Denis Levaillant / Piano solo - Blue Songs (DLM Editions & Distribution
Remarqué dans les milieux du cinéma (Alfred Hitchcock, Abdellatif Kechiche, Fritz Lang, Enki Bilal), de la danse, de la radio, de l'opéra et du théâtre, de la musique symphonique (Paysage de Conte), électronique (City Organix) ou bien du jazz (Les Passagers du Delta), le pianiste Denis Levaillant se joue des étiquettes et des codes. Excellant dans l'improvisation ou plutôt dans "l'art de composer dans l'instant",il envoute par ses orchestrations fluides et délicates, puis captive l'auditoire avec des compositions inspirées et accessibles, élaborées "hors des limites imposées par les contraintes de genre". Dans son opus Blue Songs, cet électron libre de la scène musicales classique contemporaine - pour qui la musique est "un art dramaturgique et cinématique" - nous livrait le 15 Mai 2022, 11 morceaux vibrants et poétiques, 11 "Parts" aux ambiances intimistes apaisantes et délicieusement familières, où la touche de l'artiste brille par sa retenue, sa tendresse, sa justesse et sa précision.
Depuis le débuts des années 90, Laurent Daumail alias Dj Cam, patron de labels, disc-jockey et producteur devenu incontournable sur les scènes électroniques underground, associe avec brio son penchant viscéral pour le hip-hop et le jazz, au dub, à l'ambient et à la house music, enrichissant ses créations aux sonoritéssoulful, de nuances pop et folk captivantes voire hypnotiques. Entouré de piliers du jazz francophone (Alexandre Tassel, Christian Brun, Jerome Regard, et Eric Legnini), il forme au milieu des années 2000 le Dj Cam Quartet, menant parallèlement plusieurs projets parmi lesquels figurent de nombreuses compilations, dont la dernière en date avec le Dj/sommelier Frédéric Beneix intitulée Wine4Melomanes et parue sur l'excellent BBE Records. Le 20 janvier 2023, sortait sur le mystérieux Attytude Records que Dj Cam fondait en 2019, WESTSIDE GUN SOUL, une collection de 11 productions instrumentales aux tendances hip-hop, mâtinées de soul ("The Pain", "The First Night"), de jazz ("Be There") et de blues ("Uzi's Lament"), comme inspirées d'une B.O. de Curtis Mayfield, Willie Hutch ou Marvin Gaye. 11 petites perles musicales plus sensuelles les unes que les autres, à l'élaboration soignée et aux samples inspirés, où planent les spectres bienveillants de Nina Simone, des Delfonics et même de J Dilla, Michel Legrand ou François de Roubaix... 20 minutes de pur plaisir!
"Suffering" est l'un des bijoux de WESTSIDE GUN SOUL... Ecoutez, vous comprendrez.
Le pianiste lyonnais Nicolas Peiron, à qui l'on doit notamment la bande originale festive du court métrage au 46 récompenses, Hors Piste (2018), nous présentait le 21 Janvier dernier - dans un tout autre registre - son tendre et intimiste Bedroom Session #2, second recueil d'enregistrements captés dans sa chambre et masterisés par Julien Bassières au Studio de Meudon.
Membre de la formation psyché pop Arche et moitié du duo électro-jazz Alpha Cassiopiae, le compositeur aux vastes horizons musicaux nous offre ici un moment de douceur et de poésie où le temps semble arrêter sa course folle. Les mélodies qu'il élabore au piano et en solo, hypnotiques et familières, nous invitent à déambuler paisiblement dans un univers sonore immersif et cinématographique, où les spectres de Ludovico Einaudi et Yann Tiersen semblent planer avec bienveillance.
