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lundi 18 juillet 2016

Meta Meta – MM3 (Jazz Village/Harmonia Mundi)


Meta Meta – MM3 (Jazz Village/Harmonia Mundi)

Loin, très loin de l'image d'Epinal convenue et exotique que l'on se fait du Brésil, la formation Meta Meta représente la nouvelle scène bouillonnante et engagée de Sao Paulo. Si son inspiration est puisée dans les traditions afro-brésiliennes, elle se nourrit surtout de la crise politique et sociale qui ronge actuellement un pays désinformé, où haine raciale, injustice et inégalité sèment le trouble. Il en résulte alors une fusion étrange faite de psychédélisme, d'avant-gardisme, de chants incantatoires, d'improvisations et d'harmonies rugueuses. La chanteuse Juçara Marçal, le guitariste Kiki Dinucci et le saxophoniste Thiago França nous présente aujourd'hui leur 3ième album intitulé MM3. Entourés du bassiste Marcelo Cabral et du batteur Sergio Machado, ils bousculent une nouvelle fois les codes en explorant pour l'occasion des contrées plus sombres qu'à l'accoutumé, dominées par des sonorités graves, urgentes, corrosives et saturées, où le langage réaliste et urbain s'articule autour du jazz, du rock voire du punk, alimenté de folklores issus du Maghreb ("Oba Kosô"), d'Ethiopie ("Corpo Vão") et du Mali ("Toque Certeiro").

mardi 28 juin 2016

Emicida – About Kids, Hips, Nightmares and Homework… (Sterns Music/Harmonia Mundi)


Emicida – About Kids, Hips, Nightmares and Homework… (Sterns Music/Harmonia Mundi)

Egalement proposée par le label Sterns Music, la dernière grosse sensation rap venue du Brésil était Criolo, avec son album Convoque Seu Buba paru fin 2014. C'est une autre figure de proue de la scène hip-hop de Sao Polo qui nous est présentée aujourd'hui avec la sortie de son nouveau disque About Kids, Hips, Nightmares and Homework… il s'agit de Leandro Roque de Oliveira alias Emicida.

Le poète urbain, engagé socialement et sensible à ses racines africaines, a enregistré le disque au Cap Vert et en Angola avec la participation d'artistes emblématiques tels que le chanteur bahianais Caetano Veloso et la diva de l'état de Mato Grosso Vanessa Da Mata, le guitariste capverdien Kaku Alves (qui a œuvré aux côtés de Césaria Evora) ou le percussionniste angolais Joao Morgado.

Influencé par le Brésil des années 70 où rayonnaient tropicalisme (Chico Buarque, Gal Costa, Milton Nascimento…) et samba-funk (Jorge Ben, Tim Maia, Banda Black Rio,…), Emicida alimente son flow parfois tranchant et brutal ("Casa", "8") de notes traditionnelles nordestines héritées du forro et du maracatu. L'ensemble affirme clairement une identité hip-hop profonde avec des morceaux revendicatifs comme "Mâe" et l'excellent "Mandume", mais se révèle aussi dansant et chaleureux à l'image de l'ouverture "Mufete" ou de la fermeture "Salve Black 'Estilo Livre'", radieux et sensuel avec "Passarinhos Feat. Vanessa Da Mata", "Madagascar" ou "Chapa".
Belle découverte!

 

 

vendredi 24 juin 2016

Melingo - Anda (World Village/Harmonia Mundi)

Melingo - Anda (World Village/Harmonia Mundi)

Une voix éraillée et une posture de vieux dandy à la silhouette de bad boy, le clarinettiste argentin aux multiples casquettes Daniel Melingo n'en finit pas de réinventer son tango si singulier, alimenté par les expériences d'une vie bien remplie et le désir de dépoussiérer les genres, de bousculer les codes et de repousser les frontières.

L'acteur, auteur, compositeur et interprète mêle à ses incursions punk sa passion pour les sonorités premières du folklore argentin, corrosives et subversives, interdites au même titre que le rock par la dictature, lorsque les militaires prennent le pouvoir à la fin des années 70.

