Forcément avec un tel titre, l’album du trio jazz originaire des FlandresLabtrio, prend le risque d’être rapproché, avant même sa première
écoute, du célèbre courant artistique Fluxus, actif pendant les années 60 et
70. Prônant souvent avec humour une liberté totale, ces artistes revendiquaient
un refus des institutions artistiques et des limites imposées à leur pratique
de l’art, et c’est précisément de rupture des frontières qu’il s’agit avec nos
trois jeunes belges tout fraîchement sortis de l’adolescence. En effet, le
batteur Lander Gyselinck, la
contrebassiste Anneleen Boheme et le
pianiste Bram De Looze s’évertuent
au travers de leurs 9 compositions à nourrir
leur jazz instrumental de musique classique moderne, de pop et d’électro. L’écriture
de Lander y est très contemporaine, entre mélodies
lyriques et harmonies complexes elle offre une large place à l’improvisation et reconnait l’héritage légué par
les géants tels que Paul Motian ou Miles Davis. Labtrio place la barre très
haute avec ce premier opus enregistré dans les fameux studios de la Buissonne
près d’Avignon.
Magnifique chanteuse aux airs de Jill Scott, Laeticia N’Diaye possède la voix soul des grandes divas, elle déploie
son timbre sur les compos R&B de
son acolyte le claviériste Julien Grandon
et les productions, orientées black busic,
de Nicolas Gueguen. Leur projet Malabar
Watson réunit une excellente section rythmique 100 % made in France. On y
compte Moon (bassiste de Juan Rozoff),
Enrico Mattioli (batteur de Beat
Assaliant) et Thomas Broussard
(guitariste d’NTM…), autant dire que du lourd ! L’EP se compose de 7
titres aux allures funky, hip-hop et jazzy, dont 3 remixes sur lesquels on retrouve les danois Dafuniks et leur patte soul/electro, les français Bost & Bim et leurs sonorités reggae/dancehall puis le Dj Dee Nasty en personne, pour une version
très nu soul de « No One To Blame ».
À suivre de très près… !
C’est un bien joli objet pop-rock que les cinq toulonnais de Twin Apple nous offrent.
Solaire, acidulé et coloré, ce deuxième opus autoproduit paraît avec le soutien
de l’association varoise Tandem. « After The Endless Day » déploie une pop mélodique forcément influencée
par les sonorités d’Outre-Manche,
mais reconnaissante de cet héritage… L’album est empreint de cette touche anglaise resurgissant des 60’s
et 70’s si familière et efficace, avec ses rythmiques de guitares
acoustiques et électriques justement dosées, ses accords de piano plaqués
sobrement et la voix authentique de Gabriel Arnaud, meneur du projet.
Le duo initial, composé de Didier Malherbe au Doudouk et aux
flûtes ainsi que de Loy Ehrlich au Hajouj, Gumbass et Yayli Tanbur, était devenu trio avec la venue du joueur de
Hang, Steve Sehan. Pour la première fois en quartet, la formation Hadouk s’enrichie
du batteur/percussionniste et chanteur Jean-Luc Di Fraya et remplace Steve (parti
pour développer son projet solo) par le guitariste Eric Löhrer. Musicalité et
virtuosité sont toujours au rendez-vous, naviguant entre sonorités jazz et
world. Légèreté, rêverie, ballade et voyage en Orient et en Afrique sont de
mise dans cette délicate carte postale musicale intitulée, non sans humour, « Hadoukly
Yours ».
Le combo américano-néerlandais, composé à la base du chanteur Phonte Coleman et du producteur Nicolay (Matthijs Rook), publie un cinquième opus intitulé "Love In Flying Colors". Débutant leur collaboration à distance en 2002, ils produisent leur premier disque "Connected" en 2004 par mails interposés. Aujourd'hui, Foreign Exchange est installé en Caroline du Nord, fort d'une nomination aux Grammy's Awards en 2009, le groupe a acquis une certaine notoriété dans le milieu du R&B. Un cocktail savamment dosé entre hip-hop, néo-soul, funk et électro dévoile 10 titres séduisants et parfaitement produits, où le groove règne en maître absolu.
Hiatus
Kaiyote – Tawk Tomahawk (Flying Buddha Music/Sony Masterworks)
Comme quoi une ballade chez son disquaire réserve encore des
surprises… Une pochette étrange montrant le dessin d’un coyote gueule
grand-ouverte (façon esprit vengeur de la Princesse Mononoké d’Hayao Miyazaki),
le regard jaune et menaçant, derrière deux grues représentées en origami le
narguant avec un serpentin rouge… Une couverture assez énigmatique mais plutôt
efficace car la curiosité me met le casque à l’oreille… Puis là, deuxième effet Kiss Cool…
Né sous l’impulsion de la chanteuse, guitariste et
songwriter Nai Palm, Hiatus Kaiyote
est la vision futuriste d’une Soul
éclairée, cultivée, généreuse et organique. Rejoint par le bassiste Paul Bender, le touche-à-tout Perrin Moss et le claviériste Simon Mavin, l’alchimie opère et le
projet prend forme attirant comme un aimant le soutien des plus grands comme le
batteur chevelu des Roots, Questlove ou le Dj anglais Gilles Peterson (BBC
Radio 6 Music).
