J-FELIX- PATIENCE FEAT. ABI FLYNN / LATE NIGHT SOS (Tru
Thoughts Records)
Tru Thoughts n’en finit pas de nous émoustiller les tympans,
après Werkha, Lost Midas, Alice Russell,
Jonny Faith, DonPascal ou encore Magic DrumOrchestra, le label anglais basé à Brighton nous présente sa nouvelle signature
J-Felix aka Joe F Newman, un chanteur et producteur multi-instrumentiste
originaire de Bristol.
Si ses premières amours musicales sont à chercher du côté de
la scène trip-hop, hip-hop US (Tribe Called Quest, De La Soul) et drum & bass,
il jette sur le tard son dévolu sur les origines de ces sonorités urbaines et
se plonge alors dans la black music des années 60, 70 et 80. Soul, jazz puis P-funk (Bootsy Collins) et boogie (Earth Wind & Fire…) habitent
désormais ses productions racées, déjà sélectionnées par des pointures internationales
telles que Dj Vadim ou Opolopo (à qui l’on doit un excellent remix de 1960 What ?
du jazzman Gregory Porter).
J-Felix publie le
single Patience Feat. Abi Flynn
extrait de son premier opus à paraître courant juin 2015 et intitulé 101 Reasons. Dés l’ouverture du titre, un
nuage d’accords plaqués sur le clavier d’un Fender Rhodes nous envoute l’esprit
avant d’être plaquer au sol avec l’entrée en lice d’un groove massif mis en
scène par une ligne de basse G-funk langoureuse
et un beat hip-hop torride. La
chanteuse Abi Flynn y dépose sa voix
douce et gorgée de sensualité bientôt rejointe par une section cuivre aux
interventions jazzy minimalistes et bien placées, façon The RH Factors de Roy
Hargrove.
Le single double face A nous propose un second titre Last Night SOS - baptisé ainsi en hommage
à la célèbre formation funk/R&B créée à la fin des 70’s, S.O.S. Band - dont la production qui
fait écho à l’instru du hit The Message de Grandmaster
Flash nous ramène avec délectation dans les prémices de l’air old school.
Bref deux titres explosifs et jouissifs qui ne laissent qu’entrevoir
la qualité de ce que sera l’EP à venir et qui s'inscrit dans la continuité des sons que nous ont offerts récemment DAM funk et Snoop Dogg dans leur projet7 Days Of Funck.
Ci dessous le titre éponyme de l'album à paraître 101 Reasons
Royce Wood
Junior - The Ashen Tang (37 Adventures)
Omar n’en finit
pas de faire des émules outre-manche, en effet la scène néo soul britannique accouche d’un nouveau prince du groove nommé Royce Wood Junior. Aperçu aux manettes de
l’excellent Mirrorwriting de Jamie Woon en 2011 (et aux guitares
pendant la tournée), l’artiste multi-instrumentiste dévoile aujourd’hui son
premier LP intitulé The Ashen Tang.
En 2014, ses deux premiers EPs Rover
et Tonight Matthew avaient déjà capté
l’attention de la critique et du public, annonçant l’arrivée imminente d’un nouveau
Jamie Liddle – rien que ça ! - avec sa voix gorgée de soul et de velours, ses
rythmiques granuleuses et asymétriques, ses synthés vintage obsédants, ses
guitares saturées de rock’n’roll et ses lignes de basse contagieuses.
Sincèrement les 12 plages de l’album sont autant de claques,
ou plutôt de crochets funky lancés
au travers de nos figures tuméfiées affichant un sourire béat de satisfaction.
L’artiste a assimilé le génie de ses deux héros Stevie Wonder et Prince, il a très vite compris qu’avec sa voix il devait assumer pleinement
son statut de crooner et ne pas
uniquement rester dans l’ombre avec les musiciens, confiné dans les studios
d’enregistrement ou planté derrière l’écran de son ordinateur.
C’est ainsi que dès l’intro Remembrance (Part I) l’artiste plante le décor, après 30 secondes
d’une orchestration cinématique (ensemble
de cordes et piano) il entame au chant une complainte monotone sur les rythmes
d’une marche militaire syncopée, agrémentée de glitchs et autres accidents sonores puis survolée d’une nappe
vaporeuse qui s’épaissit progressivement jusqu’à l’ouverture de la seconde
piste, le majestueux Midnight.
Taillé pour le dancefloor, Midnight est la synthèse parfaite du son de Royce en mode up-tempo
et glamour. Il y distille une énergie
pop et electro-funk des plus chics à l’image du tube Baby I’m Yours du français Breakbot
(Ed Banger).
Jodie déploie une soul profonde, intense et organique sur
une assise rythmique désarticulée et brinquebalante, nous faisant songer à la
rencontre du brulant D’Angelo et du
producteur Flying Lotus.
Clanky Love est un
clin d’œil aux 70’s, il fusionne les reflets soul d’autrefois à l’efficacité pop d’aujourd’hui, conduisant l’auditeur nostalgique à se
trémousser langoureusement le sourire aux lèvres et les yeux entrouverts.
Honeydripper est
la suite logique de Jodie, nous
immergeant plus profondément dans une néo
soul moite aux accents psychédéliques.
