jeudi 31 mars 2022

Thomas Gonzalez Trio - Elements (SJB Records)

Thomas Gonzalez Trio - Elements (SJB Records)

 Le batteur lillois Thomas Gonzalez, épaulé par ses acolytes Nicolas Michel au piano et Jacinto Carbajal à la contrebasse ainsi qu'à la trompette, nous présentait en Octobre dernier son second opus baptisé Elements. Le trio y délivre un jazz vigoureux, moderne et accessible, mêlant rythmiques d'inspiration afro-latine des plus efficaces et mélodies pop fédératrices. Assumant son choix de donner la priorité au groove, la formation aligne 5 compositions solides où l'orchestration cohérente joue avec les ruptures, les contrastes et les nuances sans jamais perdre le nord. On pense à Brad Meldhau, Omer Avital et Esbjorn Svensson Trio...





mercredi 30 mars 2022

Parcels - Day/Night (Because Music)

Parcels - Day/Night (Because Music)

 Le quintet australien Parcels, formé en 2014 à Byron Bay, nous revenait fin 2021 avec son second opus baptisé Day/Night, un double album ambitieux aux vibrations positives, enregistré dans les studios de La Frette-sur-Seine à Paris. S'y décline un groove aux saveurs 70's généreux, accrocheur et intemporel, qui est devenu l'une des marques de fabrique du collectif. Mêlant avec génie les univers pop de Fleetwood Mac ou Steely Dan, funk de Chic et disco de Giorgio Moroder ou des Bee Gees, la formation basée à Berlin a su se forger une identité musicale singulière. Les brillants Patrick HetheringtonJules CrommelinNoah HillAnatole « Toto » Serret et Louie Swain élaborent des ambiances immersives que leurs voix envoutantes abreuvent de douceur et de sensualité (on pense tour à tour à The Delfonics de Philadelphie et aux Beach Boys de Californie). 

 Parcels, c'est aussi ce goût avéré pour les sonorités French Touch et notamment celles des Daft Punk. L'efficace et viral "Somethinggreater", petite pépite de Day/Night, semble en effet être un clin d'œil à l'immense succès "Get Lucky", que les vétérans du dancefloor enregistraient avec le patron Nile Rodgers en 2012... Une filiation complètement assumée par les cinq jeunes musiciens, d'autant plus que le duo casqué avait produit en 2017 leur excellent "Overnight".

Trois ans après la sortie de son premier LP éponyme, Parcels publie donc un disque soigné à la palette musicale riche et variée, faisant cohabiter la dimension cinématographique ("Inthecity") et l'intime ("Neverloved"), les atmosphères sombres et les couleurs lumineuses, les tempos lents et les rythmiques punchies. Arrangements de cordes luxuriants ("LordHenry"), cocottes funky ("Famous"), accents jazzy ("Daywalk"), réminiscences soft-rock ("Reflex"), profondeur soul ("Nowicaresomemore"), légèreté folk ("Once") et nuances électro, autant d'ingrédients que nos 5 larrons se sont amuser à entremêler gracieusement. Le projet, qui s'est construit pendant la pandémie sur leur terre natale, égraine 19 chansons à la production léchée, des morceaux qui se répondent et qui fonctionnent par pairs, comme "Light" et "Shadow", "Daywalk" et "Nightwalk", "Outside" et "Inside". Il adresse à qui veut bien l'écouter, un message d'amour, d’espoir et de persévérance, à l'instar du fédérateur "Free" , véritable hymne à la joie.

Indispensable !



vendredi 25 mars 2022

Kavinsky - Reborn (Record Makers)

Kavinsky - Reborn (Record Makers)

 Après 9 ans d'absence, Vincent Belorgey alias Kavinsky, héro immortel de l'électro pop, nous revient avec le cinématique Reborn, nouvel opus très attendu qui succède au désormais classique OutRun, d'où était extrait "Nightcall", moment fort de la B.O. du film Drive qui sortait en salle deux ans plus tôt.

