Fan absolu depuis qu'elle nous a invité à entrer en 2012, dans son univers future soul envoutant et singulier - avec l'excellent Tawk Tomahawk - c'est avec curiosité et impatience que je découvre Mood Vaillant, nouvel album solaire de la formation australienne Hiatus Kaiyote. Succédant à Choose Your Weapon, paru en 2015, ce troisième opus s'est fait attendre, notamment à cause de la maladie qui a touché de plein fouet la chanteuse et guitariste autodidacte, Naomi "Nai Palm" Saalfield, membre fondatrice du groupe avec le bassiste Paul Bender, multi-instrumentiste originaire de Tasmanie. Renforcé par le batteur Perrin Moss et le claviériste Simon Mavin, le quartet a su mettre au point un cocktail de sonorités unique, qu'il a lui même baptisé wondercore. Il marie habilement les notes jazz, néo soul, psychédéliques et R&B à des rythmiques hip-hop et funk complétement démentes, alignant des grooves inspirés et sophistiqués.
Dans ce dernier effort magistral aux vibrations généreuses et aux ambiances immersives, Hiatus Kaiyote a choisi de colorer deux de ses compositions des arrangements sans nuls autres pareils de la légende brésilienne Arthur Verocai. Le titre "Get Sun", avec ses nuances cariocas resplendissantes, exprime à merveille cette rencontre singulière si bienvenue!
Flying Lotus, patron du label californien Brainfeeder et le duo anglais Coldcut, fondateur de l'emblématique Ninja Tune, ne s'y sont pas trompés!
Hiatus
Kaiyote – Tawk Tomahawk (Flying Buddha Music/Sony Masterworks)
Comme quoi une ballade chez son disquaire réserve encore des
surprises… Une pochette étrange montrant le dessin d’un coyote gueule
grand-ouverte (façon esprit vengeur de la Princesse Mononoké d’Hayao Miyazaki),
le regard jaune et menaçant, derrière deux grues représentées en origami le
narguant avec un serpentin rouge… Une couverture assez énigmatique mais plutôt
efficace car la curiosité me met le casque à l’oreille… Puis là, deuxième effet Kiss Cool…
Né sous l’impulsion de la chanteuse, guitariste et
songwriter Nai Palm, Hiatus Kaiyote
est la vision futuriste d’une Soul
éclairée, cultivée, généreuse et organique. Rejoint par le bassiste Paul Bender, le touche-à-tout Perrin Moss et le claviériste Simon Mavin, l’alchimie opère et le
projet prend forme attirant comme un aimant le soutien des plus grands comme le
batteur chevelu des Roots, Questlove ou le Dj anglais Gilles Peterson (BBC
Radio 6 Music).
L’album « Tawk Tomahawk » est paru pour la première
fois en 2012 sur Bandcamp, il débarque cette année sous la signature Flying
Buddha du label Sony Masterworks.
Le quartet australien basé à Melbourne est parvenu à extraire
la « substantifique moelle » du courant NuSoul, dont les mètres
étalons furent mis en place dés les 90’s par les immenses Erikah Badu, Bilal et
autres Raphael Saadiq ou Music Soulchild. Mais son génie est
d’avoir autant puisé son répertoire musical dans l’opéra que dans les musiques
urbaines et électroniques. En effet, le titre « Malika » est tiré
de Lakmé composé par le français Léo
Delibes à la fin du XIX° siècle, il s’inspire de ce fameux air immortalisé
entres autres par Natalie Dessay : « Le Duo des Fleurs ». On
note par ailleurs que l’instru du morceau est un montage abstract hip-hop des plus délectables (à rapprocher des travaux du
producteur américain Flying Lotus),
avec les lignes de basse clé-de-voûte de Bender
soutenant l’ensemble par son groove imparable.
En ouverture, c’est le très atmosphérique et mystérieux « Mobius
Streak » (le fameux ruban rouge de la pochette ?) qui nous mène en
bateau entre ballade électro-soul et
ambient experimentale. Nai Palm y dévoile une voix touchante, approchant celle d’une Lauryn Hill dans ses meilleures heures, tandis que les claviers de Simon Mavin nous enivrent et nous
transportent vers des contrées délicatement syncopées par le broken beat éblouissant de Perrin Moss.
« The World It Softly Lulls » nous offre ensuite une
ambiance néo-soulfeutrée où D’Angelo pourrait facilement y poser ses mots doux et son groove
sensuel façon « Spanish Joint ». La chanteuse choisi pourtant d’y
imposerun flow tranchant et
revendicatif, un slam tempétueux sur
une rythmique funk éthérée aux
accents de guitare jazz.
Un interlude instrumental interstellaire « Leap
Frog » nous fait glisser vers « Malika » puis
« Ocelot » et « Boom Child », deux courtes plages aux beats
hip-hop brutaux et crasseux (pas
bien éloignées de certaines productions de Madlib).
