Eric Séva - Mother Of Pearl (Les Z'arts de Garonne/L'Autre Distribution)
Eric Séva nous revient avec le vibrant Mother Of Pearl, projet jazz dirigé par Sébastien Danchin, que le saxophoniste a enregistré en Mai 2019 au Studio de la Buissonne. Entouré de ses remarquables musiciens, il nous propose un recueil émouvant de 10 compositions originales, agrémenté d'un "Summit, Close Your Eyes and Listen" revisité,thème intemporel et hypnotique légué par l'immense Astor Piazzola. Ce titre est extrait du fameux Summit,que le bandonéoniste argentin a écrit avec Gerry Mulligan en 1974, album qui fut ici, l'une des inspirations majeures du compositeur parisien.
La formation que ce nomade sonoreà laboulimie créativea réuni autour de lui, rassemble l'immense accordéoniste Daniel Mille, ainsi que les excellents Alfio Origlio au piano et au fender rhodes, Christophe Wallemme à la contrebasse et Zaza Desiderio à la batterie. Un casting renversant digne de ce répertoire à la richesse mélodique et harmonique rare, où se mêlent un tas d'influences empruntes de folklores et de musiques savantes. Cet habile métissage est le fruit d'une conversation riche, passionnée et pleine de complicité construite entre les saxophones d'Eric et l’accordéon bouleversant de Daniel... Une réussite!
Réinterprétant fidèlement, ou parfois plus librement, 9 compositions envoûtantes du musicien croate des années 1930, Vladimir Sambol, le quintet italien désormais installé à Paris, Guappecarto,nous offrait le 15 Novembre dernier son 4° opus baptisé Sambol Amore Migrante. Un hommage vibrant adressé à l'artiste oublié, initialement voulu par sa fille Mirjam, après avoir assisté à un concert de cette formation si singulière, fondée à Pérouse en 2004. Mélangent ses racines musicales italiennes aux tumultes et à la fougue des sonorités tziganes, Guappecarto nous immerge dans son folklore imaginaire saisissant, où se mêlent avec spontanéité et générosité le violon d'O' Malamente, les guitares de Franck Cosentini, l'accordéon de Dott. Zingarone, la contrebasse de Mr Braga et les percussions/batterie d'O' Brigante. Pour les épauler dans ce périple riche en émotions et en intensité, nos 5 larrons ont convié quelques invités de marque tel que Vincent Segal au violoncelle ou Marzouk Mejri au daff et au tar. Ensemble, ils élaborent un répertoire bigarré aux reflets résolument cabaret-punk. Échappant à toutes étiquettes, Guappecarto se frotte allègrement au tango argentin,aux valses des balkans ou à la tarentelle du sud de l'Italie, il joue une musique à la magie immédiate et communicative.
Mélancolique et poétique!
Petit miracle aux couleurs do brasil, 4² est le dernier effort du musicien parisien Nicola Son. Succédant à son troisième album Sampathique paru en Janvier 2016, il s'agit d'un EP de 4 titres absolument envoutants, où le chanteur poursuit, avec son complice de la première heure, le journaliste Igor Ribeiro, son exploration des rythmes et sonorités qui l'habitent depuis son adolescence, moment clé de sa vie où il découvrit la bossa nova de Tom Jobim. Afin d'habiller les chansons co-écrites en portugais, le compositeur invite les producteurs Daniel Montes, Hugo Linns, João Antunes et Marcio Arantes, issus respectivement des capitales Rio de Janeiro, Recife, Belo Horizonte et Sao Paulo, à venir y exprimer leurs sensibilités faites de grooves samba funk ("Amanha Ja Era"), de reflets MPB ("Toi"), de dissonances psyché rock ("Escala") et même de réminiscencesargentines ("Desamparados"). Ilsreprésentent à leur manière la richesse et l'infinie diversité culturelle du Brésil...
Alban Darche & L'OrphiCube - The Atomic Flonflons (Yolk Music/L'Autre Distribution)
Le compositeur, arrangeur et saxophoniste Alban Darche nous présente son nouveau projet jazz baptisé L'Orphicube, un étrange objet aux contours familiers qui vient compléter son tableau de chasse aux côtés de ses précédents trophées de guerre Le Gros Cube, Jasset autres.
