Le label de Brighton Tru Thoughts a toujours le chic pour dégoter des producteurs de haut-vol captivants, ce second album d'Anchorsong en est la preuve! L'artiste Masaaki Yoshida né à Tokyo et basé à Londres depuis 2007 nous délivre, après ses excellents Chapters (LP) en 2011 et Mawa (EP) en 2014, le très attendu Ceremonial.
Elaborant des textures sonores sophistiquées inspirées par une Afrique sublimée, l'artisan fusionne les sonorités électroniques et traditionnelles dans un assemblage musical organique et accrocheur, où rythmes premiers, pulsions dancefloor et jeux de cordes enivrent un auditoire conquis. Masaaki déclare que sans son immersion dans la musique africaine des années 70, le highlife et l'afrobeat entre autres, Ceremonial n'aurait jamais vu le jour.
La touche 'ethno-electronica' du musicien atteint son paroxysme avec l'entêtant Last Feast et son beat répétitif tribal enrichi d'une ligne de basse entraînante et d'une mélodie aux accents caribéens brulants, pas étonnant que ce titre soit le premier single de l'opus.
Difficile de classer ce premier opus solo de l'artiste
touche-à-tout Borja Flames, les
compositions qu'il nous présente dans Nacer
Blanco ont ce petit je-ne-sais-quoi
de captivant voire de déroutant. Les sonorités qu'il façonne semblent parfois s'extraire
d'un rite chamanique improbable
comme dans El Arte De La Fuga et Vuelta Otra Vez où percussions et voix bouclées
surgiraient d'un folklore ancestral d'Amérique du sud.
Moitié du duo June
& Jim qu'il forme avec sa compagne Marion
Cousin, présente dans les entêtants No
Hay Pais et Lazos De Familia construits
de loops et basés sur la répétition de phrases lancés en canon, Borja est fortement influencé par l'œuvre de l'anticonformiste et génial
Moondog, maître du contrepoint et la
fugue entre autres figures de style, qui fréquenta aussi bien Charlie Parker que Steve Reich ou Leonard
Bernstein. Il est admiratif de sa manière d'allier complexité rythmique et
puissance mélodique mais surtout touché par son goût pour le mélange des
saveurs (accents caribéens, sophistication du jazz et avant-garde minimaliste).
Dans cet alliage subtile de chanson pop, de polyphonie
et de musique électronique, Borja se plait à semer le trouble affichant
une posture rock tout en restant connecté
à la puissance mystique des rythmes
premiers. Il nous brouille les idées à grand renfort d'échos et de télescopages,
comme dans Ojo Avizor où sa ligne de synthé psychédélique et sa rythmique primitive syncopée nous
ballade entre les ambiances de The Doors,
Gotan Project et Philip Glass.
Lucius, formation
menée par un duo féminin indie-pop basé
à Brooklyn, nous présente son dernier opus, le sublime Good Grief, qui succède à leur premier Wildewoman,très bien
accueilli par la critique lors de sa sortie en 2013.
Les chanteuses Jess
Wolfe et Holly Laesing ont
composé ce second disque sur la route, durant ces deux dernières années d'une
tournée harassante mais épanouissante. Elles y explorent à travers 11 titres,
toujours interprétés en parfaite harmonie,les
sentiments de solitude, de tristesse, d'épuisement, d'excitation, de complicité
et de joie ressentis durant cette période intense.
Good Grief est produit par Shawn Everett (Weezer, Alabama Shakes) avec Bob Ezrin (Alice Cooper, Kiss ou Pink Floyd) et mixé par Tom Elmhirst (Adele, Beck). On
retrouve autour des deux leaders les multi-instrumentistes Andrew Burri, Peter Lalish
et Dan Molad.
Le premier single partagé par le groupe fin 2015 était Born Again Teen, il s'agit d'un extraitpop rocksurvitaminé et
pétillant à l'efficacité redoutable, parcouru par des voix légèrement
aiguisées et des guitares saturées, le tout monté sur l'assise d'une batterie assommante
aux grains vintage. Something About You, Almighty
Gosh sont du même acabit punchy.
L'ensemble de Good
Grief n'est pas construit autour de cette même veine rythmique orientée dancefloor, en effet le second single Madness est construit sur un mode bien
plus sage et ample, une ballade pop
aguichante et gracieuse aux atouts mélodiques catchy.
Dans Dusty Trails,
Jess et Holly nous offrent une sublime chanson folk aux saveurs acoustiques country;dans l'atmosphérique My Heart Got Caught On Your Sleeve, l'absence
de batterie nous fait prendre de l'altitude ne laissant qu'un piano et des
cordes accompagner les chanteuses qui œuvrent à l'unisson.
Almost Makes Me Wish
For Rain revêt des accents R&B,
Truce arbore les reflets chauds d'une
soul sensuelle,tandis que Gone Insane
nous rappelle les sonorités puissantes de Gossip.
Lucius nous envoie
sa nouvelle bombe qui ne manquera pas de ravir les amateurs de sons electro pop.
Né au Liban et d'origine arménienne, le multi-instrumentiste
gréco-turc Abaji s'exile en France en
1976 fuyant une guerre civile qui déchirera son pays jusqu'au début des années 90.
Passionné par les médecines chinoises, la musique sera finalement la voie qu'il
empruntera, explorant les sonorités d'instruments traditionnels de sa région
natale et s'abreuvant au gré de ses voyages d'influences variées allant de la
musique indienne ou sud-africaine au blues en passant bien sûr par la musique
orientale notamment gnawa.