Le 26 septembre prochain, "El Turco", comme il est surnommé dans son quartier de Buenos Aires à cause de sa couleur de peau, publiera sur World Village son dernier opus baptisé Anda, un recueil de 10 chansons racées, magnifiques, vibrantes et grinçantes. Digne héritier de Carlos Gardel, l'artiste parvient à maintenir son tango noir et crasseux en équilibre précaire entre arty-rock et cabaret surréaliste, son chant fragile déambule sur des instrumentations acoustiques dépouillées et essentielles, animées par des mélodies baroques, chaloupées, sensuelles et évocatrices. A la façon d'un Morricone, le crooner des bas fonds élabore la bande son d'un film confondant réalité et hallucinations, où Gainsbourg, SatieCave et Waits crèvent l'écran dans leurs costumes de sombres héros.

jeudi 28 avril 2016

Mor Karbasi - Ojos de Novia (Alama Rec./Harmonia Mundi)


Mor Karbasi - Ojos de Novia (Alama Rec./Harmonia Mundi)

La chanteuse native de Jérusalem Mor Karbasi publie son 4° opus intitulé Ojos De Novia. S'entourant de musiciens d'exception (Joe Taylor et Jorge Bravo aux guitares trompettes et saz, Antonio Miguel à la basse, Yshai Afterman aux percussions et Orel Oshrat au piano), elle exprime ses origines marocaines, perses et israéliennes à travers une collection de 13 compositions captivantes, où le ladino côtoie les traditions andalouses et berbères. Accents flamenco, fougue gitane, arrangements de cordes et sophistication jazzy sont donc au rendez-vous dans ce voyage initiatique et enchanteur entre Méditerranée et Moyen-Orient, où l'auditeur est guidé par la voix cristalline et bouleversante de sensualité d'une diva solaire et resplendissante. On ne boude non plus pas notre plaisir d'écouter jouer ses invités de marque, les bassistes Richard Bona, Kai Eckhardt et le guitariste Tomatito. Ojos de Novia est un disque touchant et rare!   

mercredi 27 avril 2016

NOx.3 – Nox Tape (Jazz Village/Harmonia Mundi)


NOx.3 – Nox Tape (Jazz Village/Harmonia Mundi)

Le tout jeune trio parisien nOx.3 vient bousculer les codes du jazz avec sa soif d'innovation et de liberté. Dépoussiérant l'esthétique classique de la formule piano, sax et batterie à grands coups d'effets et de reflets électroniques, le claviériste nantais Matthieu Naulleau et la fratrie lorraine Rémi  (saxophoniste) et Nicolas Fox (batteur), nous livrent leur second opus intitulé Nox Tape, un recueil de 8 compositions inspirées et hypnotiques.

Mêlant les recherches d'artistes issus des scènes IDM, D&B, Abstract ou electronica (Amon Tobin, Flying Lotus ou Dorian Concept), à celles des piliers du free jazz, du rock et même du metal, nOx.3 lève le voile sur une approche iconoclaste et débridée d'un genre qui n'en finit pas de repousser ses limites, laissant les polyrythmies, séquences et autres boucles  obsédantes engendrer une identité musicale hybride.

Entre musique savante et populaire, acoustique et électronique, écrite et improvisée, la formation fraîchement vainqueur du Tremplin RéZZo Focal de jazz à Vienne, définie sa palette sonore comme une "electro-libre à tendance improvisée qui agit sur tout ce qui bouge"




mercredi 20 avril 2016

Rosemary Standley - A Queen of Hearts (Jazz Village/Harmonia Mundi)


Rosemary Standley - A Queen of Hearts (Jazz Village/Harmonia Mundi)

Le projet A Queen of Hearts est d'abord l'histoire d'une voix, intemporelle et reconnaissable entre toutes, devenue si familière depuis quelques années grâce au succès de la formation franco-américaine Moriarty (on se souvient de leur sublime single "Jimmy" extrait de l'album Gee Whiz But This Is a Lonesome Town paru en 2007). En effet la chanteuse Rosemary Standley, qui jusque là nous avait habitué à un registre plutôt blues, country et rock acoustique, nous plonge ici dans le répertoire glamour du "tour de chant" à l'américaine, cette tradition du cabaret grande époque plus ou moins perdue, que les divas Monroe, Holiday, Dietrich, Simone et autres Rita Hayworth ont indélébilement marqué de leur empreinte.

Beauté, élégance, décadence et mélancolie font partie de ces ingrédients nécessaires qui tamisent le timbre d'une voix, la rendent vibrante et profonde. Les 23 titres que Rosemary interprète accompagnée du pianiste Sylvain Griotto sont largement imprégnés de jazz, de musique classique et de chansons populaires influencées par le cinéma des années 40, 50 et 60. On y retrouve les standards incontournables du XX° siècle écrits, joués ou composés par Gershwin, Nina Simone, Lennon et McCartney, Kurt Weill, Henry Purcell mais aussi Margueritte Duras, Alain Bashung ou Francis Poulenc.

