mercredi 17 février 2016

Around The World With… The (Hypothetical) Prophets (InFiné/Differ-Ant/Idol)


Around The World With… The (Hypothetical) Prophets (InFiné/Differ-Ant/Idol)

Paru originellement en 1982, le concept-album "Around The World With… The (Hypothetical) Prophets", œuvre oubliée de la scène new-wave hexagonale underground, est réédité aujourd'hui par InFiné, remettant en lumière l'œuvre minimaliste du pionnier des synthétiseurs Bernard Szajner (inventeur de la harpe laser). Le plasticien, scénographe et musicien français signait alors avec l'anglais Karel Beer, un projet singulier refusant tout étiquetage, où la technique du cut-up se frottait à un tas d'influences musicales allant de la synth pop à la noise en passant par l'indus, la cold-wave et le krautrock.

Parcouru de voix robotisées, de glitchs, d'annonces radio ou de bulletins météo détournés, le duo accouche d'un disque mystérieux, éphémère et anonyme (Joseph Weil et Norman D. Landing sont leurs noms d'emprunt), d'une fiction inspirée par le concert de protestation No Nukes organisé au Madison Square Garden suite à l'incident nucléaire de Three Mile Island en Pennsylvanie.

Voulant nous faire croire à un brulot parvenu sous le manteau depuis un bloc soviétique amorçant son déclin, "Around The World With… The (Hypothetical) Prophets" donne l'illusion d'être le manifeste d'un peuple effrayé par les risques d'une catastrophe qui surgirait dans une de ses propres centrales (un trait d'humour prémonitoire puisqu'en 1986 le cœur d'un des réacteurs de Tchernobyl entrait en fusion conduisant à l'un des accidents atomiques majeurs enregistrés à ce jour).

La frontière séparant la dérision de l'engagement social et politique est mince chez nos deux bidouilleurs amateurs de synthés, de boites à rythmes et d'échantillonneurs. Alors leur opus n’est-il qu’une blague ?

Pas forcément, car le titre "Wallenberg" par exemple narre l'histoire de ce diplomate suédois accusé d'être à la solde des USA puis arrêté et envoyé par les russes au goulag alors qu'il avait sauvé un grand nombre de juif de la déportation à Auschwitz. Dans "Back To Siberia", « Dmitri, le narrateur russe, nomme tous les goulags (officiels et officieux) entre Moscou et Vladivostok et dans "Fast Food", Bernard et Karel illustrent la prolifération soudaine de la restauration rapide à Paris…

mardi 16 février 2016

Adriano Viterbini - Film O Sound (Bomba Dischi/Differ-Ant)


Adriano Viterbini - Film O Sound (Bomba Dischi/Differ-Ant)

Film O Sound démarre en trombe avec le titre Tubi Innocenti et ses saveurs mandingues rendues abrasives par un jeu de guitare tranchant aux sonorités saturées et vintages. Le guitariste italien Adriano Viterbini nous présente son second disque empli d'influences musicales rapprochant Memphis de Bamako et du Ténéré. S'y dévoile son admiration pour le blues ou plutôt les Blues (où la technique emblématique du slide guitar est largement privilégiée), celui roots et rugueux du Delta du Mississippi (Welcome Ada ou Bakelite), celui vibrant et révolté des touaregs du nord-Mali (Tunga Magni), enfin celui radieux et nuancé des îles hawaïennes (Sleepwalk). La soul minimaliste et torride de Sam Cooke y occupe aussi une place importante à l'image de la vibrante reprise du maïtre Bring It On Home To Me interprétée par le chanteur Alberto Ferrari. Dans le thème classique est-africain Malaika, immortalisé autrefois par Myriam Makeba, Adriano est rejoint par le trompettiste cubain josé Ramon Caraballo Armas et le joueur de mandoline Stefano Tavernese qui nous offrent un instant de douceur et de volupté aux reflets sud américains et romains… Ailleurs, nous croisons les notes singulières du guitariste nigérien Bombino, les rythmiques jazz fusion du batteur Fabio Rondanini et les lignes de basse apaisantes d'Enzo Pietropaoli

Red Star Orchestra Featuring Thomas de Pourquery - Broadways (Label Bleu/L'Autre Distribution)


Red Star Orchestra Featuring Thomas de Pourquery - Broadways (Label Bleu/L'Autre Distribution)

C'est sur le tard que je découvrais en septembre dernier l'étonnant chanteur et saxophoniste Thomas de Pourquery, alors invité à poser sa voix grave, chaude et puissante sur le dernier disque de John Greaves, y incarnant un certain poète maudit nommé Paul Verlaine. Ancien élève de Stefano Di Battista, le crooner barbu au tempérament explosif et aventureux se retrouve à nouveau au chant, sur un projet monté en collaboration avec le Red Star Orchestra mené par son directeur artistique Johane Myran. Les deux hommes côtoyaient le même club "Les Falaises" à Montmartre, ils se retrouvent ici autour d'une épopée jazz brulante narrant l'ascension et la déchéance "d'un personnage imaginaire évoluant dans l'univers chaotique de Broadway". Johane a réarrangé pour un big band de 18 musiciens une sélection de ces standards américains intemporels pensés par Cole Porter, Kurt Weill ou Billy Strayhorn et immortalisés jadis par Franck Sinatra, Paul Anka et autres Tony Bennett. Baptisé Broadways, ce recueil allie avec force et panache l'élégance du swing des années 50, la jubilation avant-gardiste du free-jazz des 70's et la liberté harmonique et rythmique du jazz contemporain. Magique !

