mercredi 17 juin 2015

Ajoyo – Ajoyo (Ropeadope/Sol Mondo)


Ajoyo – Ajoyo (Ropeadope/Sol Mondo)

Ajoyo fait parti de ces disques magiques qui provoquent un engouement dès la première écoute. Le saxophoniste virtuose Yacine Boulares, diplômé de la Sorbonne en philosophie, du Conservatoire de Paris en jazz et musique improvisée puis de la New School for Jazz de New-York, nous invite à partager une aventure musicale jubilatoire teintée  d’afrobeat (Jekoro), de rythmes camerounais (Chocot’ basé sur le Bikutsi) et haïtiens, de jazz bien sûr mais aussi de soul (Idanwo). Le groove y est contagieux et se déploie aussi bien dans de longues plages instrumentales que dans des chansons somptueuses (à l’instar de la sublime ballade Houb Ouna) interprétées par la divine Sarah Elizabeth Charles parfois rejointe par les chœurs, composés du trompettiste de la Nouvelle Orléans Linton Smith, du guitariste israélien Alon Albagi ou encore du percussionniste Foluso Mimyle, des batteurs français Guilhem Flouzat et Thierry Arpino, ainsi que Yacine en personne. A leurs côtés sont aussi présents le bassiste camerounais Fred Doumbe et le claviériste allemand Can Olgun.

Le compositeur et producteur franco-tunisien a pensé ce projet comme un hommage vibrant et vivant à une Afrique joyeuse, riche et plurielle qui, bien que meurtrie par une histoire qui a tendance à se répéter, résiste grâce à une culture aux multiples visages. C’est cette culture que l’artiste perçoit et restitue avec maestria à travers le prisme de la scène jazz new-yorkaise, bouillonnante, créative et engagée, qu’il côtoie depuis plus de 5 ans, accompagnant Placido Domingo, Tabou Combo, Sheila Jordan ou Ben E. King.

Entouré de son groupe Ajoyo, qu’il forme en 2012 avec l’envie de fusionner les sonorités ouest africaines et occidentales, Yacine Boularès célèbre la vie, l’amour et la justice grâce à une musique sophistiquée et entraînante aussi bien adressée au corps qu’à l’esprit.

Dédié à son père Mourad Boularès, Ajoyo réunit les spectres de Fela Kuti, Charlie Parker, Oum Khalsoum et Donnie Hathaway et bénéficie du soutien de la maison de disque indépendante Ropeadope (Snarky Puppy et anciennement Antibalas ou Medeski, Martin & Wood…) ainsi que de l’expertise du producteur/saxophoniste Jacques Schwarz-Bart (présent au sax ténor dans Soke Ijo).

Une belle aventure humaine et musicale !

lundi 15 juin 2015

Henri Tournier – Souffles du Monde (Accords Croisés/Harmonia Mundi)


Henri Tournier – Souffles du Monde (Accords Croisés/Harmonia Mundi)

(SORTIE PREVUE LE 22 SEPTEMBRE PROCHAIN)

Musicien français spécialiste de musique classique indienne et de musique contemporaine, Henri Tournier nous présente son dernier projet intitulé Souffles du monde. Armé de sa flûte traversière en bambou appelé flûte bansuri, le disciple du maître septuagénaire Hariprasad Chaurasia nous invite à participer à un voyage autour du monde et à travers le temps, mêlant d’une part les sonorités venues d’Inde, d’Orient, d’Asie et d’Occident, et bâtissant d’autre part un pont entre les traditions médiévales et les improvisations contemporaines.

L’artiste invite 10 chanteurs issus d’univers et d’horizons bien distincts, on y retrouve par exemple l’iranien Alireza Ghorbani (qui nous plongeait récemment dans l’ivresse du chant persan avec son disque Eperduement…), la tunisienne Dorsaf Hamdani (qui rapprochait dernièrement les textes des deux divas Barbara et Fairouz, assistée de son complice accordéoniste Daniel Mille) ou encore le mongol E. Dandarvaanchig et son chant diphonique. Que ce soit avec les pratiques vocales propres au Japon, à la France médiévale et contemporaine, à l’Afghanistan ou au Pakistan, le flûtiste a su élaborer de véritables dialogues entre voix et flûte, des connexions magiques misent en relief par une section rythmique polymorphe où se distinguent les empreintes sonores d’instruments folkloriques mythiques tels que la vièle, le koto, le luth, les tablas ou le dolak (percussion iranienne).

jeudi 4 juin 2015

Quantic Presents The Western Transient - Creation (East L.A.) Single (Tru Thoughts Records)

Quantic Presents The Western Transient - Creation (East L.A.) Single (Tru Thoughts Records)

