Le producteur d'origine soudanaise Edyth nous présente, grâce à l'entremise du label parisien Fake Music, son second EP baptisé Agua Verde. Clairement orienté bass music et dominé par des textures électroniques planantes et entêtantes,
il succède à son excellent Bare I
paru l'an dernier.
Le premier single intitulé "On My Way" annonce la couleur avec sa ligne de basse
massive, ses nappes de synthés vaporeuses et ses accents drum plutôt down-tempo.
"Recycled Class"
nous immerge dans l'univers franchement narcoleptique
du beatmaker, plus sombre et profond que l'ouverture, la lenteur du titre a quelque
chose de psychédélique, impressionnotamment
renforcée par la succession obsédante de ses 4 accords de claviers et de samples
vocaux réverbérés.
Toujours au ralenti, les sonorités latines et les couleurs
estivalesd'"Aguaverde"
sont rassurantes, un petit arpège de guitare en toile de fond évoquant
vaguement les rythmes chaloupés et délicats de la bossa nova nous mène tout
droit vers les plages mythiques de Copacabana ou d'Ipanema.
Avec "Costa
Blanca"nous restons sous les
tropiques mais le propos d'Edyth
prend des allures d'abstract hip-hop
façon Dj Krush ou bien de trip-hop jazzyet nébuleux teinté d'ambient…
Pour faire court, son electronica
nocturne est parfaitement bien taillée pour animer une session chill-out tardive en bord de mer !
Grand Pianoramax – Soundwave (Mental Groove Records/La
Baleine)
Je découvrais le projet Grand
Pianoramax lors de la sortie de son précédent Till There's Nothing Left chez Obliqsound, le trio mené par le
claviériste genevois Léo Tardin
publiait alors son 4° opus post-jazz fusionnant
les sonorités trip-hop, art-rock et
hip-hop. Dans ce nouvel effort plus lumineux et décontracté, baptisé Soundwave, le virtuose des claviers
(Fender Rhodes, synthés analogiques) a voulu restituer le groove, l'énergie et la fraîcheur du live, semant ici
et là quelques séduisants reflets 70's hérités
des expérimentations jazz/funk d'Herbie Hancock ou de George Duke. Produit
par le puissant batteur Dom Burkhalter
et enregistré dans son studio zurichois, l'album se joue des codes et affiche dorénavant
un lyrisme moins sombre, moins lisse et plus accessible… Une nouvelle approche un
brin pop en somme, assurément plus « moelleuse
et dansante » ! "No Doubt"
résume assez bien cette nouvelle direction entreprise par le groupe avec son côté disco monté sur une rythmique inhabituelle
à 7 temps. Le spoken-word de
l'américain Black Craker se calle à
merveille sur ces instrus sophistiquées hybrides, imposant son flow unique et vénéneux au sein de ce Cerbère suisseconçu voilà plus de 10 ans.
Parcouru d'ambiances
trip-hop cinématiques auxreflets
rock psyché, le dernier opus du flutiste Jocelyn Mienniel hypnotise l'auditeur, lui faisant arpenter un
paysage urbain poussiéreux semé de larsens et de distorsions. Les textures de Tilt sont pesantes, sombres et saturées,
Joce les tisse avec le concours du batteur
et maître des FXs Sébastien Brun, du
guitariste aux sonorités lancinantes Guillaume
Magne et du claviériste Vincent
Lafont. Les nappes de Fender Rhodes,
lacérées par les accords tranchants
de la guitare électrique, forment la toile de fond en lambeaux d'un disque
abrasif, rythmé par des coups martelés quasi mécaniquement sur une batterie tapageuse. L'album se compose
d'une ouverture, de 3 suites à 3 mouvements et d'un épilogue. S'y enchaînent
des pièces électrisantes dessinant les contours d'un rock progressif se dévoilant au ralenti. Le charmeur de serpent
explore les possibilités insondées et insoupçonnées de sa flute traversière,
modulant son souffle ou écorchant ses notes avec quelques effets spéciaux.
Franck
Vigroux – Radioland : Radio-Activity Revisited (The Leaf Label/Differ-Ant)
Célébrant le quarantième anniversaire du 5° album de Kaftwerk intitulé Radio-Activity, le compositeur français Franck Vigroux accompagné du pianiste anglais Matthew Bourne et de l'artiste plasticien du mouvement Antoine Schmitt nous propose Radioland, un projet annoncé comme une relecture audiovisuelle ou
"une méditation" en forme d'hommage à l'œuvre des pionniers allemands
de la musique électronique, paru originellement en 1975.
