Virginie Teychené – Encore (Jazz Village/Harmonia Mundi)
La chanteuse de jazz
originaire de Draguignan Virginie
Teychené nous présente Encore,
un subtil recueil de chansons qu’elle empreinte aux monstres sacrés de la variété française mais aussi aux
maîtres de la bossa nova, du jazz ou de la folk outre-atlantique. Sa maîtrise parfaite aussi bien dans les
graves que dans les aigus et son habileté à habiller les mots d’un scat délicat (commme dans Doralice), lui permettent d’exprimer ou
plutôt de sublimer les textes de Léo
Ferré (Jolie Môme), Claude Nougaro (à l’honneur avec Allées des Brouillards et A Bout de Souffle), Joni Mitchell (Both Side Now),
George & Ira Gershwin (But Not For Me) ou Vinicius de Moraes et Antonio
Carlos Jobim (Eu Sei Que Vou Te Amar).
Entourée de son fidèle quartet, Virginie est à l’origine de deux titres, le
touchant Before The Dawn avec la
complicité de son pianiste Stéphane
Bernard et la ballade Encore, composée par
son contrebassiste Gérard Maurin.
On appréciera la performance de l'harmoniciste Olivier Ker Ourio dans le sublime et intimiste Septembre de Barbara!
Dans l’imaginaire collectif, la clarinette na pas forcément
le même aura emblématique et impérieux que le saxophone, à part bien sûr
lorsque c’est Stravinsky qui lui dédie des pièces ou bien Sidney Bechet, Benny
Goodman et plus récemment David Krakauer ou Louis Sclavis qui la domptent. Cependant
elle demeure aussi omniprésente dans la musique classique, que dans le jazz, le
Klezmer, les folklores d’Europe de l’est,
de Turquie ou d’autres contrées.
Le jeune clarinettiste basé à Paris Emilien Véretnous invite à pénétrer
dans le vaste univers musical qu’il a bâti autour de cet instrument. Aussi bien
inspiré par les métissages world de
Yom ou Ibrahim Maalouf, que le jazz
de Michel Portal ou le groove d’Electro
Deluxe, il présente son premier projet solo intitulé Clarinettes Urbaines.
Voulant dépoussiérer l’image vieillissante de la clarinette et
se détacher de ses répertoires un peu convenus, il s’attèle à explorer
différentes pistes mêlant avec brio esprit des balkans et beats hip-hop dans Quartier
Est, Run It Back (avec le MC AMZ
en guest), beatbox, loop et mélodies pop dans Pop Wok ou
La Ville, groove et funk dans l’excellent
Know Your Name avec Nina Attal à la guitare/voix, musique moderne,
FX et rythmique électro dans Hommage à C.
Debussy, improvisation free et techno dans Le Panda Hirsute, voire trans
dans Street Pipeau, folklore tzigane dans la reprise Les Yeux Noirs et ambiance romantique
dans De Passage…
Bref un effort réussi et séduisant pour un artiste aux
multiples facettes, puisqu’en plus de jouer de la clarinette en Sib, de la clarinette basse et bambou, Emilien se mue en boîte à rythmes
humaine manipulant samplers et boîtes à effets.
L’écurie Tru Thoughts
dégaine une nouvelle arme de poing confectionnée par le producteur londonien Ed West (batteur du groupe reggae The
Drop) et le MC de Birmingham RTKal. L’EP
intitulé The Frass nous balance ses sonorités reggae/dance hall et dubstep
à travers 4 titres punchy où apparaissent les pionniers de l’UK Sound System, Serocee
dans le titre éponymeet Jimmy Screech (moitié de Ghost Writerz) dans un Style Pon Target très orienté hip-hop. Ils déposent leurs flows racés
et tranchants dans un projet croisant l’héritage jamaïcain et les rythmes
électroniques de la nouvelle scène anglaise. Pour une première collaboration, The Frass sonne comme une évidence !
A noter que les 4 titres sont enrichis de leurs versions instrumentales et a cappella...