 


vendredi 5 février 2016

Dario d'Attis - Breaks For Peace EP (Strictly Rhythm)


Dario d'Attis - Breaks For Peace EP (Strictly Rhythm)

Le Dj/producteur suisse Dario d'Attis publie son dernier EP Breaks For Peace sur le label new-yorkais Strictly Rhythm. Ayant surement hérité de son père batteur un goût pour les grosses caisses bien burnées, il nous livre ici 2 productions musclées dont la première, au titre éponyme, est résolument orientée tech house avec sa bassline hypnotique et bien grasse nous collant au dancefloor. Le second morceau s'intitule My Tip, Dario l'a voulu moins sombre et davantage soulful que Breaks for Peace. Ses vocaux, ses nappes de claviers et son groove contagieux le placeront sans doute dans bon nombre de sets estivaux et raviront assurément les aficionados d'une deep-house dansante aux sonorités organiques et sensuelles.

 
il était invité par Sam Divine (DJ Resident de Defected Records) sur le podcast du label londonien, son mix est en deuxième heure de l'émission...
 
 

Paul Carrack - Soul Shadows (Proper Music Distrib)


Paul Carrack - Soul Shadows (Proper Music Distrib)

L'une des figures familières et respectées de la scène pop-rock britannique Paul Carrack (Roxy Music, Mick + The Mechanics, Ace, Squeeze's, Nick Lowe, Elton John, Ringo Starr, BB King…) publie son nouvel opus Soul Shadows, explorant encore un peu plus les contrées blue eyed soul et R&B que son précédent Rain Or Shine abordait en 2013. Engagé pour sa voix et ses talents de claviéristes par son ami de longue date Eric Clapton à l'occasion de sa tournée anglaise et internationale courant 2016, le chanteur affiche au compteur presque 40 années de carrière. A l'origine de 10 des 11 thèmes présentés dans son album - la ballade Share Your Love with Me (immortalisée par Aretha Franklin en 1970) étant empruntée à Bobby "Blue" Bland - Paul a enregistré quasiment tous les instruments de Soul Shadows dans son home studio avec la collaboration de son fils Jack à la batterie, ainsi que dans les studios AIR à Londres, où il y alloua les services d'une section de cordes et de cuivres, que la légende Pee-Wee Ellis (saxophoniste des JB's aux côtés de Fred Wesley et autres Maceo Parker) a lui-même arrangé dans le classieux Sweet Soul Legacy. Le multi-instrumentiste privilégie les sonorités soul lisses et sophistiquées (Keep On Loving You, Bet Your Life) à la production impeccable (peut-être trop ?), sa voix de velours survole des orchestrations raffinées au groove certain (Late At Night, Say What You Mean) qui lorgnent parfois sur le rock'n'roll Too Good To Be True, la folk Watching Over Me et la pop Thats How I Feel.

jeudi 4 février 2016

Soulwax – Belgica OST (Pias)


Soulwax – Belgica OST (Pias)

Belgica est le 5° film du réalisateur belge Felix Van Groeningen, primé à Cannes en 2009 pour sa comédie dramatique La Merditude Des Choses il reçut en 2014 le César du meilleur film étranger avec Alabama Monroe.
Remportant le prix de la meilleure réalisation dans la catégorie "World Dramatic" au festival du film de Sundance (USA) en janvier 2016, Belgica raconte la success story de deux frères, Jo et Franck, à la tête d'un bar-club à Gand qui va rapidement devenir un lieu incontournable du monde de la nuit.

Evidemment ce qui nous intéresse ici n'est pas forcément le long métrage en lui-même, mais plutôt sa bande originale réalisée avec maestria par le groupe electro-rock flamand Soulwax alias 2 Many Djs. En effet, depuis 2008 et la parution de leur CD/DVD Part Of The Weekend Never Dies, la formation s'est faite discrète dans les bacs, se concentrant sur son projet novateur Radio Soulwax. Elle revient en force avec un recueil de 16 compositions sulfureuses et bien calibrées, alliant techno, punk, rock, avant-garde, blues et funk

Les frangins Stephen et David Dewaele ont fait appel à une pléiade de formations fictives pour mettre en musique cette histoire ancrée dans la nightlife gantoise. On y retrouve par exemple la chanteuse pop néo-soul Charlotte dans le sublime et cosmique The Best Thing ou le groupe turc electro-world Kursat 9000 dans le kitschissime Çölde Kutup Ayisi.

Ailleurs c'est le kuduro d'Erasmus qui affole le dancefloor du Belgica avec Ti Recordi Di Mi, puis le rockabilly psychédélique de They Live dans l'électrisant The Cookie Crumbles ou bien le combo hardcore Burning Phlegm dans un Nothing assommant.

Moins exubérants, Aquazul et Diploma distillent un son electro funk jouissif, Roland McBeth un blues brulant, Danyel Galaxy une electronica aux synthés retro-futuristes et le doux Robert Vanderwiel une folk en forme d'aurore boréale.

Bref, tout un programme!


Deja Mu - The Work's All Done (Grandmas Records/Differ-ant)


Deja Mu - The Work's All Done (Grandmas Records/Differ-ant)

Deja Mu, projet mené pat le multi-instrumentiste Philippe Bellet, publie son second opus baptisé The Work's All Done. Rejoint par le musicien touche-à-tout Ludovic Montet, le duo guitare-batterie déjanté, coloré et parfois même un brin psyché, fusionne les sonorités vintage du rockabilly avec des éléments folk, country et jazzy, le tout rehaussé de reflets latins penchant vers la cumbia. Les deux acolytes chantent en anglais sur des mélodies joyeuses et fleuries mais souvent brinquebalantes. C'est précisément cette impression de fraîcheur qui donne au disque son côté touchant et attachant, comme si deux ados répétaient de vieux titres des années 50 dans la cave en désordre de mamie, en s'enregistrant sur un vieux magnétophone.