mardi 10 septembre 2013

The Toxic Avenger - Angst (Roy Music)


The Toxic Avenger - Angst (Roy Music)

Réincarnation du monstre à la force surhumaine qui fit régner la terreur chez les petites frappes de Tromaville aux U.S. dans les années 80, The Toxic Avenger sort son premier opus intitulé "Angst" (entre colère et peur), un condensé de rythmes électroniques surpuissants sur un fond  d'énergie rock décapante. Taillées pour le dancefloor, les 16 bombes retrofuturistes de l'album s'inscrivent dans la lignée de cette poignée de productions made in France qui comptent dans la vague electropoprock du moment. Proche des univers sonores de Justice, des Daft Punk ou encore de Sébastien Tellier, Simon Delacroix s'inspire du disco et en triturant ses synthés vintage parvient à en arracher quelques mélodies synthétiques accrocheuses et aguicheuses arborant parfois même quelques relents mélancoliques. Entre la saturation de ses lignes de basse fracassantes et la clarté incisive des voix hip-hop qui ponctuent ça et là Angst, le dj parisien parvient à nous livrer un son hors norme et survitaminé résumant à la perfection ce qu'est la bonne pop aujourd'hui, dansante mais pas forcément populaire. The Toxic Avenger réconcilie donc les pires ennemis que sont la POP et l'UNDERGROUND pour un disque que l'artiste rêverait de voir figurer parmi "la bande son de l’ado qui vient de se faire plaquer et qui pleure tout seul dans sa chambre"... Excellent !

The Matthew Herbert Big Band “There’s Me And There’s You” (!K7)


The Matthew Herbert Big Band “There’s Me And There’s You”  (!K7)

Pour être sincère, à la première écoute du dernier opus « There’s Me And There’s You » du Matthew Herbert Big Band, le constat est plutôt mitigé ; en effet d’entres ses rythmiques abstraites, expérimentales, bruitistes et ses samples d’arrangements cuivrés syncopés et criards, seule une voix féminine tente d’humaniser ce marasme sonore. Cette voix, c’est celle d’Eska Mtungwazi, nouvelle égérie de l’anglais Matthew Herbert après Dani Siciliano, déjà sacrée The New Queen of UK Soul, elle « est le cœur battant de ce disque » au titre curieux de prima bord… En s’attardant sur la revue de presse, en prêtant l’oreille et surtout le cerveau à ce projet engagé et critique à l’égard du pouvoir britannique et notamment à propos de sa décision d’envoyer des troupes en Irak, on réalise l’ampleur conceptuelle qu’à pris la musique du patron d’Accidental Records depuis « Goodbye Swingtime » en 2001 mené aussi en collaboration avec la crème des musiciens jazz anglais. Avec un cahier des charges très stricte, dicté par son manifeste dogmatique (le PCCOM) lui interdisant par exemple l’usage de sons synthétiques imitant des instruments acoustiques, Herbert met en forme (musicale) sa vision du pouvoir et de ses détenteurs egocentriques, le titre « Yesness », par exemple, dévoile un collage composé des voix de 100 personnalités puissantes disant « OUI » (la reine et Gordon Brown ont décliné l’invitation), ailleurs c’est le son de 100 cartes de crédits que l’on découpe aux ciseaux qui retenti faisant ainsi étrangement écho à l’actualité boursière récente ou encore le bruit de 70 préservatifs que l’on frotte sur le parvis du British Museum…

Ce disque surprenant par sa richesse et sa complexité, laisse entrevoir sa musicalité qu’au bout de plusieurs écoutes attentives. Matthew nous envoie ici un message empli de gravité, sous ses devants faussement joyeux, riche en mélodie et en rebondissements, le ton employé demeure pessimiste, il renseigne l’auditeur sur l’absurdité et la dangerosité d’un système où une poignée d’hommes et de femmes mènent à leur guise et pour leur compte un état, une politique, un peuple… Cette œuvre produite par un des génies de la musique électronique est majeure mais elle nécessite la lecture du mode d’emploi afin d’en comprendre toutes les nuances.

