jouissif de
172 minutes enrobées de cordes et de voix, l’artiste
ose le hors format, le hors cadre et impose sa vision d’une musique sophistiquée
mais décomplexée et plurielle, empreinte
d’un héritage prestigieux parcouru d’un désir féroce de liberté et
d’avant-gardisme.
Le rappeur Common dit
au sujet du saxophoniste ténor visionnaire et de son crew(qui se nomme aussi The
Next Step) que « ces jeunes gars lui rappellent pourquoi il aime la
musique ! », le journal anglais The
Independant affirme quant à lui que « The Epic est la chose la plus excitante du moment, propulsant le
jazz hors de sa pénombre pour au moins une dizaine d’années ! » et en effet, plus
qu’une simple immersion dans la grande tradition du jazz, Kamasi lui rend hommage en nous proposant une voie alternative, une
tambouille personnelle emplie de spiritualité, d’émotions, d’expressivité, de
virtuosité et de surprises. Il nous livre une odyssée captivante même auprès
d’un public peu enclin à se plonger dans l’univers parfois savant du jazz.
On notera bien sûr la sublime reprise de Clair de Lune de Claude Debussy, aussi inattendue qu’enivrante, ainsi que le
standard Cherokee de Ray Noble immortalisé entre autres par
Charlie Parker et ici illuminé par la voix gracieuse de Patrice Quinn et le groove délicat de la section rythmique…