Royce Wood
Junior - The Ashen Tang (37 Adventures)
Omar n’en finit
pas de faire des émules outre-manche, en effet la scène néo soul britannique accouche d’un nouveau prince du groove nommé Royce Wood Junior. Aperçu aux manettes de
l’excellent Mirrorwriting de Jamie Woon en 2011 (et aux guitares
pendant la tournée), l’artiste multi-instrumentiste dévoile aujourd’hui son
premier LP intitulé The Ashen Tang.
En 2014, ses deux premiers EPs Rover
et Tonight Matthew avaient déjà capté
l’attention de la critique et du public, annonçant l’arrivée imminente d’un nouveau
Jamie Liddle – rien que ça ! - avec sa voix gorgée de soul et de velours, ses
rythmiques granuleuses et asymétriques, ses synthés vintage obsédants, ses
guitares saturées de rock’n’roll et ses lignes de basse contagieuses.
Sincèrement les 12 plages de l’album sont autant de claques,
ou plutôt de crochets funky lancés
au travers de nos figures tuméfiées affichant un sourire béat de satisfaction.
L’artiste a assimilé le génie de ses deux héros Stevie Wonder et Prince, il a très vite compris qu’avec sa voix il devait assumer pleinement
son statut de crooner et ne pas
uniquement rester dans l’ombre avec les musiciens, confiné dans les studios
d’enregistrement ou planté derrière l’écran de son ordinateur.
C’est ainsi que dès l’intro Remembrance (Part I) l’artiste plante le décor, après 30 secondes
d’une orchestration cinématique (ensemble
de cordes et piano) il entame au chant une complainte monotone sur les rythmes
d’une marche militaire syncopée, agrémentée de glitchs et autres accidents sonores puis survolée d’une nappe
vaporeuse qui s’épaissit progressivement jusqu’à l’ouverture de la seconde
piste, le majestueux Midnight.
Taillé pour le dancefloor, Midnight est la synthèse parfaite du son de Royce en mode up-tempo
et glamour. Il y distille une énergie
pop et electro-funk des plus chics à l’image du tube Baby I’m Yours du français Breakbot
(Ed Banger).
Jodie déploie une soul profonde, intense et organique sur
une assise rythmique désarticulée et brinquebalante, nous faisant songer à la
rencontre du brulant D’Angelo et du
producteur Flying Lotus.
Clanky Love est un
clin d’œil aux 70’s, il fusionne les reflets soul d’autrefois à l’efficacité pop d’aujourd’hui, conduisant l’auditeur nostalgique à se
trémousser langoureusement le sourire aux lèvres et les yeux entrouverts.
Honeydripper est
la suite logique de Jodie, nous
immergeant plus profondément dans une néo
soul moite aux accents psychédéliques.
Avec le titre central Stand,
l’artiste change légèrement les couleurs de sa palette optant pour une
dominante plus pop voire même piano rock à la Rufus
Rainwright. En effet durant les 5 mn de cette ballade flamboyante, le
chanteur nous berce tendrement avec sa voix éthérée, son arrangement de cordes envoutant
et dramatique ainsi que son piano gavé de reverb. Le morceau nous rappelle l’immense
succès mainstream A Full Of Stars de
Coldplay…
Poursuivant l’exploration de son penchant pop, Royce signe les très 80’s Bees
et Nuther Bruther, proches des
sonorités dance-pop-R&B de Stevie Wonder.
Nouvelle ballade cette
fois-ci plus intimiste, à presque nous en tirer les larmes des yeux, le
touchant Midas Palm (évoquant un
amour perdu) étend son arpège à la guitare acoustique et sa ligne de basse sonnant
comme le son d’un tuba étouffé sur plus de 4 mn où nous demeurons suspendus à
la voix caressante du crooner aux
airs mélancoliques de Chris Isaak.
Twiggin’ nous
délivre un groove subaquatique
accueillant le flow sensuel de Royce
qui prend des allures de Prince dans
les refrains au funk contagieux. Remembrance
(Part II) complète et achève l’exploration techno et garage amorcée
dans l’intro Remembrance (Part I), l’instru
y est plus barrée mais aboutie après 2 mn au même texte extrait d’un poème de Sir Thomas Wyatt entonné, la encore, à
la manière du Kid de Minneapolis.
Enfin pour clore cette véritable pépite, Stickin’ répand une electronica lyrique
et sophistiquée comme sait si bien les faire James Blake…
Royce Wood Junior
publie une œuvre aboutie et censée, son approche
singulière de la pop music passée au travers du crible des sons mythiques
de Stax et Motown ainsi que d’une électro ouvrant les champs du possible, est d’une
efficacité et d’une accessibilité déconcertante, frisant parfois la perfection.