Retour au son sophistiqué du disco funk des années 80 avec les 12 pépites de deux américains
tirés à 4 épingles, Tuxedo. Le duo se
compose de deux poids lourds de la nouvelle scène hip-hop/soul/R&B, l’excellent
multi-instrumentiste/chanteur originaire de Détroit Mayer Hawthorne (propulsé en tête des charts en 2009 grâce à son
délicieux Just Ain't Gonna Work Out inspiré des Delfonics)
et le Dj/beatmaker de Seattle Jake One (qui
a notamment produit pour Drake, Rick Ross ou 50 Cent…). C’est sur le label
californien de Peanut Butter Wolf, Stone Throw Records (Madlib, J Dilla,
Snoop Dogg, Aloe Blacc …), que nos deux larrons, baignant dans l’héritage du
hip hop de Public Enemy et de la Motown,
publient leur premier opus au titre éponyme. Michael
Collins et Sasha Desree avec
leurs sonorités soul minimalistes nous avaient déjà
enthousiasmé lors de la toute récente sortie sur ce même label du sublime Silk Rhodes, c’est dans une veine plus funky et dancefloor, dans
l’esprit de Chic, The Whispers ou
Shalamar, que Tuxedo nous
présente un disque au groove efficace et
contagieux, dont certains titres comme R
U Ready, Watch The Dance ou Do It, auraient facilement trouvé leur
place dans la tracklist des nuits folles du Studio 54 à New York.
Rien de neuf, c'est sûr, puisqu’il s’agit d’un
retour aux sources que les Daft Punk ont
largement contribué à mettre en lumière avec leur Random Access Memories, et que d’autres ont aussi exploré avec brio
comme Mark Ronson, Bruno Mars ou Pharrell Williams… Mais qu’importe tant que c’est bon !
Polar Bear
– Same As You (The Leaf Label/Differ-Ant)
Les anglais de Polar
Bear nous reviennent avec Same As
You, un disque nous présentant une musique toujours aussi bardée d’expérimentations sonores et d’aventures instrumentales dans un
territoire jazz aux frontières mouvantes.
Dirigé par le batteur Sebastian Rochford,
le quintet nous dévoile une entité musicale
tantôtcool, free, fusion et acoustique,
tantôt électro, afro et funky, pour
faire court : progressive !
Mêlant les structures jazz à des
textures electronica, des beats hip-hop et des rythmiques rock, Polar Bear plonge l’auditeur dans un espace en expansion, où les
mélodies se cousent et se décousent au fil d’un groove parfois nébuleux, parfois percussif ! Innovant, le groupe
est considéré comme l’un des plus brillants de la sphère jazz britannique et
même au-delà, dixit le pianiste/chanteur/animateur radio Jamie Callum.
Laura Perrudin – Impressions (L’Autre Distribution)
Une enfance bercée par le jazz, un double cursus en harpe
celtique et en harpe classique (à pédale) au Conservatoire, un grand appétit pour
la pop, l’électro, la soul, le hip-hop et une curiosité infinie pour les
nouvelles technologies. La jeune harpiste bretonne Laura Perrudin nous livre son premier opus solo intitulé Impressions, somme de son parcours
sinueux et de ses goûts éclectiques. La harpe n’étant pas un instrument taillé
pour le jazz elle n’a souvent joué qu’un rôle mineur et décoratif dans les
orchestres (avec le principe du glissando), avant d’atteindre un statut plus
noble avec le rock et la pop, parfois électrifiée et couplée à des machines. Laura s’est donc associée au luthier Philippe Volant pour se forger une harpe celtique à cordes alignées entièrement
chromatique, plus adéquate aux évolutions harmoniques du jazz contemporain. Impressions rassemble 13 compositions dont
les textes, qu’elle chante avec douceur
et sensualité, sont extraits des œuvres d’illustres auteurs anglais et
américains (Shakespeare, O. Wilde, E.A. Poe, J. Joyce…). L’artiste y exploite le
plus largement les possibilités que lui offre ce nouvel instrument qu’elle
allie à la puissance de ses machines, créant ainsi une fusion subtil entre sonorités acoustiques du monde « réel et
palpable » - organiques et humaines – et textures électroniques du « monde sonore parallèle ou virtuel »
« ouvrant des horizons de découvertes infinis ». Impressions nous évoque donc à la fois un
univers électro jazz sophistiqué
teinté d’accents celtiques et des ambiances
folk/pop façon Norah Jones, gracieuses et enivrantes. Laura Perrudin y a tout conçu, voix, percussions, harpe et
programmations, jusqu’à la post-production… Un travail abouti et bourré de
bonnes idées, une technique pointue et exigeante, une sensibilité inspirée et
délicate.