lundi 9 septembre 2013

The Maneken « First Look » (Somekind Records)


The Maneken « First Look » (Somekind Records)

“First Look” est un petit bijou électro mêlant harmonieusement les influences du disco/funk et de la pop 80’s à une house soulful très efficace, c’est un cocktail chic et enivrant. Multi-instrumentiste, The Maneken aka Dj Major oppose ses créations profondes et diverses à l’idée reçue que l’on a, à tort, des musiques électroniques de l’Est trop souvent méconnues ou résumées à un croisement brutal entre chant ancestral et techno. Loin de ces raccourcis, Major reste naturel et fidèle à ses premières amours, Donald Fagen (un des membres fondateurs du groupe jazz/rock américain Steely Dan) ou encore Prefab Sprout (groupe pop/rock anglais des années 80), en adoptant cependant une démarche artistique profondément engagée vers les nouvelles tendances musicales et le son underground. Evgeny Filatov, d’origine ukrainienne, a été bercé par la pop mélodique des Beatles, le funk old school des 70’s, le groove et même le jazz. Tout au long des 12 titres de ce premier opus, on navigue avec plaisir entre les eaux claires d’une house façon Defected Records (All I Wanna Do), celles plus chaudes du disco sensuel de Cerrone (Spaceclub) ou troubles d’une white funk électro à la Plantlife (What I Feel For You). Sa voix de velours et ses sonorités club dancefloor vont à coup sûr séduire un large public, sa popularité n’est déjà plus à faire dans son pays où il œuvre régulièrement comme Dj…

Jan Johansson – In Hamburg (Act/Harmonia Mundi)


Jan Johansson – In Hamburg (Act/Harmonia Mundi)

Véritable icône du jazz en Suède depuis les années 60, le pianiste Jan Johansson, né en 1931, se fait remarquer aux côtés de Stan Getz dès les années 50 puis plus tard dans la série américaine « Jazz At The Philarmonics » de Norman Granz. Sa modernité et son habileté à introduire des chants populaires suédois dans le jazz ont forcé l’admiration de ses contemporains mais son avant-gardisme fut tel qu’aujourd’hui encore son héritage musical persiste au travers d’artistes prestigieux dont le plus visionnaire était sans doute Esbjörn Svenson et son fameux projet E.S.T. Les deux musiciens ont malheureusement en commun, en plus de leur génie visionnaire, un destin tragique, une disparition prématurée ! Cet opus intitulé « In Hamburg » compile des relectures de thèmes traditionnels suédois improvisés, des reprises de standards américains et des compositions originales, toutes enregistrées entre 1964 et 1968 (année du décès accidentel du pianiste) pour une célèbre radio du nord de l’Allemagne. Une bonne manière de découvrir ou redécouvrir un artiste rare et son emprunte laissée dans le paysage jazzistique scandinave.

Miguel Zenon - Alma Adentro: Puerto Rican Songbook (Marsalis Music)


Miguel Zenon - Alma Adentro: Puerto Rican Songbook (Marsalis Music)

 

Il est vrai que lorsque l'on évoque aujourd’hui la musique latino américaine, il nous vient de suite à l'esprit quelques accords Bossa ou quelques autres rythmes afro-cubains… Mais comme vient nous le rappeler le saxophoniste alto Miguel Zenon, cette partie du "nouveau monde" regorge aussi de talents créatifs ancrés dans les idéaux d'un jazz résolument moderne. Musicien virtuose aux références prestigieuses, le souffleur est originaire de l’île de Porto Rico, à peine trentenaire il a l’honneur d’être considéré par ses paires comme l'un des artistes les plus talentueux de son temps. Avec ce troisième opus, intitulé "Alma Adentro: Puerto Rican Songbook", issu d’une série d'hommages rendus à son patrimoine musical, Miguel continue à associer les thèmes traditionnels portoricains à sa conception d'un jazz pointu, intelligent et élégant. Son quartet habituel est accompagné par un grand ensemble d’instruments à vent dirigé par son ami le pianiste argentin Guillermo Klein (autre icône du nouveau jazz latino américain). Son phrasé incisif, précis et puissant se développe sur des orchestrations somptueuses et exigeantes, la verve du saxophoniste a su impressionner les plus grands dont Joshua Redman, Ray Barretto ou encore Charlie Haden… Le musicien a soigneusement choisi des thèmes qui ont bercé son enfance, chacun d’entre eux l’ont profondément marqué et cette intimité l’a aidé à confondre son approche moderne de la musique avec  l’harmonie et la structure de ces chants populaires insulaires. Sa grande musicalité, son flot fulgurant et logique en font un Charlie Parker des temps modernes, le côté avant-gardiste en moins…

