jeudi 15 février 2018

Alune Wade - African Fast Food (10H10/Sony Music Entertainment)

Alune Wade - African Fast Food (10H10/Sony Music Entertainment)

Impressionnant auprès du pianiste cubain Harold Lopez-Nussa, dans leur projet commun Havana-Paris-Dakar paru en 2015, remarquable la même année dans l'Afrodeezia de Marcus Miller et un an après dans La Comédie des Silences de Fred Soul... Où qu'il intervienne, le bassiste et chanteur sénégalais Alune Wade ne passe pas inaperçu.

Le compositeur désormais installé à Paris nous revient le 23 Février prochain avec un troisième opus en tant que leader, African Fast Food, un recueil de 10 compositions riches et raffinés, exprimant les différentes influences et expériences musicales d'un artiste précieux. Chantant en anglais, français et wolof, s'illustrant à la basse sur des orchestrations aux grooves intenses, d'inspiration afrobeat ("African Fast Food", "Brown Sugar", "Afua"), jazz fusion ("How Many Miles"), oriental jazz ("Pharoah's Dance", "Mame Fallou"), funk mandingue ("Mali Den"), R&B ("La Nuit Des Lombards"), jazz ballad ("Demna") ou encore jazz rock ("Boisterous City"), l'artiste surprend par sa virtuosité, sa subtilité et sa sensibilité, largement marquée par l'Afrique, dans sa pluralité bien sûr (et des artistes avec qui il a d'ailleurs joué : Ismael Lo, Youssou Ndour, Cheick Tidiane Seck, Aziz Sahmaoui,...), mais aussi emprunte du jazz nord-américain de ses idoles Jaco Pastorius, Stanley Clarke et son mentor Marcus Miller, sans oublier les pionniers Charles MingusDuke Ellington, Miles Davis et John Coltrane...

Autour de lui, Alune a réuni un casting internationale 4 étoiles, composé des voix de Kuku et du slameur Oxmo Puccino, du claviériste Leo Genovese, du trompettiste Renaud Gensane, des batteurs Mokhtar Samba et Francisco Mela, du percussionniste Adriano Tenorio DD, du saxophoniste Daniel Blake et de Brian Landrus à la bass clarinet.

Une ode au métissage et à la diversité culturelle...

Gildas Boclé plays Cole Porter & Tom Jobim - So In Love (Absilone/Socadisc)

Gildas Boclé plays Cole Porter & Tom Jobim - So In Love (Absilone/Socadisc)

On ne se lassera jamais d'écouter et de réécouter les standards intemporels de Broadway légués par l'immense Cole Porter ("Love For Sale""So In Love" ou encore "Night And Day") ni même les thèmes gorgés de chaleur et de nostalgie d'Antonio Carlos Jobim ("Chega De Saudade", "How Insensitive" ou "Bonita"), co-inventeur à la fin des années 50 de la bossa nova, avec entre autres Vinicius de Moraes et Joao Gilberto.
Le contrebassiste Gildas Boclé l'a bien compris, et les dizaines de versions déjà enregistrées de ces différents titres n'ont absolument pas entamé sa détermination à relever le défi de ce neuvième album, baptisé So In Love. Rapprochant les univers de ces deux compositeurs de génie, il a en effet choisi d'interpréter 11 de leurs compositions qui constituent la base du répertoire jazz, s'entourant pour l'occasion de ses vieux complices, le guitariste Jérôme Barde et le batteur Marcello Pilliteri, tous deux rencontrés à Boston dans les années 80, ainsi que du musicien brésilien Nelson Veras, prodige de la six cordes dont il fit la connaissance à Paris, après son retour des US. Ensemble ils expriment avec maestria et beaucoup d'émotions la force mélodique de ces deux auteurs et leur proximité, "I Concentrate On You" réunit d'ailleurs leurs affinités musicales puisqu'écrit par Cole Porter en 1940 pour le film musical Broadway Melody, il fut arrangé par Tom Jobim dans les années 60 pour Frank Sinatra.

mercredi 14 février 2018

Lucien & The Kimono Orchestra - Horizon EP (Cracki Records)

Lucien & The Kimono Orchestra - Horizon EP (Cracki Records)

Enfilez votre kimono à paillettes, chaussez vos bottes de rando... Nous partons sur le mont Fuji à la découverte de Lucien & The Kimono Orchestra, récent projet de Lucien Bruguière, artiste français polyvalent et hyperactif, à l'origine d'un projet house lancé il y a quelques années sous le nom de Lucien et du label cinéphile Ventura Records fondé en 2012, sur lequel a notamment été produite la bande-originale du film indépendant L’Âge Atomique. Infatigable et au fait de tous les rouages de l'industrie musicale, il crée par ailleurs l’antenne française de la fameuse web-TV aux millions de vues, BOILER ROOM, où pendant 2 ans il a invité des artistes de renom à venir jouer dans des lieux d’exception, comme le Grand Palais, l’Institut du Monde Arabe ou le Palais de Tokyo.

