vendredi 5 mars 2021

Blazin' Quartet - Sleeping Beauty (Le Coolabel/Absilone/Socadisc)

Blazin' Quartet - Sleeping Beauty (Le Coolabel/Absilone/Socadisc)

A la tête de son délicat Blazin' Quartet, l'excellent batteur originaire de Sarajevo, Srdjan Ivanovic, nous revient avec Sleeping Beauty, un disque de jazz aux ambiances immersives où l'on retrouve le guitariste italien Federico Casagrande, le trompettiste grec Andreas Polyzogopoulos et le contrebassiste bulgare Mihail Ivanov. Enracinées dans les Balkans et mariant subtilement les cultures d'orient et d'occident, la musique et les rythmiques de Srdjan sont une expression de son esprit aventureux et novateur, marqué par un parcours jalonné de nombreux déménagements dans de nombreux pays, quartiers et appartements. 

Désormais installé à Paris, il insuffle à son projet un nouvel élan, le poussant vers davantage de liberté et de spontanéité. L'inventif et singulier flutiste Magic Malik, convié sur deux compositions colorées au swing respectivement accrocheur et entêtant, "Guchi" et "Rue des Balkans", illustre cette tendance qu'a le batteur à vouloir explorer de nouvelles possibilités. 

La mélodie étant pour lui une des composantes fondamentales de son univers, les sonorités d'Ennio Morricone lui sont apparues comme une évidence, influençant significativement sa manière d'appréhender l'écriture. Reprenant et réarrangeant deux thèmes incontournables du maitre disparu il y a peu, "The Man With The Harmonica" et "A L'Aube du Cinquième Jour (Got Mit Uns)", l'artiste a sans doute souhaité célébrer une œuvre intemporelle et populaire, qui parle à tous, toutes générations confondues. 

1er confinement et besoin d'évasion obligent, des fields recordings captés à la campagne nous plongent - le temps de l'"Intro" et de l'"Outro" - dans une nature bienveillante et inspirante, que l'économie aérienne du jeu d'Andreas contribue à rendre apaisante. Que dire également du touché irrésistible de Federico (en solo sur une version de "Sleepng Beauty"), un virtuose de la six cordes qui tisse avec Mihail et le trompettiste, une complicité harmonique des plus gracieuses, que viennent survoler quelques nappes de claviers orchestrées par Srdjan lui même ("Andreas").




jeudi 25 février 2021

Stéphane Edouard - Pondicergy Arlines (Cjazz Productions/Absilone)

Stéphane Edouard - Pondicergy Arlines (Cjazz Productions/Absilone)


Inspiré par les tubes du Bollywood des années 70-80 et les musiques classiques indiennes, le batteur, percussionniste, claviériste et chanteur parisien Stéphane Edouard nous livrait le 15 Janvier dernier Pondicergy Arlines, un premier opus aux vibrations world, exprimant l'histoire et le parcours musical du compositeur et arrangeur autodidacte ayant grandi à Cergy. Largement marqué par la culture de ses parents issus du sud de l'Inde et par sa découverte, adolescent, du rock, du jazz, des sonorités cubaines et africaines, il recherche la pluralité des sons et mélange les couleurs, les croise et les harmonise habilement. Dans cet univers fusion aux grooves généreux et exotiques, il a choisi d'inviter une myriade de musiciens, des compagnons de route, qui viennent le rejoindre avec leurs propres bagages. Son frère tout d'abord, Prabhu Edouard, virtuose des tablas, puis l'incontournable flutiste Magic Malik, mais également les guitaristes Nguyên Lê et Anthony Jambon, l'accordéoniste Vincent Peirani, le bassiste Etienne M'Bappe, les pianistes Fred Soul et Alfio Origlio, le claviériste Bojan Z ou encore la chanteuse Julia Sarr... Un casting hors norme pour un disque qui l'est tout autant et qui sonne bon le partage, le métissage et l'ouverture d'esprit!