A Queen of Heats est à l'origine un spectacle de music-hall mis en scène par Juliette Deschamps et qui tourne depuis déjà 3 ans. Ce CD est complété d'un DVD permettant de découvrir ou redécouvrir cet hommage à ces héroïnes insatisfaites et malheureuses qui connurent le firmament, mais finirent empoisonnées par la solitude…  
 


En duo sur scène, Rosemary et Sylvain sont épaulés par le bassiste Vincent Talpaert et le batteur/percussionniste Eric Dubessay en studio.

mardi 19 avril 2016

Basel Rajoub Soriana Project - The Queen Of Turquoise (Jazz Village/Harmonia Mundi)


Basel Rajoub Soriana Project - The Queen Of Turquoise (Jazz Village/Harmonia Mundi)



Le compositeur et saxophoniste Basel Rajoub est originaire de la ville d'Alep en Syrie, aujourd'hui sinistrée et toujours prise entre deux feux. C'est à Damas durant son adolescence que la trompette fixe toute son attention, le jazz de Miles Davis et Louis Armstrong s'impose alors à lui jusqu'à son immersion dans les musiques orientales et l'adoption (malgré lui) du saxophone ainsi que du duclar (instrument russo-allemand récent, se situant entre la clarinette et le doudouk).






Il publie en 2007 un premier disque Kamir (accompagné de la trinité piano, basse, batterie) et, souhaitant s'investir davantage dans les sonorités propres à l'héritage musical de son pays natal, amorce en 2009 son projet Soriana ("notre Syrie") avec Asia, second effort qu'il enregistre en trio avec le percussionniste Khaled Yessin et Feras Charestan, virtuose du qanûn. C'est véritablement à cette période que l'artiste se plonge dans le folklore syrien en composant notamment pour cet instrument perse de la famille des cithares sur table. "Il combine ainsi les myriades de modes mélodiques et les subtilités micro-tonales de la musique arabe traditionnelle à son écriture contemporaine", enrichie de son expérience de jazzman.

Toujours entouré de Feras Charestan au qanûn, il fait cette fois-ci appel au joueur de oud Kenan Adnawi, au percussionniste Andrea Piccioni et à la chanteuse Lynn Adib, pour nous offrir The Queen Of Turquoise, traduction littérale du nom de son épouse Malika Fairouz. L'improvisateur nous invite à le suivre à travers 9 compositions aérées et inspirées, où le silence est d'or, laissant flotter des notes surgies d'un autre temps. La voix de Lynn, poignante dans les enivrants "Hamam" et "Ya Tha Elqawam", est bouleversante de pureté, convoquant bien sûr le souvenir de ses illustres aînées d'Egypte, du Liban et d'ailleurs. Les percussions d'Andrea nous mettent en transe dans l'excellent "11:11" qui s'ouvre pourtant très lentement par quelques notes en suspension de Basel. Rejoint par Kenan et sa virtuosité, le rythme s'accélère, le tambourin entame alors sa ronde hypnotique virevoltant côte à côte avec le saxophone…

Une très belle ballade dans la Syrie imaginaire d'un esprit rêveur et surement mélancolique.

lundi 18 avril 2016

David Linx & Brussels Jazz Orchestra - Brel (Jazz Village/Harmonia Mundi)

David Linx & Brussels Jazz Orchestra - Brel (Jazz Village/Harmonia Mundi)

Avant même d'écouter le nouveau projet de David Linx et tout fraîchement débarqué de son précédent enregistrement avec Fresu et Wissels, on est interpelé par son titre et forcément curieux de savoir si l'artiste habitué aux prises de risques (Follow The Songlines) en réchappe grandi ou pas! Lorsque le crooner belge décide de chanter les titres emblématiques de son illustre compatriote Jacques Brel, la question essentielle du SENS se pose. En effet comment aborder une personnalité si complexe et complète sans tomber dans l'écueil du pathos?

Collaborant avec l'un des plus fameux orchestres de jazz au monde, le chanteur acrobate a répondu présent à l'invitation du Brussels Jazz Orchestra, formulée conjointement par son directeur artistique Franck Vaganée et son manager Koen Maes. Ensemble ils révèlent les talents d'auteur sensible et profond d'un compositeur raffiné et sophistiqué, un monstre sacré de la chanson aux succès intemporels et universels.

Plus que révélées, les mélodies de "La Valse à Mille Temps", "Mathilde","Quand on a que l'amour", "Vesoul - Amsterdam" sont réarrangées de manière à en extirper un swing captivant, le pittoresque et l'intime se dévoilent au grand jour avec grandiloquence et élégance, si les mots demeurent toujours aussi percutants et vrais, ils s'allègent, s'arrondissent et rebondissent. Jazz orchestral, scat et textes géniaux fusionnent pour le meilleur.