L'immense producteur Quantic, véritable légende de l'écurie anglaise Tru Thoughts nous propose un nouveau disque à paraître fin juillet 2015 et baptisé A New Constellation. A peine remis de son flamboyant Magnetica, très axé sur les voix ainsi que sur les sonorités afro, latino et électro, nous voilà plongés dans un album cette fois-ci instrumental, orienté funk,soul et jazz. . Will Holland l'a enregistré à Los Angeles réunissant pour l'occasion le projet The Western Transient, composé de fidèles acolytes comme le batteur Wilson Viveros, l'arrangeur et flutiste Sly5thAve (que l'on retrouvait il y a peu au côté de Jesse Fischer dans un EP hommage à Herbie Hancock, Vein Melter), le trompettiste et saxophoniste Todd Simon, le pianiste Brandon Coleman, le bassiste Gabe Noel et enfin le percussionniste Alan Lightner.

Ce premier single intitulé Creation (East L.A.) qui paraîtra le 10 juillet, nous expose d'emblée la teneur de ce que sera le LP, en effet avec ses couleurs rayonnantes et une composition célébrant le son classique, riche, effervescent et un brin nostalgique des 70's, il privilégie le grain des enregistrements live et des synthés vintage. Les accents caribéens des steel drums, la rythmique de guitare funky et la mélodie obsédante jouée par les cuivres nous transportent instantanément en mode disco up-tempo sous le soleil de la côte ouest américaine.

Le titre est accompagné de son remix Reflex Revision orchestré par l'excellent The Reflex aka Nicolas Laugier, producteur français installé à Londres et spécialisé dans la réédition de tubes disco. Enfin l'enivrant A New Constellation nous en dit un peu plus sur l'état d'esprit back to the classics de Quantic, il nous fait prendre de la hauteur et se rapproche des ambiances délicates des Delfonics.

vendredi 29 mai 2015

J-FELIX - PATIENCE FEAT. ABI FLYNN / LATE NIGHT SOS (Tru Thoughts Records)


J-FELIX  - PATIENCE FEAT. ABI FLYNN / LATE NIGHT SOS (Tru Thoughts Records)

Tru Thoughts n’en finit pas de nous émoustiller les tympans, après Werkha, Lost Midas, Alice Russell, Jonny Faith, DonPascal ou encore Magic DrumOrchestra, le label anglais basé à Brighton nous présente sa nouvelle signature J-Felix aka Joe F Newman, un chanteur et producteur multi-instrumentiste originaire de Bristol.

Si ses premières amours musicales sont à chercher du côté de la scène trip-hop, hip-hop US (Tribe Called Quest, De La Soul) et drum & bass, il jette sur le tard son dévolu sur les origines de ces sonorités urbaines et se plonge alors dans la black music des années 60, 70 et 80. Soul, jazz puis P-funk (Bootsy Collins) et boogie (Earth Wind & Fire…) habitent désormais ses productions racées, déjà sélectionnées par des pointures internationales telles que Dj Vadim ou Opolopo (à qui l’on doit un excellent remix de 1960 What ? du jazzman Gregory Porter).

J-Felix publie le single Patience Feat. Abi Flynn extrait de son premier opus à paraître courant juin 2015 et intitulé 101 Reasons. Dés l’ouverture du titre, un nuage d’accords plaqués sur le clavier d’un Fender Rhodes nous envoute l’esprit avant d’être plaquer au sol avec l’entrée en lice d’un groove massif mis en scène par une ligne de basse G-funk langoureuse et un beat hip-hop torride. La chanteuse Abi Flynn y dépose sa voix douce et gorgée de sensualité bientôt rejointe par une section cuivre aux interventions jazzy minimalistes et bien placées, façon The RH Factors de Roy Hargrove.

Le single double face A nous propose un second titre Last Night SOS - baptisé ainsi en hommage à la célèbre formation funk/R&B créée à la fin des 70’s, S.O.S. Band - dont la production qui fait écho à l’instru du hit The Message de Grandmaster Flash nous ramène avec délectation dans les prémices de l’air old school.

Bref deux titres explosifs et jouissifs qui ne laissent qu’entrevoir la qualité de ce que sera l’EP à venir et qui s'inscrit dans la continuité des sons que nous ont offerts récemment DAM funk et Snoop Dogg dans leur projet 7 Days Of Funck.
 
