Gilad Hekselman – Homes (Jazz Village/Harmonia
Mundi)
Tombé au hasard de mes déambulations youtubiennes sur le
superbe clip de sa reprise de Last Train Home composé par Pat Metheny, je
découvrais alors un jeune jazzman en passe de devenir un géant ! D’origine
israélienne et installé à New-York depuis une dizaine d’année, le guitariste Gilad Hekselman baptisé le « Petit Prince » de la six cordes
publie son 5° opus intitulé Homes et
enregistré avec ses fidèles complices le contrebassiste Joe Martin (pilier du Mingus Big Band) et le batteur Marcus Gilmore (petit fils et disciple
du mythique Roy Haynes). Remarqué aux côtés de grands noms tels que Chris
Potter, John Scofield ou encore Esperanza Spalding, il invite sur 2 titres une
autre star du jazz nord américain, le batteur de Brad Mehldau, Jeff Ballard.
Ce qui frappe dès l’ouverture du disque avec le prélude
éponyme Homes, c’est l’élégance et la
rondeur du son de sa guitare. La fluidité du jeu de Gilad et la sophistication de son phrasé évoquent immanquablement
le touché de Jim Hall, tandis que sa
puissance mélodique le rapproche de Pat
Metheny, un mentor à qui il empreinte un Last Train Home aux contours dépouillés et gracieux.
C’est à un magnifique voyage que nous convie le trio, un
trip dans le temps et dans l’espace vers des destinations et des époques aussi
diverses qu’exotiques, Parisian
Thoroughfare (de Bud Powell) nous
transporte au temps du bebop des
années 50 à New York, alors que le titre fleuve Cosmic Patience nous replonge dans le jazz fusion des années 70 avec ses reflets psychédéliques… Le touchant Samba Em Preludio, écrit en 1962 par Baden Powell, nous bouleverse sur un air de bossa nova sublimé et magnifié par le guitariste au doigté magique
et Keedee, mené d’une main droite de
maître par Jeff Ballard, ballade son
thème enjoué sur une polyrythmie africaine
inspirée.
Homes est LA sensation de cette fin d’année 2015 !
Alan
Stivell – Amzer (Seasons) (World Village/Harmonia Mundi)
A vrai dire, j’abordais l’écoute de ce disque à reculons… La
musique celtique n’étant pas
forcément ma panacée. Seulement voilà, le 24ième opus d’Alan Stivell intitulé Amzer ne se résume pas à cette
classification, il s’agit d’une œuvre bien plus complexe aux ramifications
multiples. Plongé dans un univers sonore
organique et intimiste, l’auditeur se laisse rapidement séduire par les textures acoustiques et électroniques
apaisantes plantées par le septuagénaire. Et c’est contemplatif et reposé
qu’il entreprend son immersion dans un conte
musical avant-folk aux reflets world, dédié aux poètes et à la Nature
bienveillante, où le temps rythmé par les saisons se déploie sereinement,
illustré par des bruissements
expérimentaux, des chants d’oiseaux,
des flûtes et des cordes enivrantes,
des percussions discrètes et des voix comme suspendues en apesanteur. La
poésie y tient une place prédominante,
Alan rapproche pour la première fois
sa culture bretonne, façonnée jadis dans les chants traditionnels gallois,
irlandais et écossais, de la « zénitude »
japonaise, 3 haïkus de printemps sont d’ailleurs récités en ouverture. Armé de
sa harpe néo-celtique et toujours
animé par le développement technologique, il s’interroge dans plusieurs langues
et en utilisant des sons purs,
archaïques et futuristes, sur le temps qui passe (Amzer en breton), sur l’évolution d’un monde semé de conflits et d’horreurs.