"Ne me quitte pas" devient une comptine, douce et délicate, "Isabelle" et "Le Plat Pays" deux ballades romantiques où la chaleur des cuivres est persistante tandis que "Ces gens là" perd ses accents...

La reprise de "Bruxelles" résonne bien sûr de manière toute particulière suite aux évènements tragiques du 22 Mars 2016, enjouée et virevoltante elle fait plus que jamais un pied de nez à la terreur...



vendredi 18 mars 2016

Leyla McCalla - A Day For The Hunter, A Day For The Prey (Jazz Village/Harmonia Mundi)


Leyla McCalla - A Day For The Hunter, A Day For The Prey (Jazz Village/Harmonia Mundi)

Figurant au casting du tout récent projet de Raphaël Imbert, Music Is My Home Act1, la chanteuse, guitariste et violoncelliste new-yorkaise Leyla McCalla avait fait fort bonne impression notamment pour son interprétation de "La Coulée Rodair" de Canray Fontenot. S'Installant en Louisiane en 2010 après un séjour au Ghana où elle se plongea dans son identité africaine, elle décide de renouer avec ses racines haïtiennes et s'imprègne alors des traditions créole et cajun de la Nouvelle Orléans. La musicienne engagée, qui a commencé à jouer dans la rue et le métro avant d'être repérée par le manager du groupe Carolina Chocolat Drops, publie aujourd'hui son second opus intitulé A Day For The Hunter, A Day For The Prey, où elle poursuit son exploration de l'héritage culturel transmis par ses parents. Mâtinant son blues du bayou de folk, de jazz et de twoubadou (folklore haïtien), elle manie avec maestria le banjo ténor (en plus du violoncelle et de la guitare) interprétant des chansons traditionnelles et ses propres compositions en français, en créole et en anglais.

mardi 15 mars 2016

Coronado - Au Pire, Un Bien (La Buissonne Label/Harmonia Mundi)

Coronado - Au Pire, Un Bien (La Buissonne Label/Harmonia Mundi)

Le guitariste Gilles Coronado, présent dans le dernier disque punk/jazz de la contrebassiste Sarah Murcia, Never Mind The Future, nous présente son nouveau projet solo intitulé Au Pire, Un Bien.

Entouré d'une formation plutôt dévergondée et répondant simplement au nom de Coronado, il élabore avec Franck Vaillant à la batterie, Antonin Rayon aux claviers et Matthieu Metzger au saxophone ténor, un univers musical tourmenté et pluriel parcouru de motifs mélodiques dissonants et de rythmiques complexes asymétriques qui s'entrechoquent et s'entrelacent, s'accompagnant pour mieux se repousser.

Sonorités jazz, rock et électro s'y télescopent dans une mise en scène théâtrale jalonnée de moments calmes et de passages explosifs. Si l'auditeur est décontenancé par ces changements brusques d'atmosphère, les musiciens s'en amusent et, armés d'un gros son, construisent savamment les larges plages instrumentales (dépassant pour la plupart les 7 minutes) d'un album résolument sophistiqué et en constante ébullition!

Mais si l'ensemble demeure expérimental et barré, il est un titre qui paraît de prime abord plus conventionnel avec son format radio de 3 minutes, il s'agit d'une chanson interprétée par le singulier Philippe Katerine, elle donne d'ailleurs son nom au disque. Ses reflets pop sont mis à mal par un montage surprenant en post-production, enregistrée plusieurs fois à des vitesse différentes, ses parties sont recollées laissant les écarts de tempo jouer les trouble-fête et souligner ainsi la liberté de ton et l'humour avec lesquels Coronado aime traiter.

lundi 7 mars 2016

Sébastien Texier Quartet – Dreamers (Cristal Records/Harmonia Mundi)


Sébastien Texier Quartet – Dreamers (Cristal Records/Harmonia Mundi)

Le saxophoniste et clarinettiste Sébastien Texier, que l'on écoutait tout récemment sur le dernier album de son père Sky Dancers, publie son nouveau disque intitulé Dreamers. Le quartet rêveur qu'il forme avec Olivier Caudron à l'orgue Hammond 83, Pierre Durand à la guitare électrique et son fidèle acolyte Guillaume Dommartin à la batterie, nous offre 8 titres originaux et inspirés, tous composés par le leader, mis à part la délicate ballade "Cape Cod" que l'on doit à l'organiste, déjà repéré aux côtés de Sarah Lazarus, Aldo Romano ou OlivierSens...