Avec le titre central Stand,
l’artiste change légèrement les couleurs de sa palette optant pour une
dominante plus popvoire même piano rock à la Rufus
Rainwright. En effet durant les 5 mn de cette ballade flamboyante, le
chanteur nous berce tendrement avec sa voix éthérée, son arrangement de cordes envoutant
et dramatique ainsi que son piano gavé de reverb. Le morceau nous rappelle l’immense
succès mainstream A Full Of Stars de
Coldplay…
Poursuivant l’exploration de son penchant pop, Royce signe les très 80’s Bees
et Nuther Bruther, proches des
sonorités dance-pop-R&B de Stevie Wonder.
Nouvelle ballade cette
fois-ci plus intimiste, à presque nous en tirer les larmes des yeux, le
touchant Midas Palm (évoquant un
amour perdu) étend son arpège à la guitare acoustique et sa ligne de basse sonnant
comme le son d’un tuba étouffé sur plus de 4 mn où nous demeurons suspendus à
la voix caressante du crooner aux
airs mélancoliques de Chris Isaak.
Twiggin’ nous
délivre un groove subaquatique
accueillant le flow sensuel de Royce
qui prend des allures de Prince dans
les refrains au funk contagieux. Remembrance
(Part II) complète et achève l’exploration techno et garage amorcée
dans l’intro Remembrance (Part I), l’instru
y est plus barrée mais aboutie après 2 mn au même texte extrait d’un poème de Sir Thomas Wyatt entonné, la encore, à
la manière du Kid de Minneapolis.
Enfin pour clore cette véritable pépite, Stickin’ répand une electronica lyrique
et sophistiquée comme sait si bien les faire James Blake…
Royce Wood Junior
publie une œuvre aboutie et censée, son approche
singulière de la pop music passée au travers du crible des sons mythiques
de Stax et Motown ainsi que d’une électro ouvrant les champs du possible, est d’une
efficacité et d’une accessibilité déconcertante, frisant parfois la perfection.
La sublime Francesca
Belmonte collabore avec Tricky
depuis maintenant plusieurs années (2009), ce dernier ne tarit d’ailleurs pas
d’éloge à l’égard de sa protégée, première signature de son label False Idols. Le disque Anima nous dévoile une artiste qui se
décrit elle même comme une chanteuse de bluesalternatif, elle cite volontiers les
figures emblématiques de Billie Holiday
et Patti Smith comme influences
majeures. La jeune anglaise mêle avec sensualité et élégance des sonorités pop, R&B, soul et électronica sans jamais trop quitter la
pénombre qui habite ses mélodies hypnotiques. On devine ça et là, au gré de quelques rythmiques aux
accents trip-hop l’empreinte laissée
par son mentor, mais la variété des pistes
esthétiques explorées dans le projet attestent d’une identité propre qui
s’émancipe vers un ailleurs moins underground et plus accessible.
Si l’arpège à la guitare électrique de l’Intro évoque immanquablement le monument
soul immortalisé par Otis Redding, I’ve
Been Loving You Too Long, Hidding In The
Rushes nous plongent dans les méandres d’une obscurité rythmée par des
cuivres angoissants et une saccade R&B
pesante dont le producteur Timbaland
a le secret de fabrication (je pense notamment à son tube Give It To Me avec Nelly Furtado).
Le premier single Stole
et son instrumentation construite d’échantillons analogiques bruitistes est à
mon goût la perle de cet effort, Francesca
y déploie un flow nonchalant et vibrant, sonnant comme la rencontre parfaite de
Mike Skinner (The Streets) et Patti Smith, le trip-hop fricote avec les incantations roots, folk et blues, comme
extraites d’un chant spirituel indien… C’est hybride, profond et prenant !
Keep Moving et Lying On The Moon nous ramènent sur les
sentiers balisés d’une bass music matinée
de glitch, de break beat et de R&B, des bourdonnements (musique drone) nous rappellent que nous
sommes bien en territoire britannique… Les atmosphères y sont sombres voire
assomantes, Tricky en personne toujours
aussi envoutant y intervient en guest, susurrant son texte au côté de la voix
cristalline et éthérée de la jeune femme.
Dès l’ouverture de Joker,
c’est un changement complet de décors qui s’opère, Francesca nous maintient toujours en haleine dans sa sphère trip-hop mais nous bascule dans son hémisphère
sud, plus chaud, lumineux et léger, où l’on retrouve les reflets jazzy de l’autre groupe historique de Bristol, Portishead.
Les ambiances enfumées de Massive Attack resurgissent dans Strange Beat, avec sa ligne de basse obsédante tandis que Brothers & Sisters nous immerge dans
l’italo disco des Chromatics.
Anima se poursuit
avec les délicieuses ballades Come Talk
et Your Sons, le titre electro popDaisy, le langoureux Driving,
l’anguleux Fast et l’atmosphérique Are you avec sa rythmique jungle ralentie et étouffée…
Bref, en 15 titres riches et variés, Francesca Belmonte nous dépeint son petit monde musical polymorphe alimenté
entre autre par le génie de son producteur Tricky,
qui est actuellement en studio à Berlin pour l’enregistrement de son prochain disque
en collaboration avec son ami d’enfance et partenaire dans le projet Wild
Bunch, Dj Milo.
