jeudi 5 novembre 2015

Las Hermanas Caronni - Navega Mundos (Les Grands Fleuves/L’autre Distribution)


Las Hermanas Caronni - Navega Mundos (Les Grands Fleuves/L’autre Distribution)

Las Hermanas Caronni, sœurs jumelles natives d’Argentine, publient leur troisième opus très aquatique par sa thématique, baptisé Navega Mundos. Laura, violoncelliste et Gianna clarinettiste, se plongent dans leurs souvenirs d’enfance à la recherche d’instants magiques et d’êtres disparus. Leur solide formation musicale et leur goût pour le voyage, les aident à dépasser leur background classique et traditionnel afin de créer un style singulier, mêlant atmosphères intimistes voire minimalistes et sonorités riches, puisées chez les impressionnistes français Debussy et Ravel, le compositeur brésilien Heitor Villa Lobos, le tango et la musique populaire de la Pampa. Les deux chanteuses offrent 12 titres dépaysants en hommage à leur maman Beatriz Pell et à leur mentor Juan Carlos Caceres, musicien, peintre et historien d’art disparu en Avril dernier. On notera la reprise de The Doors Spanish Caravan et la très belle mise en musique d’un poème de Rainer Maria Rilke La Mélodie des Choses.

Virginie Teychené – Encore (Jazz Village/Harmonia Mundi)


Virginie Teychené – Encore (Jazz Village/Harmonia Mundi)

La chanteuse de jazz originaire de Draguignan Virginie Teychené nous présente Encore, un subtil recueil de chansons qu’elle empreinte aux monstres sacrés de la variété française mais aussi aux maîtres de la bossa nova, du jazz ou de la folk outre-atlantique. Sa maîtrise parfaite aussi bien dans les graves que dans les aigus et son habileté à habiller les mots d’un scat délicat (commme dans Doralice), lui permettent d’exprimer ou plutôt de sublimer les textes de Léo Ferré (Jolie Môme), Claude Nougaro (à l’honneur avec Allées des Brouillards et A Bout de Souffle), Joni Mitchell (Both Side Now), George & Ira Gershwin (But Not For Me) ou Vinicius de Moraes et Antonio Carlos Jobim (Eu Sei Que Vou Te Amar). Entourée de son fidèle quartet, Virginie est à l’origine de deux titres, le touchant Before The Dawn avec la complicité de son pianiste Stéphane Bernard et la ballade Encore, composée par son contrebassiste Gérard Maurin.
On appréciera la performance de l'harmoniciste Olivier Ker Ourio dans le sublime et intimiste Septembre de Barbara!

mercredi 4 novembre 2015

Emilien Véret - Clarinettes Urbaines (Le Bruit Court)


Emilien Véret - Clarinettes Urbaines (Le Bruit Court)

Dans l’imaginaire collectif, la clarinette na pas forcément le même aura emblématique et impérieux que le saxophone, à part bien sûr lorsque c’est Stravinsky qui lui dédie des pièces ou bien Sidney Bechet, Benny Goodman et plus récemment David Krakauer ou Louis Sclavis qui la domptent. Cependant elle demeure aussi omniprésente dans la musique classique, que dans le jazz, le Klezmer,  les folklores d’Europe de l’est, de Turquie ou d’autres contrées.

Le jeune clarinettiste basé à Paris Emilien Véret  nous invite à pénétrer dans le vaste univers musical qu’il a bâti autour de cet instrument. Aussi bien inspiré par les métissages world de Yom ou Ibrahim Maalouf, que le jazz de Michel Portal ou le groove d’Electro Deluxe, il présente son premier projet solo intitulé Clarinettes Urbaines.

Voulant dépoussiérer l’image vieillissante de la clarinette et se détacher de ses répertoires un peu convenus, il s’attèle à explorer différentes pistes mêlant avec brio esprit des balkans et beats hip-hop dans Quartier Est, Run It Back (avec le MC AMZ en guest), beatbox, loop et mélodies pop dans Pop Wok ou La Ville, groove et funk dans l’excellent Know Your Name avec Nina Attal à la guitare/voix, musique moderne, FX et rythmique électro dans Hommage à C. Debussy, improvisation free et techno dans Le Panda Hirsute, voire trans dans Street Pipeau, folklore tzigane dans la reprise Les Yeux Noirs et ambiance romantique dans De Passage

Bref un effort réussi et séduisant pour un artiste aux multiples facettes, puisqu’en plus de jouer de la clarinette en Sib, de la clarinette basse et bambou, Emilien se mue en boîte à rythmes humaine manipulant samplers et boîtes à effets.