Gilles Erhart, Benjamin Faugloire - Histoire (Jazz Family)
Paru le 08 Octobre dernier chez Jazz Family, Histoire nous est proposé par un tandem de pianistes français, des musiciens de haut vol expérimentés dans bien des domaines. Ce recueil émouvant de 9 compositions autobiographiques écrites par Gilles Ehrart, croise avec tendresse ses souvenirs de famille à une belle histoire d'amitié, née il y a près de 20 ans. En effet, avec son ancien élève, devenu partenaire de jeu, Benjamin Faugloire, Gilles célèbre la mémoire de ceux qui l'ont accompagné et qui le soutiennent encore. Ensemble, ils élaborent un récit ponctué de nostalgie et de mélancolie, de douceur et de reconnaissance, où complicité et filiation coulent de source. Avec ses mélodies touchantes paraissant si familières et ses ambiances profondément intimistes, le disque délivre une musique très visuelle et inspirante. Les deux artistes, voguant sur les mêmes longueurs d'ondes, accordent à merveille les saveurs d'un jazz ample et poétique, la puissance évocatrice de la musique de film et l'universalité de la musique classique occidentale.
Stefano di Battista - Morricone Stories (Warner Music)
Après les projets de Ferruccio Spinetti et Giovanni Ceccarelli en Septembre dernier, puis plus récemment du Blazin’ Quartetde Srdjan Ivanovic, c’est au tour de l’immense saxophoniste romain Stefano Di Battista, personnalité de premier plan de la scène jazz européenne, de rendre hommage à son compatriote, le célèbre Ennio Morricone, disparu à Rome le 06 Juillet 2020.
Dans Morricone Stories, Stefano aborde, avec le génie et l’élégance qu’on lui connaît, des thèmes plus ou moins connus du compositeur italien, les transformant en standards de jazz raffinés et surprenants, à l’instar de sa reprise de “Costa avete fatto a Solange ?” de 1972 (titre principal du giallo oublié du réalisateur Massimo Dallamano), qui ouvre le disque magistralement en alignant un swing des plus prenants. La mélodie absolument captivante d’Ennio est ici sublimée par des arrangements subtiles, où s’expriment l’interprétation et la complicité sans faille d’un line up de haut vol.
En effet, aux côtés du saxophoniste - qui passe en fonction des humeurs de l’alto au soprano - brillent les harmonies somptueuses et délicates du pianiste Fred Nardin. A la rythmique, le monstre sacré André Ceccarelli est épaulé par le contrebassiste napolitain Daniele Sorrentino, un tandem de choc qui œuvre avec brio, tout en finesse et en retenue.
Des ballades à la ritournelle pop intemporelle comme l’inoubliable “Gabriel’s Oboe” - extraite du film The Mission de Roland Joffé (Palme d’or en 1986) - débordent de tendresse et de sérénité, nous faisant presque oublier le jeu véloce et fougueux auquel le soliste nous avait si souvent habitué. Cependant dans “Peur sur la ville” thème principal du thriller de Verneuil (1975), Di Battista retrouve sa verve, avec un lyrisme déchirant qui s’étire sur les motifs obsédants de la section rythmique également repris par Fred. On se retrouve alors à traquer Minos auprès de Belmondo, sur cet air angoissant si familier et complètement immersif!
Duplessy & The Violins of The World - Brothers of Strings (Absilone)
Le compositeur et guitariste multi-instrumentiste français Mathias Duplessy nous revient avec Brothers of String, troisième volet de sa saga Duplessy & The Violins of The World, projet initié en 2009 avec le maître incontesté de la vièle chinoise 'erhu' Guo Gan, le chanteur mongol virtuose du morin khuur (vièle à tête de cheval) Enkhjargal Dandarvaanchig (dit Epi) et Aliocha, violoniste parisien s'illustrant ici au nickelharpa, vièle d'origine suédoise. Ensemble ils combinent avec brio - et non sans humour - les sonorités world héritées des steppes d'Asie Centrale, aux ambiances de western spaghetti ("The Good, The Bad and the Ugly")léguées, entre autre, par Ennio Morricone. Passant par les nuances celtiques du rock de Mark Knopfler ("Brothers In Arms"), les saveurs sucrées d'un "Texas Boléro" mariné à la sauce barbecue ou encore par les fulgurances manouches des "Chinese Dumplings", le quartet bouscule les codes sans froisser les harmonies. Les frontières entre les genres, les continents et les époques volent en éclats dans cet opus riche et touchant, qui relie comme si c'était une évidence la valse à 3 temps ("A Japanese in Paris", 'Oriental Little Paris") au blues ("Good Morning Guangzhou") et la folk music nord américaine("Horizon Blues"), la fête tzigane ("Chiken Del") et les folklores chinois et mongol au flamenco andalou ("Gibraltar"). Un beau voyage!