Pericopes+1 - These Human Beings (Alfa
Music/Egea Distribution)
Originellement, Pericopes
est un duo de jazz formé par deux
compositeurs italiens, le pianiste Alessandro
Sgobbio et le saxophoniste Emiliano
Vernizzi. Armés d’une véritable panoplie de diplômes et de prix, les deux
musiciens aux CV bien remplis écument depuis 2007 les scènes les plus
prestigieuses d’Europe afin d’y partager avec un public enthousiaste leur approche
singulière et moderne d’un jazz ouvert et sophistiqué. A Paris, ils entament en
2012 une collaboration symbiotique avec le batteur américain Nick Wight. Une tournée américaine
organisée en 2014 donnera lieu au premier enregistrement studio de la toute
jeune formation rebaptisée Pericopes+1.
Fort des idées nouvelles et du groove puissant
apportés par le new-yorkais, le trio va redéfinir les contours de son
répertoire en l’agrémentant de sonorités
plus avant-gardistes, en fusionnant à sa guise les traditions de l’ancien
et du nouveau continent ou en accordant une large place à l’improvisation et à la mélodie. C’est ainsi que se dévoile These Human Beings, un espace d’exploration,
de partage et d’échange où les ambiances post-rock, free jazz et nu jazz naissent de l’héritage
afro-américain et des musiques classiques
etfolkloriques européennes. Entre effervescence et
évanescence sonore, les artistes engagent un dialogue puis se répondent mutuellement, s'accompagnent ou s'opposent, s'accordent ou se désaccordent, se tendent des pièges ou des perches rythmiques et harmoniques... Bref ils jouent ensemble une musique cérébrale tout en conservant leur spontanéité et leur sensibilité...
A noter que le disque a été encensé par les légendes Enrico Rava et Dave Liebman...!
Si la référence absolue du blues touareg, dit Assouf
en tamacheq et qui signifie nostagie,
demeure depuis 1992 le fameux groupe originaire du nord du Mali Tinariwen, une autre formation nommée Terakaft (la caravane) et y étant étroitement liée, pratique elle aussi ce métissage entre sonorités modernes (blues,
rock), musique arabe et musique traditionnelle touareg. Mené par les
guitaristes chanteurs et percussionnistes Diara
et Sanou, Terakaft publie chez World
Village son cinquième opus intitulé Alone.
Les accents gnawa, mariés au son roots du bluesman Ali Farka Touré, aux percussions hypnotiques et à la distorsion des guitares électriques de
nos deux guitar heores du Sahara, invitent l’auditoire à la transe et à la danse,
tout en abordant la délicate question de la situation géopolitique de leur région.
Uptake - So
Far So Good (Jazz Village/Harmonia Mundi)
Le tout jeune quartet lyonnais Uptake (lauréat en 2014 RéZZo
Jazz Focal de Vienne) mené par le tromboniste Robinson Khoury (récemment sacré meilleur instrumentiste lors du Tremplin Jazz de la Défense) nous
présente son premier opus intitulé So
Far So Good et composé de 9 compositions inspirées des piliers de la
nouvelle scène jazz américaine. Ils citent notamment les pianistes Robert Glasper et Jason Lindner ou le tromboniste de Philadelphie Eugène Eubanks. La fusion qu’a opérée Joe Zawinul avec le Weather Report n’est sans doute pas non
plus étrangère à la construction de leur identité musicale, forgée autour d’un
groove solide marqué par leurs influences rock, pop et hip-hop…
Autour de Robinson
Khoury et de ses sonorités chaudes, rondes et amples (qu’il agrémente
occasionnellement d’FXs), se dévoilent l’excellent claviériste Bastien Brison (qui a largement participé
à l’écriture de l’album), le bassiste Pierre
Gibbe et le batteur Paul Berne.
Cette fine équipe distille un jazz frais,
aéré et sensuel, sa virtuosité certaine n’a besoin d’aucune esbroufe pour
toucher un auditoire captivé par des atmosphères épurées et changeantes, faites
de transitions, de rebondissements et de soubresauts sans fioritures.
Awake, qui ouvre
magistralement le disque, détermine d’emblée le niveau de jeu du quartet, ainsi
que sa manière d’aborder un thème qui évolue graduellement. Ici, les 3
premières minutes mettent en avant l’écriture, le piano et le trombone, puis
soudain la basse se fait plus insistante, le Fender Rhodes entre dans la danse et la batterie s’active, le jazz s’électrifie avec l’impro de Bastien au Wurlitzer, le swing devient
groove et se déploie avec énergie jusqu’à une outro qui se dépouille petit
à petit de son rythme, avant de finir par un échange intimiste piano/trombone.
Dans Mood les accords
de Rhodes gavés de reverb sont rapidement rejoints par Robinson qui laisse un temps son trombone au profit du vocoder, la mélodie subtile, délicate et
chargée d’émotions me rappelle alors celles du saxophoniste Casey Benjamin qu’il interprète dans le
projet Urbanus de Stefon Harris & Blackout. Le titre
est comme suspendu, flottant en apesanteur, le groove y est nébuleux et la
basse, dodue et voluptueuse, omniprésente.
Nighthawk, parés
de ses accents psychédéliques et de ses
reflets hypnotiques, trompe son
monde avec son air faussement calme, la basse semble se prélasser, le piano
retient ses marteaux, la batterie ses coups et le trombone ne demande qu’à
partir en vrille… ça bouillonne mais n’explose pas.