Ed West & RTKal - The Frass EP (Tru Thoughts)


Ed West & RTKal - The Frass EP (Tru Thoughts)

L’écurie Tru Thoughts dégaine une nouvelle arme de poing confectionnée par le producteur londonien Ed West (batteur du groupe reggae The Drop) et le MC de Birmingham RTKal. L’EP intitulé The Frass nous balance ses sonorités reggae/dance hall et dubstep à travers 4 titres punchy où apparaissent les pionniers de l’UK Sound System,  Serocee dans le titre éponyme et Jimmy Screech (moitié de Ghost Writerz) dans un Style Pon Target très orienté hip-hop. Ils déposent leurs flows racés et tranchants dans un projet croisant l’héritage jamaïcain et les rythmes électroniques de la nouvelle scène anglaise. Pour une première collaboration, The Frass sonne comme une évidence !
A noter que les 4 titres sont enrichis de leurs versions instrumentales et a cappella...

mardi 3 novembre 2015

Victor Démé – Yafaké (Chapa Blues/World Village-Harmonioa Mundi)


Victor Démé – Yafaké (Chapa Blues/World Village-Harmonia Mundi)

Le duo électro français Synapson, composé des DJs Alexandre Chière et Paul Cucuron publiaient en 2014 un tube qui allait les installer sur les ondes radio et les clubs mondiaux jusqu’à la sortie toute récente de leur LP Convergence, ce titre n’était autre que le remix de Djon’ Maya, succès d’un musicien africain récemment disparu !

Le chanteur/guitariste folk Victor Démé, originaire de la capitale économique du Burkina Faso, Bobo Dioulasso, nous quittait fin septembre dernier alors que son troisième et ultime Yafaké s’apprêtait à paraître sur le label Chapa Blues. Reconnu tardivement, ce chantre de la culture mandingue nous laisse un opus posthume poignant dont le titre signifie « pardonner » en langue dioula. Issu d’une lignée de griots du côté de sa mère et d’une famille de couturiers du côté de son père, Victor amorce sa carrière musicale en Côte d’Ivoire qu’il rejoint adolescent pour œuvrer dans l’atelier paternel. Rentré au pays à la fin des années 80, il collabore dans de nombreux orchestres et devient rapidement un chanteur populaire dans les nuits d’Ouagadougou. Ce n’est pourtant qu’en 2007 que paraît son premier disque éponyme, il est alors âgé de 46 ans et se remet péniblement d’une maladie qui l’emportera finalement quelques années plus tard.

Artiste témoin des troubles qui ont ponctués l’histoire de sa terre natale, Victor a toujours célébré dans ses compositions la femme, la tolérance, la paix et la solidarité, affectionnant les instruments traditionnels tels que la kora et les percussions tout en appréciant les sonorités latines.

Si Yafaké reprend les ingrédients d’une recette folk/blues peaufinée par le compositeur depuis plusieurs décennies, il s’émancipe aussi de ses prédécesseurs en octroyant une importance plus grande à la batterie, interprétée par Abdulaye Zon et Patrick Goraguer. Les guitares mandingues sont bien entendu toujours omniprésentes, qu’elles soient acoustiques ou électriques, le complice Issouf Diabaté les arrange comme personne. Les frères Diarra assurent quant à eux la section rythmique avec kora, balafon et percussions tandis que l’excellent Grégoire Yanogo impose son groove à la guitare basse. A noter, entre autres invités pour les cuivres, chœurs et piano, la présence du fameux accordéoniste Fixi (François Xavier Bossard), remarqué pour son projet avec le jamaïcain Winston McAnuff et son travail avec Tony Allen.

Une voix puissante et touchante, une musique élégante touchée par la grâce d’un griot combattif parti trop tôt.

lundi 2 novembre 2015

Fresh Sounds from Les Chroniques de Hiko (October/November 2015)


Fresh Sounds from Les Chroniques de Hiko (Aout/Septembre 2015)


Céu – Live (Six Degrees)


Céu – Live (Six Degrees)

La chanteuse brésilienne Céu, que nous écoutions il y a peu sur l’excellent Tempo & Magma de Tigana Santana nous revient avec un album Live intimiste capté en aout 2014 chez elle à Sao Paolo, au Centre Culturel Rio Verde. Le disque, composé de 15 titres, reprend l’essentiel de ses 3 premiers opus et marque ainsi 10 années d’une carrière ponctuées notamment de 4 nominations aux Grammy Awards.

Accompagnée de Lucas Martins à la basse, de Dustan Gallas à la guitare et au Fender Rhodes, de Dj Marco à la programmation et aux scratches ainsi que de Bruno Buarque à la batterie, Céu nous invite dans son univers MPB fusionnant samba et rock psyché aux accents méxicains (Falta de Ar), ballade pop (Chegar Em Mim) et reflets électroniques (Contados), blues rugueux (Grains de Beauté) et cumbia (Retrovisor), tropicalisme (Cangote), instants reggae (Concrete Jungle) et soul (Lenda) ou encore rythmiques afrobeat (Rainha) et swing jazzy (Amor De Antigos). Sa voix, à la tessiture si subtile, a la clarté et la profondeur de son aînée Gal Costa. Elle survole avec élégance et maitrise, en portugais et parfois en anglais (Streets Bloom), un répertoire multicolore au grain vintage, plantant une atmosphère chaleureuse et conviviale.

jeudi 29 octobre 2015

Get The Blessing – Astronautilus (Naim Jazz/Modulor)


Get The Blessing – Astronautilus (Naim Jazz/Modulor)

Dédié au saxophoniste précurseur du free jazz Ornette Coleman, disparu en juin dernier à New York, Astronautilus est le 5° opus de la section rythmique de Portishead, Get The Blessing. Composé depuis ses débuts en 2000 du saxophoniste Jake Mucmurpchie, du trompettiste Pete Judge, du batteur Clive Deamer et du bassiste Jim Barr, le quartet post-jazz de Bristol nous offre 9 titres sombres aux ambiances punk tendues et électriques. Les sonorités cuivrées désarticulées, distordues et renforcées d’FX noisy sont soutenues par des lignes de basse massives et des beats tranchants et crasseux. Si l’improvisation y occupe une place importante, Astronautilus combine habilement les rythmiques marquées aux atmosphères cinématiques et embrumées, habitées de mélodies lancinantes parfois accrocheuses et d’autres fois dissonantes et complexes. Get The Blessing évolue aux frontières du jazz, se frottant à l’ambient, au post-rock, à l’electro et à la musique de film.