L’album « Tawk Tomahawk » est paru pour la première
fois en 2012 sur Bandcamp, il débarque cette année sous la signature Flying
Buddha du label Sony Masterworks.
Le quartet australien basé à Melbourne est parvenu à extraire
la « substantifique moelle » du courant NuSoul, dont les mètres
étalons furent mis en place dés les 90’s par les immenses Erikah Badu, Bilal et
autres Raphael Saadiq ou Music Soulchild. Mais son génie est
d’avoir autant puisé son répertoire musical dans l’opéra que dans les musiques
urbaines et électroniques. En effet, le titre « Malika » est tiré
de Lakmé composé par le français Léo
Delibes à la fin du XIX° siècle, il s’inspire de ce fameux air immortalisé
entres autres par Natalie Dessay : « Le Duo des Fleurs ». On
note par ailleurs que l’instru du morceau est un montage abstract hip-hop des plus délectables (à rapprocher des travaux du
producteur américain Flying Lotus),
avec les lignes de basse clé-de-voûte de Bender
soutenant l’ensemble par son groove imparable.
En ouverture, c’est le très atmosphérique et mystérieux « Mobius
Streak » (le fameux ruban rouge de la pochette ?) qui nous mène en
bateau entre ballade électro-soul et
ambient experimentale. Nai Palm y dévoile une voix touchante, approchant celle d’une Lauryn Hill dans ses meilleures heures, tandis que les claviers de Simon Mavin nous enivrent et nous
transportent vers des contrées délicatement syncopées par le broken beat éblouissant de Perrin Moss.
« The World It Softly Lulls » nous offre ensuite une
ambiance néo-soulfeutrée où D’Angelo pourrait facilement y poser ses mots doux et son groove
sensuel façon « Spanish Joint ». La chanteuse choisi pourtant d’y
imposerun flow tranchant et
revendicatif, un slam tempétueux sur
une rythmique funk éthérée aux
accents de guitare jazz.
Un interlude instrumental interstellaire « Leap
Frog » nous fait glisser vers « Malika » puis
« Ocelot » et « Boom Child », deux courtes plages aux beats
hip-hop brutaux et crasseux (pas
bien éloignées de certaines productions de Madlib).
« Lace Skull » déverse ensuite sa Soul électrisante et tumultueuse,
s’amorçant avec un arpège de guitare et quelques accords de piano puis se
terminant par un déferlement psychédélique.
C’est Jay Dilla
(RIP), énorme producteur de Détroit, qui semble avoir tissé les trames de ces
trop brefs « Rainbow Rhodes » et « Sphynx Gate », où Fender
Rhodes, MPC, choeurs et basses font leur office dans ces célébrations légères
et groovy à la musique promue par des labels tels que Stone Throw Records et
Okayplayer.
Enfin « Nakamara » vient clore ce pur bijou. Un
titre coloré et nusoul en puissance, sans boîte à rythme ni nappe électronique,
du groove à l’état brut, faisant directement allusion à l’identité australienne
du groupe. Le rappeur QTip (des
Tribe Called Quest) fait une apparition dans une version exclusive présente
dans la toute récente ré-édition du disque.
Royal
Southern Brotherhood – Royal Southern Brotherhood (Ruf Records)
Ce projet au nom un brin prétentieux, mais amplement justifié, réunit la crème des
scènes Soul, Blues et Rock du sud des
Etats-Unis. Rassemblant deux dynasties légendaires de Louisiane et de
Géorgie, la Royal Southern Brotherhood est une collaboration voulue par le
chanteur/guitariste Devon Allman
(fils du claviériste Gregg des Allman
Brothers, fers de lance du Southern
Rock dans les 70’s) et du chanteur/percussionniste Cyril Neville (membre de la célèbre fratrie des Neville Brothers, chantres de la Soul made in New-Orleans). Rejoints par le
guitariste/chanteur de Blues de St Louis Mike
Zito, les trois piliers nous délivrent leur fusion explosive et roots dans un album de 12 titres définitivement
rock’n’roll. À noter la présence d’une
section rythmique terrifiante menée par le bassiste au groove fracassant Charlie Wooton et le batteur de Détroit Yonrico Scott, apparu sur scène aux côtés
de BB King, Santana, Clapton, Taj Mahal… !