En 2015, après avoir passé le flambeau à Teki Latex (entre autres managers), il prend sa basse, son micro et s’entoure du guitariste Hugo Houselle (également au chant), du claviériste Augustin Vignet et du batteur Axel Truet, pour se consacrer à son nouveau live band, Lucien & The Kimono Orchestra, inspiré par la musique et le cinéma des années 80. Son second EP, baptisé Horizon et sorti le 09 Février dernier sur Cracki Records, nous replonge dans les ambiances accrocheuses aux sonorités disco-pop et jazz-funk des monstres sacrés de cette époque faste pour la variété française, on pense bien sûr à Michel Berger et Alain Chamfort, mais aussi à Etienne Daho, Michel Jonaz et Serge Gainsbourg. Loin de vouloir nous proposer un catalogue de reprises ou de pastiches, Lucien préfère procéder par clins d'œil et allusions, jouant le décalage un peu à la manière d'un Sébastien Tellier, qui frôle le kitsch parvenant à esquiver les pièges. (On pense aussi à l'univers bariolé du bassiste américain Thundercat)...


Un brin nostalgiques, nous découvrons donc les 6 délicieuses pistes d'Horizon. Qu'elles soient instrumentales ("Georges", Connection"), interprétées en anglais ("Fresh Start", "Shell") ou en chantées en français ("Asile", "Horizon"), toutes affichent  une fraîcheur captivante, qui séduira à coup sûr un large auditoire.





 
 
 
 
 

mardi 13 février 2018

Henri Texier - Sand Woman (Label Bleu/L'Autre Distribution)

Henri Texier - Sand Woman (Label Bleu/L'Autre Distribution)

Le patron Henri Texier, contrebassiste incontournable de la scène jazz hexagonale et européenne depuis plus de 40 ans, nous revient avec un nouvel opus intitulé Sand Woman. Il a choisi pour ce dernier de jouer d'anciennes compositions, extraites de ses disques JMS, label emblématique des années 70 fondé par le producteur et éditeur Jean-Marie Salhani. A l'époque, ces pièces avaient été enregistrées en solo et depuis elles n'ont jamais été jouées par ses propres groupes. En plus de ces titres oubliés ou méconnus, comme "Amir", "Les Là-Bas" et "Quand Tout s’Arrête", figurent "Indians", imaginé dans les années 90 et deux compositions plus récentes : le blues accrocheur et vibrant "Hungry Man" et le titre qui donnera son nom à l'opus, "Sand Woman".
Repensés et réarrangés pour ensuite ressusciter par la grâce d'une dream team de haut vol, ces 6 moments de vie nous livrent le secret de longévité d'un grand Monsieur du swing et de la note bleue, sans cesse en expédition, en exploration, en quête d'une esthétique devenue sa marque de fabrique, alliant la dimension rythmique de son jeu, la recherche mélodique de ses thèmes et la richesse harmonique de son écriture.

Entouré d'amis de longue date, de partenaires réguliers, d'acolytes virtuoses - le guitariste Manu Codjia, les saxophonistes Vincent Lê Quang puis Sébastien Texier (fils de...) et le batteur Gautier Garrigue - Henri Texier revient sur son propre passé afin de mieux le confronter au présent. Pour autant, il ne tombe à aucun moment dans le piège d'une remise en question brutale de son héritage, ou dans celui d'un exercice qui consisterait à aligner de simples reprises plates, vides et dépourvues de sens... Une belle leçon de jazz!


Grounded - Morning Light (Hevhetia/Inouie Distribution)

Grounded - Morning Light (Hevhetia/Inouie Distribution)