Entre bruissements synthétiques,
bourdonnements, glitchs (Antenna), craquements, vocoder, échos, réverbes et
autres FXs, les trois acolytes réinterprètent les motifs et les mélodies
des titres originaux qui magnifiaient un nouvel univers sonore en formation, célébrant
les ondes radiophoniques (Radioland, Airwaves, Intermission/News) et la radioactivité
(Geiger Counter, Uranium, Radioactivity) dans
l'ère post-nucléaire.
La formation déploie pour ce rework tout un arsenal analogique (des familles Korg, Moog et
Roland) et une imagerie live (les visuels étant tous codés par Antoine et générés par ses propres
programmes). L'atmosphère mélancolique
et inquiétante de ce Radio-Activity
Revisited frôlant parfois le trip-hop des premières heures, demeure fidèle à sa matrice (The
Voice Of Energy), la modernité industrielle et technologique y est toujours
illustrée de façon romantique mais cette fois-ci traitée dans "une
esthétique jazz" enrichie d'une approche plus contemporaine et
malgré notre époque saturée de sonorités électroniques, l'effet Kraftwerk détonne encore de par la clairvoyance de leurs innovations sonores, de leur rigueur percussive et de leurs ritournelles entêtantes.
La sublime Francesca
Belmonte collabore avec Tricky
depuis maintenant plusieurs années (2009), ce dernier ne tarit d’ailleurs pas
d’éloge à l’égard de sa protégée, première signature de son label False Idols. Le disque Anima nous dévoile une artiste qui se
décrit elle même comme une chanteuse de bluesalternatif, elle cite volontiers les
figures emblématiques de Billie Holiday
et Patti Smith comme influences
majeures. La jeune anglaise mêle avec sensualité et élégance des sonorités pop, R&B, soul et électronica sans jamais trop quitter la
pénombre qui habite ses mélodies hypnotiques. On devine ça et là, au gré de quelques rythmiques aux
accents trip-hop l’empreinte laissée
par son mentor, mais la variété des pistes
esthétiques explorées dans le projet attestent d’une identité propre qui
s’émancipe vers un ailleurs moins underground et plus accessible.
Si l’arpège à la guitare électrique de l’Intro évoque immanquablement le monument
soul immortalisé par Otis Redding, I’ve
Been Loving You Too Long, Hidding In The
Rushes nous plongent dans les méandres d’une obscurité rythmée par des
cuivres angoissants et une saccade R&B
pesante dont le producteur Timbaland
a le secret de fabrication (je pense notamment à son tube Give It To Me avec Nelly Furtado).
Le premier single Stole
et son instrumentation construite d’échantillons analogiques bruitistes est à
mon goût la perle de cet effort, Francesca
y déploie un flow nonchalant et vibrant, sonnant comme la rencontre parfaite de
Mike Skinner (The Streets) et Patti Smith, le trip-hop fricote avec les incantations roots, folk et blues, comme
extraites d’un chant spirituel indien… C’est hybride, profond et prenant !
Keep Moving et Lying On The Moon nous ramènent sur les
sentiers balisés d’une bass music matinée
de glitch, de break beat et de R&B, des bourdonnements (musique drone) nous rappellent que nous
sommes bien en territoire britannique… Les atmosphères y sont sombres voire
assomantes, Tricky en personne toujours
aussi envoutant y intervient en guest, susurrant son texte au côté de la voix
cristalline et éthérée de la jeune femme.
Dès l’ouverture de Joker,
c’est un changement complet de décors qui s’opère, Francesca nous maintient toujours en haleine dans sa sphère trip-hop mais nous bascule dans son hémisphère
sud, plus chaud, lumineux et léger, où l’on retrouve les reflets jazzy de l’autre groupe historique de Bristol, Portishead.
Les ambiances enfumées de Massive Attack resurgissent dans Strange Beat, avec sa ligne de basse obsédante tandis que Brothers & Sisters nous immerge dans
l’italo disco des Chromatics.
Anima se poursuit
avec les délicieuses ballades Come Talk
et Your Sons, le titre electro popDaisy, le langoureux Driving,
l’anguleux Fast et l’atmosphérique Are you avec sa rythmique jungle ralentie et étouffée…
Bref, en 15 titres riches et variés, Francesca Belmonte nous dépeint son petit monde musical polymorphe alimenté
entre autre par le génie de son producteur Tricky,
qui est actuellement en studio à Berlin pour l’enregistrement de son prochain disque
en collaboration avec son ami d’enfance et partenaire dans le projet Wild
Bunch, Dj Milo.