Antiquarks – KÔ le libre album (Mustradem/InOuie Distribution)


Antiquarks – KÔ le libre album (Mustradem/InOuie Distribution)

La compagnie Antiquarks est à l’initiative depuis sa création il y a une dizaine d’années d’une quinzaine d’œuvres originales et de plus de 300 performances artistiques, concerts, spectacles, conférences ou workshop, délivrés en France et à travers le monde. Le collectif humaniste, tentaculaire et à géométrie variable, nous présente son dernier projet intitulé (« corps » en créole), une œuvre musicale, graphique et poétique se dressant avec vigueur, humour et folie contre une industrie du disque standardisée et omnipotente.

Offert comme un « humanifeste du corps ordinaire » sous la forme d’un livret de près de quarante pages, d’un disque de 8 titres et d’un show anticonformiste et débridé, convie son public devenu auditeur, spectateur et lecteur dans un univers singulier où se « rassemblent une pluralité de mondes musicaux ». La chanteuse tuscarora militante Pura Fé (Western Dark Side) côtoie ainsi la cantatrice de l’orchestre national de Lyon Sophie Lou (Papageno Papagena), le percussionniste Ismael Mesbahi (Aman) et le danseur/chanteur burkinabé Bouréima Kiénou (Rockya Couba) dans une musique « interterrestre » comme le dit l’un des piliers d’Antiquarks, l’artiste-sociologue chanteur, percussionniste et compositeur, Richard Monségu. Entre les rythmes d’Afrique de l’ouest, le punk/rock (Pigs Bridge), la musique orientale, le world jazz (Shake It) ou les ambiances créoles (Dyab), se joue des codes, prend le risque d’être une œuvre foisonnante et plurielle, sans à priori mais gorgée de convictions.

G!rafe & Bruno Girard - L’Ami que j’Aimais Bien (Discobole Records)


G!rafe & Bruno Girard - L’Ami que j’Aimais Bien (Discobole Records)

Quel est donc cet animal étrange, qui, animé par une énergie post-rock, joue une musique sombre marquée par les mots d’un poète maudit nommé Alain Peters ? G!rafe est une formation menée par le chanteur Bruno Girard (membre de Bratsch, groupe historique français aux influences jazz, tziganes, russes et arméniennes) et composée du bassiste Théo Girard, du batteur Eric Groleau, du guitariste Stéphane Hoareau et du clarinettiste Nicolas Naudet. Son projet intitulé L’Ami que j’Aimais Bien est un hommage à l’auteur et musicien réunionnais Alain Peters, qui fusionnait dans les années 70 psychédélisme, rock et maloya. Bruno a choisi de dire en français 6 poèmes de l’artiste disparu précocement en 1995, ils expriment tantôt l’espoir puis le désespoir, tantôt la déception amoureuse et la solitude puis l’injustice sociale… Bref autant de divagations souvent mélancoliques et parfois amères que son chant grave et imposant, qui s’apparenterait presque au slam de Grand Corps Malade, extirpe avec calme et vigueur d’un amas rocheux en fusion.

mercredi 28 octobre 2015

Fidel Fourneyron - High Fidelity (Umlaut Records)


Fidel Fourneyron - High Fidelity (Umlaut Records)

Le trombone a toujours été un instrument fascinant, de par son allure et sa mécanique, mais rarement mis en premier plan. On garde cependant en mémoire quelques noms illustres comme le jazzman J J Jonhson, l’immortel Fred Wesley des JB’s, plus récemment le suédois Nils Landgren ou le tout jeune Trombone Shorty, natif de la Nouvelle Orléans.

Fidel Fourneyron, originaire d’Albi dans le sud ouest de la France, nous présente son premier opus solo intitulé High Fidelity. Bien loin des sentiers battus par ses aînés, le tromboniste virtuose invite son auditoire à partager l’intimité qui le lie à son instrument, duquel il parvient à extirper des sonorités inédites et surprenantes. Passionné par les grands orchestres de swing et amateur de rumba cubaine, c’est véritablement dans les milieux du jazz moderne, de la musique improvisée et contemporaine qu’il se fait remarquer. High Fidelity n’a d’ailleurs rien à voir avec un disque de jazz au sens classique, c’est une suite de 9 titres pour trombone seul, où bruits, souffles, grincements, grognements, cris, murmures, monologues et répétitions entêtantes se succèdent, se chevauchent et se causent, laissant parfois échapper quelques phrasés familiers.

mardi 27 octobre 2015

Gentleman’s Dub Club - The Big Smoke (Easy Star Records)