Nous emmenant au gré de ses compositions dans un jazz pluriel, il aborde tantôt les rythmes festifs de la Nouvelle Orléans avec le fringant "Let's Roll", tantôt les ambiances cinématiques vaporeuses avec l'inquiétant "Dreamers". Se dégage de cet opus largement basé sur l'osmose et la complicité,  une musique élégante empreinte de swing et d'histoire (celle du be-bop "Friendship" , du blues "Silent March" ou du free jazz "Dreaming With Ornette"), mais surtout parcourue de somptueuses mélodies aux vibrations contemporaines (à l'image du paisible "Smooth Skin") où l'imagination et l'improvisation s'expriment librement.

mardi 1 mars 2016

Chucho Valdés - Tribute To Irakere (Jazz Village/Harmonia Mundi)


Chucho Valdés - Tribute To Irakere (Jazz Village/Harmonia Mundi)


L'adjectif "magique" s'impose ici de lui même, en effet Tribute To Irakere, dernier projet en date du musicien cubain Chucho Valdés (sacré "meilleur pianiste du monde" par son propre père Bebo, disparu il y a maintenant 3 ans) nous invite à un voyage enivrant au cœur d'une des entités musicales majeures de ces 40 dernières années à Cuba.

Le septuagénaire, entouré de ses jeunes Afrocuban Messengers (on devine en filigrane la référence à l'illustre formation d'Art Blakey), rend un hommage vibrant à son ancien combo de jazz Irakere qu'il fondait en 1973, en pleine période de Détente entre les blocs Est et Ouest. Le groupe fusionnait alors avec maestria les rythmes africains et latins au jazz. Sous les auspices caribéens, leur musique intégrait des éléments empruntés à d'autres régions du monde ainsi qu'à la grande tradition Classique. Festive et sophistiquée, elle invitait aussi bien le public à danser qu'à savourer ses sonorités révolutionnaires !

Mis en suspend par son créateur au début des années 2000 pour développer d'autres collaborations plus resserrées, l'entité devait renaître à Barcelone en 2014 lors d'un spectacle nommé Irakere 40. Revisitant ce répertoire détonnant et résolument moderne The Afrocuban Messengers y interprètent de nouvelles compositions ponctuées d'improvisations à grands frissons, sous l'œil béat d'un pianiste patriarche, directeur artistique et arrangeur bluffant de vitalité, pour qui les années n'ont en rien entamé son esprit d'aventure et son désir de partage.

Ce Tribute To Irakere, enregistré en live à Jazz In Marciac en Aout 2015 et masterisé courant septembre aux Sounid Studios de la Havane, nous en offre un avant-goût plus qu'alléchant, en partie grâce au renfort d'une section de cuivres imposante et brillante. La musique sacrée de la Santeria, ses percussions batà et ses chants Yoruba (servis par un Dreiser Durruthy Bombalé épatant), côtoie les cadences endiablées et vivifiantes de la rumba, du mambo, du tango, de la timba et même du funk… Le tout étant arrosé d'un swing ravageur façon Duke Ellington!

 

mardi 23 février 2016

Omer Avital - Abutbul Music (Jazz Village/Harmonia Mundi)


Omer Avital - Abutbul Music (Jazz Village/Harmonia Mundi)

Le contrebassiste israélien Omer Avital nous revient après son excellent New Song paru chez Plus Loin Music durant l’été 2014, avec son brulant Abutbul Music. Compositeur raffiné et arrangeur émérite, Omer nous offre, encore plus qu’à aucun autre moment auparavant, un pur moment de jazz nourri d’influences free et new-orleans, savamment agrémenté de mélodies orientales, de reflets blues, gospel et soul. L’artiste y mène une lutte au corps à corps avec son instrument, martelant, grattant et pinçant ses cordes, pour lui extirper un vocabulaire expressif à l'intonation prononcée et à l’accentuation fortement marquée. Son swing,  il le doit au be-bop et au hard-bop que Charles Mingus a su dompter et se réapproprier, quant à son groove, il le tient de son feu intérieur mais aussi de la scène innovante de New-York qu’il côtoie depuis plus de 20 ans (Roy Haynes, Nat Adderly, Kenny Garret, Brad Mehldau ou Joshua Redman) !

