The Matthew Herbert Big Band “There’s Me And
There’s You” (!K7)
Pour être sincère, à la première écoute du dernier opus « There’s Me And There’s You »
du Matthew Herbert Big Band, le
constat est plutôt mitigé ; en effet d’entres ses rythmiques abstraites, expérimentales, bruitistes
et ses samples d’arrangements cuivrés syncopés et criards, seule une voix
féminine tente d’humaniser ce marasme sonore. Cette voix, c’est celle d’Eska Mtungwazi,
nouvelle égérie de l’anglais Matthew Herbert après Dani Siciliano, déjà sacrée
The New Queen of UK Soul, elle « est le cœur battant de ce disque »
au titre curieux de prima bord… En s’attardant sur la revue de presse, en
prêtant l’oreille et surtout le cerveau à ce projet engagé et critique à
l’égard du pouvoir britannique et notamment à propos de sa décision d’envoyer
des troupes en Irak, on réalise l’ampleur conceptuelle qu’à pris la musique du
patron d’Accidental Records depuis « Goodbye Swingtime » en
2001 mené aussi en collaboration avec la crème des musiciens jazz anglais. Avec
un cahier des charges très stricte, dicté par son manifeste dogmatique (le PCCOM) lui interdisant par exemple
l’usage de sons synthétiques imitant des instruments acoustiques, Herbert met
en forme (musicale) sa vision du pouvoir et de ses détenteurs egocentriques, le
titre « Yesness », par
exemple, dévoile un collage composé des voix de 100 personnalités puissantes
disant « OUI » (la reine et Gordon Brown ont décliné l’invitation),
ailleurs c’est le son de 100 cartes de crédits que l’on découpe aux ciseaux qui
retenti faisant ainsi étrangement écho à l’actualité boursière récente ou
encore le bruit de 70 préservatifs que l’on frotte sur le parvis du British
Museum…
Ce disque surprenant par sa richesse et sa complexité,
laisse entrevoir sa musicalité qu’au bout de plusieurs écoutes attentives.
Matthew nous envoie ici un message empli de gravité, sous ses devants
faussement joyeux, riche en mélodie et en rebondissements, le ton employé
demeure pessimiste, il renseigne l’auditeur sur l’absurdité et la dangerosité
d’un système où une poignée d’hommes et de femmes mènent à leur guise et pour
leur compte un état, une politique, un peuple… Cette œuvre produite par un des
génies de la musique électronique est majeure mais elle nécessite la lecture du
mode d’emploi afin d’en comprendre toutes les nuances.
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