Gentleman’s Dub Club - The Big Smoke (Easy Star Records)

Le combo anglais baptisé Gentleman’s Dub Club nous présente chez Easy Star Records son dernier obus sonique composé de 11 titres et intitulé The Big Smoke. Ses 9 musiciens réputés pour l’énergie qu’ils dégagent en concert se sont rencontrés en 2006 à Leeds, après sept années d'une tournée mondiale parait leur premier essai FOURtyFOUR suivi de deux EPs très bien accueillis par la scène bass music britannique. Avec ce second opus la formation nous convie une nouvelle fois dans son trip dub, imbibé d’influences reggae et ska. Les ambiances planantes et cuivrées gavées de reverbes et d’echos sont bien sûr au rendez-vous, ainsi que le chanteur Natty sur un One Night Only très roots et le jeune saxophoniste Josh Arcoleo dans un Nocturnal à la rythmique 2 Tone tranchante.

 
 

Dexter Story – Wondem (Soundway Records)


Dexter Story – Wondem (Soundway Records)

Rien de mieux pour commencer sa journée que d’écouter le nouveau projet aux sonorités world/est-africaines du multi-instrumentiste de Los Angeles Dexter Story, véritable chantre de la culture jazz et hip-hop underground américaine. Ayant autant croisé le fer avec Wynton Marsalis et Kamasi Washington qu’avec Madlib et Les Nubians, le producteur aux multiples casquettes s’est aussi frotté au marketing de l’industrie musicale en travaillant notamment pour Def Jam et Bad Boys Records.

Après Seasons paru en Février 2013 chez Kindred Spirits, un premier album soul aux accents jazzy, funky et R&B, le musicien cinquantenaire (qui emprunte son nom d’artiste à l’illustre saxophoniste Dexter Gordon) nous présente son second opus baptisé Wondem, dans lequel il ré-explore depuis son home studio californien les rythmes africains qui l’ont indélébilement marqué lorsqu’il était le batteur puis l’arrangeur du trompettiste Todd Simon et de son Ensemble Ethio-Cali. En effet, les ambiances « éthiopiques » inspirées du maître Mulatu Astatké transparaissent à travers des titres comme Lalibela, Sidet Eskermeche (où est convié le chanteur Yared Teshale) ainsi que Saba, tout trois étant habités par les entrelacs psychédéliques déployés par les guitares et les cuivres éthio-jazz.

Mais Wondem, qui se traduit par « frère » en amharique, ne se résume pas qu’à une incursion dans l’Addis Abeba des années 70, le joyeux A New Day par exemple nous immerge dans la pop moderne du sud de l’Ethiopie tandis que Be My Habesha nous invite au Nord du Mali, où les alchimistes de Tinariwen ont imaginé la musique assouf, un habile mélange de musique touareg, de rock et de blues.

Changamuka ensuite, et la voix soul racée de Godfrey at Large alias Dustin Warren nous plonge dans une Afrique éprise du son sophistiqué de la Motown, alors de Miguel Atwood–Ferguson et Mark de Clive Lowe arrangent et interprètent la mélodie arabisante et presque kitch de Mowa, un hommage au chanteur/joueur de oud soudanais Mohammed Wardi. Le Soudan est toujours à l’honneur dans le coloré Without An Adress sublimement interprété par la chanteuse retro pop originaire de Khartoum Alsarah.

Merkato Star et ses rythmes tournoyants et intenses nous hypnotisent à la manière d’une transe soufie, alors que l’orchestration de la pièce instrumentale Xamar renoue avec la vision est-africaine du jazz-funk des 70’s, atmosphère déjà présente dans Changamuka mais qui semble être ici passée au crible d’un Fela Kuti apaisé.

Dans Eastern Prayer, les vocalises suaves et vaporeuses de Nia Andrews sont accompagnées d’une instrumentation délicate où chœurs aériens où steel drums de trinidad, congas afro-cubaines et kalimbas ouest-africaines s’unissent pour accueillir une guitare au touché afro-caribéen.

Pour clore Wondem, Dexter Story nous offre le romantique et spirituel Yene Konjo dans lequel sa voix profonde, douce et veloutée est mise en valeur par les claviers de l’expert Mark de Clive-Lowe dont la présence inonde l’ensemble de l’album.

Encore un succès en perspective pour le label anglais Soundway Records de Miles Cleret qui publiait, il y a peu, l’excellent projet Ibibio Sound Machine.


vendredi 23 octobre 2015

Francesco Bearzatti & Tinissima 4tet - This Machine Kills Fascists (CAM Jazz/Harmonia Mundi)


Francesco Bearzatti & Tinissima 4tet - This Machine Kills Fascists (CAM Jazz/Harmonia Mundi)

Dans la continuité de ses biographies musicales dédiées en 2008 à la militante révolutionnaire Tina Modotti (actrice, mannequin et photographe italienne du début du XX° siècle), en 2010 à l’icône afro-américaine Malcolm X puis en 2013 au pianiste génial Thelonious Monk (dans un projet fusionnant la musique de Monk aux standards du rock), le saxophoniste jazz Francesco Bearzatti nous présente aujourd’hui This Machine Kills Fascists, un hommage au chanteur guitariste américain Woody Guthrie, musicien de country et activiste intellectuel dont la pensée influença la folk des protest songs dans les 60’s.