Le peintre, producteur et multi-instrumentiste basé à New York Jason Drake nous revient sous l’identité
de Dfalt avec un premier album éponyme
succédant à l’EP Black Book paruen Avril dernier sur Plug Research (Amp Live, Bilal...). Connu comme étant l'artisan du projet electro/indie-rock Cassettes Won’t Listen où il s’est
notamment illustré en remixant RJD2, Daft Punk, Aesop Rock ou Morcheeba, le co-fondateur du label Daylight Curfew nous présente ici ses orientations abstract
hip-hop obsédantes qu'il distille dans des atmosphères vaporeuses et embrumées.
Dès son ouverture avec A
Few Began To Smoke, Dfalt nous plonge
dans la bande son crépusculaire d’un film imaginaire habité des craquements analogiques
d’un vieux vinyle et d’autres reflets glitchs électroniques. Les synthés lointains se déploient en nappes fantomatiques voguant à travers un paysage désertique battu par le vent. La rythmique est dépouillée, un clap et une bass drum assommante s'y enchaînent lentement dans un dub presque asséché.
Avec School, Dfalt nous accompagne en territoire trip-hop, la basse gronde, les cordes flottent et le clavier entonne une ritournelle inquiétante, le tout étant ponctué de scratchs crasseux nostalgiques de l'époque old-school, qu'il réalise grâce à sa mythique Technics 1200.
Jason a grandi au son hip hop du milieu des années 90, il cite volontiers les noms de Public Enemy, J Dilla, RZA ou DJ Premier comme piliers fondateurs de sa passion pour le beatmaking, passion renforcée par la puissance et les possibilités de sa MPC1000, instrument aujourd'hui vintage! Aphex Twin l'a aussi largement influencé, d'où peut être son goût prononcé pour les expérimentations ambient (Arrested Silence), les rythmiques bancales(We Use To Be Broken) et les ambiances electronica sombres.
Sunrise Soldier, qui pourrait être compilé par David Visan et Claude Challe dans une version 'face B' de leurs sélections Buddha Bar, confirme comme ailleurs dans l'album que si le down-tempo est une constante chez Dfalt elle se construit d'échantillons de batterie poussiéreux et d'FXs extirpés sous le torture de ses Korg Koass Pads.
Dans Light Bright Love Letters l'ancien directeur marketing du label hip-hop underground Definitive Jux Records (Run The Jewels)inclut des tonalités big beat voire pop, dans Fist 101 il flirte avec le grime et s'acoquine à un footwork décéléré dans Plastic Jungles et Bath Tub...
Bref, Jason Drake nous ballade dans les méandres des sous-genres electronica contemporains en s'inspirant aussi bien de la bass music anglaise et du trip hop des 90's que de la scènebeat expérimentale de L.A. Il s'attèle, comme dans son travail graphique, à explorer les nuances et les distinctions entre le monde analogique, physique, palpable et son équivalent digital, numérique et virtuel.
ci dessous un extrait de son EP Take datant de Janvier 2014:
L'un des producteurs français les plus appréciés de la scène électronique depuis ses débuts dans l'abstract Hip-Hop avec Underground Vibes en 1994 et surtout The Beat Assassinated en 1998, nous revient, après son dernier LP sorti en 2011, avec la bande originale imaginaire de la série culte des années 80, Miami Vice oú Deux Flics à Miami.
Abreuvé des 5 saisons de nos deux super flics campés par Don Johnson (dans le rôle de Sonny Crockett) et Philip Michael Thomas (dans celui de Ricardo Tubbs), Laurent Daumailaka DJ Cam a choisi, 25 ans après, de composer sa propre vision musicale des aventures du duo plongé dans des intrigues de trafiques de drogue et de meurtres sordides, au centre d'un décors de rêve et sous un soleil rayonnant où seuls les palmiers et les silhouettes de sublimes déesses à moitié nues pouvaient leur offrir un peu d'ombre et de répit.
Nous remémorant les 50 mn par épisode d'immersion oú plages de sable fin, bikinis et grosses sportives rythmaient les pérégrinations du couple de playboys, les beats et les nappes de Dj Cam font insidieusement leur office en proposant un road-trip gorgé de sensualité oú hip-hop instrumental, lignes de basse bien rondes, boucles classieuses, scratchs bien placés, samples bien trouvés et influences G-funk old-school nous bercent délicieusement. Le spectres des Warren G. et Snoop Doggy Dog des 90's nous y accompagnent bien sûr, mais le beatmaker nourrit aussi son hommage de sonorités footwork, trap, dubstep, jazzy et deep house plus qu'appréciables.
