Illum
Sphere – Ghosts Of Then And Now (Ninja Tune)
Ryan Hunn, alias Illum Sphere, est un Dj/producteur
anglais issu de la scène électronique de Manchester. Remarqué pour ses mixes
inattendus et hétéroclites ainsi que pour ses remixes inspirés et atypiques (notamment pour Radiohead), le musicien publie son premier long format chez Ninja Tune intitulé Ghosts Of Then And Now. Influencé par les
courants musicaux basés sur les sonorités glitch,
drum & bass et ambient, Illum Sphere déploie une identité electronica singulière transformant ses triturations et explorations
sonores en de subtiles atmosphères tantôt cinématiques et aériennes, tantôt
bouillonnantes et entraînantes. Toutes ses textures sonores sont habillées de
synthés enivrants, de voix fantomatiques enchanteresses (celles de ShadowBox et de Mai Nestor), de cordes majestueuses et de mélodies planantes. Aux
confluences du chill (« Liquesce »), de la house (« Near The End » et ses accents jazzy), du dubstep (« Lights Out/In Shinjuku »), de la jungle (« At Night »
magique !), de l’abstract hip-hop
(« Ra_light ») voire du R&B (« The Road » ou le sublime « Love Theme From Foreverness »), Ryan Humm nous livre un disque impressionnant et intelligent au groove envoutant et hypnotique…
Le tout jeune label parisien, fondé en 2007 par deux
amoureux de sonorités authentiques et racées héritées du jazz des années 70, nous propose un troisième volume de sa série « Sampler »
compilant ses meilleures sorties récentes et rééditions prestigieuses.
Franchement ouvert à tous les styles musicaux mettant en avant « l’émotion plutôt que l’analyse »,
les productions d’Heavenly Swetness brillent
par leur éclectisme et leur qualité d’enregistrement. En
parcourant son répertoire, on y croise aussi bien le poète Anthony Joseph et son afro-soul colorée que le programmateur de
Radio Nova Blundetto et son reggae-soul rayonnant,
ou encore le maestro deep-house Charles
Webster et son big band jazz. « Sampler
3 » nous ballade habilement à travers un univers musical raffiné où le
jazz vocal classieux et sensuel de Stella
Levitt côtoie l’électropicale de
Guts, le dub codéiné de Baron Retif
& Concepcion Perez et le hip-hop
R&B de Bonnie Banane, dans un va-et-vient permanent et sans faute de
goût entre les époques et les sensibilités.
L’américain Travis
Stewart aka Machinedrum est un
dompteur de sequencers, de boîtes à rythmes, de samplers, de claviers et autres
merveilles technologiques, démocratisées jadis par les prophètes de l’air
électronique Kraftwerk.
Basé à Berlin et tout juste entré dans l’escarcelle du
prestigieux label anglais Ninja Tune,
il impose sa nouvelle touche Junglepost Dub-Stepversatile et mélancolique.
Ayant grandi en Caroline du Nord, il commence sa carrière
musicale comme batteur dans la fanfare de son école et percussionniste dans un ensemble
africain. Plus tard, des études d’ingénieur
du son le mènent à exercer son savoir-faire de beatmaker à New York, pour d’autres artistes.
Son premier disque « Now
You Know » paraît en 2001 chez Merck
Records, âgé de seulement 19 ans il expose alors son goût pour le Hip-Hop (façon Abstract de Prefuse73),
l’Electronica (telle qu’elle est
pensée par ses mentors Alphex Twin et Autechre du label Warp) et les expérimentations sonores (à grands
renforts de glitchs et de Fx). Influencé par les sonorités urbaines, il s’éprend
plus tard de la frénésie des courants électro musclés (fortement dotés en Bpm)
comme la Juke de Chicago (vision
accélérée de la Ghetto House), la Ghettotech de Détroit et autre Footwork.
Revisitant les 90’s et leurs lots de Hardcore, de Jungle et de
Rave, Travis enregistre en 2011 son septième
disque « Room(s) », ce
dernier marque alors un tournant décisif dans sa carrière musicale l’élevant
d’ailleurs au statut de star de la scène
électro underground. Au lieu de s’orienter vers un style qui le séduit, il
préfère rester immerger dans son melting-pot d’influences et produire des morceaux composites, alliant des phases
down-tempo nappées de synthés hypnotiques et mélodiques à des moments up-tempo
effrénés, percussifs et dynamiques.
