Considéré comme l’un des instigateurs du mouvement dubstep au début des années 2000, le
Dj/producteur anglais Paul Rose alias Scuba nous présente sur son propre
label Hotflush (Benga…) l’obus
sonique Claustrophobia. Dès la
première piste intitulée Levitation,
l’artiste rompt avec les codes de ses précédentes productions pour nous plonger
dans un univers technoïde hallucinatoire,
une IDM bourdonnante et psychédélique presque trip-hop, faite de vibrations infra basses et d’une BD organique. Installé
à Berlin, la techno-transallemande des 90’s semble avoir déteint
sur lui, Why You Feel So Low en est
un exemple frappant ! Mais Scuba
a toujours fait des va et viens entre les styles et Claustrophobia semble être un aboutissement de ses explorations
électroniques, une nouvelle étape vers
une musique introspective aux ambiances
sombres, froides et denses mais tout même variées. Television a des reflets big
beat avec ses motifs répétitifs de synthés saturés et son beat bien lourd, alors
que Drift ou All I Think About Is Death déploient des textures vaporeuses et
oniriques plutôt ambient. L’artiste
ne délaisse pas les danseurs, PCP et Black On Black les invitent à se mouvoir
frénétiquement sur leur humeur electro-indus.
Puis il y a l’étrange Family
Entertainment, avec ses pleurs d’enfants qui résonnent dans un espace difficilement reconnaissable, finissant par s’effriter dans un brouhaha
glitch… Avis aux amateurs d’une techno ‘scaphandriesque’ oppressante voire
étouffante !
La formation indie
rock basée à Sidney TheGriswolds publie son premier opus
intitulé Be Impressive. Les 4
australiens produits par Tony Hoffer
(M83, Phoenix, Supergrass, Air…) et largement influencés par Vampire Weekend, MGMT et les Beach Boys
nous livrent un disque aux sonorités pop
colorées, explosives, joyeuses et
ensoleillées. Remarqués en 2012 avec leur EP Heart Of The Lion paru chez Wind
Up Records, le groupe mené par Christopher
Whitehall et Danny Duque Perez a
tourné à travers tout le pays avant de se mettre à bucher sur leur projet de LP.
Les lyrics abordent les thèmes de la perte, de l’addiction, de l’insécurité et
de la complexité des relations avec une certaine vulnérabilité masquée par des rythmiques énergiques, des mélodies accrocheuses
et un déferlement de beats électroniques détonnants.
Damian
Lazarus & The Ancient Moons - Message From The Other Side (Crosstown
Rebels/!K7)
Le DJ/producteur anglais Damian Lazarus a débuté sa carrière musicale comme journaliste pour
le magazine de mode Dazed & Confused.
Il devient ensuite la tête chercheuse de nouveaux talents pour la maison de
disque City Rockers, qui plus tard
sera racheté par l’empire Ministry Of
Sound. Voulant gagner son indépendance et se consacrer à sa propre musique,il fonde en 2003 le label Crosstown Rebels (chez qui ont signé
des références comme Jamie Jones, Seth Troxler ou Maceo Plex…).
Devenu un pilier visionnaire
de la scène house londonienne avec une volonté affirmée de proposer des
productions électroniques underground de qualité, il mixe dans les plus
prestigieux clubs du monde et apparait aux manettes de célèbres compilations dont
Rebel Futurism en 2004 et 2005 ou Fabric 54 en 2010.
C’est l’immense label allemand Get Physical créé par M.A.N.D.Y., DJ T et Booka Shade qui lance ses
premiers projets perso dont Smoke The
Monster Out en 2009, son premier long format. Sa palette musicale se base
sur un tas d’influences, aussi bien à chercher du côté de Bjork et Photek que
de Neil Diamond ou Jeff Buckley, elle s’enrichie constamment de folklores et de
rythmes empruntés aux musiques du monde.