Multipliant sans cesse les formats et associant toujours une large palette de sonorités allant du jazz à la pop et du rock à l'opéra en passant par le rap, le slam, la musique contemporaine et la musique de chambre, cet électron libre s'entoure à chaque fois de la crème des instrumentistes et vocalistes hexagonaux. Dans The Atomic Flonflons, où il a "souhaité restituer une musique exprimant immédiatement la somme des souvenirs acoustiques ancrés en chacun de nous", Alban s'est adjoint les services de musiciens versatiles aux horizons divers : la chanteuse Chloé Cailleton, la pianiste Nathalie Darche, l'accordéoniste Didier Ithursarry, le saxophoniste Stéphane Payen, le trompettiste Olivier Laisney, le contrebassiste Sébastien Boisseau et le batteur Christophe Lavergne.
Ensemble ils interprètent 12 titres réparties en 2 actes, orchestrés comme la "bande originale d'un film imaginaire", offrant à l'auditeur l'opportunité de voyager à travers le temps et l'espace. Ces extraits de "bandes-son de nos existences" sont tantôt habités des pleurs d'un accordéon nostalgique ("Saudade (Pluie Lente)"), d'un swing ravageur cuisiné façon Benny Goodman ("Jungle") et d'une voix puissante au lyrisme haut perché ("L'oiseau qu'on voit chante sa plainte"), tantôt teintés d'incursions latines comme la habanera ("La Paloma") ou le tango ("Tango Vif"). Ailleurs, l'orchestre nousinvite à valser ("Java" et "Musette"), à s'enlacer tendrement ("I'll be seeing you") ou à vibrer sur des syncopes joyeuses ("Ragtime")...
Une belle aventure.
Richard Galliano - New Jazz Musette (Ponderosa/Pias)
L'accordéon était à l'honneur fin 2016 avec Les Racines du Ciel de Frédéric Viale, il le sera aussi en ce début d'année 2017 avec le double album intitulé New Jazz Musette,du monstre sacré Richard Galliano . Afin de marquer les 30 ans d'une carrière bien remplie, la référence incontournable de l'accordéon - aussi bien à l'aise dans le jazz que dans la chanson, dans la musique classique (Bach sorti sur le prestigieux Deutsche Grammophon) que dans les rythmes brésiliens ou argentins - nous offre un aperçu du chemin parcouru depuis l'impulsion du maître Astor Piazzola. Ce que ce dernier fit au tango, Richard l'appliqua à la musette contre vents et marées, malgré les réticences et les à priori. Aujourd'hui comme à ses débuts, le musicien cannois s'entoure de la formation type du jazz-musette, un quartet composé de la trinité guitare-contrebasse-batterie. Il convie pour l'occasion ses fidèles acolytes, figures emblématiques du jazz hexagonal, le bassiste Philippe Aerts, le guitariste Sylvain Luc et le batteur André Ceccareli. Des complices de haut vol qui évoluent avec une spontanéité et une facilité déconcertante dans son monde musical varié et fédérateur.
Venant tout juste de souffler sa 66ième bougie, il était important pour lui de revisiter le répertoirenew musette qu'il partagea au fil des années avec des sommités de la scène jazz internationale telles que Phillip Catherine, Aldo Romano, Biréli Lagrène, Jean-Marc Jafet, Daniel Humair, Michel Portal, Wynton Marsalis, Didier Lockwood, Toots Thielemans et j'en passe.
L'accordéoniste franco-italien qui fit ses classes au Conservatoire de Nice (où il obtint en 1969 le 1er prix d'excellence au trombone!) revient aussi sur un thème qu'il affectionne particulièrement: "Tango Pour Claude" composé pour son ami Claude Nougaro (RIP). Ailleurs, il aborde ses aventures avec Mino Cinelu, Gonzalo Rubalcaba et Charlie Haden à travers "Aurore", morceau extrait du disque Love Day datant de 2008.
Enregistrés en 3 jours, ces 18 titres expriment avec délicatesse, rondeur et légèreté toute la profondeur d'un artiste qui a su redoré le blason d'un instrument poussiéreux, intégrant les influences des vénérables Herbie Hancock, John Coltrane, Bill Evans et Chick Corea, écoutant les pionniers Marcel Azzola et Joss Baselli ou explorant les univers d'Edith Piaf, JacquesBrel, Barbara, Nino Rota, Chet Baker ou bien des illustres Tchaîkovsky, Ravel, Vivaldi et Mozart...