Renault Garcia-Fons
& Dorantes - Paseo a Dos (E-motive Records/L'Autre Distribution)
Le contrebassiste Renault
Garcia-Fons nous revient avec un nouveau projet intitulé Paseo a Dos. Comme l’indique le titre,
il s’agit d’une collaboration menée étroitement avec le pianiste sévillan David PeñaDorantes, artiste virtuose perpétuant la tradition du flamenco héritée de la fameuse dynastie
des musiciens gitans andalous, appelée Peña de Lebrija. Comme dans son précédent Linea Del Sur, Renault
tisse avec brio et sophistication des liens entre les cultures, il nous invite
avec son complice à partager la lumière radieuse de la méditerranée et de l’Amérique
latine. Avec ou sans son archet, en frottant ou en pinçant les 5 cordes de
son instrument, il empreinte tour à tour les sonorités du luth arabe, de la
guitare espagnole ou du violon tzigane. Dorantes
se sert du piano « comme d’une machine à écrire sur l’air », il
élabore un jeu plus complexe et orchestral que le flamenco pur, à la lisière du jazz et de la musique
classique, tout en gardant la fougue sanguine de ses origines. Le duo nous
livre un opus puissant et sensuel, fruit d’une entente née sur scène et enfin
gravée sur disque.
John Greaves – Verlaine Gisant (Signature/Harmonia Mundi)
Le compositeur anglais installé en France depuis plus de 20
ans John Greaves, chanteur, bassiste
et pianiste pionnier du rock avant-gardiste dans les années 70, clôt avec Verlaine Gisant, son triptyque consacré
au poète maudit. Les textes qu’Emmanuel
Tugny a écrits d’après l’œuvre de Gustave
Le Rouge intitulée Les Derniers
Jours de Paul Verlaine (1911), évoquent la lente agonie de Verlaine pris au
piège de sa folie, de son génie et de sa déchéance. John et ses 11 musiciens les transforment en exquises chansons sophistiquées, imbibées de nostalgie, de mélancolie,
de rage, de désespoir, de lucidité et d’exubérance. Le paysage sonore est
bigarré, à l’ambiance d’opéra pop
intimiste teinté de musique
classique (Solo Alto) s’ajoutent des reflets punk, rock (Air de La Loire) et jazz (Merde). Théâtralisés par des compositions aussi bien douces et
aériennes (La Poétesse) qu’acides et
tranchantes (Autoportrait), les 13
titres sont servis par des voix hors norme. On note en effet aux côtés de John la présence d’Elise Caron et Jeanne Added (qui
interprètent les femmes de la vie du poète) ainsi que Thomas de Pourquery (incarnant Verlaine).
Le sextet lyonnais Polymorphie
dirigée par le saxophoniste Romain
Dugelay, nous présente son dernier projet intitulé Cellule. Objet sonore difficilement classifiable, le projet met en
musique des textes d'Oscar Wilde (OW1 et OW5), de Paul Verlaine (Paul) ou d'un parfait inconnu nommé Xavier (Xavier), écrits en détention et questionnant en français ou en anglaisla condition carcérale. Arborant des influences
aussi diverses qu’inédites, du rock distordu
à la poésie urbaine, en passant par
la noise, l’électro et le jazz contemporain,
la formation bouscule et tranche dans le vif (OW3 et OW4). Parfois,
lorsque la guitare et les claviers ne vrombissent plus et que les saxophones cessent
de s’égosiller, le slam de Marine Pellegriniimpose un calme inquiétant et pesant, exprimant
avec force les sentiments d’enfermement, d’attente et de désespoir.