Qui ne se souvient pas de son excellent projet house baptisé Soulshine paru en 2002, dont le titre Summer In Paris interprété par la chanteuse pop Anggun avait embrasé les ondes. C'est ce fameux single qui constitue d'ailleurs la seconde actualité de Dj Cam en ce début d'année 2015, avec sa réédition enrichie des remix de Pablo Valentino, Vect, Reflex, Nikitch et Lifelike.
La musique était omniprésente dans la série, alternant scènes d'action et longues séquences musicales défilant dans une ville de lumière et de paillettes qui est devenue la terre d'accueil de notre vétéran de la team de Bob Sinclar, à l'époque où feu le label Yellow Productions illuminait la french touch.
Tout n'était pas rose dans la vie de nos deux héros sapés de leurs costumes amples et filmés à la manière des pop-stars d'un clip vidéo, en effet malgré les couleurs rose flamant, vert citron oú bleu des Caraïbes du sud de la Floride, le cinéaste Michael Mann portait un intérêt tout particulier à l'humain, à ses travers, à ses angoisses et ses névroses. Cam y fait aussi allusion dans sa manière de construire ses textures, arborant souvent des reflets dark et mélancoliques, apportant gravité et épaisseur à l'image idylique souvent véhiculée par Miami Vice.
L'artiste produit un disque aux ambiances cinématiques que l'on découvrait déjà en 2011 - quoiqu'en un peu plus ensoleillées - avec le radieux Seven. Il invite au détour d'un sample au ralenti de l'hymne In The Air Tonight de Phil Collins, Earl Davis (aucune info sur lui à ce jour) et plus loin le pionnier du gangsta rap MC Eiht sur Music To Drive et Street Life, inondant de son flow à l'ancienne un Miami Vice plus que crédible dans son rôle de score pour - pourquoi pas - une prochaine adaptation au cinéma des aventures de Crockett et Tubbs.
Le trio londonien Troyka
publie son 3° opus studio intitulé Ornithophobia.
Mixé à Berlin par le bassiste/producteur suédois Petter
Eldh, ce disque mêle habilement l’esprit créatif du jazz aux expérimentations sonores du post-rock en s’imprégnant du blues,
des sonorités électroniques du trip-hop
et des rythmiques alambiquées de l’abstract
hip-hop. Constitué de Kit Downes
aux claviers, Chris Montagne à la
guitare/loops et Josh Blackmore à la
batterie, Troyka nous livre un album
aux atmosphères sombres, complexes mais envoutantes, alternant les moments
planants et les passages plus incisifs, tracés au couteau par une guitare
angoissante et les motifs polyrythmiques d'un batteur affuté. Inspiré d’une phobie de Chris pour les volatils, le groupe a
composé 9 titres évoquant un Londres cauchemardesque habité d’oiseaux à taille
humaine imaginés par l’artiste Naiel
Ibarrola.
Véritable petit bijou sonore nous projetant, le temps de ses
37 mn, dans une nuit coquine éclairée par une boule à facettes et un
stroboscope, ce second album au titre éponyme des américains de Twin Sister,
rebaptisé Mr Twin Sister, abandonne
les sonorités indie-pop du précédent In Heaven pour explorer de nouveaux
univers musicaux faits d’instants ambient
(Medford et Crime Scene), chill out (Sensitive), quiet storm (Rude Boy et Blush), cosmic house (In The House Of
Yes), electro disco (Out Of The Dark) et dark techno (Twelve Angels)…
N’ayant pas connu le groupe avant leur renaissance sous
l’entité Mr Twin Sister, je découvre
sur le tard la mutation opérée par les 5 musiciens de Long Island depuis leur
dernier effort paru en 2011. Orientés dream pop et psyché pop, la chanteuse Andréa Estella, le bassiste Gabe d’Amico, le claviériste Dav Gupta, le guitariste/chanteur Eric Cardona et le batteur Bryan Ujueta ont opté cette fois-ci pour
une identité musicale plus aquatique et complexe,où le R&B nébuleux de Sade côtoie le
trip-hop de Lana Del Rey sur fond d’électro au groove sensuel et hypnotique.