 Le zombie aux lunettes noires et blouson Teddy qui roulait à toute allure au volant de sa Testarossa dans "Protovision" et qui castagnait à tout va dans "Odd Look", refait donc surface. Arborant toujours aussi fièrement ces couleurs de synthés 80's rétro-futuristes et ces lignes de basse assassines qui ont fait la marque de fabrique de sa musique, Kavinsky remise au placard son ordi et dépasse le cap de la frénésie des premiers temps. Il change de caisse pour une belle américaine, lève le pied, baisse les vitres et nous laisse entrevoir une plus large palette de sonorités et d'émotions, issues des claviers rares et vintages peuplant le mythique studio Motorbass (du regretté Philippe Zdar) où s'est tenu l'enregistrement de Reborn

 L'envoutant "Pulsar", ouvre le disque avec des battements de cœur et un bruit de défibrillateur, qui évoquent le réveil et le retour de notre protagoniste aux superpouvoirs, resté en sommeil ces dernières années. S'entourant de proches, plus ou moins connus du grand public, Vincent Belorgey côtoie des valeurs sûres, des poids lourds de l'industrie qui, outre leur complicité, lui garantissent une présence experte et bienveillante (comme les producteurs Victor Le Masne de Housse de Racket ou Gaspard Augé, moitié de Justice). Cautious Clay, jeune prodige américain du R'n'B, embarque également à bord de la grosse berline, prêtant sa voix dans le sombre, puissant et dansant "Renegade", premier single paru en Novembre 2021. Sur la banquette arrière, Sébastien Tellier est là, lui aussi, cheveux et barbe au vent. Il s'illustre dans le sensuel et planant "Goodbye". A ses côtés, Morgan Phalen (de Diamond Nights) et Romuald, tous deux ayant œuvré pour Justice, poussent aussi la chansonnette et à l'étage - oui c'est une très grosse berline - sont assises Prudence (ex-moitié de The Dø) et la talentueuse Kareen Lomax, respectivement présentes sur "Zenith" et le très club "Cameo"... Bref un casting XXL des instrus hypnotiques... Un succès annoncé ! 

Et rassurez-vous, Kavinsky roule toujours en Ferrari et fout toujours des torgnoles... Son dernier clip paru ce vendredi 25/02 le prouve bien.

 





jeudi 24 mars 2022

Alexandre Herer - Nunataq2 (Onze Heures Onze)

Alexandre Herer - Nunataq2 (Onze Heures Onze)

 Le claviériste Alexandre Herer nous revient, toujours accompagné par ses complices Pierre Mangeard (batterie) et Gaël Petrina (basse), avec le second volet de son projet jazz fusion Nunataq. Inspirées en partie par les grandes étendues glacées du Groenland, les ambiances polaires et entêtantes du disque sont hantées par les nappes sonores fantomatiques du fender rhodes, que traversent la flûte mystique de Malik Mezzadri ou les saxophones de Julien Pontvianne (ténor) et Denis Guivarc'h (alto). Avec comme pierres angulaires le rythme et le groove ("Arktos"), les explorations de Nunataq2 se révèlent être à la fois accessibles et complexes, piochant autant leurs richesses harmoniques et mélodiques dans l'univers de la pop ("Fram") que dans la musique expérimentale et contemporaine ("Choral And Sarabande"). On notera également la présence au mridangam du percussionniste virtuose B. C. Manjunath, qui s'illustre en clôture de l'album dans la carnatique "9-8-7-6-5".






mercredi 23 mars 2022

Aurélien Bouly - Okun (Jazz Family)

 Aurélien Bouly - Okun (Jazz Family)

Le guitariste parisien Aurélien Bouly présentera le 02 Avril prochain Okun, un album brulant, énergique et coloré mêlant les sonorités magnétiques de la musique afro-cubaine à un jazz contemporain métisse, nourri de groove et de notes manouches. Fruit d'une fusion singulière entre l'univers musical d'Aurélien (hanté par le jeu des géants Georges Benson, Django Reinhardt ou encore Pat Martino) et l'héritage culturel du batteur originaire de la Havane, Lester "El Camaleon" Alonso Vazquez (élevé entre autre aux rythmes de la rumba et de la salsa, mais surtout imprégné par la santeria), Okun nous invite au voyage et au lâcher prise, bousculant les frontières et brouillant les pistes. Frais, dépaysant et mystique, le disque aligne des reprises de standards absolus passés à la postérité du latin jazz, dont "Song for my father" d'Horace Silver ou "Besame mucho" de Consuelo Velazquez et s'attarde sur une relecture caribéenne de "La Marseillaise" de Rouget de Lisle. Deux compositions du guitaristes figurent également au programme, dont l'hypnotique "Misterio Divino", qui me fait songer sans trop savoir pourquoi au vibrant "Like It Is" de Yousef Latif.