Accompagné de l’excellent trompettiste Giovanni Falzone, du bassiste Danilo Gallo et du batteur Zeno De Rossi, Franceso forme le Tinissima 4tet et invite sur un titre dédié aux anarchistes Sacco And Vanzetti (tous deux condamnés en 1927 à la chaise électrique par la justice américaine) la chanteuse Petra Magoni qui vocalise telle une chanteuse d’opéra une mélodie à glacer le sang. L’artiste originaire de Pordenone dans la région du Frioul-Vénétie Julienne a composé 10 des 11 morceaux de l’album, This Land Is Your Land étant un classique de Woody Guthrie écrit en 1940.

Le Tinissima 4tet déploie un jazz au swing tantôt langoureux et mélancolique (Okemah - ville natale de Guthrie dans l’Oklahoma, When U Left), tantôt effréné et déluré (Hobo Rag, Witch Hunt) se heurtant ici et là aux sonorités cuivrées de la Nouvelle Orléans (This Land Is Your Land) ainsi qu’à celles de la country mexicaine (Long Train Running).

jeudi 22 octobre 2015

Kenny Wheeler & John Taylor – On The Way To Two (CAM Jazz/Harmonia Mundi)


Kenny Wheeler & John Taylor – On The Way To Two (CAM Jazz/Harmonia Mundi)

 
Tous deux disparus il y a peu, le pianiste anglais John Taylor et le trompettiste canadien Kenny Wheeler se retrouvent dans un enregistrement inédit de 2005, capté au Bauer Studios en Allemagne. Le label Italien CAM jazz a eu la bonne idée de publier leur renversant On The Way To Two où la complicité des deux partenaires de longue date se dévoile avec une élégance et une sensibilité rare. C’est d’outre tombe que le pianiste nous adressait en septembre dernier, soit 2 mois après sa disparition sur scène lors du festival Saveurs Jazz près d’Angers, son disque posthume 2081, malgré la son trépas soudain, il a eu l’occasion de rendre un dernier hommage à son ami Kenny (décédé en septembre 2014) dans une note touchante figurant en préface du livret de leur album. Les deux géants du jazz moderne européen, qui formaient le célèbre Azimuth avec la chanteuse Norma Winston, y élaborent une musique acoustique sophistiquée, alliant une force mélodique captivante à une virtuosité soupesée. Composé de 9 compositions originales et d’une reprise de Billy Strayhorn A Flower Is A Lovesome Thing, On The Way To Two est une aire de jeux dans laquelle naît une conversation animée, où les instruments sont poussés dans leurs retranchements sans jamais se brusquer ou se contredire. Des thèmes complexes (Canter #2, Fedora ou Close To Mars) alternent avec de courts passages improvisés (Sketch No.1, Sketch No.2, Sketch No.3), imposant sans lyrisme démonstratif ni épreuve de force, une musicalité fluide et naturelle.

lundi 19 octobre 2015

Sharon Jones & The Dap-Kings - It’s a Holiday Soul Party (Daptone records/Differ-Ant)


Sharon Jones & The Dap-Kings - It’s a Holiday Soul Party (Daptone records/Differ-Ant)

La grande prêtresse Sharon Jones, pilier de l’écurie Daptone Records, nous offre en avance son brûlant cadeau de noël, It’s a Holiday Soul Party. Entourée de son mythique crew The Dap-Kings et de ses choristes Saun & Starr, la chanteuse élevée dans la tradition du gospel nous invite à retrouver ces sonorités retro-soul explosives et funky qui sont désormais la marque de fabrique du label de Brooklyn mené d'une main de maître par son boss, Gabriel Roth. Composé de 11 titres, ce Christmas album alterne, avec une énergie débordante et contagieuse, compositions originales (8 Days (Of Hanukkah), Funky Little Drummer Boy) et reprises de chants traditionnels (Silent Night, White Christmas).

vendredi 16 octobre 2015

Ludovico Einaudi – Elements (Ponderosa/Harmonia Mundi)


Ludovico Einaudi – Elements (Ponderosa/Harmonia Mundi)

Le désormais illustre compositeur italien Ludovico Einaudi nous revient avec son 13° album studio baptisé Elements, où il déploie son lyrisme romantique à l’italienne que le grand public découvrait en 2011 dans le film d’Eric Toledano Les Intouchables. En effet le pianiste turinois séduit grâce à de subtiles orchestrations de cordes enrichies d’un soupçon de percussions et de matières électroniques, il élabore d’enivrantes mélodies avec à l’esprit le souci d’émouvoir son auditoire en réconciliant de fait les univers aussi distincts que ceux de Bach, Satie, Reich, Eno, Pink Floyd, Radiohead ou des Beattles.

