lundi 9 septembre 2013

SO KALMERY – « Brakka Music » (World Village/Harmonia Mundi)


SO KALMERY – « Brakka Music » (World Village/Harmonia Mundi)

Originaire de cette contrée si souvent citée pour ses conflits et autres renversements politiques, So Kalmery né en 1955 à Bukavu dans la région Est du Zaïre. A 7 ans il perd son père lors de la répression anti-lumumbiste, puis à 14 ans sa carrière commence et la musique l’éloigne alors du Congo et de son lot de malheurs. Chanteur, compositeur et danseur, So Kalmery joue la Brakka Music, un des ancêtres probables du rap, avec ses rythmes ancestraux et sa danse acrobatique auxquels sont intégrées des influences urbaines au fort accent de combat social et politique. Sa « musique d’éducation » impose la parole avant l’action, voyageur et mélomane, l’anglais et le swahili sont ses armes et sa quête est la recherche insatiable de ses racines. « Brakka System », dernier opus succédant à « Bendera » sorti en 2001, illustre une ouverture d’esprit très humaniste axée sur la découverte et le métissage. Le Brakka de So Kalmery se frotte en effet au Brésil d’un Seu Jorge avec « Regea » (« Reviens, la terre t’appelle »), à l’afro-beat avec « Makout », au oud oriental avec « Kamitik Soul » (où la question de nos racines est posée comme fondation de notre identité), au reggae avec « Pessa » ou encore au Blues, bien sûr, avec les excellents titres « Sema » et « Waira » dans lequel le guitariste rend hommage aux artistes ayant su marquer leur temps grâce à leur courage et leurs engagements (Charlie Parker, John Lennon…). Tantôt électrique, tantôt acoustique, la musique de cet homme sage et généreux nous emmène au cœur d’une Afrique de toutes les cultures… « Let’s groove to the Brakka music […], All we need is love […], Give chance to the future… ».

samedi 7 septembre 2013

Earth, Wind & Fire - Now, Then & Forever (Legacy Recordings)

Earth, Wind & Fire - Now, Then & Forever (Legacy Recordings)

Omniprésents dans la programmation des différents festivals de l'hexagone cet été, les indémodables et indétrônables Earth, Wind & Fire publient après huit longues années d'absence leur 21ième album studio intitulé "Now, Then & Forever". Faisant suite à l'excellent "Illumination" produit notamment par Will.I.Am et Raphael Saadiq, leur nouvelle mouture composée de 10 titres inédits pris deux ans pour éclore mais arrive à point nommé, dans une période où les signatures funk et post-disco des années 70 et 80 resurgissent à travers les dernières productions R&B d'artistes tels que Robin Thicke ou Justin Timberlake. Les ingrédients de leur succès demeurent les mêmes depuis 1969 et s'organisent autour de la sainte trinité Verdine White (basse), Philip Bailey (chant/percussions) et Ralph Johnson (batterie), sous l’œil distant mais bienveillant du créateur Maurice White (atteint de la maladie de Parkinson). Pour ce dernier opus, les EWF ont décidé d'ajouter dans une version deluxe leurs plus grands tubes choisis par des pointures comme Pharrell, Lenny Kravitz ou André 3000 et compilés dans un second cd best of. Un premier extrait "My Promise" tourne déjà sur la toile et renoue le public avec l'essence même du son funk symphonique des pionniers du boogie. À noter la collaboration de l'acteur français Omar Sy sur ce même titre, après son interprétation de LA scène culte du film "Les Intouchables".


vendredi 6 septembre 2013

SIVUCA – O POETA DO SOM


SIVUCA – O POETA DO SOM

Un vieil homme est assis au milieu d’une scène vide avec, pour seul compagnon, son accordéon. Cheveux blancs et barbe blanche, il semble sublimer le thème qu’il interprète, ses yeux fermés sont dissimulés derrière des verres épais sertis sur une monture noire. Sivuca ne voit pas ou presque plus. « Quando Me Lembro » (« lorsque je me souviens »), joué en solo, est le préambule de son ultime concert organisé par son épouse en juin 2006 à Parïba, état du Nordeste brésilien. Donnant lieu à l’enregistrement du DVD « O Poeta Do Som » (« le poète du son ») - contenant 12 morceaux, 2 bonus et le making of -, ce cadeau d’amour de pure beauté montre ce vieux barbu génial, entouré de 11 formations prestigieuses, enchaîner des titres composés en grande partie par Gloria Gadelha (sa femme). Né en 1930, Sivuca débute sa carrière de Sanfoneiro (accordéoniste) à 9 ans et enregistre son premier album à 18 ans. Prolifique et curieux, « O Mestre Sanfoneiro » joue tous les styles dans le monde entier, mais c’est son Nordeste natal qui l’obsède et l’inspire ; en effet le Forrô - musique traditionnelle ancrée dans cette région du Brésil – ne le quittera jamais et le plus bel hommage qu’il ait pu lui rendre est sa sublime interprétation de « Visitando Zabelê » accompagné de la compagnie Clâ Brasil, où son swingue semble prolonger une vie déjà bien remplie. Témoignage touchant d’un héros brésilien disparu en Décembre 2006 à l’âge de 76 ans.