Belle découverte.


Bonga - Kintal Da Banda (Lusafrica)

Bonga - Kintal Da Banda (Lusafrica)

 L'immense chanteur angolais Bonga est de retour sur Lusafrica avec Kintal Da Banda, nouvel opus qui succède à Recados de Fora paru en 2016 et qui célèbre 50 ans d'une carrière bien remplie. Avec près d'une quarantaine d'albums à son actif, dans lesquels il s'illustre en portugais comme en angolais traditionnel, l'octogénaire engagé n'a jamais perdu le soutien de ses fans, répartis à travers le monde. En effet depuis le début des années 70 et son fameux Angola 72, sa musique douce et militante allie merveilleusement le folklore portugais, les rythmes chaloupés du semba et l'esprit festif du kizomba, tout en agrémentant cet héritage colonial et ouest-africain de sonorités cap-verdiennes et brésiliennes des plus radieuses et fédératrices. 

Dans ce nostalgique et brulant Kintal Da Banda, la voix grave et éraillée de Bonga chante avec une inébranlable joie de vivre une enfance heureuse, passée dans la maison familiale à Kipiri, bercée par la musique bien sûr, mais également ponctuée par les couleurs, les odeurs de plats et les instants précieux de partage. Ces moments seront aussi le terreau d'une conscience politique profonde, qui conduira très tôt ce sportif de haut niveau devenu artiste, à lutter pour la libération de son pays contre le joug portugais.

Une fois de plus accompagné par son vieux complice, le guitariste Betinho Feijo, Bonga s'est également entouré de Camélia Jordana, dans un délicieux "Kudia Kuete" aux saveurs culinaires angolaises. Une invité de marque qui vient enrichir la liste de ses sublimes collaborations, dont celles menées aux côtés de Bernard Lavilliers ("Angola" en 2010), Agnès Jaoui ("Dikanga" 2009), Gaël Faye ("Président" 2013), Manu Dibango ("Diarabi" 1994) ou encore de la diva Cesaria Evora ("Sodade" 2002)...

Un disque plein d'émoi, de tendresse et de fête à ne pas bouder en ces temps de conflit et de pandémie.



lundi 21 mars 2022

Kokoroko - Could We Be More (Brownswood Recordings)

Kokoroko - Could We Be More (Brownswood Recordings)

 Devenue incontournable, lorsque l'on s'intéresse à l'effervescente scène UK jazz, la formation Kokoroko accouchera au milieu de l'été prochain de son tout premier album long format, baptisé Could We Be More. Enfin une belle nouvelle qui émerge de cette année 2022 décidément mal engagée. Bien campée sur son héritage ouest africain et afro caribéen, la soul nébuleuse aux incursions funk de l'octet londonien mêle avec tendresse et maestria le highlife d'Ebo Taylor, l'afrobeat révolté de Fela Kuti, le jazz ethnique de Pharoah Sanders et l'approche plus spirituelle de John Coltrane.

 C'est lorsque résonnent les mélodies astrales et envoutantes de thèmes tels que "Dide O", "Age Of  Ascent" (tous deux présents dans cet opus) ou "Abusey Junction" (petit chef d'œuvre extrait de son premier EP paru en Février 2018) que Kokoroko révèle pleinement son phrasé inégalable et ses sonorités si captivantes, gorgées de vibrations groove positives et parcourues d'harmonies cuivrées immersives.

 Rares sont les artistes actuels qui transcendent si bien les genres sans faire table rase du passé et des racines. Kamasi Washington, génie américain du saxophone ténor, possède lui aussi cette capacité à bâtir des mélodies virales émouvantes et intemporelles, qui fédèrent et font voyager un auditoire toujours plus large (je pense surtout à "Desire", mouvement issu du concept-album Harmony Of Difference sorti en 2017 sur Young Turks). 

 Brownswood Recordings a toujours eu le chic pour dénicher des talents hors norme, il a su attendre patiemment que murisse cet album précieux, tout en égrainant au cours des 4 dernières années quelques pépites, qui ont su créer un buzz immédiat autour de l'emblématique formation pilotée par Sheila Maurice-Grey (trompette et voix)

 Alors même que sa sortie est prévue dans plusieurs mois, Could We Be More est déjà l'une des sensations fortes de l'année 2022, avec son message d'espoir, de paix et d'amour...

ESSENTIEL et vivement recommandé!