Disparu brutalement en juillet dernier alors qu’il se
produisait sur la scène du festival Saveurs Jazz près d’Angers, le pianiste
anglais John Taylor nous revient pourtant en ce mois de Septembre 2015 grâce à la sortie de son très beau projet posthume 2081, enregistré en famille avec ses fils Alex au chant (auteur des textes) et Leo à
la batterie (membre du groupe indie rock The Invisible) ainsi que le grand OrenMarshall au tuba (Radiohead, Bobby Mc Ferrin, Moondog ou encore The London
Philarmonic). Inspiré par la nouvelle de science-fiction
Harrison Bergeron écrite en 1961 par
Kurt Vonnegut et qui traite du thème
de l’égalité sociale dans un monde où la force, l’intelligence et la beauté
sont considérées comme une tare, 2081
nous immerge dans un jazz ample et
cinématique à l’esthétique résolument moderne. Ce calme gorgé d’une soul apaisée,
perceptible dans la voix d’Alex Taylor,
se pare d’un groove délicat qu’Oren déploie dans ses lignes de basse cuivrées et que Leo contribue à rendre entraînant par
son jeu précis et justement dosé. John
élabore quant à lui des mélodies captivantes
dans un style singulier (hérité entre autres des recherches rythmiques et harmoniques de Bill Evans et Gil Evans) qui
rapproche les univers du jazz, de la musique classique, de la pop et de la
musique de film.
Un magnifique album qui sera suivi d’ici quelques semaines
par la parution d’un enregistrement en duo avec le trompettiste Kenny Wheeler, qui nous a lui aussi
quitté il y a peu.
Boulou Ferré, Elios Ferré & Christophe Astolfi – La
Bande des Trois (Label Ouest/L’Autre Distribution)
Les frères Ferré,
duo incontournable de la scène jazz
hexagonale, forment avec Christophe
Astolfi un tout nouveau projet à 3
guitares baptisé sobrement La Bande
des Trois. Le trio s’empare des classiques de la chanson française et les pare de reflets gypsy hérités du maître incontesté de la guitare manouche, Django Reinhardt (Nuages). Boulou, musicien virtuose qui à 12 ans
accompagnait déjà Jean Ferrat, chante avec l’ingénuité et la douceur d’un Boris
Vian les textes de Brassens (Je me suis fait tout petit, Les Amoureux des
Bancs Publics), Gainsbourg (La Javanaise, L’Eau à la Bouche) ou Bachelet (Emmanuelle) sur des arrangements
sophistiqués au swing enivrant, ponctués d’improvisations puissantes et véloces.
Sons of Kemet - Lest We Forget What We CameHere
To Do (Naim Jazz/Modulor)
Les fils de Kemet
(« Terre Noire »), nom que donnaient les anciens égyptiens à leur
pays, publient Lest We Forget What We
CameHere To Do, leur second opus ancré dans les racines caribéennes et parcouru d’influences afro/éthio-jazz. La formation dirigée par le jeune
saxophoniste/clarinettiste anglais Shabaka
Hutchings explore le Tuk, tradition
musicale insulaire de la Barbade (où
il passa une grande partie de son enfance) basée sur le mélange explosif du rythme des marches militaires anglaises (héritées
de la colonisation) et du folklore ouest-africain(des anciens esclaves). Composé des batteurs Tom Skinner (Mulatu Astatké, Matthew
Herbert) et Seb Rochford (Polar
Bear) ainsi que de Theon Cross au tuba,
Sons Of Kemet accouche d’un disque
engagé (In Memory Of Samir Awad),
sauvage (Afrofuturism) et entêtant (Breadfruit), aux ambiances tantôt cinématiques (Mo
Wiser) tantôt entraînantes, un
peu à l’instar des brass band de la Nouvelle Orléans (In The Castle Of My Skin).
La chanteuse marocaine d’origine saharienne OumEl Ghaït Benessahraoui nous revient, après son sublime Soul Of Morocco paru en 2013, avec l’émouvant
Zarabi. Enrichissant ses influences
majeures que sont la culture Hassani
et les rythmes gnaouas d’accents soul, latins et jazz, elle rend
hommage, dans le dialecte marocain darija,
aux tisseuses de tapis originaires de la ville de M’hamid El Ghizlane (village bordant
le Sahara). Sa voix sensuelle et pétillante,
forgée durant son adolescence grâce à sa passion pour le gospel, est délicieusement
accompagnée par les mélodies enivrantesdu oud de Yacir Rami (Naïssam Jalal…),
les percussions sophistiquées de Rhani Krija (Omar Sosa, Sting…), les
lignes de basse chaloupées du contrebassiste Damian Nueva et la trompette latin-jazz de Yelfris valdes. A l’origine de tous les textes mis à part quelques emprunts
et adaptations, Oum a souhaité
enregistrer à M’hamid, en extérieur à
même le sable afin « de rester fidèle à un son naturel », restituant
ainsi la beauté et la vulnérabilité du lieu. Zarabi est un disque d’émoi, vibrant et touchant !