SEBASTIEN TELLIER - Sexuality


SEBASTIEN TELLIER - Sexuality

Sébastien Tellier est l’Artiste par excellence : complexe, créatif, engagé, provocateur et en rupture avec la culture de masse. Révélé au monde en 2004 grâce à l’immense tube « La Ritournelle », il devient rapidement riche (mdr), et plus sérieusement, incontournable avec sa « crazy pop » nichée entre chanson, électro et jazz. Bien évidemment « on aime ou on n’aime pas », tantôt considéré comme la bande son d’un film porno, tantôt taxé de blague italo-disco de mauvais goût, une chose est sûre « Sexuality », son dernier album sorti en Février dernier, est un véritable succès critique. « L’homme symphonique du XXI° siècle » a déclaré que « seul le cul m’intéresse », et après tout, n’est-ce pas le sexe qui régit notre société ? Jeff Koons disait que « la sexualité, c’est l’objet principal de l’art » alors qu’il se représentait en plein exercice avec son ex-épouse la sulfureuse Cicciolina ; devons-nous juger pour autant l’intérêt de l’œuvre colossale de ce plasticien qu’à cette seule série de travaux intitulée « Made In Heaven » ? Et quand bien même « Sexuality » serait la production la plus aboutie de notre « Chabal de la chanson » n’est-il pas un album remarquable par son ton décalé, sa richesse mélodique, ses couleurs symphoniques et synthétiques, sa fausse légèreté ? Sébastien Tellier est un monument anti-conventionnel, c’est aussi un homme de goût au look sans pareil : « la barbe pour le côté mystérieux, les cheveux longs pour le côté féminin, les lunettes noires pour le côté sophistiqué », une posture atypique et inhabituelle à découvrir en live…

Adrien Moignard – All The Way (Dreyfus Jazz)


Adrien Moignard – All The Way (Dreyfus Jazz)

La guitare manouche est omniprésente dans le paysage jazzistique hexagonal, elle devient même à la mode auprès du grand public avec les succès commerciaux de Thomas Dutronc ou Sanseverino. Depuis 1930, les fameuses notes gypsy jazz de nos deux monstres sacrés que sont Django Reinhardt et Stéphane Grappelli n'ont de cesse de trouver échos et aujourd'hui, l'un des musiciens les plus prometteurs de sa génération, Adrien Moignard sort justement son premier opus solo intitulé All The Way, publié sur le célèbre label Dreyfus Jazz. Il y est bien sûr question de jazz manouche mais l'expérience, la virtuosité et la sensibilité du jeune guitariste bousculent les frontières et on l'écoute interpréter librement des thèmes aussi variés et prestigieux que "La Valse d'Augustine" de Vladimir Cosma (d’une grande beauté), "Blue In Green" de Miles Davis ou encore "Some Skunk Funk" de Randy Brecker. Les influences du maître Django sont palpables mais au delà de ça, les autres guitar héros de la note bleue tels que Georges Benson, Pat Metheny ou encore Biréli Lagrène lui ont permis de développer un jeu très personnel et métisse. L'énergie et la précision se rencontrent avec élégance et musicalité, Adrien Moignard âgé de seulement 25 ans n'a plus rien à envier à ses aînés...Son ouverture et sa maturité s'affichent avec une évidence flagrante lors de ses échanges musicaux avec l'immense Stochelo Rosenberg, présent dans trois titres de l'album. Bref, Adrien Moignard est un grand et All The Way une véritable pépite.