Il y a peu, nous évoquions ici-même, la sortie de The Flood and the Fate of the Fish, dernier opus du compositeur libanais Rabih Abou-Khalil, c'est au tour d'un autre prodige du oud de nous ouvrir les portes de son univers musicale détonnant et singulier, le jeune Hussam Aliwat publiera en effet le 18 Octobre prochain Born Now, projet hybride et protéiforme où se mêlent un tas d'influences allant d'une musique arabo-andalouse inspirée et raffinée ("Out of The Blue"), à un rock décapant des plus brûlants ("They Who Dare", "Gently Wild"), le tout élaboré grâce à un esprit d'ouverture typiquement jazz. Si bon nombre de titres se dévoilent comme les extraits de la bande-son d'un film imaginaire, tantôt oppressante, hypnotique et inquiétante (The Passerby" et "Failling from The Moon") tantôt planante et poétique ("Intro", "The March Of The Lunatic"), d'autres entretiennent une fusion jazz/rock efficace et immédiate ("Black Birds", "Born Now"). A noter qu'à ses côtés figurent les violoncellistes Sary Khalifé et Raphaël Jouan, ainsi que le batteur Nicolas Goussot... Un quartet étonnant!
Belle découverte!
Pierre Daven-Keller - Kino Music (Kwaidan Records)
Kino Music est le quatrième opus que l'auteur, arrangeur, producteur et multi-instrumentiste Pierre Bondu publie sous son alias Pierre Daven-Keller. Partenaire sur scène et en studio de Dominique A, Philippe Katerine et Miossec, il compose en 2001 la musique du long métrage de Catherine Corsini, La Répétition, il s'agissait alors de ses premiers pas dans le milieu cinématographique.
Avec son esthétique s'orientant délibérément vers les musiques de films des années 60 et 70, Kino Music - succèdant à Réaction A, Réaction B et Réaction C, 3 albums tantôt orientés chanson pop, tantôt composé d'une suite de pièces pour quatuor à cordes, percussions, clavecin et piano -plonge d'emblée l'auditeur dans l'univers instrumental intemporel des colonne sonore italiennes, avec en filigrane l'oeuvre magistrale d'Ennio Morricone qui surgie ça et là, entre autres réminiscences bossa nova et samba ("Melancholia", "Intermezzo Retro", "Tatoo Totem") et pop psychédélique ("Champ Magnétique", "Dakota Jim" ou "Farfisa"). Les spectres de François de Roubaix, Michel Magne, Eric Demarsan, Georges Delerue et même Serge Gainsbourg (période Histoire de Mélody Nelson) planent également au dessus de ce sublime recueil de 14 compositions touchantes et envoûtantes, que les voix sensuelles et accrocheuses d'Helena Noguerra, Ariel Dombasle et Maeva Galantier participent à rendre unique et captivant. Des mélodies inoubliables resteront gravées dans les esprits des plus nostalgiques, à l'image de "Corniche Kennedy" et ses textures sonores attendrissantes, traversée par des cuivres, clavecin et autres cordes...