Bref So Far So Good
est une belle entrée en matière pour ces tout jeunes musiciens rhodaniens, une
découverte à ne pas manquer !
Van Hunt - The Fun Rises, The Fun Sets (Godless Hotspot)
Un bien bel effort que ce cinquième opus néo-soul(mais pas que !) intitulé The
Fun Rises, The Fun Sets du crooner et multi-instrumentiste Van Hunt. Natif de Dayton, il se met à
la musique dès l’âge de 7 ans, motivé par l’amitié nouant son père au batteur
des mythiques Ohio Players… On
comprend ainsi mieux d’où lui viennent ses sonorités
sexy et psychédéliques héritées de la black music des années 70 !
A la fin des 90’s, après avoir envoyé ses démos hip-hop à quelques maisons de disques
et rencontré plusieurs producteurs dont l’excellent Jermaine Dupri, le compositeur
se fait remarquer en écrivant le titre Hopeless
pour Dionne Farris (Arrested
Development) et une partie de l’album Love
In Stereo de Rahsann Patterson…
Après Van Hunt (2004)
et OnThe Jungle Floor (2006) parus chez Capitol Records, ses deux premiers albums plutôt bien accueillis
par la critique, le musicien déchante en étant notamment affligé par l’avortement
de son projet Popular qui devait sortir
chez Blue Note Records en 2008. Excédé
par l’industrie du disque, il s’en émancipe et fonde son propre label baptisé Godless Hotspot où paraîtront What Were You Hoping For ? en 2011
et The Fun Rises, The Fun Sets en
2015.
Influencé depuis ses débuts par des univers musicaux souvent
aux antipodes, rock, folk et country
d’un côté puis jazz, funk, soul et
R&B de l’autre, Van Hunt
distille avec brio l’héritage des icônes Iggy Pop, David Bowie, Neil Young et Curtis
Mayfield, Thelonious Monk, Serge Giansbourg… Souvent comparé avec raison à Prince, il s’empare de tout un pan de
la culture musicale américaine et la restitue dans une fusion proche de celle
qu’opérait déjà dès la fin des 60’s Sly
Stone et sa famille. Sa musique allie rythmiques
R&B, mélodies contagieuses et
psychédélisme, créant ainsi une identité pop/soul/rock hybride et débridée.
Dès l’ouverture avec le torride Vega (Stripes On), Van Hunt
nous annonce la teneur de l’album en mêlant une instrumentation funk digne des JB’s à sa voix gémissante
et caressante, qui rappellerait presque celle de Lenny Kravitz dans ses meilleures prestations.
Avec des morceaux comme Old
Hat, (Let It) Soak (N) ou French For Cloud (Cstbu) c’est le génie
de D’Angelo qui semble surgir de
cette soul moite et tourmentée, aux accents organiques de gospel, de blues ou de jazz.
Dans Pedestal, si la guitare acoustique semble entamer une
balade folk, c’est bel et bien dans un rock
électrifié obsédant et saturé façon Jimi
Hendrix que l’on pénètre un peu surpris mais rapidement conquis.
Teach Me A New
Language nous replonge dans une soul
cosmique et langoureuse où le groove nébuleux nous emmène rejoindre Curtis et sa voix délicate de ténor
aigue.
She Stays With Me
est dans la lignée des meilleures productions de Prince, avec une ligne de basse massive et ténébreuse, des synthés
80’s et une voix gavée de reverb…
Quant aux thèmes Headroom
et If I Wanna Dance With You, il est quasiment
question d’a cappella, le chanteur est juste accompagné par quelques accords pop joué au piano et nous offre
deux slows, deux ballades lentes et
aériennes que l’on s’attendrait à écouter dans une galette de R. Kelly !
Emotional Criminal
et le titre de clôture The Fun Rises, The
Fun Sets, sont conçues elles aussi comme deux ballades romantiques et
sensuelles, aux ambiances pop profondes
et un brin psychés mais qui, malgré leurs mélodies accrocheuses, ne capteront pas les ondes radio. Encore
heureux !
Parlons pour finir de la bombe funky…Puddin’,
prenant des airs d’Iggy Pop au chant, Van
Hunt nous livre le titre le plus dansant et le plus joyeux du disque.
A l’instar du Black
Messiah de D’Angelo paru il y a
peu, The Fun Rises, The Fun Sets nous
prouve que certains artistes surgis lors de l’explosion néo soul de la fin des
années 90, sont parvenus à se renouveler en conservant leur singularité. Van Hunt ne fait aucun compromis,
quitte à prendre des risques en s’aventurant dans des sonorités bien éloignées
des standards.
Les mains d’or qui façonnent depuis 1995 le son hip-hop/jazz d’Hocus Pocus et qui participent en 2012 à l’explosion breakbeat du projet turntablist C2C avec le tube Down The Road, appartiennent au Dj/producteur nantais Sylvain
Richard plus connu sous son nom de scène 20Syl.