Marina
Quaisse – The Legend Of Sirena (Phonosaurus Records)
La violoncelliste française
Marina Quaisse a débuté sa carrière dans le répertoire classique, ayant
fait ses armes en orchestre symphonique et orchestre de chambre. En 1999, elle
s’investie au sein d’un projet trip-hop
baptisé Aktarus qui ne durera pas,
mais ses rencontres avec les producteurs Wax
Tailor puis plus tard Mattic influenceront
définitivement sa palette musicale. Intégrant
les vibrations et la grâce de son instrument à des productions abstract hip-hop
aquatiques et hypnotiques, la jeune compositrice nous offre enfin son
premier opus intitulé The Legend Of
Sirena, publié sur le label quebeco-franco-suisse Phonosaurus Records. Les
beats soignés qui font penser ici aux productions de Dj Krush et là à
celles de Dj Cam, servent d’écrin aux lamentations poétiques du violoncelle de Marina rejointe dans Dance With The Devil et Good Times par l’excellent rappeur Mattic. L’histoire commence un 8th of July, lors d’un embarquement (Boarding Time), le personnage principal
est une sirène ensorceleuse voulant attirer un marin séduit au fond de la mer (The Torning Sound). The Legend Of Sirena nous raconte sa descente dans les profondeurs
d’une eau calme et paisible (In a
Peaceful Deep Water), un bref interlude amoureux et joueur cède ensuite sa
place aux regrets et à la nostalgie d’une surface lumineuse et familière (Nostalgia) …
Disparus des écrans radar depuis leur dernier Konfusion paru
chez Ninja Tune en 2005, les deux dj/producteurs polonais Marcin Cichy et Igor Pudlo
refont enfin surface pour le bonheur des aficionados de sonorités nu-jazz bien ficelées et des nostalgiques de l’air electro-jazz des 90’s et début 00’s, largement
dominées par les Mr Scruff, Koop et autres Gabin.
Le duo Skalpel publie
chez Plug Audio Record un nouvel EP
de 5 titres intitulé Simple qui annonce
le prochain album Transit prévu d’ici
peu. On y retrouve les ingrédients qui firent leur succès à savoir une fusion délicate et bien dosée de beats électroniques
et de cool jazz polonais des années 60 et 70. Les compositions
sophistiquées de Skalpel expriment
leur passion commune pour le hip-hop, l’IDM, la drum & bass, le jazz et le
trip-hop… Le groove étant l’élément clé de leur musique, Marcin et Igor ont dû la
faire évoluer en gardant cet univers qui leur est propre, et dompter ainsi les toutes
dernières technologies pour parvenir enfin à se réinventer, à concevoir une musique hybride entre programmations d’instruments
virtuels et art du sampling.
Bel effort qui nous fait attendre avec impatience un album déjà
bouclé depuis plus d’un an et qui, selon les artistes, sera bien plus abouti
que Simple.
Ambiances cosmiques
etglitch, le LP de Mono / Poly alias Charles Dickerson intitulé Golden
Skies regorge de ses sonorités galactiques extirpées d’un univers
électronique abyssal. Repéré par Flying Lotus sur MySpace, le producteur nous
offre 13 titres abstract hip-hop où
samples, synthés, vocaux et beats nous projettent dans un monde musical singulier
et bruitiste, parfois chill-out mais foncièrement avant-gardiste. Malgré les machines et
les programmes, Golden Skies arbore
ici et là quelques textures acoustiques bienveillantes et bienvenues comme la
harpe délicate et scintillante de Rebekah
Raff sur Transit To The Golden
Planet. Empyrean, habité par la
voix fantomatiquede la chanteuse Mendee Ichikawa rappelle quant à lui
les atmosphères aériennes du trip-hop
de Bristol et Gamma, ovni de cet
album semble être un clin d’œil à l’immense It’s Album Time de Todd Terje. Un
artiste à suivre !
Drew Cyrus Lustman
aka FaltyDL , jeune dj/producteur
américain recueilli depuis peu par l’écurie anglaise Ninja Tune, publie son 4ième album intitulé In The Wild etréalisé en collaboration avec l’artiste plasticien Chris Shen. Remarqué aux côtés de James
Blake et en première partie de Radiohead, FaltyDL
nous présente 17 nouveaux titres inspirés, habités de jungle, de jazz, d’abstracthip-hop et d’electronica.