Gabriel Westphal - Petites Histoires (Music Box Publishing)
Le batteur multi-instrumentiste et compositeur aubergenvillois Gabriel Westphal nous présente chez Music Box Publishing son premier opus baptisé Petites Histoires, un recueil de 18 compositions touchantes et vibrantes, des ballades acoustiques empreintes d'une douce nostalgie qui nous replonge dans l'univers intimiste et poétique du cirque familial itinérant de notre enfance, pas celui des grands spectacles bourrés d'acrobaties vertigineuses et de tours invraisemblables, mais celui plus délicat du théâtre d'objets, des marionnettes et des jongleries. Entouré de 3 complices, Antoine Laudière (guitares, banjo), Eric Allard-Jacquin (accordéon) et Arthur Henn (contrebasse, mandoline), notre équilibriste - récemment repéré aux côtés d'Ellinoa - s'inspire librement des monstres sacrés de la musique à l'image, de Nino Rota à Hans Zimmer en passant par Yann Tiersen, flirtant avec le blues et les nuances enjouées du bal musette,des valses napolitaines, du latin jazz et du swing manouche. Souvent, son écriture évoque les thèmes principaux de bandes originales de films inoubliables comme Le Parrain, Les Valseuses ou encore Sherlock Holmes. Ses mélodies envoûtantes convoquent immanquablement les spectres de Stéphane Grappelli, Edith Piaf et Léo Ferré,ou de Marcel Azzola et Richard Galliano, elles nous évoquent également la romance du 18° et 19° siècle,les ambiances de cabaret ou le défilé des fanfares de guggenmusik...
C'est beau et profondément rafraîchissant !
Ligne Sud Trio & Guests - Musiques de Film & Jazz (Cristal Records/Sony Music)
Le pianiste et arrangeur marseillais Christian Gaubert, remarqué dès la fin des années 60 auprès des figures emblématiques de la variété française - Charles Aznavour, Gilbert Bécaud, Mireille Mathieu, Mort Shuman, ou encre Nicole Croisille - s'est également illustré en tant que compositeur pour le cinéma et la télévision. Auteur du célèbre thème de Nestor Burma, il a mis en musique les images de Michel Deville, Bob Swaim ou encore Pierre Courrège, et a longtemps collaboré avec l'immense Francis Lai, disparu il y a peu.
Dans ce balai incessant entre image et musique, le jazz y occupe bien sûr une place toute particulière. A la tête du Ligne Sud Trio, qu'ilforme avec les incontournables André Ceccarelli à la batterie et Diego Imbert à la basse, Christian a souhaité dans ce troisième opus célébrer cette démarche que développent depuis toujours les jazzmen, cette approche artistique qui consiste à s'approprier, en y injectant swing, groove et improvisations, des thèmes de films ou de comédies musicales, qui pour la plupart passent à la postérité. Musiques de Film & Jazz propose ainsi une suite de 12 interprétations aux arrangements tous plus brillants les uns que les autres, revisitant des standards absolus du cinéma légués par les piliers du genre, tels que Michel Legrand (RIP), Vladimir Cosma, John Williams ou encore Henry Mancini.
Entouré de quelques invités aux interventions d'une rare justesse (le fils Julien Gaubert à la guitare, Thomas Savyau saxophone, Christophe Leloilà la trompette et Karine Michel au chant) le Ligne Sud Trio livre un disque éblouissant d'élégance et gorgé d'émotions.
Une mention spéciale pour "The Little Girl Who Lives Down The Lane", écrit en 1976 par Christian pour le film du même nom de Nicolas Gessner, morceau qui ravira les amateurs de saveurs funk 70's.
