L’écurie Tru Thoughts
dégaine une nouvelle arme de poing confectionnée par le producteur londonien Ed West (batteur du groupe reggae The
Drop) et le MC de Birmingham RTKal. L’EP
intitulé The Frass nous balance ses sonorités reggae/dance hall et dubstep
à travers 4 titres punchy où apparaissent les pionniers de l’UK Sound System, Serocee
dans le titre éponymeet Jimmy Screech (moitié de Ghost Writerz) dans un Style Pon Target très orienté hip-hop. Ils déposent leurs flows racés
et tranchants dans un projet croisant l’héritage jamaïcain et les rythmes
électroniques de la nouvelle scène anglaise. Pour une première collaboration, The Frass sonne comme une évidence !
A noter que les 4 titres sont enrichis de leurs versions instrumentales et a cappella...
Victor Démé
– Yafaké (Chapa Blues/World Village-Harmonia Mundi)
Le duo électro français Synapson,
composé des DJs Alexandre Chière et Paul Cucuron publiaient en 2014 un
tube qui allait les installer sur les ondes radio et les clubs mondiaux jusqu’à
la sortie toute récente de leur LP Convergence,
ce titre n’était autre que le remix de Djon’
Maya, succès d’un musicien africain récemment disparu !
Le chanteur/guitariste
folk Victor Démé, originaire de la capitale économique du Burkina Faso,
Bobo Dioulasso, nous quittait fin septembre dernier alors que son troisième et ultime
Yafaké s’apprêtait à paraître sur le
label Chapa Blues. Reconnu
tardivement, ce chantre de la culture
mandingue nous laisse un opus posthume poignant dont le titre
signifie « pardonner » en langue
dioula. Issu d’une lignée de griots du côté de sa mère et d’une famille de couturiers
du côté de son père, Victor amorce
sa carrière musicale en Côte d’Ivoire qu’il rejoint adolescent pour œuvrer dans
l’atelier paternel. Rentré au pays à la fin des années 80, il collabore dans de
nombreux orchestres et devient rapidement un chanteur populaire dans les nuits
d’Ouagadougou. Ce n’est pourtant qu’en 2007 que paraît son premier disque
éponyme, il est alors âgé de 46 ans et se remet péniblement d’une maladie qui l’emportera
finalement quelques années plus tard.
Artiste témoin des troubles qui ont ponctués l’histoire de
sa terre natale, Victor a toujours
célébré dans ses compositions la femme, la tolérance, la paix et la solidarité,
affectionnant les instruments traditionnels tels que la kora et les percussions
tout en appréciant les sonorités latines.
Si Yafaké reprend
les ingrédients d’une recette folk/blues
peaufinée par le compositeur depuis plusieurs décennies, il s’émancipe aussi de
ses prédécesseurs en octroyant une importance plus grande à la batterie,
interprétée par Abdulaye Zon et Patrick Goraguer. Les guitares mandingues sont bien entendu
toujours omniprésentes, qu’elles soient acoustiques ou électriques, le complice
Issouf Diabaté les arrange comme
personne. Les frères Diarra assurent
quant à eux la section rythmique avec kora,
balafon et percussions tandis que l’excellent Grégoire Yanogo impose son groove à la guitare basse. A noter,
entre autres invités pour les cuivres, chœurs et piano, la présence du fameux accordéoniste
Fixi (François Xavier Bossard),
remarqué pour son projet avec le jamaïcain Winston McAnuff et son travail avec
Tony Allen.
Une voix puissante et touchante, une musique élégante
touchée par la grâce d’un griot combattif parti trop tôt.
La chanteuse brésilienne Céu, que nous écoutions il y a peu sur l’excellent Tempo & Magma de Tigana Santana nous revient avec un album
Live intimiste capté en aout 2014 chez
elle à Sao Paolo, au Centre Culturel Rio
Verde. Le disque, composé de 15 titres, reprend l’essentiel de ses 3 premiers
opus et marque ainsi 10 années d’une carrière ponctuées notamment de 4 nominations aux Grammy Awards.
