Les chroniques de HiKo

mardi 27 août 2013

Eva Cortés - Como Agua Entre Los Dedos (Universal Music Jazz France)

Une voix douce à l'intonation latine caresse la note bleue sur fond de rythmes traditionnels sud américains. Eva Cortés originaire du Honduras, a grandi à Séville et partage son temps entre Paris et Madrid. Elle publie son second opus intitulé Como Agua Entre Los Dedos, la jeune chanteuse y a écrit et composé la majorité des titres. Considérée à juste titre comme la révélation latin jazz du moment, la charmante Eva s'est entourée de quelques pointures internationales dont Marc Mondésir, batteur de John McLaughlin, Piraña et Antonio Serrano, percussionniste et harmoniciste de Paco de Lucia. Doux et sensuel, ce disque plein d'émoi s'achève de façon rythmée sur une jolie reprise de La Vie en Rose, où jazz et flamenco flirtent au son d'un harmonica enchanteur...À découvrir !

Tumi And The Volume - Pick A Dream (Safiko Records/Wagram)

Remarqué lors de la sortie de leur premier opus éponyme en décembre 2005, le groove gang sud africain confirme son talent avec un nouveau bijou hip-hop métissé d'afrobeat intitulé Pick A Dream. Riche en collaborations et en sonorités, le dernier disque de Tumi and The Volume est une véritable bombe dancefloor lancée depuis Johannesburg. Les textes acérés de Tumi évoquant la rupture, la solitude et la peur, prônent la fierté d'un peuple longtemps bâillonné sur un son coloré et groovy à souhait. Inspirée par le rayonnement culturel de la toute proche île de la Réunion, les rencontres avec Danyel Waro (grand chanteur et musicien créole) et Hippolyte (dessinateur de leur cover) ont nuancé les textures d'une identité musicale riche et percutante. Pick a Dream ravira les amateurs d'un hip-hop vrai et efficace proche de The Roots, les frangins afro américains de Philadelphie.

Roland Tchakounte - Blues Menessen(Tupelo/Harmonia Mundi)

Les premières notes ne mentent pas, le ton est donné d'emblée avec un gimmick qui sent bon le blues, celui des origines qui était chanté dans la région du delta du Mississippi. Seulement voilà, Roland Tchakounte n'est pas afro américain mais camerounais, son histoire n'est pas celle de l'esclavage et des champs de coton pourtant il chante aussi l'amertume et la souffrance d'une existence parsemée d'embûches. Bien sûr il a connu la douleur et la misère mais en vendant son âme au diable et à sa musique aux cinq notes, Roland a trouvé un exutoire et publie aujourd'hui son nouvel opus intitulé Blues Menessen. Son dialecte, le bamikélé, et sa guitare acoustique ont trouvé compagnons de fortune en les personnes de Mick Ravassat (guitare électrique) et de Mathias Bernheim (percussions). Le trio nous apporte la preuve que le blues est un langage universel, où que l'on soit et d'où que l'on vienne, il est le cri sacré qui exprime les peines, un chant puissant de résistance et d'espoir. Magnifique!

Choc Quib Town - Oro (World Connection/Pias)

Une petite virée en Colombie avec une des entités les plus en vue de la scène afro colombienne du moment, le trio brûlant Choc Quib Town. Originaire de Quibdo sur la côte pacifique, le crew nous offre un hip-hop métissé de salsa et de reggae, alliant sans vergogne le son dance-hall à ses racines, que sont les rythmes traditionnels du Bunde ou du Bambazù. Engagés dans une lutte pour la reconnaissance d'une communauté d'origine africaine souvent dénigrée, Tostao, Goyo et Flow scandent l'égalité des droits d'un peuple minoritaire, aujourd'hui encore exclu de sa propre Colombie. Oro, leur second opus mérite une écoute attentive, les textes y sont forts et les sonorités chaleureuses et dansantes, une découverte à ne pas manquer.