Ibrahim Maalouf - Levantine Symphony N°1 (Mi'ster Ibe/Universal Music France)
Certains le considèrent comme une superstar du jazz hexagonal et d'autres l'étiquettent comme artiste world... Quoiqu'il en soit, en une dizaine d'années, Ibrahim Maaloufa su s'inscrire durablement dans le paysage musical français. Avec 10 albums studio au compteur et 2 lives, quasiment tous parus sur son propre label Mi'ster Ibe, il œuvre depuis ses débuts pour le dialogue interculturel entre les mondes arabe et occidental, cherchant également à travers son enseignement à réintégrer la pratique de l'improvisation, qui selon lui n'existe plus guère, depuis plus d'un siècle et demi, dans le système d'éducation musicale d'inspiration européenne.
Le trompettiste franco-libanais nous revient après son hommage à Dalida paru l'an passée, avec un nouveau projet bousculant une nouvelle fois les codes traditionnels. S'il s'illustre depuis 5 ans dans des registres aussi divers que le rock (Illusions 2013), le slam (Au Pays d'Alice 2014), la musique égyptienne (Kalthoum 2015, Myriad Road de Natacha Atlas 2015) la pop et l'électro (Red & Black Light 2015), collectionnant les collaborations plus prestigieuses les unes que les autres (20Syl, Julien Alour, Christophe Walemme, Ludovico Einaudi, Sting et j'en passe), c'est sur la musique symphonique qu'il jette cette fois ci son dévolu avec l'épique et lyrique Levantine Symphony N°1.
Composée au piano, comme un hommage aux cultures et aux pays du Levant (de la Turquie au Moyen-Orient, en passant par le Liban) la partition aux multiples influences a été enregistrée avec son quartet d'acolytes (François Delporte à la guitare, Frank Woeste au Fender Rhodes et Stéphane Galland à la batterie) ainsi que les 60 membres du Paris Symphonic Orchestra,le chœur d'enfants de la Maîtrise des Hauts de Seine et un ensemble de 5 trompettes microtonales.
S'y côtoient des ambiances cinématographiquesinspirées et magistrales, évoluant au travers de combinaisons mélodiques singulières aux accents acoustiques et électriques, où se mêlent avec éclectisme des sonorités empreintes à la fois de musique classique, de jazz, de groove, d'Occident et d'Orient...
Un nouveau tour de force!
Le producteur anglais James Wilson alias Boxworknous revient via son propre label avec Heading North, bande-originale d'un court-métrage du même nom, réalisé pour la marque de vêtements de sport, Albion. Racontant l'histoire d'un cycliste qui, partant de Londres, tente de rejoindre en moins de 24 heures la ville d'Édimbourg, le film est porté par une musique immersive, piochant ses sonorités et ses atmosphères hypnotiques dans les registres de l'ambient, de l'electronica, de la folk et de la minimal. La force de l'opus est d'avoir su capter et restituer l'essence, la beauté, la singularité et le caractère entourant les paysages, la météo et la nature anglaise.
The Library Archive-From The Vaults Of Cavendish Music (BBE Records)
BBE Records nous présente une nouvelle collection de raretés extraites du fameux catalogue de la société d'éditions et de productions musicales destinées aux professionnels de l'audiovisuel et des médias, Cavendish Music. Il s'agit peut-être d'un nom qui ne vous dit pas grand chose, mais qui se cache pourtant derrière les musiques de films emblématiques tels que Gravity, Mad Max ou encore Edge Of Tomorow, les génériques d'émissions TV cultes comme Top Gear entre autres bandes-sonpublicitaires... Bref un véritable empire qui a vu le jour en 1937 sous le nom de Boosey & Hawkes Recorded Music Library et qui a su depuis se hisser au rang du plus grand éditeur musical indépendant du Royaume Uni.
Lors de son âge d'or dans les années 60 et 70, la Library Music (qui n'est pas un genre, mais un monde musical parallèle où toutes les musiques sont représentées) a fourni, pour des compagnies comme Cavendish, Sonoton, De Woife, Amphonic ou encore Conroy, une quantité astronautique de titres instrumentaux conçus par des compositeurs de l'ombre, alimentant ainsi des banques de données analogiques précieuses, classées par thèmes ou ambiances, destinées à l’illustration sonore pour la radio, le cinéma et la télévision...