Mis à part son fidèle acolyte le pianiste Yonathan Avishai, Abutbul Music rassemble autour de « ce poète de la contrebasse » une nouvelle équipe de jeunes musiciens new-yorkais, Alexander Levin et Asaf Yuria aux saxophones et Ofri Nehemya à la batterie. Enregistré à Paris et masterisé près d’Avignon, ce nouvel opus accrocheur est un condensé d’énergie et d’inventivité à fort rayonnement d’ondes positives, comme peut en témoigner l’ouverture radieuse "Muhammad’s Market" et sa mélodie captivante qui convoque d’emblée les spectres de monstres sacrés tels qu’Horace Silver et autres Art Blakey
A travers ses 9 compositions puissantes, Omer Avital nous donne une véritable leçon de jazz et d'ouverture... Le titre "Afrik" en est un exemple frappant!
 
Un coup de cœur !

jeudi 18 février 2016

Stéphane Tsapis - Border Lines (Cristal Records/Harmonia Mundi)


Stéphane Tsapis - Border Lines (Cristal Records/Harmonia Mundi)

Se sentant ni véritablement français ni complètement grec, le pianiste Stéphane Tsapis a trouvé les mots justes en s’interrogeant sur les limites de son identité musicale : « Et si mon pays était entre les deux ? Et si je vivais dans cet ailleurs qui n’existe que dans ma tête… ? »

En écoutant son dernier projet intitulé Border Lines, on prend toute la mesure de cette quête légitime. Accompagné de ses fidèles acolytes le contrebassiste Marc Buronfosse et le batteur Arnaud Biscay, ce professeur de création musicale pour l’image au Conservatoire de Paris, explore, dénoue et relie avec fluidité et tendresse des mélodies traditionnelles de la Grèce d’hier et d’aujourd’hui au jazz et son potentiel fédérateur. Entre standards revisités et titres originaux, sur lesquels veille le directeur artistique Arthur Simonini, le trio déploie une palette sonore délicate brouillant les pistes et les codes, effaçant les frontières et harmonisant les tempéraments.
Un beau voyage entre folklores et notes bleues !



mercredi 3 février 2016

Ian Shaw - The Theory Of Joy (Harmonia Mundi Jazz Village)


Ian Shaw - The Theory Of Joy (Jazz Village/Harmonia Mundi)

Le crooner anglais Ian Shaw nous présente son nouvel opus baptisé The Theory Of Joy et dès les premières mesures de Small Day Tomorrow le chanteur (auteur, compositeur, humoriste, animateur radio et producteur) impose un swing radieux, soutenu par son trio jazz 'so british' composé du pianiste Barry Green, du bassiste Mick Hutton et du batteur Dave Ohm.

Le quartet nous présente une suite de 12 titres aux délicats reflets pop, étant pour la plupart des reprises d'icônes du monde de la chanson. On remarque bien sûr la sublime interprétation en forme de ballade émouvante du Where Are We Now de David Bowie (RIP) qui résonne aujourd'hui d'une façon toute particulière…!

Joni Mitchell  figure elle aussi au programme avec une version très soul d'In France They Kiss On Main Street, ailleurs c'est Michel Legrand qui est à l'honneur avec une autre hymne romantique, How Do You Keep The Music Playing dans laquelle Ian déploie une voix douce et touchante maîtrisée avec nuance et retenue

Plus loin le fantôme de Jacques Brel surgit d'un de ses thèmes à l'universalité avérée, If You Go Away/Ne Me Quitte Pas, qui date de 1959. Ian la joue seul, assis devant son piano il chante ce texte emblématique du poète belge avec la sensibilité qui s'impose. L'exercice est pourtant devenu périlleux depuis que la diva Nina Simone s'en est emparée en 1971, lui conférant une profondeur insondable!

Toujours attaché à l'univers de la variété internationale, il enrichie son répertoire avec You've Got To Peak A Pocket Or Two, succès de l'anglais Lionel Bart extraite de sa comédie musicale Oliver! (inspirée par la nouvelle Oliver Twist de Dickens) ou encore Everything de l'auteur américain Paul Williams.

Le rock progressif de la formation britannique Traffic figure lui aussi dans ce Theory Of Joy avec le titre The Low Sparks Of High Heeled Boys dans lequel Ian s'autorise quelques coups de voix à la manière de Steve Winwood !

L'artiste aux multiples facettes reprend aussi le standard du jazz You Fascinate Me So écrit en 1958 et que l'immense Blossom Dearie immortalisait aux côtés notamment de Ray Brown et Kenny Burrell.

Il écrit et compose 3 morceaux, le touchant My Brother qui raconte l'histoire de son frère Gareth décédé avant sa naissance, l'énergique All This And Betty Too (un grand moment de jazz vocal) et la bossa nova Somewhere Towards Love.

Ian Shaw s'impose comme un chanteur de jazz majeur, qui s'inscrit aux côtés de ses compatriotes Mark Murphy (son mentor) et Kurt Elling parmi les étoiles du jazz actuel.