Se dégage aussi de ce New Jazz Musette une chaleur des suds qui lui sont si chers et notamment celui de la France. On notera à cet égard l'unique morceau inédit: "Nice Blues" dédié aux niçois touchés en plein cœur par l'attentat du 14 juillet 2016.
Bruno Canino & Enrico Pieranunzi - Americas (CamJazz/Harmonia Mundi)
L'infatigable jazzman Enrico Pieranunzi n'en finit pas d'enchaîner les projets et les collaborations, on se souvient de son duo avec le guitariste Federico Casagrande dans Double Circle ou de son quartet américano-néo-zélandais sans batteur dans Proximity... Le pianiste romain nous revient avec une formule qu'il semble apprécier, en effet de nouveau en tandem il présente Americas, un recueil de 8 titres qu'il interprète en compagnie du pianiste et claveciniste napolitain Bruno Canino, soliste et accompagnateur de classe internationale, devenu incontournable dans les sphères de la musique classique et de la musique de chambre. Jazz et musique classique échangent ainsi autour des oeuvres de grands compositeurs des deux Amériques: Aaron Copland, William Bolcom, les frères Gershwin pour les Etats-Unis au nord et Astor Piazzola, Carlos Guastavino pour l'Argentine au sud. Sonorités ragtime ("Old Adam"), swing ("I Got Rhythm Variations"), latin jazz ("Danzòn Cubano") et tango ("Las Niñas de Santa Fé", "Milonga Del Angel") se succèdent, sublimées par un dialogue fédérateur au langage universel.
Jerez Le Cam Quartet - Reflejos Migrantes (Label Ouest/l'Autre Distribution)
C'est toujours émouvant d'écouter s'accompagner et se répondre des instruments aussi captivants que le piano et le violon, aussi typiques et racés que le bandonéon et le cymbalium (ou piano tzigane). Si la virtuosité et l'inventivité, l'ouverture et la richesse d'esprit sont de la partie, alors il se peut qu'un miracle musical s'opère, une rencontre magique sublimant les traditions et les époques... C'est le cas dans ce nouvel opus du pianiste franco-argentin Geraldo Jerez Le Cam intitulé Reflejos Migrantes. Que les cordes soient frappées et frottées ou que les notes soient soufflées, elles ponctuent avec grâce, élégance et émotions les 12 compositions métisses du musicien natif de Buenos Aires. A l'initiative d'un Tango Balkanique (nom donné à son album paru en 2008), Geraldo et son quartet fusionnent les sons syncopés du folklore argentin avec les musiques d'Europe de l'Est, les premiers étant renforcés par la présence du bandonéon de Manu Comté et les secondes par l'expressivité du violoniste roumain Iacob Macuica et les sonorités sans âge du mystérieux cymbalium moldave de Mihai Trestian. Musique classique, tango, jazz, musique tsigane et mélodie contemporaine se bercent, s'entremêlent dans des réflexions en forme de récits de voyages passionnants en des contrées lointaines pourtant si proches et intimes.
On notera la présence de la chanteuse argentine Sandra Rumolino, que nous découvrions dans Tres Luceros en compagnie de Kevin Sediki...
Une voix éraillée et une posture de vieux dandy à la silhouette de bad boy, le clarinettiste argentin aux multiples casquettes Daniel Melingo n'en finit pas de réinventer son tango si singulier, alimenté par les expériences d'une vie bien remplie et le désir de dépoussiérer les genres, de bousculer les codes et de repousser les frontières.
L'acteur, auteur, compositeur et interprète mêle à ses incursions punk sa passion pour les sonorités premières du folklore argentin, corrosives et subversives, interdites au même titre que le rock par la dictature, lorsque les militaires prennent le pouvoir à la fin des années 70.
Le 26 septembre prochain, "El Turco", comme il est surnommé dans son quartier de Buenos Aires à cause de sa couleur de peau, publiera sur World Village son dernier opus baptisé Anda, un recueil de 10 chansons racées, magnifiques, vibrantes et grinçantes. Digne héritier de Carlos Gardel, l'artiste parvient à maintenir son tangonoir et crasseux en équilibre précaire entre arty-rock et cabaret surréaliste, son chant fragile déambule sur des instrumentations acoustiques dépouillées et essentielles, animées par des mélodies baroques, chaloupées, sensuelles et évocatrices. A la façon d'un Morricone, le crooner des bas fonds élabore la bande son d'un film confondant réalité et hallucinations, où Gainsbourg, Satie, Cave et Waits crèvent l'écran dans leurs costumes de sombres héros.
