Francesca Belmonte – Anima
(False Idols/!K7)
La sublime Francesca
Belmonte collabore avec Tricky
depuis maintenant plusieurs années (2009), ce dernier ne tarit d’ailleurs pas
d’éloge à l’égard de sa protégée, première signature de son label False Idols. Le disque Anima nous dévoile une artiste qui se
décrit elle même comme une chanteuse de blues
alternatif, elle cite volontiers les
figures emblématiques de Billie Holiday
et Patti Smith comme influences
majeures. La jeune anglaise mêle avec sensualité et élégance des sonorités pop, R&B, soul et électronica sans jamais trop quitter la
pénombre qui habite ses mélodies hypnotiques. On devine ça et là, au gré de quelques rythmiques aux
accents trip-hop l’empreinte laissée
par son mentor, mais la variété des pistes
esthétiques explorées dans le projet attestent d’une identité propre qui
s’émancipe vers un ailleurs moins underground et plus accessible.
Si l’arpège à la guitare électrique de l’Intro évoque immanquablement le monument
soul immortalisé par Otis Redding, I’ve
Been Loving You Too Long, Hidding In The
Rushes nous plongent dans les méandres d’une obscurité rythmée par des
cuivres angoissants et une saccade R&B
pesante dont le producteur Timbaland
a le secret de fabrication (je pense notamment à son tube Give It To Me avec Nelly Furtado).
Le premier single Stole
et son instrumentation construite d’échantillons analogiques bruitistes est à
mon goût la perle de cet effort, Francesca
y déploie un flow nonchalant et vibrant, sonnant comme la rencontre parfaite de
Mike Skinner (The Streets) et Patti Smith, le trip-hop fricote avec les incantations roots, folk et blues, comme
extraites d’un chant spirituel indien… C’est hybride, profond et prenant !
Keep Moving et Lying On The Moon nous ramènent sur les
sentiers balisés d’une bass music matinée
de glitch, de break beat et de R&B, des bourdonnements (musique drone) nous rappellent que nous
sommes bien en territoire britannique… Les atmosphères y sont sombres voire
assomantes, Tricky en personne toujours
aussi envoutant y intervient en guest, susurrant son texte au côté de la voix
cristalline et éthérée de la jeune femme.
Dès l’ouverture de Joker,
c’est un changement complet de décors qui s’opère, Francesca nous maintient toujours en haleine dans sa sphère trip-hop mais nous bascule dans son hémisphère
sud, plus chaud, lumineux et léger, où l’on retrouve les reflets jazzy de l’autre groupe historique de Bristol, Portishead.
Les ambiances enfumées de Massive Attack resurgissent dans Strange Beat, avec sa ligne de basse obsédante tandis que Brothers & Sisters nous immerge dans
l’italo disco des Chromatics.
Anima se poursuit
avec les délicieuses ballades Come Talk
et Your Sons, le titre electro pop Daisy, le langoureux Driving,
l’anguleux Fast et l’atmosphérique Are you avec sa rythmique jungle ralentie et étouffée…
Bref, en 15 titres riches et variés, Francesca Belmonte nous dépeint son petit monde musical polymorphe alimenté
entre autre par le génie de son producteur Tricky,
qui est actuellement en studio à Berlin pour l’enregistrement de son prochain disque
en collaboration avec son ami d’enfance et partenaire dans le projet Wild
Bunch, Dj Milo.