lundi 9 septembre 2013

Tarrus Riley – Mecoustic (Soulbeats Records)


Tarrus Riley – Mecoustic (Soulbeats Records)

Tarrus Riley est l’une des figures emblématiques de la nouvelle scène reggae jamaïcaine. En digne héritier de son père le grand Jimmy Riley, Omar Riley de son vrai nom a su se forger une solide réputation de chanteur à travers 3 albums remarqués parus entre 2004 et 2009, le gratifiant au passage de plusieurs récompenses prestigieuses. Fort de son succès public et critique, il ose aujourd’hui nous proposer dans son quatrième opus un tout autre aperçu de son identité artistique, moins dance-hall et commerciale, plus profonde et authentique. Malgré son jeune âge, la maturité dont fait preuve l’artiste dans ce « Mecoustic » surprenant est déconcertante ! En effet, la voix vibrante et touchante du jeune rastafari se gorge d’accents Soul et Gospel pour nous délivrer quelques reprises envoutantes de ses morceaux phares. L’instrumentation entièrement acoustique est réduite au strict minimum, (« Less is More »), la guitare omniprésente donne à ce très intimiste « Mecoustic » une saveur folk métisse délicieusement roots. Si le soleil de Jamaïque et les rythmes caribéens s’y font moins sentir que dans ses précédents disques, c’est peut-être parce que Tarrus parvient à se réinventer dans un style musical original qui n’est plus du reggae à part entière mais un savoureux mélange de réminiscences afro-américaines et afro-caribéennes portées par une voix subtile et puissante. Est-ce un aparté obligé au format unplugged ou une nouvelle direction que le chanteur emprunte ? Il n’en demeure pas moins que « Mecoustic » restera une œuvre sensible et poignante.

Sublime & Jun Miyake – Ludic' (Yellowbird Records/Enja)


Sublime & Jun Miyake – Ludic' (Yellowbird Records/Enja)

Jun Miyake revient après nous avoir enchanté en 2008 avec son magnifique Stolen From Strangers, où bossa nova côtoyait electronica, jazz, chanson française et lamentation nippone. Accompagné de la chanteuse Sublime, exhilée au Japon, il nous propose aujourd'hui une nouvelle aventure musicale pleine de surprises et de poésie intitulée « Ludic' ». Le trompettiste et compositeur installé à Paris depuis 5 ans explore en effet toutes les facettes d'une collaboration féconde depuis 1985, il remet au service de la voix et de l'écriture de la pétillante française des instrumentations inspirées toujours aussi colorées et précieuses. Féria nous emmène du côté de l'Argentine où le tango pointe son nez sur les paroles d'un taureau exaspéré s'apprêtant à charger la foule, le tango encore dans un Thriller Latina qui raconte l'enquête d'un inspecteur bien décidé à élucider un crime sanglant puis, plus loin, une fanfare mexicaine accompagnant l'éloge funèbre de Chiquito, pauvre donneur d'organes...Les premières amours du maître d'œuvre transparaissent ensuite dans des titres somptueux tels que la petite annonce d'un Chinchilla, cherchant un rôle au music hall, interprétée sur un air de jazz jouissif et entraînant, mais aussi dans la ballade Au Clair de Lune où la trompette enchanteresse de Jun accompagne l'infidélité d'une femme attirée par les belles choses...La bossa avec Mem' Pas Peur!, un affront résigné à la mort ou Ludic', l'histoire d'un amant lassé...Les balkans avec Je Trace ou l'emploi du temps d'un homme pressé et sans attache...L'electronica avec un hommage sensuel et magique à Tokyo (je t'aime)...Un disque riche d'une grande fraîcheur et en prime la découverte d'une voix rare et d'une écriture originale.