Il mène en parallèle une carrière solo œuvrant en temps qu’MC et beatmaker aux côtés de signatures underground telles que le franco-belge Grems ou les rappeurs américains Blitz The Embassador et RashaanAhmad (que l’on a remarqué tout récemment auprès de Chlorine Free et
Bootleggaz). Ses remixes et récents travaux semblent bien montrer un changement
de cap, Sylvain met le rap et l’écriture
entre parenthèse, il avoue vouloir se consacrer davantage à la production de
pièces moins classiques et plus expérimentales ou hybrides, croisant alors des textures organiques à des rythmes digitales.
Par l’entremise de son propre label On and On Records il nous offre aujourd’hui la suite logique de son premier EP Motifs paru en juin 2014 et où on
retrouvait entre autres invités le trompettiste libanais Ibrahim Maalouf. Motifs II
se révèle être une fois de plus à la hauteur de nos attentes, avec son artwork
épuré et énigmatique (dont il est l'auteur), puis surtout ses 5 titres absolument accrocheurs explorant
des univers abstract hip-hop et post-dubstep minimalistes plus tournés
vers la voix et l'émotion.
L’opus s’ouvre avec la pépite
down-tempo et subaquatiqueSwimming
Stone, 20Syl y déploie sa voixvocodée au chant délicat et sensuel accompagnée de
chœurs éthérés, de cordes vibrantes, de synthés lancinants aux sonorités numériques
et analogiques, ainsi qu’une bass drum profonde et organiquequi bat au rythme d’un cœur apaisé nous
poussant lentement à remonter vers la surface…
…Surface remuée par une syncope énergique qui n’est pas sans
rappeler celles de C2C ou de la
scène bass music anglaise dont le
label Tru Thoughts nous abreuve (je
pense à Lost Midas ou Jonny Faith…). En effet You Know vient bousculer notre première
impression avec sa voix féminine puissante et dancehall, ses vocaux pitchés, sa
rythmique punchy et hachurée, ses synthés flamboyants et sa ligne de basse
massive.
La bombe hip-hopCopycat poursuit notre immersion dans cette
nouvelle esthétique que 20Syl construit et veutplus axée sur les voix,
il revient ici à ses premières amours en conviant le rappeur californien Farshaw sur une instrumentation martelée
de beats incisifs, où s’invite un thème asiatique joué à la flute (un clin d’œil
au Chinese Man ?).
Puis dans Back & Forth,
autre grande réussite de l’EP, le nantais va arpenter le versant
australien du future dubstep (ses synthés
me rappellent ceux de Flume), c’est d’après
les images que le réalisateur Thomas
Porté avait assemblées à l’écoute d’une première ébauche qu’il compose cette
version définitive, qui précipitera d’ailleurs la création de l’opus.
A l'instar de l'ouverture, on retrouve samplée dans le touchant Dust Clouds la propre voix de l'artiste qui vient s'immiscer dans une instrumentation electronica apaisée en mode cool-tempo et gorgée de synthés amples et aériens. Son flow lent et son timbre vaporeux retouché en forme de murmure met en avant une mélodie pop des plus séduisantes, à mi chemin entre nostalgie et mélancolie mais toujours dominée par un groove prenant...
Bref, Motifs II est convaincant d'efficacité et de beauté.
Bootleggaz –
Liquid (Los Angers City Soul Recordz)
Issue de l’association des producteurs K.rlo et LordGéo, Bootleggaz nous livre Liquid, un premier opus nu soulaux flaveurs french west-coast des
plus efficaces. Originaire de LosAngersCity, le crew y distille savamment un groove sensuel et assassin digne
de celui de leurs compatriotes Hocus
Pocus. En effet, d’un bout à l’autre de cet objet musical qui nous veut que
du bien, le duo égraine ses influences extraites des scènes soul, funk, jazz, hip-hop, electro et R&B, n’en retenant que la
substantifique moelle, un essentiel positif et gorgé de chaleur. Suspendu aux
lèvres charnues d’une ligne de basse voluptueuse et aux accords jouissifs d’un Rhodes
funky, l’auditeur en sueur se laisse embobiner par un déballage de sonorités live douces et sirupeuses, marquées
du sceau des icônes J. Dilla, Maxwell, Beat Assailant, Bilal, 9th Wonder et autres D’Angelo.
Au fil de ses 15 titres, Bootleggaz nous ballade entre Détroit, Londres, Philadelphie, New
York et la Nouvelle Orléans, ne manquant pas de faire escale à Toulouse pour enrôler
le crooner Gimenez E (que nous écoutions il y a peu sur l'excellent projet The Empire Of Sound), à Paris pour
solliciter les services de la diva Jaleenah
Birdland, à Oakland pour amadouer le flow
old school du rappeur Raashan Ahmad
ou encore à Guyana cueillir le blues
du rasta Ras Mac Bean… Un voyage initiatique
autour du monde et à travers les époques où les cuivres d’un big band
cohabitent avec les scratchs d’une technics sl1200 et les beats d’une MPC…
The Roots
Of Chicha (Vol.1) & Juaneco y Su Combo (Master Of Chicha 1) (Barbès
Records/Differ-Ant)
Il n’y a pas que les chefs étoilés, pâtissiers et vignerons originaires de l'hexagone qui réussissent à se faire une place sous le soleil états-unien… Le Club Barbès à Brooklyn a été créé par
deux musiciens français voilà plus de 10 ans et le label new-yorkais Barbès Records lui a emboité le pas en
se spécialisant dans des sonorités world
typées, issues du passage de styles musicaux populaires et traditionnels au
travers du prisme de la modernité et
de la singularité d’artistes engagés,
marginalisés ou oubliés. Ces créations hétéroclites hybrides, inspirées et
souvent barrées badinent avec le folklore des Balkans, du Méxique, du Pérou, du
Chili ou du Brésil…
La maison de disque nous présente sa double actualité prévue
pour fin Mai 2015.
