mercredi 18 novembre 2020

The Brooks - Any Day Now (Underdog Records)

The Brooks - Any Day Now (Underdog Records)

C'est avec une énergie folle et fédératrice que le collectif canadien The Brooks vient nous balancer en pleine face son funk outre-Atlantique brulant et jouissif, hérité des tauliers du genre bien sûr (James Brown en tête), mais s'inscrivant également dans la lignée d'artistes emblématiques plus actuels, tels qu'Omar, D'Angelo ou Jamiroquai.

The Brooks, formation pilotée par son fondateur Alexandre Lapointe (bassiste incontournable de la scène black music montréalaise) et l'américain Alan Prater (chanteur à la voix éraillée originaire de Jacksonville en Floride et tromboniste d'expérience qui s'est notamment illustré auprès de Michael Jackson, Millie Jackson, The O.J’s, et Cameo), est une véritable machine à danser, un mastodonte à la cocotte facile rassemblant des instrumentistes d'exception, des requins de studio qui affichent tous un passif musical plus que respectable. S'y côtoient en effet Maxime Bellavance à la batterie, Philippe Look à la guitare et au chant, Daniel Thouin aux claviers, Sébastien Grenier au saxophone, Hichem Khalfa à la trompette et Philippe Beaudin aux percussions... Un casting XXL taillé pour les festivals !

Any Day Now, son troisième album, se compose de 12 titres stupéfiants d'efficacité et d'authenticité, où un groove syncopé alliant à la perfection minutie, rigueur et puissance, se marie pour le meilleur à des riffs cuivrés et des orchestrations pour cordes inspirées. Affichant haut et fort ses influences, mais revendiquant clairement ses propres couleurs, le groupe célèbre à sa manière la musique funk jouée dans les années 60 et 70 par les immenses Funkadelic, The Funk Brothers, The Headhunters et The Meters, mais aussi la soul aux envolées orchestrales léguée par Isaac Hayes, Ray Charles et Sam Cooke

Un cocktail de sonorités jazz-rock, rhythm and blues, P-funk et néo soul qui fait des étincelles !




mardi 10 novembre 2020

Mauro Gargano - Nuages (Diggin Music Prod/Absilone/Socadisc)

Mauro Gargano - Nuages (Diggin Music Prod/Absilone/Socadisc)

 Le contrebassiste italien Mauro Gargano (récemment entendu auprès du Round Trip Trio, de Christophe Laborde Quartet et d'Alexis Avakian,...) nous présente Nuages, son 4ième projet en tant que leader qui paraîtra le 13 Novembre prochain via Diggin Music Prod. Du nom de l'illustre thème écrit par Django Reinhardt, le disque rassemble 9 compositions et 2 reprises, où sont convoquées des souvenirs d'enfance souvent émouvants, collectés et mis en musique par l'artiste tout au long de ces 7 dernières années, alors qu'il prenait part à une myriade de collaborations (Sébastien Jarrousse, Ricardo Izquierdo et Fabrice Moreau, Toni Germani, Bruno Angelini,...). 

Touché par la saynète Che cosa sono le nuvole? réalisée par le cinéaste Pierpaolo Pasolini en 1968 - point de départ d'une introspection musicale poignante Mauro y exprime ses penchants pour un tas d'influences allant des sonorités brésiliennes, au blues, en passant par la musique contemporaine et minimaliste ou les folklores du sud de l'Italie. Partageant sa fascination pour les œuvres de Steve ReichNino Rota, Ennio Morricone ou John Coltrane, il laisse également transparaître dans une écriture jazz raffinée et gorgée d'émotions, son admiration pour Enrico Rava, Hermeto Pascoal ou encore Charlie Haden.

Epaulé par ses complices Matteo Pastorino à la clarinette, Giovanni Ceccarelli au piano et Patrick Goraguer à la batterie, le compositeur a choisi d'ouvrir l'album avec la chanson "Che cosa sono le nuvole ?", écrite en tandem par Pasolini et Domenico Modugno (titre que ce dernier, incarnant un éboueur chanteur, immortalisait à jamais dans ce fameux épisode du même nom, extrait du film à sketches Capriccio all'Italiana). Cette mélodie intemporelle, d'une tendresse renversante, donne le ton d'un recueil en majorité composé de ballades inspirées, qui dévoile très lentement ses ambiances poétiques intimistes et immersives. Une réharmonisation de "Nuages" vient clore en douceur ce subtil effort où les changements de métriques ne brusquent ni les mélodies, ni notre attention.