Enregistré entre LA, Londres et Mexico avec le concours de The Ancient Moons (projet composé du
producteur James Ford des Simian
Mobile Disco et d’invités prestigieux parmi lesquels on compte le
percussionniste égyptien Hossam Ramzi,
le pianiste jazz américain ELEW aka Eric Lewis, le contrebassiste Andy Waterworth, le joueur de sitar Sidartha Siliceo et le guitariste
mozambicain Neco Novellas), son
second album Message From The Other Sideallie subtilement la house musicaux sonorités ethniques voire mystiques
issues d’Afrique, d’Extrême Orient et du Moyen Orient. Comme l’a fait Nitin Sawhney dans son Beyond Skin par
exemple, Damian élève une musique
faite pour enflammer le dancefloor vers un ailleurs spirituel envoutant, que
l’on parvient à toucher du bout des doigts grâce à des titres comme Lovers Eyes(Mohe Pi Ki Najariya) mêlant beats deep-house et chants hypnotiques
soufis du Pakistan (Fareed Ayaz,
Abu Muhammad et Hamza Akram). L’artiste nous plonge dans un état de transe
délectable, s’approchant parfois des productions électro/yoruba de l’excellent Osunlade. Message From The Other Side et Sacred
Dance Of The Demon (aux accents guinéens) sont faits de ce bois, sublimant
une Afrique aux mille facettes.
Vermillon est le
premier single de cet album plus que recommandable. Déjà remixé par Agoria, Deniz Kurtel et Jamie Jones,
il est programmé dans les sets de pointures telles que Sam Divine (Defected Records) ou Pete Tong (BBC Radio 1)… Véritable pépite deep house au groove tribal,
à la mélodie accrocheuse et aux ritournelles obsessionnelles, il est
porté par la voix soul de
l’incroyable guitariste, chanteur et compositeur natif de LA Moses Sumney (présent aussi sur
l’épique Tangled Wed) , quiinonde de sensualité un track étincelant,
annonçant une saison estivale prometteuse pour Lazarus. Les percussions ne
nous laissent pas d’autre choix que de se laisser emporter par leur rythme premier, nous connectant à
l’essence même de la danse, ce reflexe où le corps exprime vivement nos
émotions, cherchant à communiquer, à fusionner...
Autre temps fort, le très soulful We Will Return,
reprenant la recette deep éprouvée dans Vermillon
avec Ali Love en guest.
Message From The
Other Side fait parti de ses disques révélations, vibrants et excitants,
qui se prêtent à toutes les écoutes…
Young
Fathers - White Men Are Black Men Too (Big Dada)
Le trio écossais Young
Fathers publiait début 2014 leur précédent Dead, un album répertorié hip-hop
mais bel et bien considéré comme un
objet avant-gardiste, alternatif, avant-pop aux accents punk, urbains et psychédéliques !
Ils remettent le couvert avec White Men Are Black Men Too qui fut enregistré à Berlin et dont les
influences sont à chercher du côté de la formation newyorkaise TV On The Radio
pour son rock expérimental hérité du
krautrock, du projet The Streets de l’anglais Mike Skinner pour son rap teinté d’UKG et d’Arcade Fire pour
sa pop baroque matinée de d’indie rock.
Toujours bruyante,
stimulante et fédératrice, la musique de Young Fathers aborde ici la question du racisme, considéré comme un
concept dépassé, futile et consternant. Les
mélodies, même pop, demeurent parfois dissonantes voire brouillonnes et le propos, toujours engagé, se veut percutant,n’hésitant pas à trancher dans le vif…
Le hip-hop se dilue au profit d’un son hybride débridé, inclassable et vivace…
Le Dj/producteur slovène basé à Brooklyn Gramatik, dont nous parlions ici lors de la parution de son précédent opus The Age Of Reason chez LowTemp Records, nous revient avec son nouveau single intitulé Native Son,extrait de son prochain EP baptisé Epigram.
S'étant éloigné de ses explorations électro et dubstep présentes dans le dernier disque, Gramatik semble revenir au hip-hop de ses débuts, caractérisé par ses sonorités G-Funk et jazzy gorgées d'un groove suave aux rondeurs sublimes. Invitant la légende du Wu-Tang Clan Raekwon à venir poser son flow East Coast sur un track écrit par le jeune prodige Orlando Napier (qui y déploie sa voix soul vibrante et son jeu de Rhodes des plus classieux), le producteur signe, avec Native Son, une véritable perle Nu Soulenvoutante. A noter la présence des riffs d'une guitare blues du meilleur effet servis par Adam Stehr...
Ci-
dessous un lien vers sa page soundcloud.
Un détail important: étant un fervent défenseur de la liberté de production, Gramatik propose son titre en téléchargement gratuit"Freeing music by making music free"...