Cet opus s’appuie sur une étude des 4 éléments de la nature (eau, terre, vent, feu), de la géométrie euclidienne (droite, plan, longueur, aire) et de l’œuvre du peintre théoricien Vassily Kandinsky (qui réalisa la première peinture abstraite où formes et couleurs se libéraient de la figuration et de la représentation du réel). Ludovico s’attèle au projet depuis 2012, année durant laquelle il se produisit à Rome avec une pièce dédiée à son mentor Luciano Berio intitulée The Elements. Cherchant toujours à renouveler sa palette (sans pour autant vouloir prendre des risques et faire le grand écart), il s’est attelé à réexaminer des notions qu’il n’avait plus abordé depuis ses études, mais loin de nous adresser une musique indigeste et complexe, l’alchimiste accouche d’un disque à la beauté saisissante et immédiate, où les moments suspendus et mélancoliques succèdent aux passages plus tendus et rythmés. A la manière d’une BO de film bien pensée, Elements nous tient en haleine durant plus de 60 minutes nous narrant une épopée aux contours flous et variables que chacun interprète selon son humeur, son ressenti et son expérience de la vie.

Entouré de musiciens d’exception parmi lesquels figurent l’excellent violoncelliste Redi Hasa, l’ensemble de cordes bataves du Amsterdam Sinfonietta et le percussionniste brésilien Mauro Refosco, l’artiste nous immerge à travers ses 12 titres dans son monde singulier, à la fois foisonnant et épuré, sobre et baroque, enjoué et mélancolique, acoustique et électronique, mais assurément trop convenu ! Dommage.

jeudi 15 octobre 2015

Roland Tchakounté – Nguémé & Smiling Blues (Tupelo Records/Harmonia Mundi)


Roland Tchakounté – Nguémé & Smiling Blues (Tupelo Records/Harmonia Mundi)

Le bluesman camerounais Roland Tchakouté nous présente son 6° opus intitulé Nguémé & Smiling Blues, poursuivant ainsi, dans sa langue maternelle le bamikélé, son cheminement à travers les méandres de la musique du diable qui lui fut révélée jadis par les enregistrements du maître en la matière, John Lee Hooker. Sa voix éraillée exprime, comme ses aînés américains, les épreuves (qui se traduit par nguémé en pidgin camerounais) que doivent traverser ceux qui souffrent et ses compositions sont marquées du sceau de ce blues électrique de Chicago, dont les sonorités puissantes et vigoureuses ont été immortalisées par les légendes Muddy Waters ou Buddy Guy.

Roland a rassemblé autour de lui une pléiade de pointures, on remarque notamment le guitariste Mick Ravassat qui détonnait déjà dans son précédent Blues Menessen et le claviériste Damien Cornelis, membre du désormais mythique combo soul/funk Malted Milk.

Les 13 titres de l’album explorent dans la lignée de Taj Mahal, une large palette de sentiments allant de la tristesse (Melena, Misery) à la joie de vivre (Nju Bwoh Man, Tchuite Blues Noum Seou) en passant par la célébration de l’Afrique des héros Nelson Mandela ou Kwame Nkrumah (Chubata Africa). Nguémé & Smiling Blues rapproche les peuples du blues, raccommodant les deux rives d’un océan aux contours incertains.

mercredi 14 octobre 2015

Tigana Santana – Tempo & Magma (Ajabu!)


Tigana Santana – Tempo & Magma (Ajabu!)

La voix fragile et délicate du chanteur-guitariste et philosophe bahianais Tigana Santana nous dévoile avec poésie et profondeur sa vision d’un Brésil encré dans ses racines africaines. Son troisième opus intitulé Tempo & Magma est un diptyque (Interior et Anterior) composé de 14 titres touchants et inspirés où convergent avec subtilité les folklores du Sénégal et de sa terre natale Salvador de Bahia. Malgré sa jeunesse, l’artiste s’exprime avec la sagesse folk un brin mystique des vieux routards, on le compare d’ailleurs au regretté Terry Callier avec son timbre grave, doux et suspendu. Imprégné par le Candomblé, religion vouant un culte aux orixas et se basant sur la croyance en l’existence d’une âme propre à la Nature, Tigana déploie une musique spirituelle, éthérée et essentielle où les rythmes fondateurs de l’Afrique interprétés par des musiciens sénégalais, maliens et guinéens sont enrichis avec élégance de ses arpèges de guitare entêtants et de son chant ensorceleur. Véritable chantre de la culture afro-brésilienne à l’image de l’immense percussionniste Nana Vasconcelos, notre griot a choisi dans ce projet d’incarner le Brésil à travers deux personnalités importantes, la chanteuse de Sao Polo Céu (que l’on peut entendre dans Nza (The Universe Created Itself) et There Is  A Balm Gilead /Luzingu) et la prêtresse du Candomblé Mae Stella Oxossi, dont l’aura et la pensée habitent Tempo & Magma tout entier.
 

mardi 13 octobre 2015

Quantic presents The Western Transient - Nordeste (single) (Tru Thoughts Records)

Quantic presents The Western Transient - Nordeste (single) (Tru Thoughts Records)

L'excellent Will Holland alias Quantic, fer de lance du désormais mythique label de Brighton Tru Thoughts nous offre une nouvelle pépite extraite de son dernier A New Constellation, un album de jazz instrumental mâtiné de soul et de funk, qu'il a enregistré à Los Angeles avec son projet The Western Transient. Faisant suite au premier single Creation (East LA), Nordeste nous plonge dans les sonorités issues des traditions musicales brésiliennes de l'état de Pernambouc, où percussions et cuivres sont rejoints par des guitares et des synthés au grain vintage, nous servant un latin jazz du plus bel effet.