« Vapor City » s’inscrit par bien des aspects dans
la continuité deses 10 années de syncrétisme stylistique,
mais il exprime pourtant une évolution notable. Stewart y introduit en effet davantage
de complexité dans les enchaînements de ses différentes textures. C’est ainsi
que les touches contemplatives d’Ambient
(soufflées, paraît-il, par le duo écossais Warpien Boards Of Canada) saupoudrées de samples vocaux quasi omniprésents,
de quelques accents jazzy, ragga et R&B, ornent les cendres encore
brûlantes d’une Drum & Bass classique
et racée. Loin de la musique expérimentale cherchant à innover au-delà de
toutes considérations esthétiques, le beau « Vapor City » sonne comme
un revival d’une époque sous acide
révolue, mais regrettée. Plein de nostalgie donc, mais pas seulement… L’expert
signe une galette emplie de magie, de
retournements, de surprises et de clairvoyance. C’est un projet fertile en
devenir annonçant une suite malgré ses
tonalités mélancoliques, et non pas le constat flamboyant d’une culture
musicale passée à la trappe d’une industrie du disque parfois amnésique.
Machinedrum prolonge l’expérience de son album-concept par un site interactif et participatif, mis en ligne à l’adresse
suivante : http://machinedrum.net/et représentant le plan d’une ville numérique
- Vapor
City - qu’il bâti dans ses rêves depuis déjà plusieurs années. Les 10
titres forment la bande-son de ces
quartiers utopiques.
Asgeir – In
The Silence (One Little Indian Records)
La précédente claque islandaise m’a été donnée par Peter Von
Poelh alors qu’il sortait sa pépite folk “Going Where The Tea Trees Are” en 2006. Une
voix, une ambiance, des nuances, des harmonies et des mélodies magiques…
Aujourd’hui c’est le jeune prodige de
l’indie-pop nordiqueAsgeir qui,
avec ses chansons légères et aériennes, part à la conquête de la scène folk européenne et nord américaine. Publiant
« In The Silence », la version anglophone de son premier album qui lui
valut des nominations aux Island Music Awards et au Nordic Music Prize, le
chanteur/songwriter et guitariste combine avec délicatesse des éléments électroniques et acoustiques,
posant sa voix emplie de spleen et de douceur sur les textes originaux et
poétiques écrits par son père. Les 10 titres de « In The Silence », avec
leurs incursions pop-rock (« Torrent »), electro soft-pop (« Going
Home ») et même glitch (« Head In The Snow ») seraient à classer
dans un registre hybride: lafolktronica.
Le combo américano-néerlandais, composé à la base du chanteur Phonte Coleman et du producteur Nicolay (Matthijs Rook), publie un cinquième opus intitulé "Love In Flying Colors". Débutant leur collaboration à distance en 2002, ils produisent leur premier disque "Connected" en 2004 par mails interposés. Aujourd'hui, Foreign Exchange est installé en Caroline du Nord, fort d'une nomination aux Grammy's Awards en 2009, le groupe a acquis une certaine notoriété dans le milieu du R&B. Un cocktail savamment dosé entre hip-hop, néo-soul, funk et électro dévoile 10 titres séduisants et parfaitement produits, où le groove règne en maître absolu.
Hiatus
Kaiyote – Tawk Tomahawk (Flying Buddha Music/Sony Masterworks)
Comme quoi une ballade chez son disquaire réserve encore des
surprises… Une pochette étrange montrant le dessin d’un coyote gueule
grand-ouverte (façon esprit vengeur de la Princesse Mononoké d’Hayao Miyazaki),
le regard jaune et menaçant, derrière deux grues représentées en origami le
narguant avec un serpentin rouge… Une couverture assez énigmatique mais plutôt
efficace car la curiosité me met le casque à l’oreille… Puis là, deuxième effet Kiss Cool…
Né sous l’impulsion de la chanteuse, guitariste et
songwriter Nai Palm, Hiatus Kaiyote
est la vision futuriste d’une Soul
éclairée, cultivée, généreuse et organique. Rejoint par le bassiste Paul Bender, le touche-à-tout Perrin Moss et le claviériste Simon Mavin, l’alchimie opère et le
projet prend forme attirant comme un aimant le soutien des plus grands comme le
batteur chevelu des Roots, Questlove ou le Dj anglais Gilles Peterson (BBC
Radio 6 Music).