Sonnet VII, qui explore les couleurs nu soul,
est pour moi le titre le plus marquant. J’ai l’impression d’y retrouver le groove et la
voix d’Esperanza Spalding ayant troqué
sa contrebasse pour une harpe celtique !
Michele Campanella & Javier Girotto - Musique Sans
Frontières (CamJazz/Harmonia Mundi)
Prenons de la hauteur et laissons nous happer par la beauté
et l’élégance du projet de deux musiciens aux univers à priori bien distincts :
celui du pianiste classique italien Michele
Campanella (spécialiste de Franz Liszt) et du saxophoniste jazz argentin Javier Girotto (ayant collaboré avec l’ONJ,
Stefano Bollani, Paolo Fresu…). Tous deux, sous la direction du producteur de CamJazz, Ermano Basso, échangent leurs maîtrises, leurs affinités et leurs sensibilités
autour de 15 pièces issues des répertoires de Maurice Ravel et Claude
Debussy. On y distingue les frontières ténues qu’il put y avoir entre la musique
classique avant-gardiste du début du XX° siècle et l’émergence du jazz, la
rigueur de la grande musique et la liberté d’improvisation de celle aux notes
bleues ne s’opposent pas, bien au contraire, elles s’accordent sur une
exigence, une technicité et une écriture pointue ; la curiosité poussant l’une
et l’autre à s’étudier voire à s’influencer. Bill Evans, par exemple, est redevable aux deux compositeurs impressionnistes,
fascinés en leur temps par ces sonorités noires américaines, comme le blues et
le ragtime, qui allaient donner naissance au jazz.
Le trio londonien Troyka
publie son 3° opus studio intitulé Ornithophobia.
Mixé à Berlin par le bassiste/producteur suédois Petter
Eldh, ce disque mêle habilement l’esprit créatif du jazz aux expérimentations sonores du post-rock en s’imprégnant du blues,
des sonorités électroniques du trip-hop
et des rythmiques alambiquées de l’abstract
hip-hop. Constitué de Kit Downes
aux claviers, Chris Montagne à la
guitare/loops et Josh Blackmore à la
batterie, Troyka nous livre un album
aux atmosphères sombres, complexes mais envoutantes, alternant les moments
planants et les passages plus incisifs, tracés au couteau par une guitare
angoissante et les motifs polyrythmiques d'un batteur affuté. Inspiré d’une phobie de Chris pour les volatils, le groupe a
composé 9 titres évoquant un Londres cauchemardesque habité d’oiseaux à taille
humaine imaginés par l’artiste Naiel
Ibarrola.
Buena Vista
Social Club – Lost & Found (World Circuit)
Le projet Buena Vista
Social Club, mené par Ry Cooder et
immortalisé au cinéma par Wim Wenders,
fut largement salué dès la parution du 1er disque au titre éponyme en
1996. Il consistait à remettre en selle les légendes de la musique cubaine des
années 50, provoquant alors un nouvel engouement international pour lesrythmes chaloupés de la salsa, de la guarija, du son cubain et autres
boléros de la Havane. 20 ans plus tard et en guise d’adieu, le label
anglais World Circuit publie un recueil
de raretés et d’inédits intitulé Lost
& Found. Il rassemble 13 titres captés en live ou lors de sessions d’enregistrements
en studio et retrace l’épopée d’une équipe qui, depuis, vit disparaître
certains de ses membres éminents comme Compay
Segundo, Ibrahim Ferrer ou
encore Ruben Gonzalez. Les
survivants ont prévu un Adios tour
afin de partager une dernière fois sur scène ce patrimoine de la trova, que la chanteuse Omara Portuondo continue d’explorer et
de promouvoir en solo.
