mercredi 13 avril 2016

Elza Soares - The Woman At The End Of The World (Mais Um Discos/Differ-Ant)


Elza Soares - The Woman At The End Of The World (Mais Um Discos/Differ-Ant)

A presque 80 ans l'icône carioca Elza Soares n'en finit pas de nous surprendre, se réinventant sans cesse et abordant des problématiques brûlantes d'un Brésil bien éloigné des clichés. Masquant les outrages du temps par multe interventions esthétiques et sous une épaisse couche de fond de teint, la diva aux sept vies publie son 34ième album studio intitulé The Woman At The End Of The World (A Mulher Do Fim Do Mundo), composé de 11 morceaux inédits… Une première pour l'artiste !

 Représentante d'un nouveau genre musical baptisé dirty samba ou samba sujo issu de la scène avant-gardiste paoliste, Elza nous dépeint sur fond d'histoires sordides le portrait renversant d'un pays abusé et excessif, où racisme, sexe, drogue et violence côtoient l'image d'Epinal du Carnaval et des plages de Rio.

Celle qui fut la protégée de Louis Armstrong dans les années 50, l'épouse de la légende du foot Garrincha et qui partagea la scène de Chico Buarque, Caetano Veloso et autres Gilberto Gil, a toujours voulu innover sa samba l'associant au jazz, à la soul, au hip-hop, au funk ou à la musique électronique. C'est avec le free jazz et le rock que l'octogénaire à l'énergie punk décide aujourd'hui de fricoter, dans un disque dur et éraillé où la MPB (musica popular brasileira) est largement mise à mal. Le batteur/percussionniste Guilherme Kastrup en est le maître d'œuvre, conviant aux côtés de la chanteuse les auteurs, musiciens et compositeurs de SP: Kiko Dinucci, Rodrigo Campos, Felipe Roseno, Marcelo Cabral, Thiago França, Douglas Germano, Clima, Celso Sim et Romulo Froes

Sa voix rauque et vibrante dans l'ouverture en acapella "Coraçao Do Mar" (poéme d'Oswald de Andrade, auteur moderniste du célèbre Manifeste Anthropophage), nous fait calmement glisser vers la sublime samba triste "A Mulher Do Fim Do Mundo"accents électro et guitares saturées nous annoncent d'emblée une musique grave et pesante, exprimant douleur, désespoir et colère… Les cordes viennent rajouter une touche de lyrisme hypnotique et terriblement captivant à un titre qui demeure plutôt soft au regard de ce qui suit.

En effet tout se gâte à partir de "Maria Da Vila Matilde", la samba devient bruyante (samba esquema noise), une chape de plomb s'abat sur l'auditeur avec cette chanson sombre et corrosive où Elza incarne une femme battue (du vécu?) avertissant son ex-compagnon de ne plus l'approcher sinon "você vai se arrepender de levantar a mao pra mim" (tu vas regretter d'avoir levé la main sur moi).

"Luz Vermelha" et sa mélodie dissonante aux reflets psychédéliques nous livre ensuite une réflexion pessimiste et effrayante sur le monde…

Le très explicite "Pra Fuder" ("pour baiser") et son air de samba afro-punk endiablé exprime le désir sexuel incandescent et sauvage d'une femme prédatrice… L'instrumentation y est dominée par les cuivres acides de Bixiga 70.

"Benedita" raconte l'histoire d'un transsexuel drogué accablé par les violences sociales, violences illustrées par la distorsion des guitares tranchantes…

La moiteur du Shrine transparaît ensuite dans l'afrobeat de "Firmeza?!", qu'elle interprète en duo avec Rodrigo. Les cuivres funky rappellent bien sûr ceux de Fela Kuti

Le tango désarticulé et chancelant "Dança" est post mortem, narré par une disparue qui, même réduite en poussière, veut danser…

Dans la ballade maritime "O Canal" est cité Alexandre Le Grand, veillant sur la construction d'un passage près de la mer Egée et réprimant ses sujets par cupidité et désir de grandeur… Un écho à la dictature militaire au Brésil?

Le tendre "Solto" est l'unique titre de l'opus dans lequel il n'y a pas de perturbation sonore ni d'agression verbale, l'orchestration y est composée d'arpèges de guitare et d'un quatuor à cordes formant un doux écrin à la voix apaisée d'Elza, qui ne crie plus mais murmure un texte demeurant tout de même noir et triste, faisant sans doute écho à sa liaison avec l'amour de sa vie.