Sandra Rumolino et Kevin
Seddiki - Tres Luceros (Wildner Records/L'Autre Distribution)
La chanteuse argentine Sandra
Rumolino, diva du Tango, et le guitariste/percussionniste français Kevin Seddiki nous offrent leur sublime
Tres Luceros, une aventure poétique et acoustique inspirée et vibrante, reliant
les sonorités et les sensibilités des Suds d'ici et d'ailleurs. S'y écoutent forcément
les influences latines de Buenos Aires d'où Sandra puise son langage musical et dont les harmonies et les
rythmes sud-américains ont largement déteints sur le jeu de Kevin, qui partage d'ailleurs
régulièrement les scènes des jazzmen Dino
Saluzzi et Al Di Meola. Leur
origine italienne est aussi un dénominateur commun aux deux complices qui se côtoient
depuis maintenant 5 ans et à celle-ci s'ajoutent l'Algérie du concertiste, ici compositeur
et arrangeur de l'album, ainsi que l'Andalousie et l'Iran, qui transparaît à
travers sa pratique du zarb (instrument de percussion perse), transmise par l'illustre
famille Cheminari.
Chants et folklores d'Amérique du
sud, jazz, musique classique et rythmes orientaux se
mêlent et s'entrelacent dans une ambiance
tamisée et colorée à l'instar de la voix, de la guitare et des percussions qui
s'accompagnent tendrement dans un concert sonore intimiste où l'émotion prime.
Las Hermanas Caronni - Navega Mundos (Les Grands Fleuves/L’autre
Distribution)
Las Hermanas Caronni,
sœurs jumelles natives d’Argentine, publient leur troisième opus très aquatique par sa thématique, baptisé Navega Mundos. Laura, violoncelliste et Gianna
clarinettiste, se plongent dans leurs souvenirs d’enfance à la recherche d’instants
magiques et d’êtres disparus. Leur solide
formation musicale et leur goût pour le voyage, les aident à dépasser leur background classique et traditionnel
afin de créer un style singulier, mêlant atmosphères
intimistes voire minimalistes et sonorités riches, puisées chez les
impressionnistes français Debussy et
Ravel, le compositeur brésilien Heitor
Villa Lobos, le tango et la musique populaire de la Pampa. Les deux
chanteuses offrent 12 titres dépaysants en hommage à leur maman Beatriz Pell et
à leur mentor Juan Carlos Caceres,
musicien, peintre et historien d’art disparu en Avril dernier. On notera la
reprise de TheDoors Spanish Caravan et la
très belle mise en musique d’un poème de Rainer
Maria RilkeLa Mélodie des Choses.
Pucinella – L’empereur (Les Productions du Vendredi/L’autre Distribution)
Le jazz du
quartet Pucinella est protéiforme,
fruit d’un assemblage loufoque d’influences diverses, il se pare d’atouts jazz-rock aux reflets expérimentaux, flirtant ça et là avec le tango, le bal musette et les rythmes
festifs des Balkans. L’Empereur est
le 4° opus du groupe composé de Ferdinand
Doumerc au saxophone, Florian
Demonsant à l’accordéon, Jean Marc Serpin
à la contrebasse et Pierre Pollet à
la batterie et au clavier. En 9 titres alternant théâtralité, générosité et
dynamisme, ces quatre musiciens atypiques, qui ont adopté le nom et les
caractéristiques du fameux personnage de la Comedia dell’Arte, se jouent des frontières et versent autant dans
l’humour et le populaire que dans le minimalisme et le psychédélisme !
Olivier Sens + Juanjo Mosalini – Discrete Time (ZAM/Socadisc)
Discrete Time est
le produit d’une collaboration inédite de deux musiciens d’exception, le
contrebassiste/programmeur français Oliver
Sens et le bandonéoniste argentin Juanjo
Mosalini. Les sonorités acoustiques de leurs instruments respectifs se
mêlent à des nappes et des rythmiques électroniques sophistiquées mais
discrètes. Le lyrisme virtuose du bandonéon s’appuie sur l’assise délicate et
langoureuse de la contrebasse, la programmation venant théâtraliser avec
finesse cet accord subtil mêlant la
créativité et l’improvisation du jazz à l’expressivité et la sensualité du tango.