Autour de Minuit – Les plus belles voix du jazz (Verve/Universal Music Classic & Jazz France)


Autour de Minuit – Les plus belles voix du jazz (Verve/Universal Music Classic & Jazz France)

La compilation traîne une sale réputation et nous pousse à la méfiance, elle est censée être un ultimate ou un best of the best…  Mais sélectionner des titres et les compiler par genre, artiste ou génération est un travail ardu : en effet comment mettre d’accord et s’entendre sur une playlist évidente pour le plus grand nombre sans perdre de vue la thématique ou l’esthétique choisie ? « Autour de Minuit » est un recueil de jazz vocal, un panel de chansons sublimes et universelles interprétées par des légendes incontournables. L’ambiance est tamisée, on ne distingue que les silhouettes de ces divas disparues pour la plupart, mais leurs voix demeurent et résonnent magnifiquement dans cet écrin noir et blanc proposé en forme de double album. Au détour de ces ballades sensuelles et intemporelles menées par les plus grandes prêtresses du genre (Nina Simone, Peggy Lee, Anita O’Day ou encore Billie Holiday) quelques performances masculines sont tout de même illustrées et pas des moindres puisqu’on note aux côtés de Chet Baker et de sa « Funny Valentine », Mel Tormé dans « ‘Round Midnight » ou le jeune et fougueux Jamie Callum avec « What a Difference a Day Made ». La nouvelle génération occupe d’ailleurs une bonne place avec les distinguées Mélody Gardot, Norah Jones et Diana Krall… « Autour de minuit » est la bande son idéale d’une nuit romantique, un cadeau qui ravira les amateurs de douceur, de calme et de voluptée

The Deluxe Band – Polishing Peanuts (Chinese Man Records/Believe)


The Deluxe Band – Polishing Peanuts (Chinese Man Records/Believe)

Nouvelle signature du fameux label marseillais Chinese Man Records – qui s’illustre depuis 2005 par des productions hip-hop de qualité nourries de sonorités empruntées à l’univers de la TV, du cinéma et de la musique des 70’s - Deluxe publie aujourd’hui un premier opus de 6 titres intitulé ironiquement « Arachides à Polir ». Déjà remarqué par Stéphane Pompougnac et cité dans sa compilation Hôtel Costes vol. 15, ce quintet survitaminé originaire d’Aix-en-Provence propose une musique matinée de hip-hop, de soul, de swing, de reggae  et de funk interprétée par une section rythmique traditionnelle (basse/contrebasse, claviers vintage, cuivres, batterie, guitare et percus) et rehaussée de samples, de scratchs et de beats électroniques. Rejoint par la chanteuse à la voix suave et détonante Lillyboy, ainsi que par quelques Mc’s de renom dont le plus français des rappeurs américains Beat Assailant, la formation nous offre un son efficace et racé, un R&B entraînant plutôt sophistiqué qui n’a rien à envier à ses modèles d’outre-Atlantique. Leur musique rassemble et donne férocement envie de remuer, habitué à jouer sur scène comme dans la rue, Deluxe sait comment séduire son auditoire et le faire vibrer même en unplugged. « Polishing Peanuts » ou « travailler très dur pour pas grand-chose » est une expression qui ne convient pas ici, en effet loin d’avoir perdu leur temps, les 6 électrons libres du clan Deluxe risquent bien de faire rapidement parler d’eux et de leur groove ravageur…