En clôture de ce qui semble être le meilleur album brésilien de l'année 2015 (Rolling Stone Brazil), Elza se retrouve à nouveau seule , nous offrant un second acapella touchant, surgi d'une nappe électronique cacophonique et angoissante. "Comigo" est un hommage à la mère, qui malgré sa disparition reste présente auprès de ses enfants... Des mots qui résonnent de façon particulière pour la diva qui perdit un fils quelques mois avant le lancement du disque fin 2015. 
Bien que les textes soient écrits par d'autres, l'artiste se les approprie et se raconte san jouer la comédie...
 

vendredi 8 avril 2016

S-Man & Harry Romero – Searching Feat. Melisa Whiskey (Strictly Rhythm)


S-Man & Harry Romero – Searching Feat. Melisa Whiskey (Strictly Rhythm)

Le phénoménal Roger Sanchez alias S-Man, ardent agitateur de dancefloor et pionnier d'une house music underground des plus exigeantes nous revient avec sa bombe "Searching" qu'il produit en collaboration avec une autre signature emblématique de la scène électronique américaine, le Dj/producteur Harry "Choo Choo" Romero (HCCR).

Remarqué tout récemment pour sa compilation Strictly Roger Sanchez, dans laquelle il revient à travers une sélection de 30 titres old school sur les moments marquants de sa carrière, le new-yorkais nous montre qu'il demeure toujours autant d'actualité, avec une production aux sonorités définitivement classiques mais qui résonnent de manière contemporaines.

Dans la version vocale de "Searching", les deux légendes invitent la diva basée à Londres Melisa Whiskey qui, sur un beat deep-house, injecte avec sa voix puissante un fluide soulful captivant. La version Dub est plus typique de la patte de S-Man et se renforce d'une solide partie rythmique rendue plus sèche et percutante par Harry Romero.

jeudi 7 avril 2016

Ebo Taylor – My Love And Music / Twer Nyame (Mr Bongo)


Ebo Taylor – My Love And Music  / Twer Nyame (Mr Bongo)

 L'illustre guitariste ghanéen Ebo Taylor, véritable chantre du highlife des années 70, est considéré comme une véritable légende de la musique d'Afrique de l'Ouest tant son apport a su moderniser ce style traditionnel apparu au début du 20ième siècle, en le combinant à l'afrobeat, au jazz et à la funk des icônes américaines.

Toujours à tourner alors qu'il fête cette année ses 80 printemps, l'artiste voit son œuvre être célébrée par l'excellent label Mr Bongo, qui republie deux de ses albums (dont les éditions originales se négocient à prix d'or), le premier de sa carrière solo My Love And Music paru en 1975 et Twer Nyame en 1978.

My Love And Music est largement dominé par l'influence du reggae (manifeste sur "Maye Omama" et le titre éponyme) on note bien sûr l'emprunte caribéenne du calypso (une des composantes essentielles du highlife), mais aussi celle de Fela Kuti sur le brulant "Odofo Nyi Akyiri Biara" et de la soul sur "Will You Promise".

Le second disque sonne plus roots, Ebo l'a composé et arrangé de façon plus classique, avec les accents latin-jazz radieux du titre éponyme, les cuivres afro-funky et la guitare électrique de "Peace On Earth", les claviers psychédéliques et les percussions entêtantes d'"Atwer Abroba".

De quoi réjouir les amateurs d'afro-groove férus de raretés…!

mardi 5 avril 2016

Camarao Orkestra - Camarao Orkestra (Clapson Records/L'Autre Distribution)


Camarao Orkestra - Camarao Orkestra (Clapson Records/L'Autre Distribution)

C'est à Paris, ville-étape située sur la route des grooves afro-brésiliens, entre Addis Abeba et Rio de Janeiro, que la formation Camarao Orkestra prend forme en 2008 autour du trompettiste Paul Bouclier. Largement influencés par les rythmes syncrétiques du Brésil, les 10 musiciens élaborent un savoureux mélange fusionnant les sonorités jazz/funk des années 70 aux traditionnels Maracatu du nordeste, Afoxé et autres Samba… Doté d'une section cuivre puissante et de percussionnistes aguerris à l'atabaque, à la cuica et au berimbau entre autres instruments propres aux rondes de capoeira ou aux rites religieux du Candomblé, l'Orchestre Crevette exprime à travers 8 titres syncopés et endiablés sa vision captivante du groove. Un groove qui swing dans "Saidera" ou qui se pare d'accents afrobeat dans "Afroben" et éthiojazz dans "Baravento".