Les ambiances qu’a su ciseler notre orfèvre démontrent une maîtrise absolue du beatmaking et affichent rapidement un
certain penchant pour la bass music anglaise
des années 90. Largement influencé par les monstres sacrés du jazz
fusion des 70’s que sont Frank Zappa, Miles Davis ou Weather Report et par
les productions avant-gardistes du bassiste Squarepusher, FaltyDL mixe avec poésie et délicatesse une série de rêveries
atmosphériques ponctuées de boucles, de samples et de rythmiques prenant
parfois des allures psychédéliques. Dans
le morceau Ahead The Ship Sleeps, l’écho
de la trompette de Miles vient écrire une phrase sur un écrin jazzy où les
réminiscences hip-hop se font doucement sentir, Do Me rappelle quant à lui les travaux warpiens de Fourtet tandis
que le loop de piano de Some Jazz Shit nous
replonge dans les langueurs synthétiques et downtempo du Bristol sound… Les frontières entre les genres sont bien minces
pour Lustman qui se plaît à nous
perdre dans les méandres de ses références musicales disséminées dans un
imaginaire plutôt labyrinthique !
Chet Faker
– Built On Glass (Future Classic/Downtown Records)
L’australien Nicholas James Murphy alias Chet Faker (en hommage au trompettiste)sort son premier album intitulé Built On Glass. Après le bon accueil de
Thinking In Textures, un EP paru en
2012 et le succès de sa reprise du titre « No Diggity » de
Blackstreet en 2013, le chanteur impose enfin sa touche electronica down tempo et sensuelle en long format, nous
laissant entrapercevoir ses influences piochées dans les répertoires de la Motown, de BobDylan, de la chill-outbaléarique et bien sûr dans celui de son idole Chet Baker, qu’il admire notamment pour la délicatesse de ses
mélodies et la fragilité de son chant hypnotique.
Au long de ses 13 titres, notre crooner barbu qui s’est notamment
illustré en collaborant avec son célèbre compatriote Flume, nous présente sa soultronic
métissée de trip-hop et de R&B, narrant des histoires d’amour,
des chagrins et des blessures. Inconditionnel de Bill Withers, Marvin Gaye ou
Al Green, Murphy mise sur sa voix sucrée et ses productions dépouillées pour atteindre une identité musicale
délectable gavée d’un groove battu au ralenti et gorgée d’une soul dorée et
aguichante !
Originaire de Bristol, capitale britannique du Trip-Hop, le Lund quartet arbore aussi bien les sonorités froides et dépressives héritées de son aïeul Portishead que l’amplitude planante et mélodique du jazz scandinave d’un Nils Petter Molvaer. Composé du
pianiste Simon Adcock, du
contrebassiste Rob Childs, du
batteur Sam Muscat et du
Dj/Producteur Jake Wittlin, la
formation a su trouver un équilibre délicat et fragile entre le groove
hypnotique d’une electronica down-tempo
et l’exigence harmonique d’un jazz épuré.
Les samples magiques, les effets idéalement dosés et les scratchs discrets du
Mr platines œuvrent à créer une musique irrésistible et efficace, convoquant
ici et là les mélanges electro/world du Gotan
Project « Lonn » ou les travellings atmosphériques du Cinematic Orchestra
« Tulipan ». Paru en 2011, ce premier album éponyme ne présage que de
belles choses !
Little
Dragon - Machine Dreams (Peacefrog/EMI Music)
La formation electro-pop suédoise Little Dragon nous revient
avec une Machine Dreams prometteuse et déjà encensée par la critique. Repérés
lors de la sortie de leur premier disque au titre éponyme en 2007 qui était
alors à classer entre Koop et Morcheeba, la chanteuse Yukimi Nagano et ses
trois acolytes nous proposent aujourd'hui un son volontairement plus
électronique et novateur, comme un reflet d'une humanité asservie par la
technologie et de plus en plus dépendante des machines pour s'exprimer. Damon
Albarn de Gorillaz, P Diddy ou encore Dj Shadow en sont fans ! Les accents
cybernétiques et la froideur electro-aérienne venue des eighties entremêlés à
la voix pétillante, profonde et mélancolique de la chanteuse évoquent parfois
l'univers musical italo-disco déployé par le label new-yorkais Italian Do It Better, quant à la
sophistication des nappes électroniques, elle rappelle ailleurs les motifs des synthés
mythiques de Kraftwerk...Bref entre synthpop néo-retro, trip-hop remodelé et
autres, Little Dragon parvient à se hisser parmi les formations les plus
excitantes du moment.