Laurent de Wilde & Otisto 23 - Fly ! (Dfragment Music/DTC Records/Gazebo)


Laurent de Wilde & Otisto 23 - Fly ! (Dfragment Music/DTC Records/Gazebo)

Laurent de Wilde, as des claviers, et Dominique Poutet alias Otisto 23, maître de l'improvisation devant ses écrans et ses programmes, nous convient pour le seconde fois à explorer leur univers musical organique et électronique fait de bruits, d'interférences, de notes et de samples. La complicité de nos deux artistes donne corps à leur musique, le premier produit des sons au piano et le second traite le signal, le remodèle puis le renvoie vers le pianiste qui réagit à son tour. La substance produite est étrange, troublante et instable. Des mélodies se font et se défont au gré de la conversation et des phrases qu'ils s'adressent. Le spectre d'Amon Tobin n'est pas bien loin. Parfois une assise rythmique donne le pas plutôt technoïde et ailleurs des nappes atmosphériques se superposent et se brouillent pour finalement former un nuage électronique sombre et opaque. Intitulé Fly, ce disque censé nous faire échapper à la pesanteur est à classer dans le répertoire Exploration et Expérimentation de votre discothèque...Une aventure audacieuse et risquée !

Stéphane Pompougnac - Hôtel Costes 14 (Pschent/Wagram)


Stéphane Pompougnac - Hôtel Costes 14 (Pschent/Wagram)

Le Dj attitré du célèbre hôtel parisien nous revient avec un nouvel opus, le 14ième de la collection labellisée Pschent. Comme à son habitude Stéphane Pompougnac distille avec maestria une compilation down-tempo et mid-tempo rassemblant ce qui se fait de mieux dans l'actualité musicale électronique lounge. Dénicheur, révélateur et faiseur de tendance, notre Gilles Peterson hexagonal réussit là une magnifique prouesse. En 11 ans d'exercice et 13 volumes d'exception (le n°13 n'existe pas, superstition oblige !), l'identité Hôtel Costes est inébranlable et les choix de Stéphane toujours aussi précieux et originaux. Arborant des valeurs sûres comme le légendaire tandem Tosca ou encore l'immense duo allemand Boozoo Bajou (remixé ici par Afterlife, maître du chill-out anglais, sur le titre YMA), Hôtel Costes 14 nous fait aussi découvrir de nouveaux talents forts prometteurs comme Raphael Gualazzi, excellent pianiste et chanteur italien dont la voix de velours oscille brillamment entre le timbre asexué d'Anthony Hegarty et celui plus profond de Nina Simone. Tant que la qualité prévaut et que la curiosité demeure, les compilations Hôtel Costes poursuivront leur dessein de tamiser nos soirées en before. À noter entre autres perles, l'énorme titre reggae-soul Voices produit et arrangé par le grand Blundetto et servi par la voix sensuelle d'Hindi Zahra, ou l'intimiste version de Ma Benz, bombe hip-hop du Suprême NTM, revue et adoucie par le torride duo féminin Brigitte. Un pur moment de bonheur et de découverte !



SQUAREPUSHER – « Just A Souvenir »


SQUAREPUSHER – « Just A Souvenir »

Squarepusher est l’un de ces phénomènes qui font de la planète Electro un réservoir de créativité et d’énergie au moins aussi riche que sa grande sœur la planète Jazz. Né en 1975 en Angleterre, initié au jazz de Miles Davis ou de Charlie Parker par son père, et aux musiques électroniques par LFO et Carl Craig, Squarepusher (Thomas Jenkinson) bâtie son vaisseau amiral comme Noe a bâtie son arche : son ingéniosité et sa technicité sans limite a permis la réunion et la rencontre de plusieurs influences, de divers horizons musicaux en un même lieu. Le temps d’un album, il nous rappelle que la musique est une toile dont les mailles de qualité et de formes différentes se resserrent pour faire corps. « Just A Souvenir », son 11ème album signé sur Warp Records, est une merveille pour qui veut s’attarder à l’étude de ses expérimentations dissonantes et distordues voire psychédéliques, alternant couleurs jazz, funk, rock et drum & bass dans un rythme effréné. Thomas pond ici un opus plus ouvert et plus facile d’écoute donc à l’évidence dérangeant pour les fans, il explique que «  l’album a débuté à la suite d’un rêve éveillé au cours duquel il a assisté à un concert délirant d’un prodigieux groupe de rock ». Star Time 2 est une introduction disco très dansante, s’en suit le titre The Coathanger, aux influences electronica funky et jazzy, où les talents de bassiste de l’artiste nous rappellent un certain Jaco Pastorius. Puis après quelques interludes aux allures de nappes sonores fragiles et dissonantes où les mélodies sont triturées et manipulées grâce à la machine, Squarepusher nous livre Delta V, véritable bombe envoyée comme premier single de l’album, hymne drum & bass/jazz/rock qui rameute les SQ addicts et convertit les futures adeptes…Ah ! qu’il est bon d’en prendre plein la tête !