Repérée grâce à son duo avec la légende Bonga en 2000, la chanteuse portugaise d’origine cap-verdienne Lura entame alors, depuis Lisbonne, une
carrière musicale européenne puis internationale, marquée par sa signature chez
Lusafrica en 2004, qui produit
aujourd’hui son 5° album. Affectée par la disparition de Césaria Evora en 2011 avec qui elle avait enregistré l’année
précédente le sublime Moda Bô, (présent
sur son Best Ofparu en 2010) elle publie, après 6 ans
d’absence dans les bacs, son nouveau Herança.
Ayant dépassée le simple statut de voix prometteuse, Lura a choisi de s’installer sur la
terre de ses parents afin de se plonger dans l’identité profonde d’une culture métisse.
Souvent enrichi de musique brésilienne et d’accents jazzy, le répertoire d’Herança (qui se traduit « héritage »)
se veut être un hommage à la créolité
ainsi qu’à la femme du Cap-Vert. Sous la forme d’une invitation dansante et
sensuelle il nous fait (re)découvrir les rythmes traditionnels du funana (Sabi Di Mas), du batuque
(Mari Di Lida), de la morna (Ambienti Mas Seletu) ou de la coladeira
(Nhu Santiagu emprunté à sa
compatriote Elida Almeida, d’ailleurs
présente sur le titre).
Lura a choisi pour
l’occasion de s’entourer de la crème des musiciens/compositeurs de l’archipel, Mario Lucio (actuel ministre de la
culture au Cap-Vert), Toy Vieira et Hernani Almeida figurent à ses côtés comme
les guests de renommée mondiale venus du Cameroun et du Brésil Nana Vasconcelos et Richard Bona. Ensemble, ils célèbrent
la saudade festive que l’on trouve dans ces petits bouts d’Afrique nichés au
large du Sénégal au carrefour des cultures européennes, américaines et bien sûr
africaines.
Un disque touchant aux mélodies enivrantes et aux rythmes
chaloupés !
Black
Flower – Abyssinia Afterlife (Zephyrus Music/L’Autre Distribution)
La scène musicale de Gand en Belgique accouche d’un projet éthiojazz experimental mené par le saxophoniste-flûtiste
Nathan Daems. Habitué à nous
délivrer unjazz ouvert d’esprit aux
accents tantôt tziganes, turcs, indiens ou ska, le musicien nous présente ici Abyssinia Afterlife, premier opus de
son tout récent combo Black Flower, qui
vient grossir les rangs des nouveaux artisans de l’afrobeat et du groove
éthiopien en Europe, nous pensons notamment aux français Akalé Wubé, Ethioda ou les Frères Smith.
Les spectres de Mulatu Astatké (The Legacy Of Prester John) et Fela Kuti (I Threw A Lemon At That Girl) planent bien sûr au dessus de ce
disque aux reflets psychédéliques (Jungle Desert), mais les frontières sont
floues et les influences soul-jazz (Star Fishing) etorientales (Winter) sont aussi perceptibles.