Victor Démé
– Yafaké (Chapa Blues/World Village-Harmonia Mundi)
Le duo électro français Synapson,
composé des DJs Alexandre Chière et Paul Cucuron publiaient en 2014 un
tube qui allait les installer sur les ondes radio et les clubs mondiaux jusqu’à
la sortie toute récente de leur LP Convergence,
ce titre n’était autre que le remix de Djon’
Maya, succès d’un musicien africain récemment disparu !
Le chanteur/guitariste
folk Victor Démé, originaire de la capitale économique du Burkina Faso,
Bobo Dioulasso, nous quittait fin septembre dernier alors que son troisième et ultime
Yafaké s’apprêtait à paraître sur le
label Chapa Blues. Reconnu
tardivement, ce chantre de la culture
mandingue nous laisse un opus posthume poignant dont le titre
signifie « pardonner » en langue
dioula. Issu d’une lignée de griots du côté de sa mère et d’une famille de couturiers
du côté de son père, Victor amorce
sa carrière musicale en Côte d’Ivoire qu’il rejoint adolescent pour œuvrer dans
l’atelier paternel. Rentré au pays à la fin des années 80, il collabore dans de
nombreux orchestres et devient rapidement un chanteur populaire dans les nuits
d’Ouagadougou. Ce n’est pourtant qu’en 2007 que paraît son premier disque
éponyme, il est alors âgé de 46 ans et se remet péniblement d’une maladie qui l’emportera
finalement quelques années plus tard.
Artiste témoin des troubles qui ont ponctués l’histoire de
sa terre natale, Victor a toujours
célébré dans ses compositions la femme, la tolérance, la paix et la solidarité,
affectionnant les instruments traditionnels tels que la kora et les percussions
tout en appréciant les sonorités latines.
Si Yafaké reprend
les ingrédients d’une recette folk/blues
peaufinée par le compositeur depuis plusieurs décennies, il s’émancipe aussi de
ses prédécesseurs en octroyant une importance plus grande à la batterie,
interprétée par Abdulaye Zon et Patrick Goraguer. Les guitares mandingues sont bien entendu
toujours omniprésentes, qu’elles soient acoustiques ou électriques, le complice
Issouf Diabaté les arrange comme
personne. Les frères Diarra assurent
quant à eux la section rythmique avec kora,
balafon et percussions tandis que l’excellent Grégoire Yanogo impose son groove à la guitare basse. A noter,
entre autres invités pour les cuivres, chœurs et piano, la présence du fameux accordéoniste
Fixi (François Xavier Bossard),
remarqué pour son projet avec le jamaïcain Winston McAnuff et son travail avec
Tony Allen.
Une voix puissante et touchante, une musique élégante
touchée par la grâce d’un griot combattif parti trop tôt.
La chanteuse brésilienne Céu, que nous écoutions il y a peu sur l’excellent Tempo & Magma de Tigana Santana nous revient avec un album
Live intimiste capté en aout 2014 chez
elle à Sao Paolo, au Centre Culturel Rio
Verde. Le disque, composé de 15 titres, reprend l’essentiel de ses 3 premiers
opus et marque ainsi 10 années d’une carrière ponctuées notamment de 4 nominations aux Grammy Awards.
Accompagnée de Lucas
Martins à la basse, de Dustan Gallas
à la guitare et au Fender Rhodes, de Dj
Marco à la programmation et aux scratches ainsi que de Bruno Buarque à la batterie, Céu
nous invite dans son univers MPB
fusionnant samba et rock psychéaux accents méxicains (Falta de Ar), ballade pop (Chegar Em Mim)et
reflets électroniques (Contados), blues rugueux (Grains de Beauté) et cumbia (Retrovisor), tropicalisme (Cangote), instants
reggae (Concrete Jungle) et soul (Lenda) ou encore rythmiques afrobeat (Rainha) et swing jazzy (Amor De Antigos). Sa voix, à la
tessiture si subtile, a la clarté et la profondeur de son aînée Gal Costa. Elle survole avec élégance
et maitrise, en portugais et parfois en anglais (Streets Bloom), un répertoire multicolore au grain vintage,
plantant une atmosphère chaleureuse et conviviale.