Le titre est accompagné de son remix afro-deep-house orchestré par le producteur mexicain David Montoya et d'une version alternative de Lattitude, aux accents jazz classiques et envoutants, spécialement interprétée pour une célèbre station radio de LA.

mardi 6 octobre 2015

Natacha Atlas - Myriad Road (Mi'ster Productions/Decca/Universal)

Natacha Atlas - Myriad Road (Mi'ster Productions/Decca/Universal)

Le trompettiste hyper-productif Ibrahim Maalouf, qui nous offrait il y a peu ses deux derniers Kalthoum et Red & BlackLight nous invite à présent à redécouvrir une des divas orientales des plus emblématiques de ces dernières années, l'anglo-égyptienne Natacha Atlas. Bien loin des clichés orientalistes que la chanteuse a nourri pendant des années, le duo nous propose avec son sublime Myriad Road un album de jazz délicieusement teinté de reflets orientaux délicats et authentiques. Plus de la moitié de l'opus est interprétée en anglais, mais l'ensemble des 10 titres est pourtant habité de ces ondulations lascives et enivrantes propres au chant maqam, les envolées vocales de Natacha sont parfois reprises par la trompette micro-tonale d'Ibrahim dans un concert de swing élégant, métisse et entêtant.

On reconnait bien sûr l'écriture du musicien libanais, sa patte si sensuelle et inspirée est ici mise au service de la voix étonnante et puissante de l'ancienne égérie d'une scène electro/pop orientale qui ne lui permît finalement jamais de s'épanouir artistiquement. Le trompettiste a réuni pour l'occasion un quintet jazz pensé autour du batteur niçois André Ceccarelli et a convié des guests d'exception telles que le violoncelliste Vincent Ségal (Bumcello) et le tromboniste Robinson Khoury (Uptake).

Myriad Road est donc une renaissance, l'affirmation que Natacha Atlas est une artiste libre désormais extirpée du carcan dans lequel elle s'était enfermée depuis le début des années 90 avec l'ethno techno du fameux Transglobal Underground ou le trip-hop du producteur Nitin Sawhney, pionnier de la scène underground asiatique.


Django Reinhardt, Stéphane Grappelli - L'Intégrale du Quintette à cordes du Hot Club de France (Label Ouest/L'Autre Distribution)


Django Reinhardt, Stéphane Grappelli - L'Intégrale du Quintette à cordes du Hot Club de France (Label Ouest/L'Autre Distribution)


Dans une France de l'entre guerre, le guitariste Django Reinhardt et le violoniste Stéphane Grappelli fondent le Quintette du Hot Jazz de France, une formation composée de trois guitares, un violon et une contrebasse mêlant le jazz à la musique manouche. Remportant un succès populaire immédiat, le groupe se produit dans toute l'Europe croisant alors la fine fleur du jazz américain, comme le saxophoniste Coleman Hawkins ou le trompettiste Benny Carter.

L'Intégrale du Quintette à cordes du Hot Club de France rassemble pour la première fois l'ensemble de l'œuvre-phare des deux pionniers européens dans un coffret de 8 volumes répartis en 3 périodes: Les Débuts entre 1934 et 1935, L'Âge D'Or entre 1936 et 1939 et enfin L'Après-Guerre entre 1946 et 1948.

Parmi les 155 enregistrements entièrement remasterisés, on retient forcément les interprétations magistrales de Minor Swing (1937), Nuages (1946) ou Coquette (1946) qui malgré les années n'ont rien perdu de leur superbe.

A noter que l'initiative a été chaleureusement accueillie par les dignes héritiers de ces deux mastodontes du jazz manouche, Biréli Lagrène, Thomas Dutronc ou Didier Lockwood figurent déjà parmi les fans du projet.

vendredi 25 septembre 2015

Gilad Hekselman – Homes (Jazz Village/Harmonia Mundi)


Gilad Hekselman – Homes (Jazz Village/Harmonia Mundi)

Tombé au hasard de mes déambulations youtubiennes sur le superbe clip de sa reprise de Last Train Home composé par Pat Metheny, je découvrais alors un jeune jazzman en passe de devenir un géant ! D’origine israélienne et installé à New-York depuis une dizaine d’année, le guitariste Gilad Hekselman baptisé le « Petit Prince » de la six cordes publie son 5° opus intitulé Homes et enregistré avec ses fidèles complices le contrebassiste Joe Martin (pilier du Mingus Big Band) et le batteur Marcus Gilmore (petit fils et disciple du mythique Roy Haynes). Remarqué aux côtés de grands noms tels que Chris Potter, John Scofield ou encore Esperanza Spalding, il invite sur 2 titres une autre star du jazz nord américain, le batteur de Brad Mehldau, Jeff Ballard.

Ce qui frappe dès l’ouverture du disque avec le prélude éponyme Homes, c’est l’élégance et la rondeur du son de sa guitare. La fluidité du jeu de Gilad et la sophistication de son phrasé évoquent immanquablement le touché de Jim Hall, tandis que sa puissance mélodique le rapproche de Pat Metheny, un mentor à qui il empreinte un Last Train Home aux contours dépouillés et gracieux.