The Roots Of Chicha
vol.1 rassemble les pionniers d’un genre apparu dans les années 70 avec l’arrivée
au Pérou de la guitare électrique et du rock psychédélique. Mélangeant la cumbia colombienne à la guaracha
cubaine, réhaussée d’accents criollo,
surf et de toutes sortes d’influences
locales et exotiques glanées au hasard des ondes radio, ces artistes
décomplexés et armés de leurs claviers électriques, percussions afro-latines et
pédales d’effets ont conçu un cocktail
postmoderniste devenu la fierté des péruviens défavorisés. On y
découvre ainsi une pléiade d’orchestres sortis de l’anonymat en 2007 avec la
première anthologie de chicha disponible
en dehors du Pérou, Los Mirlos, Los Hijos Del Sol, Los Dentellos, Los Diablos
Rojos ou encore Juaneco Y Su Combo.
La seconde actualité de Barbès Records est justement la publication d'une compilation de ce groupe qui pérît en grande partie dans un accident d'avion en 1977, Masters Of Chicha: Juaneco y Su Combo. Formation mythique de l'Amazonie péruvienne, elle prend forme dès 1966 sous l'impulsion de l'accordéoniste Juaneco et de son père saxophoniste. Cantonnée à reprendre des standards latino-américains dans ses débuts, elle s'électrifie au début des 70's et devient le premier groupe psychédélique d'Amazonie, boosté par la créativité du guitariste Noé Fachin nourrie par l'usage exagéré de psychotropes...
Ces 2 disques sont à mettre entre les mains de mélomanes amateurs du concept de sono mondiale oú autres aventuriers désireux de s'engager dans un trip décalé...
Alune Wade & Harold Lopez-Nussa - Havana-Paris-Dakar (World Village/Harmonia Mundi)
Lorsque que deux prodiges se rencontrent échangent et
partagent leur amour pour leur culture respective, le résultat ne peut qu’être enthousiasmant.
Dans le projet world jazzHavana-Paris-Dakar, à
paraître chez World Village, la
magie opère naturellement autour du jazz
et d’un feeling humain puis musical
rapprochant l’Afrique de l’Amérique latine, les rythmes du cha cha cha, de la rumba et de la salsa cubaines
à ceux de la morna cap-verdienne ou
du chaabi magrébin entre autres
influences sénégalaises, maliennes ou camerounaises.
Ainsi, après le live AtHome, qui rassemblait la diva malienne Fatoumata
Diawara et le pianiste de la Havane Roberto
Fonseca, nous découvrons une nouvelle œuvre fusionnant l’héritage des deux
continents, où le bassiste nomade et chanteur sénégalais Alune Wade a franchi l’Atlantique pour rejoindre le jeune virtuose
du piano cubain, Harold Lopez-Nussa.
Présent sur le dernier Afrodeezia
de Marcus Miller avec sa voix cristalline
et délicate (suivant les pas tracés par les immenses Salif Keita et Lokua
Kenza), Alune est aussi agile au
chant que sophistiqué à la guitare-basse, sa grâce et la douceur de son jeu nous
nous font forcément penser à son aîné camerounais Richard Bona. Son parcours et son talent le mènent à seulement 18
ans dans l’orchestre d’Ismael Lô puis d'Oumou Sangaré et
plus tard dans le studio d’enregistrement de Youssou N’Dour... Il est aujourd'hui installé à Paris.
Harold Lopez-Nussa,
auteur du splendid New Dayparuen 2013, est issu d'une grande famille de musiciens, il mène de front piano jazz, musique classique et traditions caribéennes, s'appropriant subtilement les répertoires de Maurice Ravel, Keith Jarrett ou Wayne Shorter, accompagnant sur scène la chanteuse Omara Portuondo ou parcourant le monde en égrenant ses propres compositions dans les plus prestigieux festivals (Montreux, Montréal, Sète...)
C'est en Allemagne que les deux hommes se rencontrent presque par accident, Alune remplace le bassiste d'Harold pour un concert donné dans un club en Avril 2012, l'alchimie est telle que naît l'envie d'aller plus loin. Tous deux ont été impressionnés et largement influencés par
la fusion des genres qu’ont initié les jazzmen légendaires des 70’s et des 80’s
tels que Joe Zawinul ou Herbie Hancock.
À leur tour ils élaborent un métissage scintillant et fédérateur des styles, rendant ainsi hommage aux racines africaines de la musique cubaine. Le tandem, enregistrant l'album à Cuba en décembre 2012, réinterprète une série de standards empruntés aussi bien au gambien leader de la scène salsa de Dakar Labah Sosseh (Aminata), qu'à l'héroïne aux pieds nus de Sao Vicente Cesaria Evora (Petit Pays), en passant par le succès immortalisé par un des chantres de la scène raï Rachid Taha (Yarahya) ou encore par une perle mandingue extraite de l'œuvre du griot malien Salif Keita (Seydou).