vendredi 6 novembre 2020

Marc Berthoumieux - Les Couleurs D'Ici - Live (Sous La Ville/Absilone/Socadisc)

Marc Berthoumieux - Les Couleurs D'Ici - Live (Sous La Ville/Absilone/Socadisc)

Si je devais n'en retenir que 3, alors je choisirais Frédéric Viale pour m'évader, Daniel Mille pour pleurer et Marc Berthoumieux pour danser. Et c'est justement ce dernier qui est aujourd'hui l'objet de notre attention. En effet, le 13 Novembre prochain paraîtra, sur le label parisien Sous La Ville, un enregistrement inédit de son premier opus Les Couleurs d'Ici, sorti en 1998 et acclamé à l'époque par ses paires, dont les monstres sacrés Didier Lockwood et Marcel Azzola

Capté en live dans son fief en Haute-Savoie le 06 Novembre 1999 - à l'occasion du festival Jazzcontreband - et mixé dans la foulée, ce n'est que deux décennies et 5 albums plus tard que le projet d'un disque se réalise enfin. Re-masterisé il y a peu, il témoigne de l'intemporalité des compositions élégantes et ensoleillées de l'accordéoniste, de son génie mélodique et de l'originalité d'un jeu inspiré et nuancé, aux saveurs délicieusement world et jazz -fusion. N'ayant subi aucun outrage du temps, l'enregistrement et sa large palette de couleurs illustrent également une complicité sans faille reliant l'Annemassien à ses partenaires jazzmen (tous issus d'horizons divers), une amitié profonde et sincère qui perdure. 

Ce sextet de haut vol où se côtoyaient Louis Winsberg aux guitares, Stéphane Guillaume au saxophone/clarinette, William Lecomte au piano/claviers, Linley Marthe à la basse et Stéphane Huchard à la batterie, était rejoint pour l'occasion par l'Harmonie Municipale de la ville d'Annemasse (une soixantaine d'instrumentistes) ainsi que par un quatuor de saxophones. 

Grooves afro-caribéens ("Balakatun", "Amazone") et chaleur latine ("Victoria"), valse cirquesque ("Carnavalse"), jazz-rock ("Le Bal de Temple") et punch funk ("Les Couleurs d'Ici"), frénésie andalouse ("Sevilla") ou encore ballade solaire ("Les Eaux Bleues")... Autant de moments poignants nous inondant de vibrations positives plus que vitales en ces temps tourmentés!






mercredi 4 novembre 2020

Jay Dee aka J Dilla Presents Welcome 2 Detroit The 20th Anniversary Edition (BBE Records)

Jay Dee aka J Dilla Presents Welcome 2 Detroit The 20th Anniversary Edition (BBE Records)

Welcome 2 Detroit est sans doute l'un des disques les plus fascinants de la scène hip-hop US de ces 20 dernières années. Publié via Barely Breaking Even le 27 Février 2001 par l'emblématique beatmaker James Dewitt Yancey alias Jay Dee - puis J Dilla - il était le premier d'une série d'albums incontournables, dédiés aux piliers de l'Urban Underground. En effet, allaient lui emboiter le pas les immenses DJ Jazzy Jeff, Pete Rock (une de ses influences majeures), DJ Spinna, Marley Marl ainsi que will.i.am... Mais la barre étant placée si haute, aucun ne parvint à surpasser le jeune prodige de 27 ans à l'époque. Lui qui, dans les années 90 collaborait avec Amp Fiddler (qui lui mit sa première MPC entre les mains), formait Slum Village, œuvrait pour Janet Jackson, Pharcyde, De La Soul, Busta Rhymes, A Tribe Called Quest, Q-Tip et bien d'autres, ne se place véritablement sous le feu des projecteurs qu'à partir de l'an 2000, avec notamment le projet The Soulquarians, collectif qu'il imagine avec le concours de Questlove des Roots, D'Angelo et James Poyser. Signant dans la foulée des productions mémorables pour la diva néo soul Erykah Badu, les MCs Talib Kweli et Common, il se fait enfin un nom auprès d'un large public de non-initiés, subjugués par ses pulsations décalées et ses accords irréguliers.