C’est à un magnifique voyage que nous convie le trio, un trip dans le temps et dans l’espace vers des destinations et des époques aussi diverses qu’exotiques, Parisian Thoroughfare (de Bud Powell) nous transporte au temps du bebop des années 50 à New York, alors que le titre fleuve Cosmic Patience nous replonge dans le jazz fusion des années 70 avec ses reflets psychédéliques… Le touchant Samba Em Preludio, écrit en 1962 par Baden Powell, nous bouleverse sur un air de bossa nova sublimé et magnifié par le guitariste au doigté magique et Keedee, mené d’une main droite de maître par Jeff Ballard, ballade son thème enjoué sur une polyrythmie africaine inspirée.

Homes est LA sensation de cette fin d’année 2015 !

jeudi 24 septembre 2015

Alan Stivell – Amzer (Seasons) (World Village/Harmonia Mundi)


Alan Stivell – Amzer (Seasons) (World Village/Harmonia Mundi)

A vrai dire, j’abordais l’écoute de ce disque à reculons… La musique celtique n’étant pas forcément ma panacée. Seulement voilà, le 24ième opus d’Alan Stivell intitulé Amzer ne se résume pas à cette classification, il s’agit d’une œuvre bien plus complexe aux ramifications multiples. Plongé dans un univers sonore organique et intimiste, l’auditeur se laisse rapidement séduire par les textures acoustiques et électroniques apaisantes plantées par le septuagénaire. Et c’est contemplatif et reposé qu’il entreprend son immersion dans un conte musical avant-folk aux reflets world, dédié aux poètes et à la Nature bienveillante, où le temps rythmé par les saisons se déploie sereinement, illustré par des bruissements expérimentaux, des chants d’oiseaux, des flûtes et des cordes enivrantes, des percussions discrètes et des voix comme suspendues en apesanteur. La poésie y tient une place prédominante, Alan rapproche pour la première fois sa culture bretonne, façonnée jadis dans les chants traditionnels gallois, irlandais et écossais, de la « zénitude » japonaise, 3 haïkus de printemps sont d’ailleurs récités en ouverture. Armé de sa harpe néo-celtique et toujours animé par le développement technologique, il s’interroge dans plusieurs langues et en utilisant des sons purs, archaïques et futuristes, sur le temps qui passe (Amzer en breton), sur l’évolution d’un monde semé de conflits et d’horreurs.  

Renault Garcia-Fons & Dorantes - Paseo a Dos (E-motive Records/L'Autre Distribution)


Renault Garcia-Fons & Dorantes - Paseo a Dos (E-motive Records/L'Autre Distribution)

Le contrebassiste Renault Garcia-Fons nous revient avec un nouveau projet intitulé Paseo a Dos. Comme l’indique le titre, il s’agit d’une collaboration menée étroitement avec le pianiste sévillan David Peña Dorantes, artiste virtuose perpétuant la tradition du flamenco héritée de la fameuse dynastie des musiciens gitans andalous, appelée Peña de Lebrija. Comme dans son précédent Linea Del Sur, Renault tisse avec brio et sophistication des liens entre les cultures, il nous invite avec son complice à partager la lumière radieuse de la méditerranée et de l’Amérique latine. Avec ou sans son archet, en frottant ou en pinçant les 5 cordes de son instrument, il empreinte tour à tour les sonorités du luth arabe, de la guitare espagnole ou du violon tzigane. Dorantes se sert du piano « comme d’une machine à écrire sur l’air », il élabore un jeu plus complexe et orchestral que le flamenco pur, à la lisière du jazz et de la musique classique, tout en gardant la fougue sanguine de ses origines. Le duo nous livre un opus puissant et sensuel, fruit d’une entente née sur scène et enfin gravée sur disque.

mercredi 23 septembre 2015

John Greaves – Verlaine Gisant (Signature/Harmonia Mundi)


John Greaves – Verlaine Gisant (Signature/Harmonia Mundi)

Le compositeur anglais installé en France depuis plus de 20 ans John Greaves, chanteur, bassiste et pianiste pionnier du rock avant-gardiste dans les années 70, clôt avec Verlaine Gisant, son triptyque consacré au poète maudit. Les textes qu’Emmanuel Tugny a écrits d’après l’œuvre de Gustave Le Rouge intitulée Les Derniers Jours de Paul Verlaine (1911), évoquent la lente agonie de Verlaine pris au piège de sa folie, de son génie et de sa déchéance. John et ses 11 musiciens les transforment en exquises chansons sophistiquées, imbibées de nostalgie, de mélancolie, de rage, de désespoir, de lucidité et d’exubérance. Le paysage sonore est bigarré, à l’ambiance d’opéra pop intimiste teinté de musique classique (Solo Alto) s’ajoutent des reflets punk, rock (Air de La Loire) et jazz (Merde). Théâtralisés par des compositions aussi bien douces et aériennes (La Poétesse) qu’acides et tranchantes (Autoportrait), les 13 titres sont servis par des voix hors norme. On note en effet aux côtés de John la présence d’Elise Caron et Jeanne Added (qui interprètent les femmes de la vie du poète) ainsi que Thomas de Pourquery (incarnant Verlaine).