Il publie aujourd'hui son 6° opus intitulé Route&Roots, un titre qui résume à
merveille l'esthétique du projet dans lequel l'artiste convie les joueurs de doudouk
Vardan Grigoryan et de kakak kemane Mahmut Demir. Respectivement d'Arménie
et de Turquie, ces deux musiciens participent à ce retour aux sources voulu par
Abaji qui, au chant, au oud, à la
flûte, au bouzouki et autres cordes ou percussions, rend les frontières perméables
et réconcilie deux peuples aux relations tendues.
En 2009, son retour au Liban lui avait inspiré Origine Orients dans lequel il
s'exprimait dans les 5 langues de sa famille (français, turc, arménien, grec et
arabe). Enregistrés aussi en polyglottie et toujours en une seule prise, les 17 morceaux de Route&Roots nous proposent à
nouveau une immersion intimiste dans l'univers
acoustique teinté de folk, de blues et de worldd'un globetrotteur invétéré, qui remonte cette fois-ci le temps à la
découverte des racines parentales.
Sans artifice, le disque a été réalisé grâce à son studio
mobil, composé du minimum pour accéder à un
maximum d'authenticité dans la captation des sons et le traitement des
ambiances et des espaces.
Ses chants fédérateurs et universels sont emplis de
nostalgie, une saudade orientale poétique
et touchante orchestrée par "un
métèque poreux à tous les souffles du monde".
Le grand public a entendu parler du duo electro-conceptuel de San Francisco Matmos grâce à sa
collaboration avec Björk sur les disques
Vespertine en 2001 et Medulla en 2004. M.C. (Martin) Sschmidt et Drew
Daniel nous présentent aujourd'hui leur 10° opus intitulé Ultimate Care II. La forme de cet album
est peu conventionnelle, puisqu'il est
construit entièrement avec les sons générés par une machine à laver Whirlpool
Ultimate Care II. Une seule piste
s'écoule durant 38 minutes restituant dans un certain ordre assemblé les
bruits des différentes pièces de l'objet malmené, trituré ou frappé comme une
percussion. Les artistes ont capté ces emprunts au réel, les ont échantillonnés, séquencés et modifiés
pour obtenir un vocabulaire sonore, mélodique et rythmique qui se rapproche des
expérimentations musicales concrèteset industrielles comme des genres électroniques du type drone, glitch ou house. On peut
aussi y percevoir les influences du free-jazz,
du krautrock ou du new-age… Malgré cette approche expérimentale, Ultimate Care II peut s'écouter sans
être rebuté dès la première mesure, c'est peut-être là que réside tout
l'intérêt de l'exercice !
Le compositeur et multi-instrumentiste américain Keith Kenniff alias Goldmund nous présente son nouveau
projet baptisé Sometimes. Ce disque tendre et touchant se compose de
17 plages ambient plutôt courtes, au
cours desquelles le producteur élabore de subtiles
nappes musicales postclassiques où des mélodies dépouillées et interprétées
sur un piano réverbéré s'évaporent dans
des brouillards électroniques aux sonorités organiques. Moins acoustique
qu'une pièce de Ludovico Einaudi, Sometimes déploie cette même force
évocatrice d'images. L'auditeur, happé par ces textures immatérielles, erre
dans un espace aux contours flous et habité de mélancolie. Malgré que la
lumière y soit faible voire quasi absente, il est guidé par quelques notes délicates suspendues comme
en apesanteur et quelques emprunts
sonores familiers (la pluie, un courant d'eau qui ruisselle, une brise dans
les feuillages ou encore quelques échos indiscernables…). Le seul ingrédient qui
pourrait s'apparenter à un élément rythmique est le bruit a demi étouffé que
font les doigts de Keith en
martelant les touches de son instrument, ces petits riens presque inaudibles
font la qualité indéniable de ce disque
d'hiveraux allures de bande-son
invitant à la rêverie et au repos.
A noter l'intervention du maître japonais Ryuichi Sakamoto sur le titre A World I Give dont les premières notes nous rappellent étrangement l'illustre Love Theme de Spartacus, devenu depuis la sortie du film de Stanley Kubrick en 1960 le standard de jazz par excellence.
C'est en juin dernier, grâce à l'entremise du label anglais Tru Thoughts que nous découvrions Space Captain, le collectif basé à
Brooklyn nous livrait alors son excellent single Easier/Remedy. Poursuivant son incursion dans les sonorités hip-hop, R&B et electro,
la formation menée par le producteur Alex
Pyle et la chanteuse Maralisa
Simmons-Cook publie 5 nouveaux titres dans un EP baptisé In Memory.
Si l'ouverture Screams
baigne l'auditeur une nappe de réverbes laissant à peine échapper le chant
d'une sirène, Landing/Up In The Hills
nous immerge quant à lui dans une production instrumentale lorgnant sur un abstract hip-hop tourmenté par des glitchs, qui se mue en une ode cosmic soul éthérée habitée par la
délicieuse voix de Maralisa. Cosmos poursuit notre aventure spatiale
avec ses sonorités jazzy jusqu'à ce
que naisse une rythmique hip-hop construite
selon les préceptes édictés par le grand J.
Dilla. Still est à considérer comme
l'introduction du titre phare de l'EP à savoir Two, Maralisa y déploie
les atouts d'une voix sensuelle et
profondément soul tandis qu'Alex
élabore une instrumentation dominée par les accords d'une guitare lancinante, le tempo est lent, l'atmosphère y
est vaporeuse et des plus enivrantes jusqu'à ce qu'elle se brouille et se
sature d'ondes électriques… On s'attendrait presque à voir surgir Fly Lo au détour de ces expérimentations soniques torturées.