Inaccessible pour le grand public, ce n'est que tout récemment que certains DJs en quête du sample parfait, se sont penchés sur ce trésors bien gardé, donnant ainsi ses lettres de noblesse à une musique dite "fonctionnelle" de très bonne facture et témoin de son temps.
En 2014, le producteur hip-hopMr Thing et le compositeur multi-instrumentiste Chris Read furent les premiers à être invités à explorer les archives de Cavendish Music, en tant que participants à Samplethon organisé par le célèbre site WhoSampled, évènement durant lequel des producteurs devaient imaginer, dans un contre-la-montre, de nouveaux titres à partir de matériaux échantillonnés.
Dans le cadre de leurs écoutes, les deux mélomanes britanniques ont découvert bon nombre d'enregistrements remarquables et hors du temps, faisant pour certains penser aux thèmes de Lalo Schifrin ou à des recherches hip-hop instrumentales avant même que n'existe le terme de beatmaker, et pour d'autres à des moments jazz, latin et funk raffinés et finement ouvragés.
Ces monuments degroove et de swing se devaient d'être partagés avec une plus large audience.
C'est précisément ce que nous proposent nos deux crate diggers dans un double LP baptisé The Library Archive - From The Vaults Of Cavendish Music, une compilation soignée aux sonorités 70's, rassemblant une myriade de joyaux pour la plupart composés par le chef d'orchestre canadien Dennis Farnon, figure emblématique de la library music.
Nous retiendrons le groove aphrodisiaque et cinématique de "Funkrund" orchestré en 1975 par The Cavendish Orchestra, un des multiples groupes à géométrie variable opérant sur commande au sein de Cavendish Music, à l'instar de The New Dance Orchestra, ensemble plus punchy et psyché nous offrant, entre autres interprétations instrumentales, l'excellent "Lady Killers"...
Armel Dupas - A Night Walk (Upriver Records/L'Autre Distribution)
Le délicat Armel Dupas, pianiste et claviériste nantais qui nous avait conquis en 2015 avec son intime UpRiver, nous revient avec un nouveau projet baptisé A Night Walk. Elaboré en trio avec le batteur Mathieu Penot et le bassiste Kenny Ruby, l'album exprime avec brio l'ampleur des explorations sonores menées par le jazzman aventurier, des recherches musicales électroacoustiques et cinématiquesélégantes qui tracent ici les contours d'un univers contemplatifsombre et mystérieux, ample, intimiste et poétique, parfois semé d'urgences prog-rock et de fulgurances jazz-fusion. La profondeur des mélodies, habitées de mélancolie et de douceur, envoute l'auditeur les huit titres durant, enchaînant les instants ambient aux nappes de claviers nébuleuses avec des rythmiques electronica aux sonorités organiques et des rugissements rock épiques.
Le disque sonne comme la bande-son d'un film imaginaire et sa pochette, réalisée par Quentin Delobel, nous donne le la, libre à chacun d'écrire la suite.
Primitive London - Planet Savage (Fresh Sound "New Talent"/Socadisc)
Le quartet franco-britannique Primitive London nous livre via Fresh Sound "New Talent" son opus Planet Savage, un recueil de 12 titres jazz aux sonorités psychédéliques rendant hommage à l'immense catalogue de la Library Music anglaise, dont les fonds sonores de tous genres illustraient les reportages, les spots publicitaires et les génériques TV ou servaient simplement d'interludes dans les émissions radio. Réservés aux professionnels de l’image et du son, ces pépites musicales des années 60 et 70, oubliées et restées confidentielles, deviennent une source d'inspiration quasi inépuisable pour nos 4 jeunes larrons, qui élaborent ainsi une succession de scènes aux textures jazz surprenantes et imprévisibles, mêlant habilement les univers de la pop, du free jazz, des musiques électroniques et savantes. Pilotée par le trompettiste/producteur électro Antoine Berjeaut et le saxophoniste Robin Fincker, la formation se compose des anglais Jim Hart à la batterie et Kit Downes au piano et claviers, rejoints sur 3 pistes par le poète et rappeur de Birmingham Juice Aleem, ainsi que par la chanteuse d'origine irlandaise Diane Sorel dans le sublime "Car Wash".