Accompagnée de Lucas
Martins à la basse, de Dustan Gallas
à la guitare et au Fender Rhodes, de Dj
Marco à la programmation et aux scratches ainsi que de Bruno Buarque à la batterie, Céu
nous invite dans son univers MPB
fusionnant samba et rock psychéaux accents méxicains (Falta de Ar), ballade pop (Chegar Em Mim)et
reflets électroniques (Contados), blues rugueux (Grains de Beauté) et cumbia (Retrovisor), tropicalisme (Cangote), instants
reggae (Concrete Jungle) et soul (Lenda) ou encore rythmiques afrobeat (Rainha) et swing jazzy (Amor De Antigos). Sa voix, à la
tessiture si subtile, a la clarté et la profondeur de son aînée Gal Costa. Elle survole avec élégance
et maitrise, en portugais et parfois en anglais (Streets Bloom), un répertoire multicolore au grain vintage,
plantant une atmosphère chaleureuse et conviviale.
Get The
Blessing – Astronautilus (Naim Jazz/Modulor)
Dédié au saxophoniste précurseur du free jazz Ornette Coleman, disparu en juin
dernier à New York, Astronautilus
est le 5° opus de la section rythmique de Portishead,
Get The Blessing. Composé depuis ses
débuts en 2000 du saxophoniste Jake
Mucmurpchie, du trompettiste Pete
Judge, du batteur Clive Deamer
et du bassiste Jim Barr, le quartet post-jazz de Bristol nous offre
9 titres sombres aux ambiances punk tendues et électriques. Les sonorités cuivrées désarticulées, distordues
et renforcées d’FX noisy sont soutenues
par des lignes de basse massives et des
beats tranchants et crasseux. Si l’improvisation y occupe une place
importante, Astronautilus combine
habilement les rythmiques marquées aux atmosphères cinématiques et embrumées,
habitées de mélodies lancinantes parfois accrocheuses et d’autres fois dissonantes
et complexes. Get The Blessing
évolue aux frontières du jazz, se
frottant à l’ambient, au post-rock, à l’electro et à la musique de
film.
Antiquarks – KÔ le libre album (Mustradem/InOuie
Distribution)
La compagnie Antiquarks
est à l’initiative depuis sa création il y a une dizaine d’années d’une quinzaine
d’œuvres originales et de plus de 300 performances artistiques, concerts,
spectacles, conférences ou workshop, délivrés en France et à travers le monde.
Le collectif humaniste, tentaculaire et à géométrie variable, nous présente son
dernier projet intitulé KÔ (« corps »
en créole), une œuvre musicale, graphique et poétique se dressant avec vigueur,
humour et folie contre une industrie du disque standardisée et omnipotente.
Offert comme un « humanifeste du
corps ordinaire » sous la forme d’un livret de près de quarante pages, d’un
disque de 8 titres et d’un show anticonformiste et débridé, KÔ convie son public devenu auditeur,
spectateur et lecteur dans un univers singulier où se « rassemblent une
pluralité de mondes musicaux ». La chanteuse tuscarora militante Pura Fé (Western Dark Side) côtoie ainsi la cantatrice de l’orchestre
national de Lyon Sophie Lou (Papageno Papagena), le percussionniste Ismael Mesbahi (Aman) et le danseur/chanteur burkinabé Bouréima Kiénou (Rockya Couba)
dans une musique « interterrestre »
comme le dit l’un des piliers d’Antiquarks,
l’artiste-sociologue chanteur, percussionniste et compositeur, Richard Monségu. Entre les rythmes d’Afrique de l’ouest, le punk/rock (Pigs Bridge), la musique
orientale, le world jazz (Shake It) ou les ambiances créoles (Dyab), KÔ se joue des codes, prend le risque d’être une œuvre foisonnante
et plurielle, sans à priori mais gorgée de convictions.