 

mardi 19 janvier 2016

Raphaël Imbert & Co – Music Is My Home – Act I (Jazz Village/Harmonia Mundi)

Raphaël Imbert & Co – Music Is My Home – Act I (Jazz Village/Harmonia Mundi)

Le saxophoniste autodidacte Raphaël Imbert, jazzman invétéré et infatigable, nous présente son dernier projet intitulé Music Is My Home – Act 1. Chargé de mission pour effectuer une recherche sur les racines musicales du sud profond des Etats-Unis, il y effectue plusieurs séjours entre 2011 et 2013 durant lesquels il fera la connaissance de quelques figures locales emblématiques de la scène blues et New Orleans. A travers 13 titres vibrants, l'ethnomusicologue nous emmène dans les états pionniers de ces musiques métisses qui accoucheront du jazz au début du XX° s. On y croise ainsi les voix de légendes vivantes du blues rocailleux comme Alabama Slim (The Mighty Flood) ou électrique comme Big Ron Hunter alias le "bluesman le plus heureux du monde"(Going For Myself, Make That Guitar Talk), mais aussi des artistes plus jeunes à l'instar des délicieuses chanteuses francophones Leyla McCalla, artiste créole aussi bien à l'aise au violoncelle qu'au banjo (Weeping Willow Blues, La Coulée Rodair, Help Me Lord) et Sarah Quitana (Po Boy). Toutes deux partagent leur origine cajun. Issues d'un autre sud, celui de la France, on ne boude pas non plus le plaisir de compter parmi le staff la batteuse Anne Paceo et la chanteuse marseillaise Marion Rampal (Sweet River Bues).

Toutes et tous se joignent à la Compagnie Nine Spirit (déjà bien au fait des sonorités du delta) que Raphaël a créé en 1999 à Marseille avec notamment le guitariste Thomas Weirich, le multi-instrumentiste Simon Sieger (trombone, claviers et accordion) et le bassiste Pierre Fenichel (spécialiste du ukulélé basse).







Ozlem Bulut – Ask (MDC/Harmonia Mundi)

Ozlem Bulut – Ask (MDC/Harmonia Mundi)


La chanteuse kurde Ozlem Bulut, originaire d'un petit village dans l'Est de la Turquie, nous présente son nouvel opus intitulé Ask. Si les rythmes et les mélodies traditionnelles d'Anatolie habitent ce second disque, le jazz, le chant lyrique et la pop s'y frottent allègrement. La voix puissante et cristalline de la cantatrice (qui fît ses armes au Vienna State Opera et au Vienna Volksoper en Autriche ainsi qu'à l'Opéra Bastille de Paris) impose un style qui allie subtilement, et avec une grande liberté, les saveurs orientales aux richesses harmoniques de la musique aux notes bleues. Elle est entourée depuis 2008 de son Ozlem Bulut Band, mené par le claviériste et compositeur autrichien Marco Annau, l'ensemble propose une effusion de sonorités éthnojazz joyeuses et pétillantes illustrant des textes et une posture engagés et résolument modernes pour un pays dans lequel demeure encore des courants archaïques et rétrogrades.

 

mercredi 13 janvier 2016

Pierrick Pédron - AnD the (Jazz Village/Harmonia Mundi)

Pierrick Pédron - AnD the (Jazz Village/Harmonia Mundi)

Le saxophoniste alto Pierrick Pédron a fait ses classes musicales à Paris aux côtés de figures emblématiques de la nouvelle scène jazz hexagonale telles que Magic Malik et les frères Belmondo. Fan inconditionnel de Charlie Parker et virtuose polyvalent, le soliste breton se fait aussi remarquer sur scène ou en studio auprès d'artistes plus pop aux incursions funk et R&B, comme Juan Rozoff ou Sinclair. Cette ouverture d'esprit le conduira en 2009 après avoir enregistré plusieurs albums catalogués jazz entre Paris et New York (avec notamment Baptiste Trotignon, Mulgrew Miller ou encore Pierre de Bethmann...) à sortir Omry, un succès publique et critique de jazz-rock réunissant toutes les sonorités qui constituent son identité musicale protéiforme.

S'il a déjà illustré les influences fondamentales que furent pour lui Pink Floyd, The Clash, Sex Pistols, David Bowie (RIP) ou Cure (Kubic's Cure qu'il a publié en 2014), le volubile Pierrick ne s'est pourtant jamais trop éloigné des maîtres du be-bop (on se souvient de son Kubic's Monk, hommage au pianiste) et du hard-bop, relevant à chaque fois le défis de dresser des passerelles entre les étiquettes et les époques.