Ces titres, accompagnés des compositions inédites d'Alune (Sagô, Salimata, Dom), d'Harold (Nussa Solo) ou de son frère le batteur/percussionniste Ruy Adrian Lopez-Nussa (Guajira) sont tous une invitation à la danse et à la fête, à l'instar du sublime hymne à la liberté Ayé Africa de Manu Dibango trait d'union idéal entre l'île des Antilles et la terre-mère.
À noter qu'autour de nos deux leaders se sont greffés des artistes hors paires, une garde rapprochée composée de Ruy à la batterie, Adel Gonzalez aux percussions et Reinaldo Melian à la trompette, puis d'invités prestigieux comme les chœurs de l'Orquesta Aragon, les guitaristes Hervé Samb et Amen Viena ou la chanteuse cap-verdienne Sara Tavares.
Les arrangements de Havana-Paris-Dakar servent un dessein plus que respectable, celui de d'afficher un sourire radieux à ses auditeurs conquis par la découverte d'une Afrique colorée de 'cubanité' et de latin jazz...
The Alchemist & Oh No - Welcome to Los Santos (Mass Appeal Records)
Gangrene, duo hip-hop
de haut vol formé par les producteurs californiens The Alchemist alias ALC
(Mobb Deep, Dilated People, Eminem) et Oh
No issude la fameuse écurie
Stones Throw Records (puis accessoirement petit frère de l’immense Madlib),
nous présente son nouveau projet intitulé Welcome to Los Santos, conçu pour et inspiré par le célèbre jeu vidéo Grand Theft Auto V ou GTA V de Rockstar Games.
Les partenaires de longue date œuvrent en terrain connu
puisqu’en 2013 Ils collaboraient déjà à la création de la precédente bande-son du jeu avec
les compositeurs Edgar Froese de
Tangerine Dream et Woody Jackson.
Cette collection de morceaux dédiée à
l’univers violent de la citée de Los Santos (version fictive de Los Angeles),
où trois criminels complètement barrés fomentent une série de braquages
audacieux et dangereux sur fond de virées sauvages en grosses cylindrées, fait partie de la promotion d’une nouvelle version PC
de GTA V. Elle se compose de 14 titres aux reflets hip-hop West Coast bien sûr (Welcome To Los Santos,Bad News, Fetti), mais
aussi traversés d’influences soul 70's (Play It Cool, Trouble), pop (Speedline Miracle Masterpiece, Leave, Wanderer), dancehall (Fast Life, Born Bad), rock (Lock & Load), electro (K.Y.S.A.), G-Funk (California) et R&B (20's 50's 100's).
Gangrene a convié pour l'occasion une pléiade d'artistes notables dans la sphère hip-hop autant qu'électro pop/rock, dont Little Dragon, Aloe Blacc, Wavves, Phantogram, Popcaan, Freddie Gibbs, Sinkane, Dam-Funk, Kokane et autres Killer Mike ou Action Bronson...
Welcome To Los Santos est désormais disponible pour les utilisateurs de cette nouvelle version de GTA V depuis la station radio in-game The Lab...
Le peintre, producteur et multi-instrumentiste basé à New York Jason Drake nous revient sous l’identité
de Dfalt avec un premier album éponyme
succédant à l’EP Black Book paruen Avril dernier sur Plug Research (Amp Live, Bilal...). Connu comme étant l'artisan du projet electro/indie-rock Cassettes Won’t Listen où il s’est
notamment illustré en remixant RJD2, Daft Punk, Aesop Rock ou Morcheeba, le co-fondateur du label Daylight Curfew nous présente ici ses orientations abstract
hip-hop obsédantes qu'il distille dans des atmosphères vaporeuses et embrumées.
Dès son ouverture avec A
Few Began To Smoke, Dfalt nous plonge
dans la bande son crépusculaire d’un film imaginaire habité des craquements analogiques
d’un vieux vinyle et d’autres reflets glitchs électroniques. Les synthés lointains se déploient en nappes fantomatiques voguant à travers un paysage désertique battu par le vent. La rythmique est dépouillée, un clap et une bass drum assommante s'y enchaînent lentement dans un dub presque asséché.
Avec School, Dfalt nous accompagne en territoire trip-hop, la basse gronde, les cordes flottent et le clavier entonne une ritournelle inquiétante, le tout étant ponctué de scratchs crasseux nostalgiques de l'époque old-school, qu'il réalise grâce à sa mythique Technics 1200.
Jason a grandi au son hip hop du milieu des années 90, il cite volontiers les noms de Public Enemy, J Dilla, RZA ou DJ Premier comme piliers fondateurs de sa passion pour le beatmaking, passion renforcée par la puissance et les possibilités de sa MPC1000, instrument aujourd'hui vintage! Aphex Twin l'a aussi largement influencé, d'où peut être son goût prononcé pour les expérimentations ambient (Arrested Silence), les rythmiques bancales(We Use To Be Broken) et les ambiances electronica sombres.
Sunrise Soldier, qui pourrait être compilé par David Visan et Claude Challe dans une version 'face B' de leurs sélections Buddha Bar, confirme comme ailleurs dans l'album que si le down-tempo est une constante chez Dfalt elle se construit d'échantillons de batterie poussiéreux et d'FXs extirpés sous le torture de ses Korg Koass Pads.