Olivier Laisney & Yantras - Monks Of Nothingness (Onze Heures Onze)

Olivier Laisney & Yantras - Monks Of Nothingness (Onze Heures Onze)

Le trompettiste emblématique de l'écurie Onze Heures Onze, Olivier Laisney, nous proposait le 19 Janvier dernier Monks Of Nothingness; album issu de sa  formation Yantras, nouveau projet affichant diverses influences, allant du saxophoniste Steve Coleman au rappeur Q-Tip, en passant par le pianiste Vijay Iyer. Son précédant groupe, Slugged, avait accouché de deux opus parus en 2011 et 2016 baptisés Phonotype et Silent Forms.

Entouré de l'incontournable Magic Malik à la flûte, de Romain Clerc-Renaud au piano (Chlorine Free), Franck Vaillant à la batterie (Arthur H, Sarah Murcia), Damien Varaillon à la contrebasse (Matteo Pastorino) et du rappeur américain Mike Ladd (Arat Kilo) qui intervient sur deux morceaux, Olivier a rassemblé 9 compositions originales, où jazz expérimental et musiques improvisées se mêlent à des sonorités électroniques immersives

Même si l'élaboration du disque repose, pour une grande part, sur des modes d'écritures complexes hérités d'Olivier Messiaen et de la polyphonie ars nova du XIV° siècle, l'auditeur peut néanmoins se raccrocher à ses mariages d'éléments plus familiers, s'y mêlent ainsi des réminiscences abstract hip-hop ("Spiral Down") et drum & bass ("L'Homme Vague"), dark ambient ("Secret Swordplay Instruction") ou encore broken beat ("Le Pendu")...

Bel effort!





mardi 23 février 2021

Sandro Zerafa - Last Night When We Were Young (Paris Jazz Underground)

Sandro Zerafa - Last Night When We Were Young (Paris Jazz Underground)

Le guitariste maltais basé à Paris, Sandro Zerafa, nous confiait le 22 Janvier dernier - via le label Paris Jazz Underground - une collection de reprises de quelques-uns des plus beaux standards du jazz. Un exercice inédit pour le musicien éclectique qui s'est illustré, entre autre, auprès des brésiliens Chico Buarque et Marcia Maria, des français Chrytelle Alour, David Prez, Romain Pillon et André Ceccarelli, ou encore du cubain Joel Hierrezuelo... 

Enregistré courant Juin 2020 en tandem avec le pianiste Vincent Bourgeyx et en orchestre avec le contrebassiste Yoni Zelnik et le batteur Antoine Paganotti, l'élégant Last Night When We Were Young est le cinquième album de l'artiste qu'il réalise en tant que leader; comme son nom l'indique ("Last Night When We Were Young" est le titre d'une illustre chanson qu'immortalisa notamment Kenny Burrell en 1965), il se veut être une célébration des grands thèmes du Great American Songbook. Un répertoire que Sandro considère comme "l'ultime lieu d'une liberté d'expression où flirtent tradition et innovation". 

L'auditeur appréciera la subtile complicité du duo et l'efficacité redoutable du trio, tout en re-re-re-redécouvrant au gré des 11 interprétations de l'opus, les mélodies intemporelles et incontournables des prestigieux Cole Porter ("You Do Something To Me"), George Gershwin ("Who Cares") ou encore Jerome Kern ("The Folks Who Live On The Hill").



vendredi 19 février 2021

Christofer Bjurström - Ecume de Mai (MZ Records)

 Christofer Bjurström - Ecume de Mai (MZ Records)

Le pianiste et compositeur suédois Christofer Bjurström nous présentait il y a peu son nouvel album solo baptisé l'Ecume de Mai, un recueil de 9 compositions originales paru sur le label brestois MZ Records et inspiré, entre autre, par les extraits d'ouvrages d'Emily Dickinson, Claude Roy, Sylvia Plath ou encore Jules Supervielle. Enregistré en juin 2020 au studio de Meudon, le disque sonne étrangement. S'il exprime à certains moments une mélancolie subtile et immersive - d'où semblent surgir les touches impressionnistes et symbolistes des modernes Claude Debussy et Erik Satie ("La chambre du Malade", "Tant", "Neige") - l'artiste se frotte ailleurs, à la dissonance harmonique et à la discontinuité rythmique du jazzman Thelonious Monk ("Une seule main ne suffit pas"). Avec son piano préparé, il va même par endroit frôler les expérimentations avant-gardistes de John Cage ("Le Fleuve de l'Exil", "Soi derrière soi")...