« Lace Skull » déverse ensuite sa Soul électrisante et tumultueuse,
s’amorçant avec un arpège de guitare et quelques accords de piano puis se
terminant par un déferlement psychédélique.
C’est Jay Dilla
(RIP), énorme producteur de Détroit, qui semble avoir tissé les trames de ces
trop brefs « Rainbow Rhodes » et « Sphynx Gate », où Fender
Rhodes, MPC, choeurs et basses font leur office dans ces célébrations légères
et groovy à la musique promue par des labels tels que Stone Throw Records et
Okayplayer.
Enfin « Nakamara » vient clore ce pur bijou. Un
titre coloré et nusoul en puissance, sans boîte à rythme ni nappe électronique,
du groove à l’état brut, faisant directement allusion à l’identité australienne
du groupe. Le rappeur QTip (des
Tribe Called Quest) fait une apparition dans une version exclusive présente
dans la toute récente ré-édition du disque.
Le 14 Février dernier, David kiledjian alias Dawatile,producteur multi-instrumentiste à l'origine du projet lyonnais future soulDowdelin, nous revenait chez Underdog Records avec 21, premier opus du tandem Hila,qu'il forme avec le violoncelliste arménien basé à Los Angeles, Artom Manukyan. Tous deux rassemblent avec brio leurs identités respectives, fusionnant les cultures hip-hop et jazz de l'un aux musiques savantes et folkloriques de l'Arménie des années 80 de l'autre. Le résultat est absolument convainquant, flirtant avec le raffinement et la poésie des sonorités caucasiennes, le duo élabore des titres immersifs auxrythmiques entêtantes, riches d'ambiances imprégnées d'abstract hip-hop, de beat music et d'electronica. Des invités de marque figurent au casting de ce bien bel objet, comme l'immense Miguel Atwood-Ferguson(violoniste-polyinstrumentiste californien ayant, entre autre, collaboré avec Cinematic Orchestra, Flying Lotus, Anderson Paak, Thundercat, Hiatus Kaiyote, Gaby Hernandez,...), le maître multi-flûtiste de Yerevan Norayr Kartashyan (proche collaborateur du pianiste jazz Tigran Hamasyan et du percussionniste Arto Tunçboyaciyan), le poète slammeur basé à Atlanta Jon Goode et la chanteuse pianiste vivant à Brooklyn, Areni Agbabian.
Annoncé fin 2016 avec la vibrante composition "To Believe" et la participation bouleversante du chanteur californien Moses Sumney, le nouvel opus du mythique The Cinematic Orchestra nous arrive enfin, 12 ans après la sortie de son précédent album studio Ma Fleur. L'écossais Jason Swinscoe, toujours épaulé par son complice le producteur Dom Smith, y distille comme à son habitude des sonorités downtempo inimitables, faites d'influences electro-jazz, soul et folk. Dans ce To Believe inespéré, le tandem offre à l'auditeur émerveillé et conquis par ses textures vaporeuses et hypnotiques, les B.O. de films imaginaires aux ambiances instrumentales immersives et aériennes, où se croisent les interventions, au combien précieuses et millimétrées, de vieilles connaissances toutes plus prestigieuses les unes que les autres. Roots Manuva est toujours de la partie avec son flow inimitable qui nous interpelle dans le single "A Caged Bird/Imitations of Life", rendu public en Janvier via un site internet uniquement accessible sur les appareils hors ligne. La londonienne Heidi Vogel estégalement présente, elle s'illustre avec brio sur le planant "A Promise", second extraitrévélé le 13 Février dernier. Le crooner de Philadelphie Grey Reverend, qui a brillé auprès de Bonobo sur "First Fires", inonde quant à lui de ses vibrations folk intimistes le très jazzy"Zero One/This Fantasy". Se retrouvent également conviés la diva néo soul Tawiah (remarquée auprès deMark Ronson et Kindness). l'incontournable claviériste autrichien Dorian Concept et le brillant multi-instrumentiste Miguel Atwood-Ferguson (Flying Lotus, Anderson Paak, Thundercat, Hiatus Kaiyote) aux arrangements de cordes.
Les orchestrations éblouissantes déployées ici, mêlent sonorités acoustiques envoûtantes et motifs électroniques sophistiqués à l'élégance rare. Constant dans son exigence et sa quête de perfection, The Cinematic Orchestra est définitivement une entité musicale indétrônable, imposant une marque de fabrique qui fait école sans jamais être égalée.
Nouveau venu dans l'écurie Ninja Tune, le jeune chanteur, multi-instrumentiste et producteur Jordan Rakei y publiait le 22 Septembre 2017 son dernier opus intitulé Wallflower, un recueil de 11 perles soulful vibrantes, teintées d'accents jazzy, de notesR&B, de refletship-hop et de touches electronica, le tout saupoudré d'une tendre intimité folk. Gorgés d'émotions et débordant d'ambiances nébuleuses envoutantes, ce disque est une bénédiction pour les amateurs de sonorités suaves et underground. A rapprocher de la délicatesse soul d'un Jamie Woon, d'un Jono McCleery ou d'un Tom Misch, comme du raffinement des travaux de FKJ, The Internet ou Hiatus Kaiyote, l'empreinte musicale du néo-zélandais installé à Londres depuis 2015, imprègne l'auditeur indélébilement. Entêtante et sensuelle, riche et complexe, sa néo-soul exprime avec brio, maturité et fragilité, l'univers sonore d'un artiste précieux et sensible, à la voix tendre et captivante.