Dans Light Bright Love Letters l'ancien directeur marketing du label hip-hop underground Definitive Jux Records (Run The Jewels)inclut des tonalités big beat voire pop, dans Fist 101 il flirte avec le grime et s'acoquine à un footwork décéléré dans Plastic Jungles et Bath Tub...
Bref, Jason Drake nous ballade dans les méandres des sous-genres electronica contemporains en s'inspirant aussi bien de la bass music anglaise et du trip hop des 90's que de la scènebeat expérimentale de L.A. Il s'attèle, comme dans son travail graphique, à explorer les nuances et les distinctions entre le monde analogique, physique, palpable et son équivalent digital, numérique et virtuel.
ci dessous un extrait de son EP Take datant de Janvier 2014:
L’afrobeat a le
vent en poupe depuis quelques années avec un impressionnant regain d’attention
du publique pour ses rythmes endiablés issus d’une habile fusion entre musiques
traditionnelles nigérianes (juju et highlife), funk, soul et jazz. Fela Kuti, instigateur de cette
nouvelle verve contestataire envers un pouvoir politique corrompu et Tony Allen, artisan de sa rythmique accrocheuse
et enivrante, ont posé les jalons de cette révolution musicale au début des
années 70 à Lagos.
Au début des années 80, Fela
forme son groupe Egypt 80 qui succède à Africa 70. C’est à cette époque
que le jeune Délé Sosimi, natif d'Hackney à l'est de
Londres (en 1963) mais ancré dans la culture de son Nigeria d’origine, rejoint le
mythique orchestre jusqu’à la création en 1986 du Positive Force avec Femi Kuti. La mort de Fela en 1997 motive le chanteur, directeur musical et claviériste à se concentrer sur sa carrière et à poursuivre de son côté l'œuvre militante du maître-mentor en y intégrant davantage de sonorités jazz, deep funk et latino. Devenu leader, Il fonde son propre orchestre et incorpore davantage le piano à son afrobeat bouillant et racé. En 2002, il publie son premier opus solo Turbulent Times, s'en suivront une quantité impressionnantes de projets et de collaborations jusqu'à la sortie en 2007 de son second LP Identity. Délé, fondant parallèlement à Londres la Dele Sosimi Afrobeat Foundation où il enseigne activement, se produit sur les scènes du monde entier et participe aux plus prestigieux festivals, de Montreux à Calgary en passant par Oslo et Vienne.
De retour au studio, il nous offre via l'exigent label Wah Wah 45 le brulant You No Fit Touch Am, un album engagé et servi aux petits oignons par le producteur Benedic Lamdin que l'on connaît mieux sous le nom de Nostalgia 77. Le disque fut enregistré dans la capitale britannique aux Fish Market Studios.
Les ingrédients inhérents à l'afrobeat et à son groove diablement infectieux sont de mise, si les précédents efforts de Délé lorgnaient de façon plus flagrante sur le funk et le jazz (on se souvient du titre Turbulent Times et ses accords de piano acoustique), l'artiste nous propose ici un retour aux sources à travers 7 pistes dont la plus courte dure 6mn10s !
Le format est imposé par la montée progressive de la machine à danser, You No Fit Touch Am s'ouvre avec la bombe E Go Betta où la guitare lance un phrasé puis une autre la rythmique typiquement highlife et ainsi entrent dans la vibe tous les instruments de l'Afrobeat Orchestra, batterie, basse, section cuivre massive puis clavier...
L'ambassadeur Délé Sosimi au chant y clame haut et fort ses opinions politiques, il exhorte les nigérians dans le second morceau (aussi second single) Na My Turn à reprendre les rennes de leur pays en œuvrant pour un vrai changement: "We no want government by soldiers... Government by self-determination...".
Dans le titre éponyme, Délé nous vend le pouvoir ensorceleur de l'afrobeat, une invitation à la danse et à la transe sur les rythmes fondateurs yoruba.
We Siddon We Dey Look (Straight Molin') nous renvoie dès l'intro de ses guitares à une autre référence musicale à laquelle Fela était aussi sensible, le funk écorché et tranchant de James Brown. Le chanteur explique qu'entre la fin des années 70 et aujourd'hui, les choses n'ont finalement pas tant changé dans son pays d'origine, la terreur a d'autres visages, il cite la tristement célèbre secte Boko Haram active depuis début 2000 et issue de la région nord-est du Nigéria.
Sanctuary est le premier single de l'opus, avec sa rythmique incisive et urgente il nous appelle à le suivre dans son sanctuaire, sans doute un ailleurs de plénitude, de liberté et de paix.
You No Fit Touch Am est un disque parfait, tant pour sa masterisation (l'expertise de Nostalgia 77 y est pour quelque chose) que pour son aspect artistique irréprochable, il vise autant à nous faire danser qu'à éveiller en nous une conscience militante endormie par un confort superficiel.
Le producteur électro Titeknots, issu de l'excellente écurie anglaise Tru Thoughts Records a réalisé un remix jouissif de Sanctuary, punchant le titre à grands renforts de beats house, dont ses fameux crochets bass drum foudroyants et autres clap assommants ! Un véritable obus chargé d'ondes positives à lâcher sur le dancefloor... ... Et à télécharger ICI