Ecume de Mai bouleverse.


jeudi 18 février 2021

Jean-Baptiste Soulard - Le Silence et L'Eau (le Renouveau) (Un Plan Simple/Horizon Musiques)

Jean-Baptiste Soulard - Le Silence et L'Eau (le Renouveau) (Un Plan Simple/Horizon Musiques)

Le guitariste et cofondateur du groupe rock Palatine, Jean-Baptiste Soulard, nous livrait en Novembre dernier son immersif Le Silence et L'Eau, un sublime écrin de 14 chansons folk et pop, invitant l'auditeur à s'évader, à fuir l'actualité et son brouhaha, le quotidien et ses vicissitudes, l'ici et ses amertumes. 

Acoustiques, intimistes et épurées, les ambiances aériennes élaborées par le chanteur - également auteur et compositeur - nous touchent et nous bousculent avec tendresse. Elles lui furent inspirées par l'expérience d'isolement dans le froid et le silence des grands espaces de Sylvain Tesson, écrivain voyageur qui vécu en ermite, 6 mois durant, dans une cabane près du lac Baïkal. Son livre Les forêts de Sibérie, publié en Septembre 2011, fut le prétexte littéraire aux digressions musicales de l'artiste touche-à-tout, qui a souhaité le temps d'un doux "voyage introspectif", s'extirper de la conjoncture nauséabonde pour "répondre à l'appel de la beauté et de la liberté". Le Silence et L'Eau est une réaction poétique à l'agressivité du monde contemporain, à l'inaction écologique et au contexte sanitaire.

Jean-Baptiste a convié pour l'occasion des voix singulières qu'il affectionne tout particulièrement et pour qui il a imaginé des textes sur mesure. Au fil de l'album, se dévoilent ainsi les interventions envoutantes de Bessa, JP Nataf, Blick Bassy, Luciole, Jacinthe, Achille, Emily Loizeau et Raphaël Personnaz, ainsi que les déambulations subtiles du trompettiste Erik Truffaz

Une petite merveille!



mercredi 17 février 2021

Célia Forestier Komorebi - Go (A part la Zic/Inouïe Distribution)

Célia Forestier Komorebi - Go (A part la Zic/Inouïe Distribution)


La vocaliste Célia Forestier nous présente Komorebi, un quintet singulier qui se frotte autant au jazz qu'à la musique de chambre, en passant par la pop et la folk.

Le mot japonais Komorebi - littéralement intraduisible en français - est un concept désignant "La lumière du soleil qui filtre à travers les feuilles d’un arbre". Il nous enseigne que "la beauté infinie de la nature est destinée à être appréciée, même dans ses moindres détails". Le ton est donné, mais ne nous y trompons pas, le mystérieux GO n'est pas un recueil de méditations zen. Son ouverture fracassante avec "MRS. E." nous le fait bien comprendre!

Même s'il est survolé par le chant pur et cristallin de Célia, ou qu'il est empreint d'une douce lumière et d'une poésie touchante, la liberté du disque heurte, bouscule et surprend. La diva, entourée du guitariste, compositeur et arrangeur François Forestier, du contrebassiste Vincent Girard, du batteur Rémy Kaprielan et du violoncelliste Bruno Ducret, y élabore des ambiances inspirées aux jeux de cordes luxuriants et aux rythmiques hypnotiques parfois telluriques. Ensemble, ils nous invitent à s'immerger dans des thèmes fortement contrastés, où parfois des arrangements élégants et dépouillés brillent par leur retenue, alors qu'à d'autres moments ils imposent une tension palpable.

Elle marie les influences impressionnistes de Maurice Ravel et Claude Debussy avec la pop/folk acoustique de Becca Stevens et le jazz éclairé du trompettiste américain Ambrose Akinmusire.

A travers la richesse de ses timbres et de ses harmonies, Komorebi capte l'attention; sa musique aux multiples facettes, à la fois sophistiquée et accessible, organique et électrique, délicate et entêtante, frappe les esprits autant qu'elle les apaise.

Belle découverte.