Le percussionniste iranien Djamchid Chemirani entouré de ses deux fils Bijan et Keyvan nous présente
son nouvel opus baptisé Dawâr. Ayant
toujours œuvré en France pour la promotion de la musique classique persane, le patriarche
septuagénaire et son Trio Chemirani pratiquent
l’art du zarb ou tombak, un instrument perse ancestral dont
le jeu peut se comparer à celui des tablas indiens. Si ce dernier prédomine
dans l’album, avec ses rythmiques véloces et complexes jouées à six mains
expertes, il est souvent accompagné du santour
(cithare sur table) de Keyvan et du zaz (luth à manche long) de Bijan, fournissant alors d’enivrantes mélodies
orientales où la voix de Djamchid
vient réciter paisiblement ses propres textes.
Le jeune musicien d’origine égyptienne et sacré meilleur
joueur de oud du monde, Mohamed Abozekry,
nous propose dans son second opus intitulé Ring
Road 7 titres-fleuves riches et somptueux, à la croisée des influences arabo-andalouses, des
traditions classiques et modernes du Moyen Orient, du jazz et des musiques
latines, tziganes et indiennes. Dès la première écoute, virtuosité et
qualité d’improvisation mènent la danse, puis les mélodies enivrantes d’un Orient sublimé et métis font leur œuvre
et nous accompagnent dans un univers
coloré et moderne. Les tablas y côtoient la darbouka (Anne-Laure Bourget), le oud le piano (Ludovic Yapoudjan) et le
saxophone (Benoît Baud) la contrebasse (Hugo Reydet), dans un répertoire de compositions aux rythmiques soutenues
dont le groove magistral nous est servi par un Heejaz Extended inventif et magique !
Push Up! –
The Day After (Jazz Village/Harmonia Mundi)
Lancé par le flutiste Jî
Dru, la diva Sandra Nkaké et le claviériste
varois Jean Phi Dary, le collectif Push Up ! prend forme en 2009 avec
pour objectif de rendre hommage à la
black music. Touchant à plusieurs de ses registres dont le reggae/dub, le hip-hop, la soul, l’ethio jazz, le rock ou le funk, The Day After regorge d’accents psychédéliques vintage au groove décapant
et festif, en partie délivrés par les accords saturés du guitariste Matthieu Ouaki. Narrant l’histoire au
passé trouble d’un personnage de fiction nommé Quincy Brown, The Grand Day Of Quincy Brown paru en
2010, posait déjà les bases musicales et scéniques de cette aventure black soul rock. Ce dernier
opus confirme l’efficacité et l’énergie de Push
Up !, renforcées par les lignes de basse de Toscano Jeanniard, la batterie de Nico Rajao et les voix du poète Allonymous et du chanteur Karl
The Voice.
ci-dessous un extrait de leur précédent album "The Grand Day Of Quincy Brown"
Jeune prodige du jazz, le pianiste américain Justin Kauflin publie Dedication, son premier opus
d’envergure internationale signé par Quincy
Jones ! Atteint de cécité à l’âge de 11 ans, le piano devient son
instrument de prédilection au dépens du violon. Remarqué et formé par le
trompettiste mythique Clark
Terry (né en 1920 et disparu ce 22 février 2015) , le virtuose installé à New York depuis 2008 nous offre 12 compositions originales,
interprétées en quartet et en trio, dont 7 rendent hommages à ses mentors les pianistes John
Toomey et Liz Barnes ou à ses amis les batteurs Billy Williams (présent sur l’album) et Jay Sinnett. Ses ballades comme ses titres aux rythmes plus soutenus se nourrissent du son des légendes - Art Tatum, Bud Powell, Herbie Hancock Mulgrew Miller ou encore Dave Brubeck - et attestent d'une construction spacieuse et élégante, mettant en avant l'écriture de Kauflin mais aussi l'interprétation qu'en font ses musiciens. Le jeu de
Justin est ample, aérien, raffiné et fluide; entouré du contrebassiste Christopher Smith ainsi que des guitaristes Matt Stevens (dont la présence est radieuse) et Etan Haziza (à la guitare acoustique), il
élabore des ambiances où les mélodies sont enivrantes et accrocheuses, déployant
un groove soyeux et communicatif rappelant la force tranquille d’un Bill Evans (son
modèle). Dedication est un disque charmant
et accessible qui ravira par ses accents délicats les amateurs de jazz scandinave.