Disparu à l'âge de 32 ans le 06 Février 2006 à LA, des suites d'une grave maladie, l'artiste originaire du Michigan demeure l'un, sinon LE, maître incontesté de l'art du sampling. Artisan d'un groove barré, underground et minimaliste, parfois crasseux ("Give it Up") et parfois d'une classe isolante ("Think Twice"), Jay Dee accouchait avec Welcome 2 Detroit de son premier opus solo, une œuvre magistrale marquant également ses débuts en tant que J Dilla (pseudo créé afin de se différencier de Jermaine Dupri, qui se faisait aussi appeler J.D). 

Invitant une pléiade de jeunes talents à venir s'exprimer sur ses rythmiques brinquebalantes et inspirées, il a su grâce à la subtile alchimie du disque, marquer son temps d'une esthétique singulière sans pareil, où s'alignent tour à tour de manière brute et sophistiquée à la fois, des sonorités afro ("African Rhythms") et electro ("Big Booty Express"), des réminiscences bossa et jazzy ("Rico Suave Bossa Nova"), des lignes de basse funky ("The Clapper") ou des beats boom bap assassins ("It's Like That"). J Dilla avait le don pour échantillonner et flairer les bons flows: la présence de Dwele, Blu, Beej, Big Tone, Elzhi, Frank N Dank et Phat Kat en est la preuve!

Pour célébrer son 20ième anniversaire, le label BBE Records - qui avait laissé carte blanche à l'intéressé en 2001 publie une édition spécialement remasterisée de ce légendaire Welcome 2 Detroit, avec un nouveau remix étonnant de "Think Twice", orchestré par le japonais Muro, ainsi qu'une version stellaire de "Rico Suave Bossa Nova", offerte par Azymuth, chantres brésiliens du jazz-funk. S'ajoute à l'ouvrage des versions alternatives nouvellement découvertes et des enregistrements inachevés, le tout reproduit méticuleusement à partir de cassettes inestimables, enregistrées par le producteur lui-même. Un texte de l'écrivain et cinéaste britannique John Vanderpuije raconte la génèse de l'album, alimenté par les précieux témoignages d'Amp Fiddler, Ma Dukes (la mère du génie) et tous les principaux contributeurs musicaux de l'album. 

Le coffret vinyle de luxe et la version numérique sortiront le 5 février 2021 lors de la célébration annuelle #DillaMonth.  





vendredi 23 octobre 2020

Diego Imbert, Alain Jean-Marie - Interplay * The Music Of Bill Evans (Trebim Music/L'Autre Distribution)

Diego Imbert, Alain Jean-Marie - Interplay * The Music Of Bill Evans (Trebim Music/L'Autre Distribution)

Rien que la couverture du disque en impose! Réunir deux piliers du jazz hexagonal dont une véritable légende vivante, pour interpréter le répertoire d'une icône absolue, celui de Bill Evans, ça a forcément de l'allure!

Diego Imbert, poids lourd de la contrebasse qui s'est illustré auprès des plus grands, d'Archie Shepp à Didier Lockwood en passant par André Céccarelli, Sylvain Luc ou Richard Galliano, forme avec le maître guadeloupéen Alain Jean-Marie, un duo d'exception. S'étant déjà croisés à de multiples reprises, les deux musiciens ont décidés de reprendre la formule que Bill Evans avait choisi de mener dans les années 70 avec Eddie Gomez, celle du délicat tandem piano/contrebasse où il avait su développer une approche du voicing (choix des notes pour les accords) libérant de l'espace pour mettre en avant le jeu de basse du contrebassiste. Un pari assez risqué, mais un défi relevé haut la main par les deux cadors qui se sont accordés à merveille, s'attachant à revisiter à leur manière des thèmes incontournables. Ainsi, les intemporels "Nardis" et "Blue In Green" ou encore le joyeux "Peri's Scope" résonnent dans un interplay harmonieux où l'écoute de l'autre est à son paroxysme. 

Le subtil et poignant "We Will Meet Again",  joué en solo par le contrebassiste - à l'initiative du projet - clôt un album d'une grande élégance et que tous apprécieront sans effort... C'est tout l'art du plus grand mélodiste de jazz, de rendre sensibles et émouvantes des subtilités rythmiques complexes.

Un cadre intimiste, une complicité sans faille et une musique éblouissante... Recette gagnante!