Dans son dernier disque And The enregistré entre Bruxelles et Panam, Pierrick a choisi d'orienter ses recherches sonores vers un son plus funky, un acid jazz au groove rétro et brulant parcouru ici d'une mélodie éthio-jazz (Ethiop) ou d'une rythmique afrobeat (Monk Ponk Train) et là d'une ambiance psychédélique (Val 2) ou pop (Val 1). L'énergie du rock perce au travers de titres explosifs comme Tootoota alors que quelques accents électro s'invitent dans PP Song Tree ou Clock Road.

Epaulé par son fidèle ami le claviériste Vincent Artaud, le saxophoniste a convié les guitaristes Jan Weissenfeld et Chris de Pauw, le trompettiste britannique Damon Brown, le batteur Bernd Oezsevim et les bassistes Julien Herné et Tomi Simatupang, le percussionniste Didac Ruiz, la claviériste Marja Burchard et le xylophoniste Jérôme Fanioul... Soit une team de haut vol pour un album débridé et décalé !

Extraits choisis parmi ses précédents efforts:

jeudi 7 janvier 2016

Sainkho Namtchylak - Like A Bird Or Spirit, Not A Face (Ponderosa/Harmonia Mundi)


Sainkho Namtchylak - Like A Bird Or Spirit, Not A Face (Ponderosa/Harmonia Mundi)

La chanteuse russe Sainkho Namtchylak est originaire de la République de Touva, une contrée située au nord de la Mongolie en Sibérie méridionale. Elle publie son nouveau projet intitulé Like A Bird Or Spirit, Not A Face enregistré avec les musiciens nord-africains et maliens de la célèbre formation Tinariwen. On retrouve ainsi l'incontournable Ian Brennan à la production d'un disque mêlant les sensibilités de deux folklores nomades, le Khöömei (chant diphonique issu de la tradition chamanique des steppes) et le blues touareg du Ténéré. Sainkho a toujours cherché à explorer et à confronter les cultures, elle n'a eu de cesse au cours de ses voyages et de ses collaborations d'expérimenter les techniques vocales des chants lamanistes de Sibérie avec la folk, le jazz, la musique classique, ethnique et contemporaine.

 
Tuva Blues - Extrait de l'album Stepmother City (2002)
 

vendredi 18 décembre 2015

Linx, Fresu, Wissels/Heartland - The Whistleblowers (Bonsaï Music/Harmonia Mundi)


Linx, Fresu, Wissels/Heartland - The Whistleblowers (Bonsaï Music/Harmonia Mundi)

Le délicieux The Whistleblowers succède au premier opus Heartland publié voilà plus de 15 ans et dirigé par 3 étoiles du jazz européen, le tandem David Linx (incontournable crooner belge) et son vieil ami le pianiste néerlandais Diederick Wissels, accompagné du délicat trompettiste italien Paolo Fresu.

Le projet édité par Bonsaï Music et coproduit par Fresu déborde d'élégance et d'émotion, il est écrit à six mains complices et pensé sur une même longueur d'onde. Son répertoire est constitué de 12 ballades originales (dont un hommage vibrant au trompettiste Kenny Wheeler, disparu en 2014) et d'une reprise d'un classique de la chanson italienne Le Tue Mani. L'un des chanteurs les plus emblématiques de la scène jazz vocal de ces 20 dernières années signe tous les textes et partage la composition avec ses deux acolytes.

Les mélodies souvent aériennes y sont touchantes et envoutantes, elles dégagent toutes une alchimie rythmée au fil des lignes voluptueuses du bassiste français Christophe Wallemme par les pulsations délicates du batteur norvégien Helge Andreas Norbakken. Le groove étincelant palpable dans des titres comme Contradiction Takes Its Place – Part 2 alterne avec la lenteur sensuelle de bijoux tels que This Dwelling Place, ils animent des textes parlant d'amour, d'amitié et du temps qui passe. Cette fluidité est le fruit d'une entente parfaite et d'un plaisir non boudé de jouer ensemble. Le souffle du trompettiste nous enivre comme à l'accoutumé tandis que les accompagnements essentiels et évidents de Diederick offrent un écrin subtil à la voix de David qui va et vient des aigus aux graves avec une aisance et une classe impressionnante.

Le quintet est agrémenté d'un quartet à cordes classique nommé Quartetto Alborado, ses interventions discrètes et mesurées place définitivement The Whistleblowers parmi les plus beaux disques classic jazz de cette fin d'année 2015 troublée.