L’album « Tawk Tomahawk » est paru pour la première
fois en 2012 sur Bandcamp, il débarque cette année sous la signature Flying
Buddha du label Sony Masterworks.
Le quartet australien basé à Melbourne est parvenu à extraire
la « substantifique moelle » du courant NuSoul, dont les mètres
étalons furent mis en place dés les 90’s par les immenses Erikah Badu, Bilal et
autres Raphael Saadiq ou Music Soulchild. Mais son génie est
d’avoir autant puisé son répertoire musical dans l’opéra que dans les musiques
urbaines et électroniques. En effet, le titre « Malika » est tiré
de Lakmé composé par le français Léo
Delibes à la fin du XIX° siècle, il s’inspire de ce fameux air immortalisé
entres autres par Natalie Dessay : « Le Duo des Fleurs ». On
note par ailleurs que l’instru du morceau est un montage abstract hip-hop des plus délectables (à rapprocher des travaux du
producteur américain Flying Lotus),
avec les lignes de basse clé-de-voûte de Bender
soutenant l’ensemble par son groove imparable.
En ouverture, c’est le très atmosphérique et mystérieux « Mobius
Streak » (le fameux ruban rouge de la pochette ?) qui nous mène en
bateau entre ballade électro-soul et
ambient experimentale. Nai Palm y dévoile une voix touchante, approchant celle d’une Lauryn Hill dans ses meilleures heures, tandis que les claviers de Simon Mavin nous enivrent et nous
transportent vers des contrées délicatement syncopées par le broken beat éblouissant de Perrin Moss.
« The World It Softly Lulls » nous offre ensuite une
ambiance néo-soulfeutrée où D’Angelo pourrait facilement y poser ses mots doux et son groove
sensuel façon « Spanish Joint ». La chanteuse choisi pourtant d’y
imposerun flow tranchant et
revendicatif, un slam tempétueux sur
une rythmique funk éthérée aux
accents de guitare jazz.
Un interlude instrumental interstellaire « Leap
Frog » nous fait glisser vers « Malika » puis
« Ocelot » et « Boom Child », deux courtes plages aux beats
hip-hop brutaux et crasseux (pas
bien éloignées de certaines productions de Madlib).
« Lace Skull » déverse ensuite sa Soul électrisante et tumultueuse,
s’amorçant avec un arpège de guitare et quelques accords de piano puis se
terminant par un déferlement psychédélique.
C’est Jay Dilla
(RIP), énorme producteur de Détroit, qui semble avoir tissé les trames de ces
trop brefs « Rainbow Rhodes » et « Sphynx Gate », où Fender
Rhodes, MPC, choeurs et basses font leur office dans ces célébrations légères
et groovy à la musique promue par des labels tels que Stone Throw Records et
Okayplayer.
Enfin « Nakamara » vient clore ce pur bijou. Un
titre coloré et nusoul en puissance, sans boîte à rythme ni nappe électronique,
du groove à l’état brut, faisant directement allusion à l’identité australienne
du groupe. Le rappeur QTip (des
Tribe Called Quest) fait une apparition dans une version exclusive présente
dans la toute récente ré-édition du disque.
Le Duo allemand basé à Frankfort, Booka Shade, nous donne un avant goût de son cinquième opus "Eve" à paraître sur le label anglais Embassy Music, début Novembre. Leur premier single intitulé "Love Inc." est un concentré de sensualité deep-house matiné d'influences funky et ambient, reprenant un sample du producteur house Lil Louis "Club Lonely" ( Club Lonely ).
Le clip est réalisé par Thomas Hayo...
Le magazine Les
Inrocks la compare à la Dj/productrice et chanteuse anglaise M.I.A, il est vrai que la ressemblance
est troublante tant au niveau de l’allure que du son, seulement voilà… Karol Conka
est brésilienne. Son hip-hop/electro
post-baile funk aux sonorités ultra synthétiques invite ici et là quelques
réminiscences traditionnelles do Brasil
et bien sûr africaines, grâce aux samples éclairés et bien placés du beatmaker
Nave. Son premier disque s’intitule « BatuFreak », en 12 titres racés
et délirants Karol nous amène dans son
univers dancehall électronique, percussif et coloré où les lignes de basse
y sont obsédantes, puissantes et sensuelles…
Bel univers intime et féminin que nous dévoile la chanteuse grenobloise
pop Perrine Faillet, baptisée Peau. Publiant son second opus intitulé « Archipel »,
l’artiste, armée d’un synthé, d’un ordi et de quelques guitares, nous plonge
dans ses sonorités électro délicates
et finement ciselées que des James Blake, Emilie Simon ou Thom Yorke lui ont inspirées.