Marc Buronfosse Aegn - Aegean Nights (Arts Culture Europe/Inouïe Distribution)

Marc Buronfosse Aegn - Aegean Nights (Arts Culture Europe/Inouïe Distribution)

 Une fois encore à la tête de son projet Aegn, le contrebassiste Marc Buronfosse nous offre Aegean Nights, un opus aux atmosphères plus électriques que jamais. Troquant pour l'occasion son instrument de prédilection pour une Fender Bass VI, le musicien et pédagogue au CV plus que respectable s'entoure à nouveau de son fidèle acolyte Arnaud Biscay (batterie/percussions) et convie l'excellent Maxime Hoarau (claviers/vibraphone, FXs) pour succéder à Stéphane Tsapis. Le trio embarque dans son périple des invités de cœur, qui apporte avec eux des touches de couleurs qui donnent à l'ouvrage une sonorité particulière. On y croise le poète Jean-Philippe Carlot ("Aegean Night"), le trompettiste Andreas Polyzogopoulos ("Monastiri's Night"), le saxophoniste Adrien Soleiman ("Naoussa's Night") et le flutiste Rishab Prasanna ("Oia's Night"). Ensemble, ils interprètent 8 compositions originales, enregistrées au Studio Delta à Paris et mixées à Paros, île emblématique des Cyclades où Marc œuvre depuis 2011 en tant que directeur artistique du Jazz In Paros Festival et du Mediterranean Artists Masters. 

Baptisé Aegn en hommage à la mer Égée, la formation - alors en quintet - publiait son premier album au titre éponyme en 2016, un disque sombre et profond habité de textures hypnotiques, de boucles troublantes, d'échos et de réverbérations fantomatiques. Plus personnel et moins improvisé que son prédécesseur, Aegean Nights est encore davantage ouvert sur l'électro. Si des climats chill aux textures immersives ("Apollolia's Night") se développent assez largement, l'ambiance générale du disque semble tout de même s'orienter vers un son rock progressif ("Kastro's Night") voire psychédélique ("Thea's Night"). Cette fusion jazz/rock est la transcription en musique des ambiances nocturnes et estivales de l'archipel situé dans le bassin méditerranéen, un lieu devenu une véritable source d'inspiration et de création pour l'artiste.




mercredi 21 octobre 2020

Camille Thouvenot Mettà Trio - Crésistance (Inouïe Distribution)

Camille Thouvenot Mettà Trio - Crésistance (Inouïe Distribution)

 Le pianiste originaire du sud de la France Camille Thouvenot, publiera le 06 Novembre prochain son premier album personnel baptisé Crésistance. C'est au Mikrokosm Recording Studios de Lyon, entre Juin et Octobre 2019, qu'accompagné du contrebassiste Christophe Lincontang et du batteur Andy Barron, il a enregistré 15 pistes intenses, ponctuées de field recordings et de notes électro-acoustiques orchestrées par sa complice Audrey Podrini, violoncelliste et réalisatrice qui signe également 3 titres. 

Le Mettà Trio (terme sanskrit signifiant amour bienveillant) raconte "une histoire imaginée dès 2017, dans laquelle il nous parle d’amour, de bienveillance, d’inspiration, d’émotions, de créations et résistances". L'opus se veut être un hommage, une célébration de l'héritage légué par des musiciens d'exception qui ont contribué à façonner le répertoire de l'artiste à peine trentenaire. Si les monstres sacrés de la note bleue tels que Miles Davis, Bill Evans, John Coltrane, Duke Ellington, Ahmad Jamal et Herbie Hancock sont mis à l'honneur, les piliers d'une scène jazz plus actuelle sont également évoqués dans la génèse du disque: Gérald Clayton, The Bad Plus, Brad Meldhau, Esbjorn Svensson, Wynton Marsalis ou encore Tigran Hamasyan. 

A travers les 6 compositions originales dédicacées à des êtres chers, les 6 réappropriations de standards incontournables et les 3 thèmes offerts par sa bien-aimée, Camille nous donne un aperçu de sa large palette musicale, marquée par un jeu véloce, musclé et inventif, une écriture inspirée et un art singulier de l'arrangement. Jazz, musique contemporaine et tradition classique s'entremêlent avec intelligence et vigueur dans un interplay sans faille, où groove et swing sont déconstruits, découpés, décortiqués puis remodelés à son goût.