Ibrahim Maalouf - Kalthoum (Mi'ster Productions/Decca/Universal)
Second projet qu'IbrahimMaalouf nous offre en cette rentrée 2015, Kalthoum reprend la volonté que le trompettiste a déjà développée dans son Red & Black Lightde célébrer les femmes, notamment celles qui ont bouleversé le cours de l'histoire et dont l'influence artistique a eu un impact jusque dans nos vies actuelles. Qui d'autre que l'emblématique Oum Kalthoum, considérée à raison comme la plus grande voix du monde arabe, pourrait se vanter, 40 ans après sa disparition, de susciter toujours autant d'engouement et d'admiration?
En collaboration avec le pianiste d'origine allemande Franck Woeste et entouré du batteur Clarence Penn, du contrebassiste Larry Grenadier et du saxophoniste Mark Turner (que l'on écoutait en 2010 dans Suite...de Baptiste Trotignon), Ibrahim a choisi d'interpréter dans un jazz classieux et métissé l'une des œuvres majeures de la diva égyptienne datant de 1969 Alf Leila Wa Leila (Les Milles et une Nuit).
Enregistré à New York avec la même équipe qu'en 2011 sur l'album Wind (qui rendait hommage à Miles Davis), Kalthoum se compose comme la version originale d'une Introduction, qui d'emblée nous plonge dans un dialogue passionnant entre la tradition arabe séculaire, l'ivresse de ses joutes orientales et la sophistication élégante d'un jazz nord américain hérité des maîtres Monk, Davis et Coltrane...
C'est le pianiste qui ouvre le morceau, jouant avec douceur et légèreté une mélodie des plus touchantes, rapidement rejoint par le son puissant et précis du saxophone ténor de Marc et la trompette micro-tonale d'Ibrahim, ainsi que par Larry et Clarence qui élaborent une assise rythmique massive et tonitruante. Une approche majestueuse, expressive et grandiloquente!
Ouverture I et Ouverture II au format assez court sont suivis des Mouvements I à IV qui se déploient durant 15mn pour le plus long et sont organisés comme une succession de tableaux dont la mise en scène est ponctuée d'improvisations alambiquées bien sûr, de mélodies enivrantes souvent mélancoliques, d'harmonies et de rythmes complexes...
Nous percevons alors avec cette double actualité, Kalthoum et Red & Black Light, à quel point le langage d'Ibrahim Maalouf est riche et pluriel, profondément ancré dans la tradition et respectueux des sonorités qui ont bercé son enfance il s'imprègne et reste à l'écoute de ce foisonnement musical qui agite notre époque, essayant par tous les moyens d'en garder que le meilleur.
Ibrahim Maalouf - Red & Black Light (Mi'ster Productions/Decca/Universal)
Il est des jours comme ça où l'on reçoit sans s'y attendre un précieux cadeau, en ouvrant ma boîte aux lettres par une belle fin d'après-midi d'Aout 2015 qu'elle ne fut pas ma surprise en déchirant une enveloppe et en découvrant les deux nouveaux albums de l'infatigable trompettiste d'origine libanaise Ibrahim Maalouf, qui rappelons-le a signé il y a peu la bande originale du film Yves Saint Laurent de Jalil Lespert.
En effet le virtuose de la trompette à quarts de ton nous offre pour cette rentrée Kalthoum et Red & Black Light, tous deux attendus dans les bacs le 25 septembre prochain et signés sur son propre label Mi'ster Productions. Ils succèdent au retentissant Illusions et à sa sublime collaboration avec Oxmo Puccino dans le concept-album Au Pays d'Alice inspiré par le roman de Lewis Carroll.
C'est par Red & Black Light, disque très orienté electro, jazz fusion et pop, que nous allons entamer notre immersion dans le nouveau décor que nous plante un musicien toujours plus créatif, aventurier et généreux. A l'origine de tous les titres, exception faite de Run The World (Girls) emprunté à la diva Beyoncé, Ibrahim a voulu rendre hommage à la femme d'aujourd'hui, à saluer l'influence qu'elle a sur sa musique. Entouré du guitariste François Delporte, du batteur Stéphane Galland et de l'immense Eric Legnini aux claviers, il opte pour une écriture rythmique et harmonique complexe rendue pourtant accessible grâce à ses arrangements pop aux reflets funk, rock et électroniques. Son jeu unique virevolte toujours entre ses deux cultures, faisant cohabiter et s'entremêler l'Orient et l'Occident.