Richard Galliano – Bach (Deutsche Grammophon/Universal Music France)


Richard Galliano – Bach (Deutsche Grammophon/Universal Music France)

Premier album de Richard Galliano chez Deutsche Grammophon, Bach est un projet auquel l'artiste songe depuis déjà longtemps. Enregistré à Paris à Notre Dame du Liban en Septembre 2009, il est consacré aux premières amours du disciple d'Astor Piazzola, s'éloignant un temps du jazz et de la New-Musette. En effet l'accordéoniste jouait déjà les préludes et les fugues de l'immense compositeur dans son adolescence, son amour pour les partitions du maître ne datent donc pas d'hier mais de ces pièces pour orgue qu'il interprétait jadis, il s'oriente désormais davantage vers les concerti pour violons et suites pour violoncelles et hautbois. Richard a choisi des œuvres repaires du répertoire de Bach comme La Badinerie ou Air et s'y invite tantôt au bandonéon ou à l'accordina avec toujours à l'esprit le souci d'émouvoir le public averti ou néophyte et le désir d'exprimer l'universalité de la musique de J.S. Bach. Considérant son instrument comme « un orgue portatif et expressif », il propose aux auditeurs une version inédite de cette grande musique. Bien loin de la mauvaise réputation que l'instrument, encore souvent associé aux bals musettes, traîne derrière lui, Mr Galliano défriche de nouveaux territoires à explorer pour tout accordéon et bandonéon désirant s'aventurer vers de nouveaux horizons musicaux. Album réussi et élégant !

 

Sashird Lao - Open The Box (Le Chant Du Monde/Harmonia Mundi)


Sashird Lao - Open The Box (Le Chant Du Monde/Harmonia Mundi)

L'étonnante formation ancrée sur la côte d'azur sort son troisième opus intitulé Open The Box. Véritable coffre au trésor, l'album déborde d'énergie funky alimentée par du body drumming, des percussions vocales, quelques loops, un chant puissant et une section cuivre boostée aux rythmes world, hip-hop et R&B.

 

Sashird Lao est une entité complexe faite de jazz, de musiques du monde, de chanson et de sonorités urbaines. À l'origine il y avait trois cuivres, puis les voix, les percussions et quelques machines ont fait leur apparition. Yona Yacoub, qui incarne l'âme féminine du trio s'impose comme une chanteuse soliste aux multiples facettes. Son goût pour le R&B donnent à sa voix une tonalité chaude et groovy, quelques envolées lyriques portées par ses racines orientales enivrent furieusement au détour d'une ritournelle soufflée au sax ou d'un coup de balai passé sur sa caisse claire. Fred Luzignant est quant à lui le Mr Trombone de la formation, professeur de musique il aime autant partager sa passion avec ses élèves qu'avec les musiciens qu'il a accompagné et rencontré sur la route du jazz. Il mène avec Yona quelques aventures dont Yona Y. Lee, projet electro-R&B, puis s'engage dans Sashird Lao au côté d'un troisième larron, le saxophoniste-flutiste-bassiste vocal, David Amar. Ce denier est tombé tout jeune dans la marmite du Be-bop, autodidacte il quitte ses études de droit et se consacre à la musique qu'il enseigne et joue an passant allègrement du jazz (qu'il chante) au funk, ou du reggae au R&B. Logiquement embarqué dans la caravane de Sashird Lao, il poursuit avec ses deux comparses depuis 2004 une quête musicale unique sous l'influence de Bobby Mc Ferrin et de ses expérimentations vocales extrêmes. Sans à priori et sans complexe, ce groupe de multi instrumentistes s'amuse à manipuler, décomposer, découper, ressouder les genres musicaux au gré de leurs expériences, de leurs voyages et de leurs envies. Le swing est bien sûr le ciment du projet, la base de toutes les rencontres, il y est jouissif et communicatif. Dans les deux premiers disques, les reprises inattendues de quelques standards (de Rollins, Mingus, Ellington ou même Louis Prima) côtoyaient des compositions originales parfois décalées et pleines d'humour du "seul trio instrumental de jazz vocal au monde". Les grooves urbains, qui ont bercé nos trois jeunes aventuriers sont également de la partie dans une surprenante alchimie alliant orientalisme et soul/funk et ce dernier disque en est la preuve...Faisant suite aux albums plus jazzy Watsdis sorti en 2005 et 3 Secrets paru en 2008, Open The Box se veut plus ouvert sur le monde : le français que l'on entendait chanté sur les très bons titres "Tout en Dodelinant" ou "Pas le Temps" laisse définitivement place à l'anglais, plus universel, avec les excellents  "Baby'Lone" ou encore "Burnin Soul", à l'Indi Lao (dialecte  hybride imaginaire) sur "Kalimandji So" et à l'égyptien dans "Badawar". Ouverture et danse, sont sans doute deux notions qui définissent bien la direction musicale que semble emprunter Sashird Lao nous incitant davantage à se dandiner, à se balancer en rythme sur un swing métisse à géométrie variable. Cette fameuse boîte est désormais entrouverte, il ne vous reste plus qu'à explorer les richesses qu'elle renferme...Bonne écoute à tous.