Enregistré dans le Vercors avec la collaboration de Daniel Bartoletti, le
disque est un recueil de 10 chansons écrites en majorité en français et fredonnées
d’une voix douce et sensuelle. Entre une fragilité apparente de son timbre et une
légèreté complexe de ses textures instrumentales, Peau allie les ambiances et relie
sa pop arty au post-rock électronique bâti de cliquetis « distordus et
trébuchants ».
VV Brown –
Samson And Delilah (Yoy Records/The Orchad/Modulor)
Revisitant le mythe biblique de Samson et Dalila, la
chanteuse aux multiples casquettes V.V. Brown fait son retour dans l’arène
musicale avec la sortie d'un nouveau disque aux sonorités électro/pop, à classer dans la rubrique avant-gardiste du rayon R&B. La belle anglaise publie sur
son propre label Yoy Records « Samson And Delilah », un album déroutant,
crépusculaire, froid et conceptuel, le premier qu’elle assume pleinement! Les
spectres de Grace Jones, Bjork et Kate Bush planent au dessus des 11 titres composés en collaboration
avec Dave Okumu (producteur de Jessie Ware). V.V. Brown réinvente son univers
artistique, le rendant plus baroque, sombre et sophistiqué. Elle se libère du
poids de l’industrie musicale et de ses canons pour fournir un objet personnel et
anti-commercial. Audacieux et prometteur !
La première impression est assez surprenante voire déroutante,
il ne ressort de Compass que le fatras bruyant et démembré d'une soul
désarticulée, désossée et chancelante...Puis la folie de Jamie nous gagne
rapidement, et ses ritournelles obsédantes finissent par tourbillonner et
finalement s'orienter vers une seule et même idée LA LIBERTÈ. Après Jim en 2008, le
double de Jamie en plus baroque et bricoleur n'a plus lieu d'être, Mr Lidell
semble avoir enfin concilié sa double personnalité. Jamie est donc de retour
avec un album funky dense et riche. Deux ans de recherche, de rencontres et
d'échanges lui auront été nécessaires pour accoucher de cet oSni (Jamie est un
habitué des objets soulfunkelectropsyché non identifiés)...Jamie Lidell est un
fou qui se nourrit de tout et recrache tantôt un gospel éclaté, tantôt une
nusoul onctueuse et sucrée, ici un clin d'oeil aux Jackson Five et là un blues
vrombissant, une berceuse alanguie puis une pop explosive et sombre. Bref,
Jamie a glissé dans ce Compass le meilleur de lui-même et s'est entouré de
sacrées pointures pour donner forme à ce bordel confus, grinçant gravé en
clair/obscur, on y retrouve en effet Feist, Gonzales, Beck, Chris Taylor (des
Grizzly Bear), James Gadson (batteur de Bill Withers et Quincy Jones...) et
bien d'autres. Eparpillée et étourdissante, la soul WARPienne de Jamie cherche
oreilles à défleurer.
Herva -
Meanwhile In Madland (Bosconi Extra Virgin)
Hervé Atsé Corti alias Herva est un tout jeune producteur de
musique électronique originaire de Florence. Plutôt étiqueté Deep House, le
musicien italien d’à peine 19 ans signe un premier opus de qualité intitulé
« Meanwhile In Madland ». Réalisés avec des moyens dérisoires et un
équipement modeste les 13 titres de l’album dégagent pourtant une grande
richesse mélodique et rythmique. Influencé par les courants Hip-Hop, Soul et Down
tempo, le son de Herva est séduisant, profond et enivrant, ses ambiances
atmosphériques et relaxantes sont servies avec un groove particulièrement
jouissif et des lignes de basse voluptueusement chaloupées. Elevé au milieu des
claviers vintage de son père et impressionné par les ambiances aériennes d’Alphex
Twin, le jeune prodige s’est forgé une subtile identité musicale soulful à la
croisée des tendances Electronica, Disco, R&B et UK Garage. Raffinées et
cérébrales, les productions d’Herva sont une bénédiction toscane, la
bande-sonidéale d’un instant chill-out.
Cet hommage à l’art du sampling et du métissage culturel témoigne d’une
maturité précoce plus que prometteuse. Un artiste à suivre…