Le septet électro basé à San Francisco The Seshen nous livrait l'an passé un remix organique du Off The Course du producteur californien Lost Midas, il revient aujourd'hui avec l'EP Unravel Remix composé de six reworks et prévu pour le 17 juillet prochain.
L'écurie anglaise Tru Thoughts confirme une fois de plus son rôle de pourvoyeur de talents et de sonorités subtiles. Bluffé par le prochain Quantic qui rencontrera (je l'espère) un franc succès avec ses ambiances instrumentales funky, soul et jazzy (sortie prévue en juillet 2015), ou séduit par la toute jeune formation de Brooklyn Space Captain et son univers néo soul, j'accueille cet Unravel Remix EP avec un grand plaisir et une grande curiosité.
Paru en 2014, l'EP Unravel avait convaincu la critique et la scène électro soul underground, notamment les australiens Hiatus Kaiyote et le bassiste californien aussi doué qu'exubérant (proche de Flying Lotus) Thundercat.
On retrouve ici les remixes de 5 des six titres présents sur l'EP original.
L'énergiepop de2000 Seasons est canalisée dans une version apaisée et cooltempo livrée par l'américain Astronauts, qui l'agrémente d'arpèges de synthés aériens et dramatiques.
Le titre éponyme Unravel est retravaillé à deux reprises, l'une nous est offerte par AKDK dans une veine électro pop up-tempo visant le dancefloor, tandis que l'autre nous est servie par l'élégant Lost Midas dans une ambiance électro funk addictive. The Fall est quant à lui retouché par l'un des membres de The Seshen, Kumar Butler qui invite pour l'occasion le MC Buddha G. L'atmosphère y est sombre et habitée de bourdonnements angoissants. Jonny Faith que nous découvrions dans son single Neon, expose sa vision de Shapes, ré imaginée de façon très élaborée avec des accents acoustiques charmants, des cordes amples bienveillantes et une rythmique délicate presque jazzy jouée aux balais... Magnifique!
Enfin Turn, remixé par Uhuru Peak clôt ce bel effort sur note organique des plus séduisantes, donnant forme à une ballade trip-hop mémorable.
Forcément, porter le nom d’une légende vivante doublée d’un
novateur génial du jazz vocal ne doit pas être chose aisée, pourtant Taylor McFerrin, fils aîné du célèbre
interprète du cultissime "Don’t Worry, Be Happy", brille et excelle
dans ce premier LP qu’il nous livre grâce à l’entremise du label Brainfeeder.
Early Riser est
un véritablebijou electro soul gorgé d’influences R&B, jazz et pop. Déjà
repéré aux côtés du claviériste Amp Fiddler et du rappeur anglais Ty, le jeune multi-instrumentiste/Dj/chanteur/producteur
et beatboxer basé à Brooklyn, sortait chez Ninja Tune en 2006 l’EP Broken Vibes et produisait en 2010 le
titre "Love Conversations"du crooner
José James. Flying Lotus le prend alors sous son aile et paraît en 2011 un
second EP Place In My Heart, dont le
titre éponyme, orienté electro pop, est
présent sur l’album avec la sensuelle participation de sa collègue de label, RYAT.
Taylor distille
avec maestria tout ce qui se fait de plus parlant et organique dans les
musiques urbaines et électroniques depuis les années 50 jusqu’à nos jours.
Au détour du très nu soul
"Florasia", digne des productions
langoureuses de Vikter Duplaix, l’artiste nous ballade entre l’ambiance nu-jazz de "Postpartum", l’atmosphère abstract
hip-hop de "Degrees Of Light", la rythmique
broken beat de "The Antidote" (où le flow de Nai
Palm des Hiatus Kaiyote nous ensorcelle), et la sophistication jazz des magnifiques "Already
There" (Robert Glasper au keys et
Thundercat à la basse !), "Invisible/Visible" (dans le lequel apparaissent
les mythiques Bobby McFerrin et César Camargo Mariano,grand pianiste brésilien) et enfin "PLS DNT LSTN" (une déferlante cosmic-jazz-groove
presque psychédélique). La chanteuse Emily
King rejoint elle aussi ce casting parfait dans "Décisions", une complainte dubsteb
qui nous rappellent les rapports intimes que Taylor McFerrin entretient avec la bass music londonienne.
Bref, comme beaucoup l’ont écrit, Early Riser est un disque,
ou plutôt une expérience à mener par sa propre écoute, sans lecture ou interprétation extérieure. C'est une réelle découverte avec la
promesse de moments musicaux intenses et profonds,