Ci dessous le titre éponyme de l'album à paraître 101 Reasons

Royce Wood Junior - The Ashen Tang (37 Adventures)


Royce Wood Junior - The Ashen Tang (37 Adventures)

Omar n’en finit pas de faire des émules outre-manche, en effet la scène néo soul britannique accouche d’un nouveau prince du groove nommé Royce Wood Junior. Aperçu aux manettes de l’excellent Mirrorwriting de Jamie Woon en 2011 (et aux guitares pendant la tournée), l’artiste multi-instrumentiste dévoile aujourd’hui son premier LP intitulé The Ashen Tang. En 2014, ses deux premiers EPs Rover et Tonight Matthew avaient déjà capté l’attention de la critique et du public, annonçant l’arrivée imminente d’un nouveau Jamie Liddle – rien que ça ! -  avec sa voix gorgée de soul et de velours, ses rythmiques granuleuses et asymétriques, ses synthés vintage obsédants, ses guitares saturées de rock’n’roll et ses lignes de basse contagieuses.

Sincèrement les 12 plages de l’album sont autant de claques, ou plutôt de crochets funky lancés au travers de nos figures tuméfiées affichant un sourire béat de satisfaction. 

L’artiste a assimilé le génie de ses deux héros Stevie Wonder et Prince, il a très vite compris qu’avec sa voix il devait assumer pleinement son statut de crooner et ne pas uniquement rester dans l’ombre avec les musiciens, confiné dans les studios d’enregistrement ou planté derrière l’écran de son ordinateur.  


C’est ainsi que dès l’intro Remembrance (Part I) l’artiste plante le décor, après 30 secondes d’une orchestration cinématique (ensemble de cordes et piano) il entame au chant une complainte monotone sur les rythmes d’une marche militaire syncopée, agrémentée de glitchs et autres accidents sonores puis survolée d’une nappe vaporeuse qui s’épaissit progressivement jusqu’à l’ouverture de la seconde piste, le majestueux Midnight.

Taillé pour le dancefloor, Midnight est la synthèse parfaite du son de Royce en mode up-tempo et glamour. Il y distille une énergie pop et electro-funk des plus chics à l’image du tube Baby I’m Yours du français Breakbot (Ed Banger).

Jodie déploie une soul profonde, intense et organique sur une assise rythmique désarticulée et brinquebalante, nous faisant songer à la rencontre du brulant D’Angelo et du producteur Flying Lotus.

Clanky Love est un clin d’œil aux 70’s, il fusionne les reflets soul d’autrefois à l’efficacité pop d’aujourd’hui, conduisant l’auditeur nostalgique à se trémousser langoureusement le sourire aux lèvres et les yeux entrouverts.

Honeydripper est la suite logique de Jodie, nous immergeant plus profondément dans une néo soul moite aux accents psychédéliques.

Avec le titre central Stand, l’artiste change légèrement les couleurs de sa palette optant pour une dominante plus pop  voire même piano rock à la Rufus Rainwright. En effet durant les 5 mn de cette ballade flamboyante, le chanteur nous berce tendrement avec sa voix éthérée, son arrangement de cordes envoutant et dramatique ainsi que son piano gavé de reverb. Le morceau nous rappelle l’immense succès mainstream A Full Of Stars de Coldplay

Poursuivant l’exploration de son penchant pop, Royce signe les très 80’s Bees et Nuther Bruther, proches des sonorités dance-pop-R&B de Stevie Wonder.

Nouvelle ballade cette fois-ci plus intimiste, à presque nous en tirer les larmes des yeux, le touchant Midas Palm (évoquant un amour perdu) étend son arpège à la guitare acoustique et sa ligne de basse sonnant comme le son d’un tuba étouffé sur plus de 4 mn où nous demeurons suspendus à la voix caressante du crooner aux airs mélancoliques de Chris Isaak.

Twiggin’ nous délivre un groove subaquatique accueillant le flow sensuel de Royce qui prend des allures de Prince dans les refrains au funk contagieux. Remembrance (Part II) complète et achève l’exploration techno et garage amorcée dans l’intro Remembrance (Part I), l’instru y est plus barrée mais aboutie après 2 mn au même texte extrait d’un poème de Sir Thomas Wyatt entonné, la encore, à la manière du Kid de Minneapolis.

Enfin pour clore cette véritable pépite, Stickin’ répand une electronica lyrique et sophistiquée comme sait si bien les faire James Blake

Royce Wood Junior publie une œuvre aboutie et censée, son approche singulière de la pop music passée au travers du crible des sons mythiques de Stax et Motown ainsi que d’une électro ouvrant les champs du possible, est d’une efficacité et d’une accessibilité déconcertante, frisant parfois la perfection.

mercredi 27 mai 2015

Francesca Belmonte – Anima (False Idols/!K7)


Francesca Belmonte – Anima (False Idols/!K7)

La sublime Francesca Belmonte collabore avec Tricky depuis maintenant plusieurs années (2009), ce dernier ne tarit d’ailleurs pas d’éloge à l’égard de sa protégée, première signature de son label False Idols. Le disque Anima nous dévoile une artiste qui se décrit elle même comme une chanteuse de blues alternatif, elle cite volontiers les figures emblématiques de Billie Holiday et Patti Smith comme influences majeures. La jeune anglaise mêle avec sensualité et élégance des sonorités pop, R&B, soul et électronica sans jamais trop quitter la pénombre qui habite ses mélodies hypnotiques. On devine ça et là, au gré de quelques rythmiques aux accents trip-hop l’empreinte laissée par son mentor, mais la variété des pistes esthétiques explorées dans le projet attestent d’une identité propre qui s’émancipe vers un ailleurs moins underground et plus accessible.