SPLEEN « Comme Un Enfant »


SPLEEN « Comme Un Enfant »

Qui n’a jamais écrit, adolescent, quelques secrets, quelques pensées intimes qui devenaient trop lourdes à garder ? Le premier « Amour », les premières déceptions ou désillusions, le désir…bref, qui ne s’est jamais confié à son stylo ? Spleen se livre « Comme Un Enfant », ses mots sont ceux de la fraîcheur et sentent bon la sincérité et le vécu. Une œuvre intimiste et pure où hip-hop, pop, rock et soul se côtoient et se marient à merveille sur des textes puissants et pertinents. A une époque où les émotions se déballent à tout va, grossièrement, et où le voyeurisme et la pornographie sont les nouveaux maîtres-étalons du marché de la musique, la sensibilité à fleur de peau de notre petit parisien d’origine camerounaise apparaît alors « Telle Une Belle Rose ».

La magie de ce second opus, puisque Spleen nous avait déjà enchantés avec « She Was A Girl », opère à l’évidence grâce à cette voix qui murmure, chantonne, bredouille, parle et crie en français ou en anglais des mots qui pourraient aussi être  les nôtres. Serge Gainsbourg n’est pas loin, il fricote sur une étagère avec Sly Stone et Fela Kuti, le monde musical de Spleen est sans frontière, à l’image de ses collaborations avec les frangines new-yorkaises Cocorosie, Devendra Bahnhart, ou encore à l’image de ses scènes partagées avec Keziah Jones, Yael Naïm… « Tu l’aimeras » est le premier single de l’album, une chanson vibrante où la voix de Spleen, remplie de douleur et de peine, dépeint le chagrin et la colère d’un homme « qui pleure son nid d’amour », car Elle « a choisi l’autre », avec « sa grande gueule de riche ». Slameur séducteur et beat-boxer subtil, Spleen nous livre un véritable trésor, c’est sans doute une des plus belle sortie française de l’année 2008 !

Solis Lacus – Solis Lacus (Heavenly Sweetness)


Solis Lacus – Solis Lacus (Heavenly Sweetness)

La Belgique ne nous régale pas uniquement de sa bière et de ses chocolats, sa scène jazz y est en effet très active depuis l’après-guerre avec des icônes de renommée internationale tels que l’harmoniciste Toots Thielemans ou encore le guitariste Philip Catherine… Mais c’est véritablement à partir des 70’s que le jazz belge va s’ouvrir au grand public en y intégrant notamment des composantes funk, rock et psychédéliques héritées d’outre atlantique. Dans ce contexte de « fusion » des genres musicaux, le quintet Solis Lacus mené par le pianiste Michel Herr va incarner un certain renouveau dans le paysage jazzistique européen. Réunissant autour de son Fender Rhodes des musiciens d’exception comme le trompettiste Richard Rousselet, le saxophoniste Robert Jeanne, les batteurs Bruno Castellucci ou Felix Simtaine et le bassiste de Placebo Nick Kletchkovsky, le projet Solis Lacus devient rapidement le pendant de l’ancien continent aux expérimentations bouillonnantes sévèrement groovy et électriques de l’américain Herbie Hancock et ses Headhunters. Paru originellement en 1974 chez EMI, l’album éponyme ressort de l’oubli grâce au label parisien Heavenly Records à qui l’on doit aussi les rééditions du trompettiste Don Cherry ou de l’énigmatique pianiste Raphael, ainsi que de quelques pépites oubliées ou disparues piochées dans l’énorme répertoire de la maison Blue Note . En écoutant ou en réécoutant Solis Lacus la modernité frappante des idées de Michel Herr apparait dès les premières mesures et on se replonge alors dans les sonorités avant-gardistes de cette formidable époque qui fut celle de la période électrique de Miles Davis et des métissages visionnaires de Zawinul et des Weather Report. Bref, Solis Lacus est album incontournable et essentiel !