Kyle
Eastwood – Time Pieces (Jazz Village/Harmonia Mundi)
L’immense bassiste et contrebassiste qui nous avait enthousiasmé avec
son précédent The View From Here
paru en 2013, revient avec un magistral Time
Pieces, sonnant comme un hommage aux
maîtres du hard bop. Toujours en quintet,
il a conservé le tandem Andrew McCormack
au piano et Quentin Collins à la
trompette, puis s’est entouré du batteur cubain Ernesto Simpson et du saxophoniste Brandon Allen. Kyle Eastwood
nous livre un disque au groove élégant
et inspiré, l’artiste reprend avec classe le Dolphin Dance d’Herbie
Hancock et le Blowin’ The Blues Away
d’Horace Silver, ancrant
définitivement l’esthétique de l’album dans le registre jazz du tournant des 60’s.
Avec Caipirinha et Prosecco Smile sa musique se pare d’accents
latins, tandis que la reprise de sa propre composition pour le film de son père
Letters From Iwo Jima et le titre Nostalgique nous offrent un jazz atmosphérique
aux mélodies touchantes et aériennes. Eduqué au son des vinyles de Duke Ellington ou Count Basie que son père passait et fasciné par ses aînés Ray Brown et John Clayton, qui lui transmirent le vice de la contrebasse, le compositeur poursuit son aventure musicale amorcée en 1998 avec son From There To Here, alternant ses album et ses compositions pour le cinéma (Mystic River, Gran Torino ou encore Invictus réalisés par Clint).
La Batteria – La Batteria (Penny Records/Differ-Ant)
Le quartet La
Batteria rend hommage à l’âge d’or de la colonna sonora italiana en publiant son premier opus instrumental au
titre éponyme chez Penny Records. Emanuele Bultrini (guitares,
mandoline), David Nerattini
(batterie, percussions), Stefano
Vicarelli (claviers) et Paolo
Pecorelli (basse) nous y exposent leur univers sonore largement influencé
par la musique du cinéma italien des années 60 et 70 écrite et dirigée, entre
autres, par des légendes telles qu’Ennio
Morricone. Issus d’horizons variés, les musiciens se la réapproprient en y
incorporant des sonorités empruntées aux scènes post-rock, indie-pop, jazz
expérimental, hip-hop et afro beat. Les 12 titres alternent ainsi les ambiances krautrock cosmiques, italo-disco et funky, agrémentées d’accents
vintage et psychédéliques.
Xiomara Laugart - Tears And Rumba (Chesky
Records)
La chanteuse cubaine Xiomara
Laugart fait partie de cette diaspora exilée aux US qui partage et fait
vivre la culture musicale d’une ile qui s’apprête enfin à sortir de plus de 50
ans d’embargo. Respectée pour sa maîtrise du répertoire classique de Cuba - guajira, son, rumba - et de la nueva
trova (chansons engagées des années 50 et 60), la diva a décidé pour son
dernier Tears And Rumba de rendre
hommage à l’âge d’or de la musique poético-romantique cubaine des années 20 et
30 - la trova - avec des reprises incontournables
de pionniers tels que Maria Teresa Vera et Miguel Matamoros. Etonnamment
ressemblante à celle de son aînée CeliaCruz, la voix de Xiomara,
authentique et vibrante,nous
accompagne durant 12 titres sensuels sur des
rythmes enivrants de la rumba afro-cubaine, combinant les traditions ouest
africaines, caribéennes et européennes.