Si l’arpège à la guitare électrique de l’Intro évoque immanquablement le monument soul immortalisé par Otis Redding, I’ve Been Loving You Too Long, Hidding In The Rushes nous plongent dans les méandres d’une obscurité rythmée par des cuivres angoissants et une saccade R&B pesante dont le producteur Timbaland a le secret de fabrication (je pense notamment à son tube Give It To Me avec Nelly Furtado).

Le premier single Stole et son instrumentation construite d’échantillons analogiques bruitistes est à mon goût la perle de cet effort, Francesca y déploie un flow nonchalant et vibrant, sonnant comme la rencontre parfaite de Mike Skinner (The Streets) et Patti Smith, le trip-hop fricote avec les incantations roots, folk et blues, comme extraites d’un chant spirituel indien… C’est hybride, profond et prenant !

Keep Moving et Lying On The Moon nous ramènent sur les sentiers balisés d’une bass music matinée de glitch, de break beat et de R&B, des bourdonnements (musique drone) nous rappellent que nous sommes bien en territoire britannique… Les atmosphères y sont sombres voire assomantes, Tricky en personne toujours aussi envoutant y intervient en guest, susurrant son texte au côté de la voix cristalline et éthérée de la jeune femme.

Dès l’ouverture de Joker, c’est un changement complet de décors qui s’opère, Francesca nous maintient toujours en haleine dans sa sphère trip-hop mais nous bascule dans son hémisphère sud, plus chaud, lumineux et léger, où l’on retrouve les reflets jazzy de l’autre groupe historique de Bristol, Portishead.

Les ambiances enfumées de Massive Attack resurgissent dans Strange Beat, avec sa ligne de basse obsédante tandis que Brothers & Sisters nous immerge dans l’italo disco des Chromatics.

Anima se poursuit avec les délicieuses ballades Come Talk et Your Sons, le titre electro pop Daisy, le langoureux Driving, l’anguleux Fast et l’atmosphérique Are you avec sa rythmique jungle ralentie et étouffée…

Bref, en 15 titres riches et variés, Francesca Belmonte nous dépeint son petit monde musical polymorphe alimenté entre autre par le génie de son producteur Tricky, qui est actuellement en studio à Berlin pour l’enregistrement de son prochain disque en collaboration avec son ami d’enfance et partenaire dans le projet Wild Bunch, Dj Milo.


samedi 23 mai 2015

Pericopes+1 - These Human Beings (Alfa Music/Egea Distribution)


Pericopes+1 - These Human Beings (Alfa Music/Egea Distribution)

Originellement, Pericopes est un duo de jazz formé par deux compositeurs italiens, le pianiste Alessandro Sgobbio et le saxophoniste Emiliano Vernizzi. Armés d’une véritable panoplie de diplômes et de prix, les deux musiciens aux CV bien remplis écument depuis 2007 les scènes les plus prestigieuses d’Europe afin d’y partager avec un public enthousiaste leur approche singulière et moderne d’un jazz ouvert et sophistiqué. A Paris, ils entament en 2012 une collaboration symbiotique avec le batteur américain Nick Wight. Une tournée américaine organisée en 2014 donnera lieu au premier enregistrement studio de la toute jeune formation rebaptisée Pericopes+1. Fort des idées nouvelles et du groove puissant apportés par le new-yorkais, le trio va redéfinir les contours de son répertoire en l’agrémentant de sonorités plus avant-gardistes, en fusionnant à sa guise les traditions de l’ancien et du nouveau continent ou en accordant une large place à l’improvisation et à la mélodie. C’est ainsi que se dévoile These Human Beings, un espace d’exploration, de partage et d’échange où les ambiances post-rock, free jazz et nu jazz naissent de l’héritage afro-américain et des musiques classiques et folkloriques européennes. Entre effervescence et évanescence sonore, les artistes engagent un dialogue puis se répondent mutuellement, s'accompagnent ou s'opposent, s'accordent ou se désaccordent, se tendent des pièges ou des perches rythmiques et harmoniques... Bref ils jouent ensemble une musique cérébrale tout en conservant leur spontanéité et leur sensibilité...

A noter que le disque a été encensé par les légendes Enrico Rava et Dave Liebman...!