Daymé
Arocena – The Havana Sessions (Havana Cultura/Brownswood Recordings)
L e dénicheur de perles rares et de nouveaux talents Gilles Peterson nous revient via son
projet The Havana Cultura, avec un
sublime EP de 4 titres nous présentant une toute jeune chanteuse cubaine nommée
Daymé Arocena. Véritable révélation
d’à peine 22 ans, elle impressionne dès son premier tour de chant grâce à une voix puissante et précise, gorgée d’un
groove R&B éblouissant, d’une maîtrise vocale digne des divas historiques
du jazz et d’une énergie latine puisée dans les traditions afro-cubaines du
boléro et de la salsa. L’écouter donne l’impression d’avoir en face de soi un
chœur formé de Gregory Porter et Concha Buika, une association parfaite de
passion, de soul, de vécu et de métier !
Fraichement signé sur le label du DJ/producteur anglais Brownswood Recordings, la jeune artiste
a fait parti du projet Havana Cultura
Mix en Mai 2014. Ce dernier consistait à inviter plusieurs producteurs émergeants de musique électronique à la Havane et établir ainsi des collaborations
avec les musiciens locaux (on se souvient notamment de l’ouvrage Mala In Cuba du fondateur du dubstep,
réalisé en 2012 lors de l’édition Havana Cultura – The Search Of…).
Après 3
featurings dans la compilation et une prestation live lors du lancement du disque à Londres, il est
apparu logique et souhaitable qu’elle enregistre son propre album !
Son génie s'écoute d’emblée sur le vibrant Drama, ouverture resplendissante de ce Havana Cultura Sessions, qui démarre
comme une complainte délicate et intimiste interprétée par Daymé et le pianiste Rob
Mitchell, mais qui se pare très vite d’un groove enivrant mis en scène par
les percussions d’Oli Savill, Simbad et Maître Samsou, ainsi que par la ligne de contrebasse de Neil Charles.
La jeune prodige à la carrure de Jill Scott, immense héroïne de la scène néo soul U.S., opère une fusion majestueuse des musiques jazz et
caribéennes ancrées dans un héritage africain vivace et sauvegardé, notamment
grâce à la religion Santeria et ses rythmes
de transe. Cet héritage est d’ailleurs marquant dans le jeu des percussions du
titre Cry Me A River, reprise
étonnante du standard immortalisé par Ella
Fitzgerald.
Ce morceau est un des classiques du jazz les plus joués mais ici, il nous est livré dans une version
magique et dépouillée, à la croisée du chant gospel et de l’incantation chamanique.
Quinto et Matador jouent les claves, chékérés et autres tres-dos tandis que Dagoberto Arocena et Yosvani Diaz l’accompagnent au chœur.
Dans Sin Empezar, Daymé se met au piano et entame une
merveilleuse ballade aux reflets mélancoliques servis par la
trompette au son feutré de Yelfris
Valdes. Le culte qu’elle voue à feu Whitney
Houston s’y manifeste alors pleinement, mâtinant son jazz d’une sensualité
R&B touchante.
Avec ses rythmes chaloupés et son invitation à la danse
dignes de la grande Célia Cruz, El Ruso demeure le titre le plus ‘cubain’
de cet EP qui annonce un album Nueva Era
des plus intéressants de ce début d’année. Les talents d’interprète et de
compositeur de Daymé confirment une fois
de plus que Gilles Peterson a vu
juste en la plaçant sous l’aile bienfaitrice de Brownswood Recordings, comme il le fît par le passé pour José
James, Ben Westbeech, Zara McFarlane ou les japonais de Soil & ‘’Pimp’’
Sessions.