mercredi 24 juin 2015

Robert Glasper - Covered (The Robert Glasper Trio recorded Live At Capitol Studios) (Blue Note)


Robert Glasper - Covered (The Robert Glasper Trio recorded Live At Capitol Studios) (Blue Note)

L’excellent pianiste jazz Robert Glasper a enflammé la critique et séduit un large public grâce à ses deux précédents albums largement orientés R&B, Black Radio paru en 2012 et Black Radio 2 sorti l’année suivante.

Proche des milieux hip-hop et néo-soul, il côtoie et collabore avec des artistes d’horizons divers tels que Meshell Ndegeocello, Bilal, Erykah Badu, Q-Tip, Jay-Z, Maxwell ou Common ainsi que les jazzmen Chris McBride, Roy Hargrove, Terence Blanchard…

De retour chez Blue Note avec le même trio qu’en 2005 et 2007 lorsqu’il publiait ses opus Canvas et In My Element, le musicien nous offre un projet jazz acoustique d’une élégance rare, intitulé Covered (The Robert Glasper Trio recorded Live At Capitol Studios).

Nous retrouvons donc ses fidèles acolytes, Vincente Archer à la contrebasse et Damion Reid à la batterie enregistrant avec lui en Décembre dernier une session live intimiste devant un public ultra restreint, dans les mythiques Studios Capitol d’Hollywood.

Comme son nom l’indique, l’enregistrement se compose de reprises chères à Robert, piochées dans son propre répertoire (I Don’t Even Care, In Case You Forgot) ou issues de ceux de Radiohead (Reckoner, premier single de l’album), Joni Mitchell (Barangrill), Musiq Soulchild (So Beautiful), Jhene Aiko (The Worst), John Legend (Good Morning) ou encore Kendrick Lamar (I’m Dying Of Thirst)…

Parmi ces covers qui exposent ses talents d’arrangeur et sa virtuosité discrète, empruntant indifféremment aux scènes pop rock , électro, folk, R&B, hip-hop et néo soul, le pianiste a choisi d’interpréter l’immense standard de jazz Stella By Starlight (écrit par Victor Young), une ode somptueuse où l’influence des rythmes urbains apparaît dans le jeu expert du batteur.

Malgré le fait qu’il compose toujours en pensant à la manière qu’un chanteur ou MC pourrait déposer son flow sur ses mélodies, Covered est un album uniquement instrumental, exception faite d’une courte intervention d’Harry Belafonte dans le vibrant et engagé Got Over. L’ancien crooner y déploie un texte touchant qu’il récite d’une voix fragile et usée, décrivant une journée dans la peau d’un afro-américain… Sur I’m Dying Of Thirst, des voix d’enfants énoncent le nom des victimes de violences policières aux US, issues des minorités certains de ces martyrs ont été rendus tristement célèbres en partie grâce à la mobilisation de stars telles que Nas, Derrick Rose, D’Angelo, ?uestlove ou Kendrick Lamar (qui est d’ailleurs l’auteur du thème).

Le ton est donc donné, Covered est un live de jazz engagé socialement mais aussi artistiquement, en effet le trio nous balance, au-delà de ses sublimes reprises, son étonnant In Case You Forgot, unique titre au format réellement jazz, qui s’étale sur 13 minutes et où les trois musiciens improvisent en totale liberté s’acoquinant même à certains moments au free jazz.

Robert Glasper, avec son doigté délicat tantôt véloce tantôt cool exprime une telle décontraction qu’il captive d’emblée, que ce soit dans le cadre d’un concert privé ou d’un festival. Aussi adroit dans tous les répertoires de la black music, il s’impose peu à peu comme une figure emblématique du paysage musicale américain, fusionnant comme personne la sophistication du jazz et l’efficacité du hip-hop/R&B.

Un bien bel effort !

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