Portico Quartet
n’est plus… Vive Portico ! Si
les 4 londoniens exploraient les limites du jazz, enjambant parfois allègrement
les lignes le séparant de l’électro et de la pop – on se souvient de leurprécédent album éponyme paru chez RealWorld en 2012 – le pas est désormais radicalement franchi avec Living Fields, premier opus depuis leur
passage chez Ninja Tune.
Keir Vine, le claviériste
et joueur de hang qui remplaçait l’un des membres fondateurs du groupe Nick Mulvey a quitté le projet en 2013,
donnant l’impulsion nécessaire au trio restant, composé du saxophoniste Jack Wyllie, du batteur Duncan Bellamy et du bassiste Milo Fitzpatrick,pour se renouveler voire pour se réinventer. C’est ainsi que Portico a redéfini sa musique en la
structurant davantage, en donnant à la voix une importance primordiale et en y
intégrant pleinement la composante électronique, que ce soit dans le processus
d’enregistrement comme dans le traitement des textures sonores.
Living Fields
porte bien son nom, ses 9 pistes sont autant d’écrins instrumentaux aux mélodies mélancoliques et aux ambiancesplanantes, dédiés à accueillir les chants envoutants de Joe Newman (du groupe Alt-J), Jamie Woon et Jono McCleery. Gorgé
d’échos, de reverbes, de nappes vaporeuses, d’arpèges hypnotiques et des grondements
d’une basse lointaine, le disque est ponctué de beats lourds délivrés avec
parcimonie et lenteur via des programmes et des enregistrements live, ses atmosphères
nous font immanquablement penser aux géniaux James Blake, SBTRKT ou Radiohead.
Portico, en s’éloignant du futur-jazz de ses débuts, s’oriente
vers une certaine vision hallucinée et céleste de la pop, il se forge ainsi une nouvelle identité en en bousculant les
codes. Bien que ses expérimentations ambient
et electronica rappellent encore ses
travaux du temps du Quartet, on
notera la disparition des improvisations et des solos aux dépends du
déploiement des lyrics et de l’élaboration d’ambiances fantomatiques instables,
intimistes et sombres. Portico conçoit
une bass music fascinante et typiquement
anglaise, un univers post-dubstep désintégré
et éthéré, nous préparant à un après Living
Fields.
Ester Rada – Ester Rada (Discograph/Harmonia Mundi)
Avec une pochette rappelant l’artwork des disques d’EarthWind & Fire réalisés par Shusei Nagaoka ou de Miles Davis par Maty Klarwein
– on y voit le buste de l’artiste auréolée de 8 colombes émergeant d’une
Jérusalem recouverte d’or et illuminée par un soleil levant - nous pouvions nous
attendre à tout, même au pire… Et pourtant dès son ouverture l’opus d’Ester Rada affiche une élégance indiscutable, prônant un héritage transculturel impressionnant.
Difficile donc de classer son univers musical dans une case
bien précise. En effet la jeune
chanteuse/compositrice d’origine éthiopienne y brasse savamment ses références
à l’éthiojazz (Monsters), au reggae (Sorries), au rhythm & blues (Out),
au funk (Bazi) et à la nu soul (Could It Be). Forcément redevable aux
figures emblématiques que sont Mulatu Astatké, Aretha Franklin, Ella Fitzgerald,
Erykah Badu ou Alicia Keys, Ester s’est
forgée un fort tempérament durant son adolescence de ‘Beta Israël’ (éthiopienne pratiquant la religion juive) passée dans
un quartier difficile de Natanya. Son glamour
afro à la Grace Jones et son désir d’émancipation
en découlent !
Devenue actrice à la fin des années 2000 elle s’oriente vers
la musique en 2011 et devient rapidemment une étoile montante de la scène
israélienne. Somme de toutes les sonorités qui habitent son quotidien depuis
son enfance, elle fusionne swing éthiopien,
mélodies pop et cuivres ardents afrobeat (Bad Guy, Nanu Ney), exigence
jazz, psychédélisme des brass band électrifiés de la Nouvelle Orléans (Lose It) et revendications hip-hop (Herd)…
Tout un programme donc que la diva nous propose de découvrir
au long des 12 titres de ce premier album énergique et sensuel !