Le tandem, associant la diva anglaise Harleighblu aux producteurs californiens Starkiller,accouchait fin 2016 d'un long format baptisé Amorine. Une collaboration fructueuse qui sera relayée par le single "Killing My Heart" etl'EP Save Me, dont parlions en Février dernier.
Tru Thoughts sortait le 12 Avril dernier une nouvelle rencontre au sommet de ce trio de choc, en effet C.E. Garcia et Alfredo E. Fratti se sont penchés sur le morceau "Tell 'Em" que la chanteuse soul nous présentait en Mai 2016 dans son EP Futurespective Pt.3 et dans lequel elle œuvrait auprès du multi-instrumentiste J-Felix.
Les américains basés à L.A.nous en livrent une version complètement "ré-imaginée" où la voix racée et vibrante d'Harleighblu demeure, mais où l'orchestration vintage y est beaucoup plus cinématique et psychédélique, rappelant l'atmosphère rétro d'une bande-son d'un François de Roubaix ou la signature de leur illustre complice, Adrian Younge.
Invaders - Carnival Of Sounds (Il Monstro/L'Autre Distribution)
Inspirés par le film d'épouvante américain de Herk Harvey, Carnival Of Souls, sorti en salle en 1962 avec dans le rôle principal l'actrice Candace Hilligoss, le batteur Nicolas Courret et le claviériste David Euverte publient Carnival Of Sounds, un album sombre et abyssal en forme de bande-son imaginaire retro-futuriste renouant avec la tradition des oeuvres crépusculaires et angoissantes de John Carpenter. Mêlant sonorités analogiques et musique électronique, Invaders élabore des ambiances cinématiques aux nuancestrip-hop ("Hey Johnny, Who's The Doll?"), pop rock ("Carnival Of ounds (Main Title)"), ambient ("Shivers In The Emporium") et cosmic disco ("Mary-Go-Round"), alternant tour à tour les textures subaquatiques, planantes et brumeuses hantées de synthés fantomatiques captivants.
Le jeune pianiste italien Claudio Filippini nous offre son nouveau projet intitulé Overflight. Il s'agit d'un album mené en solo derrière son instrument de prédilection, qu'il fait virevolter au gré de ses 12 titres emplis de grâce et de volupté. Se jouant des styles et des époques, il navigue avec une aisance et une élégance déconcertante à travers les genres, flirtant autant avec des thèmes inspirés ou empruntés à la musique classique ("Sonata N. 14 - Opera 27 N. 2 - 2nd Mov."), qu'avec des mélodies dignes des meilleures bandes originales de films ("Voilà"), des berceuses envoutantes et bouleversantes ("El Noi De La Mare") ou des instants jazz subtils et raffinés ("Haze"). Que Claudio improvise ("Impro K 135"), compose ("Phantom Zone") ou interprète ("Le Tombeau De Couperin - Forlane" de Maurice Ravel), il le fait toujours avec le souci de séduire son auditeur et le désir d'exprimer son profond respect pour ses maîtres à jouer. Il se livre et dévoile ses influences, ses références, mettant sa virtuosité délicate au service d'une expression retenue et sensible. Un hommage touchant et vibrant à la Musique !