Christian Brazier Quartet – Circumnavigation (CELP Musiques)

La contrebasse est l'un des instruments qui évoque le mieux la musique Jazz pour le grand publique. Ses formes généreuses, sa sonorité si sensuelle lorsque ses cordes sont pincées, la chaleur du bois et l'espace qu'elle offre aux résonances qu'elle amplifie créent une harmonie séduisant la vue autant que l'ouïe. Christian Brazier, aventurier du jazz et capitaine de vaisseau, manœuvre avec maestria le plus grave et le plus grand des instruments à cordes afin d'amarrer son quartet de retour d'un magnifique voyage dans l'espace et le temps. Circumnagation, sixième opus du musicien encré à Marseille, est la bande son d'une aventure intérieure qu'il présente avec Pierrine Mansuy aux claviers, Christophe Leloil à la trompette et Jean-Luc Di Fraya à la batterie. Distillant savamment les mélodies enivrantes du contre-bassiste à sa sensibilité tantôt délicate tantôt intense et colorée, l'équipage exprime une musique touchante et accessible, faite d'ondulations et de douceur. L'univers sonore de Circumnavigation envoute, berce et embrasse l'auditeur qui se surprend à méditer sur le titre Mai 68, à contempler sur Rémanence, à goûter les Saveurs Nomades ou bien à se souvenir d'une Escapade romantique ou d'un ailleurs Loin d'Ici. Il bat ensuite la cadence sur les swings ravageurs de Manège et Dans la plume...Mais rien ne presse, un instant porté par les flots puis étourdi par le tumulte du jeu des instruments qui communiquent, s'accordent et s'enlacent. Vient enfin un chant, Vox Populi, un cri, des vocalises vibrantes, des mots dont le sens nous échappe pour laisser place à la beauté. Un disque à découvrir d'urgence...

Cheick Tidiane Seck – Guerrier (Universal Music Jazz France)

Nous ayant régalé en 2008 avec «Sabaly» et son lot d’invités de marque (Dee Dee Bridgewater, Manu Dibango…), l’organiste malien revient avec un nouveau projet intitulé «Guerrier». Entièrement réalisé en solo, Cheick Tidiane Seck y interprète 13 titres toujours emprunts de culture mandingue et d’un groove imparable hérité de ses aventures en territoire jazz aux côtés de Joe Zawinul ou Hank Jones… Artiste «guévariste et résistant», le vieux lion disciple du géant Jimmy Smith, intègre dans ce disque toutes les couleurs musicales qui ont ponctuées une carrière artistique entamée en 1970 à Bamako. Entre folklores africains et musiques noires américaines, le griot chante ses textes engagés en Bambara, français et anglais, dénonçant la dictature, le capitalisme, la mondialisation et toutes formes d’intolérance.

Céline Bonacina Trio – Way Of Life (Act/harmonia Mundi distribution)

La tessiture grave du saxophone baryton se fait plutôt rare dans le jazz mais Céline Bonacina a su l'exploiter et l'explorer à merveille depuis ses débuts à Paris dans les années 90 jusqu'à aujourd'hui avec la sortie de son dernier opus intitulé Way Of Life. L'instrument qui à première vue semble lourd et imposant devient souple et lyrique sous le souffle plein de swing et de chaleur de notre lauréate du tremplin Rezzo Jazz à Vienne en 2009. Un long séjour à la Réunion influence son jeu et le gorge de soleil en l’imprégnant de rythmes créoles. Invitée à plusieurs reprises aux côtés de monstres sacrés de la scène jazz et world tels que le pianiste Omar Sosa ou encore le tromboniste Nils Landgren, la musicienne a su se faire remarquer dans un milieu plutôt masculin où l’image de la femme est encore trop souvent associée à celle de la chanteuse. Présent sur plusieurs titres de l’album, le guitariste virtuose Nguyên Lê vient épicer une mixture déjà relevée et pleine de vitalité avec des interventions à la fois inspirées et discrètes aux tonalités rock, funk et jazz mâtinées d'influences vietnamiennes et world. Passé à la co-production artistique et au mixage, le guitariste est bluffé par la personnalité musicale de la saxophoniste tantôt douce et angélique puis brûlante et percussive. Epaulée par ses fidèles acolytes Hary Ratsimbazafy (batterie) et Nicolas Garnier (basse), la fine et délicate Céline a séduit le célèbre label Act Music et a tous les arguments pour retenir votre attention... Bonne écoute !