L'ouverture du disque est éblouissante, avec son groove ravageurFree Spirit est introduit par une syncope funk des plus prenantes, sa mélodie pop accrocheuse si propre aux sonorités enivrantes du trompettiste nous emporte ensuite dans les méandres d'une odyssée jazz rock détonnante où la guitare de François Delporte s'exprime avec force et distorsion.
La puissance du guitariste est aussi mise à contribution dans Essentielles, qui déploie un motif à la trompette entêtant, se répétant pendant quasiment 3'42 et engendrant une de ces transes hypnotiques dont seul Ibrahim a le secret.
Goodnight Kiss commence comme une délicate berceuse interprétée au clavier, guitare puis batterie s'invitent et l'art de la polyrythmie et de l'improvisation que semble apprécier la formation révèlent alors leur splendeur et leur sophistication, faisant du titre l'un des plus jazzy de l'opus.
Avec Elephant's Tooth, le quartet ressuscite l'époque des Weather Report ou des sonorités jazz funk d'Herbie Hancock, la trompette micro-tonale assurant toujours la liaison entre accents électroniques et grains acoustiques, entre son hérité des US et tradition inspirée du Liban.
Le titre éponyme s'apparenterait presque à une balladehard-rock, avec ses envolées lyriques de guitares et de synthés... Mais les pistons, encore une fois, brouillent les pistes et imposent le respect par la chaleur et la douceur du son qu'ils laissent échapper !
Escape entrelace des mélodies issues des Balkans à un beat lourd et percussif parcouru d'un groove massif, interrompue par une apothéose véloce et folle où tous les instruments se débrident en fanfare.
Improbable est un feu d'artifices, majestueux et exigeant il superpose toutes les strates et les influences qui constituent l'identité musicale d'Ibrahim, faite de jazz, de world music, d'electro, de pop, d'histoires présentes, passées et à venir...
En guise de clôture, le succès de Queen Bey (Beyoncé) Run The World (Girls) vient marteler aux esprits trop orthodoxes que même si tout n'est pas bon dans l'immense cohue pop, rien n'est à jeter et tout se récupère pourvu qu'on y mette son grain de sel...
Le producteur écossais basé à Melbourne Jonny Faith nous séduisait en Mars dernier avec la parution de Neon, second single de son premier opus
baptisé Sundial. Il nous présente
aujourd’hui par l’entremise du label Tru
Thoughts son dernier extrait intitulé LeSucre, accompagné du titre inédit Dapple City ainsi que de 3 nouveaux
remixes orchestrés par les australiens Roleo,
Anomie et Snare Thief.
Souvent comparé, et à juste titre, aux célèbres Flying Lotus et Bonobo grâce à ses productions électro largement empreintes de hip-hop, de dub et de D&B, Jonny Faith nous livre avec son délicat
Le Sucre et ses nappes de synthés hypnotiques, une pause
atmosphérique dans un paysage sonore ouaté, rythmé par les cymbalettes d’un tambourin charmeur et les beats d’un future garage paisible.
Dans Dapple City
la collusion avec l’univers organique de Bonobo
est d’emblée audible, le son intimiste du carillon et les accords envoutants du
clavier se déploient sur une assise hip-hopdown-tempo jouée aux balais.
Dans une même veine immersive et soyeuse, le producteur de
Sidney Roleo s’est attaqué au remix
de Dust Settles, Anomie lui a préféré Zheng et
ses accents asiatiques renforcés par un beat drum & bass massif et trippant. Snare Thief s’empare quant à lui de fameux Neon, pièce maîtresse de Sundial,
y incorporant aussi une solide rythmique D&B
véloce et tranchante.