Adrian Younge presents The Electronique Void - Black Noise (Linear Labs)
Découvert dans son récent Something About April II paru fin 2015, le multi-instrumentiste californien Adriane Younge revient avec un nouveau projet intitulé ...The Electronique Void - Black Noise. S'il se penchait jusqu'à maintenant sur ses connections avec le milieu hip-hop, l'exploration des musique psychédéliques ou encore des sonorités soul/funk largement influencées par la culture Blaxploitation (on se souvient du disque Adrian Younge Presents The Delfonics sorti en 2013), l'apôtre des claviers vintage s'oriente aujourd'hui vers l'électro des pionniers (il cite d'ailleurs comme influences Dick Hyman et Wendy Carlos pour leurs expérimentations sur le synthétiseur modulaire Moog ou Raymond Scott ("Fly Away") et sa multitude d'inventions comme le clavivox) ainsi que celle des bandes originales de films de la fin des années 70 et 80 (on pense bien sûr aux ambiances de John Carpenter "Voltage Controlled"). Le cinéma toujours en toile de fond et le grain analogique qui lui tient tant à cœur sont les composantes essentielles de ses travaux.
The Electronique Void - Black Noise, entièrement enregistré avec des instruments électroniques et boîtes à rythmes d'époque (hormis quelques mesures de batterie jouées en live "System"), rappelle à certains moments les recherches sonores anglaises des ateliers radiophoniques de la BBC ("Black Noise Interlude") et de la formation avant-gardiste White Noise ("The Concept Of Love"), puis ailleurs celles des monstres sacrés allemands Klaus Schulze et Conrad Schnitzler...
Cependant, malgré ses intentions expérimentales, Adrian parvient à produire un album accessible, accordant un soin particulier à l'élaboration de ses mélodies et de ses atmosphères ("Suicidal Love").
The Olympians - The Olympians (Daptone Records/Differ-Ant)
La célèbre maison de disques de Brooklyn Daptone Records pourra désormais compter parmi son excellent catalogue une nouvelle formation instrumentale aux sonorités 70's baptisée The Olympians. Dirigé par le pianiste et vibraphoniste Toby Pazner, le projet s'inscrit dans la lignée des orchestres de l'écurie new-yorkaise Menahan Street Band et TheBudos Band (dont certains membres se retrouvent embarqués ici), à la différence que son leader se focalise davantage sur une empreinte sonore soul jazz directement héritée de la Motown, évitant toutes contaminations aux beats afro de Fela ou aux grooves éthio de Mulatu.
L'album au titre éponyme se compose de 11 pièces somptueuses et majestueuses servies par l'élite de la famille Daptone, à savoir les musiciens de Lee Fields, Sharon Jones, Charles Bradley. S'y côtoient ainsi Thomas Brenneck à la guitare, Dave Guy à la trompette, Leon Michels et Neal Sugarman aux saxophones, Nicholas Movshon à la basse, Homer Steinweiss et Evan Pazner à la batterie, lesquels sont rejoints par des violonistes, violoncellistes et harpistes. Une équipe de haut vol managée par Michael Leonhart, ayant œuvré à la direction musicale, aux arrangements ou à la trompette aux côtés de Donald Fagen, Mark Ronson, David Byrne, Meryl Streep, Aloe Blacc, Yoko Ono, Rufus Wainwright...J'en passe et des meilleurs.
Souhaitant raconter l'histoire des dieux de l'Olympe après avoir été inspiré par un mystérieux messager venu hanter ses nuits lors d'une tournée dans les îles grecques, Toby a imaginé la bande-son de cette aventure mystique, un joyau instrumental d'une quarantaine de minutes à peine (seul regret) qui personnellement me fait plus penser à Lalo Schifrin ou à la musique d'un film de la période Blaxploitation façon Curtis Mayfield ou Isaac Hayes ("Sirens Of Jupiter" par exemple) plutôt qu'à un hommage au panthéon gréco-romain, bien que j'admette que des morceaux comme "Apollo's Mood", "Neptune" ou "Europa and the Bull" nous fassent prendre de la hauteur... Un petit faible pour la ballade intimiste et mélancolique "Pluto's Lament".