Rompu à jouer du jazz sous toutes ses formes, des plus avant-gardistes au sein du Romain Baret Trio, au plus contemporaines avec le Sébastien Necca quartet qu'il a fondé en 2011, le batteur multi-instrumentiste nous présente aujourd'hui Grounded, projet piloté en tandem avec le chanteur Loïs Le Van ("Révélation française 2014" par Jazz Magazine). Tous deux sont épaulés par le saxophoniste Régis Ferrante, le vibraphoniste Sylvain Charrier et le contrebassiste Michel Molines, ensemble ils nous livrent Morning Light, un recueil de 12 compositions aux ambiances captivantes, mystérieuses et aériennes, baignant à la fois dans l'ombre ("Nine Steps Part.III") et la lumière ("The Morning Light"), dégageant tantôt de la joie ("Nine Steps Part.I"), tantôt de l'angoisse et de l'horreur ("Part. III The Tormentor"), alignant ici un groove captivant aux accents latins ("My SailBoat"), là un swing inquiétant et glaçant ("Aum") aux reflets cinématiques. Loïs joue de la voix, interprétant ses textes écrits en anglais à la manière d'un crooner céleste ou exprimant des émotions fugaces et vibrantes par des vocalises éthérées, parfois doublées par le saxophone joueur. Sébastien impose son jeu de fin rythmicien, sachant frapper fort pour ensuite n'intervenir que par touches...

Grounded est une combinaison gagnante qui n'a pas encore tout dit sur la complexité du sujet abordé dans Morning Light, en effet, le groupe s'est focalisé sur le jeu psychologique qui peut s'établir entre deux personnes en mal de communication, capables alternativement, de jouer les rôles de victime, bourreau et sauveur : Le triangle dramatique ou Triangle de Karpman... Tout un programme...!

Sarah Lancman - À Contretemps (Jazz Eleven)

Sarah Lancman - À Contretemps (Jazz Eleven)

A même pas 30 ans, la vocaliste parisienne Sarah Lancman confirme son statut de diva du jazz avec un nouvel album inspiré et vibrant baptisé À Contretemps, un titre bien à propos rappelant qu'avant de s'adonner au chant, la jeune interprète avait longuement pratiqué le piano et la composition. Accompagnée de son mentor, l'illustre pianiste italien Giovanni Mirabassi, qui supervisait déjà le précédent Inspiring Love, Sarah a réuni autour d'elle un casting de musiciens de haut vol : le contrebassiste basé à New-York Gianluca Renzi (Ari Hoenig, André Ceccarelli, Kevin Hays…) et l'époustouflant batteur originaire de Philadelphie Gene Jackson (Herbie Hancock Trio, Diane Reeves, Christian McBride, Joe Lovano…). Y brillent à leurs côtés deux invités de marque : présent sur 3 titres classieux, l’étonnant crooner et trompettiste japonais Toku (13 albums au compteur et artiste chez Sony Jazz Japan), ainsi que le percussionniste cubain Lukmil Perez dans le tendre et chaloupé "Tout Bas".
Les 10 compositions ciselées et intimistes que l'artiste nous offre dans ce sublime écrin, nous rappellent toutes qu'il faut s'aimer sans retenue, l'amour étant pour elle son moteur principal et sa source inspiration de prédilection. Une voix de velours, sensuelle et chaude, un timbre qui caresse, une poésie touchante et des mots d'amour contagieux... Une recette qui fait mouche!
En plus des textes écrits et interprétés en anglais ainsi qu'en français, figure une adaptation en japonais de la chanson "On s'est aimé" réalisée par Toku, un bonus track envoutant qui parle à tous malgré la barrière de la langue.


lundi 12 février 2018

Yoann Loustalot, François Chesnel, Frédéric Chiffoleau, Christophe Marguet - Old and New Songs (Bruit Chic/L'Autre Distribution)

Yoann Loustalot, François Chesnel, Frédéric Chiffoleau, Christophe Marguet - Old and New Songs (Bruit Chic/L'Autre Distribution)

Le trompettiste français Yoann Loustalot, à l'origine du trio Aérophone (avec le contrebassiste Blaise Chevallier et le batteur Fred Pasqua) qui publiait en 2017 le disque Atrabile, nous revient en quartet avec Old and New Songs, un album de 13 thèmes instrumentaux empruntés aux folklores russes, japonais et français, ainsi qu'aux catalogues de compositeurs de musiques traditionnelles, tels que le brésilien Heitor Villa-Lobos, le soviétique Lev Knipper ou le suédois Otto Fredrick Tullberg. L'objectif affiché étant de continuer à faire vivre ces airs populaires en utilisant le langage du jazz et l’improvisationYoann, épaulé par Frédéric Chiffoleau à la contrebasse, Christophe Marguet à la batterie et François Chesnel au piano, explore notre passé sans pour autant nier le présent. Loin de toutes approches nostalgiques, le propos est d'interroger un héritage fragile et dissipé mais toujours ancré dans notre quotidien, en réarrangeant, en réinventant et réinterprétant des mélodies intemporelles touchantes, aux repaires chronologiques et géographiques éparses. L'ensemble est bien sûr rendu homogène grâce aux liants que sont les notes bleues, le swing et l'interplay...