A noter la présence d'une assise rythmique plutôt funky composée du bassiste Virgile Raffaëlli, du claviériste Florian Pellissier et du guitariste Farid Baha. Nous remarquerons aussi la prestation sensuelle des chanteuses Amanda Roldan et Agathe Iracema.

Ce premier opus au titre éponyme parait chez Clapson Records et mérite toute notre attention car il ne reprend pas les sempiternels relents festifs "sauce brésilienne" que nous servent souvent les batucadas et autres collectifs de rue, en effet Orkestra Camarao s'efforce de bâtir un répertoire original et réfléchi, une identité musicale singulière…

lundi 4 avril 2016

Yom - Songs For The Old Man (Planètes Rouges/Full Rhizome/Buda Musique)


Yom - Songs For The Old Man (Planètes Rouges/Full Rhizome/Buda Musique)

Nous ayant habitué à ses pérégrinations dans le répertoire klezmer qu'il hérite des racines juives transylvaniennes de sa mère, le clarinettiste français Guillaume Humery alias Yom s'écarte un temps de la musique des joies et des peines ashkénazes qu'il n'a de cesse de revisiter depuis 7 albums, pour nous offrir Songs For The Old Man, un recueil de 9 titres instrumentaux aux sonorités folk, country et rock'n'roll. Conçu comme un hommage à son père exilé aux Etats-Unis dans les années 50, le disque, qui paraîtra le 15 Avril prochain, fusionne habilement et avec beaucoup de tendresse les influences d'Europe de l'Est à l'esprit roots de l'americana. Accompagné de l'arrangeur, directeur artistique et guitariste Aurélien Naffrichoux qu'il côtoie depuis plus de 5 ans, le compositeur s'entoure de Guillaume Magne aux guitares, dobro et banjo, de Sylvain Daniel à la basse ainsi que de Mathieu Penot à la batterie. Un voyage émouvant qui nous révèle une clarinette klezmer plus parlante que jamais !

Quantic Presenta Flowering Inferno - A Life Worth Living Feat. U-Roy & Alice Russell (Single) (Tru Thoughts)


Quantic Presenta Flowering Inferno - A Life Worth Living Feat. U-Roy & Alice Russell (Single) (Tru Thoughts)

Quantic poursuit ses explorations musicales exotiques à travers les rythmes de la world music et notamment ceux issus des tropiques, d'Afrique et d'Amérique de Sud… Son dernier Magnetica nous avait déjà fortement marqué de par son éclectisme et sa qualité, Will Holland nous présentera le 13 Mai prochain, toujours grâce à l'entremise du label anglais Tru Thoughts, le premier single de son prochain 1000 Watts intitulé "A Life Worth Living".
Pilotant pour la 3° fois son projet dub baptisé Quantic Presenta Flowering Inferno, le musicien/producteur invite ici un tandem haut de gamme composé de la diva soul Alice Russell et de la légende jamaïcaine U-Roy, il semble clairement s'orienter vers des sonorités plus roots qu'auparavant, laissant de côté les accents latins pour se focaliser davantage sur un reggae au style plus sobre et classique. Apparaîtront aussi dans le nouvel opus, la récente révélation Hollie Cook, l'immense claviériste Ikey Owens (RIP) ou encore le mythique batteur Santa Davis


vendredi 1 avril 2016

ATFC – Git Yo Hands Up (DFTD)


ATFC – Git Yo Hands Up (DFTD)

Le mythique producteur d'origine anglo-turque Aydin Hasirci, plus connu sous son nom de DJ ATFC (Aydin The Funki Chile), nous offre sa nouvelle bombe baptisée "Git Yo Hands Up". L'EP de 2 titres vient de paraître sur le label anglais Defected Records, qu'il côtoie régulièrement depuis maintenant près de 15 ans. Installé en Espagne, ce poids lourd de la house music, à qui l'on doit notamment les tubes "It's Over" (2010) ou "Dazzle" (2011), poursuit ses incursions soulful en s'adressant ici directement au dancefloor, avec ses rythmiques massives et explosives, fédératrices et entraînantes, ainsi que ses sonorités brulantes et terriblement funky. Avec ses percussions et son beat tribal, la version "Original Drum Pass" de "Git Yo Hands Up"  s'oriente vers une tech house aux reflets afro des plus dansants et hypnotiques (on pense alors aux productions de Toolroom Records), alors que le "Burnin' Deeper Mix", plus suave et sensuel, s'immisce insidieusement dans nos têtes histoire de nous faire monter la fièvre…!