lundi 6 avril 2015

Daymé Arocena – The Havana Sessions (Havana Cultura/Brownswood Recordings)


Daymé Arocena – The Havana Sessions (Havana Cultura/Brownswood Recordings)

L e dénicheur de perles rares et de nouveaux talents Gilles Peterson nous revient via son projet The Havana Cultura, avec un sublime EP de 4 titres nous présentant une toute jeune chanteuse cubaine nommée Daymé Arocena. Véritable révélation d’à peine 22 ans, elle impressionne dès son premier tour de chant grâce à une voix puissante et précise, gorgée d’un groove R&B éblouissant, d’une maîtrise vocale digne des divas historiques du jazz et d’une énergie latine puisée dans les traditions afro-cubaines du boléro et de la salsa. L’écouter donne l’impression d’avoir en face de soi un chœur formé de Gregory Porter et Concha Buika, une association parfaite de passion, de soul, de vécu et de métier !

Fraichement signé sur le label du DJ/producteur anglais Brownswood Recordings, la jeune artiste a fait parti du projet Havana Cultura Mix en Mai 2014. Ce dernier consistait à inviter plusieurs producteurs émergeants de musique électronique à la Havane et établir ainsi des collaborations avec les musiciens locaux (on se souvient notamment de l’ouvrage Mala In Cuba du fondateur du dubstep, réalisé en 2012 lors de l’édition Havana Cultura – The Search Of…). 
Après 3 featurings dans la compilation et une prestation live lors du lancement du disque à Londres, il est apparu logique et souhaitable qu’elle enregistre son propre album !

Son génie s'écoute d’emblée sur le vibrant Drama, ouverture resplendissante de ce Havana Cultura Sessions, qui démarre comme une complainte délicate et intimiste interprétée par Daymé et le pianiste Rob Mitchell, mais qui se pare très vite d’un groove enivrant mis en scène par les percussions d’Oli Savill, Simbad et Maître Samsou, ainsi que par la ligne de contrebasse de Neil Charles.

La jeune prodige à la carrure de Jill Scott, immense héroïne de la scène néo soul U.S., opère une fusion majestueuse des musiques jazz et caribéennes ancrées dans un héritage africain vivace et sauvegardé, notamment grâce à la religion Santeria et ses rythmes de transe. Cet héritage est d’ailleurs marquant dans le jeu des percussions du titre Cry Me A River, reprise étonnante du standard immortalisé par Ella Fitzgerald.

Ce morceau est un des classiques du jazz les plus joués mais ici, il nous est livré dans une version magique et dépouillée, à la croisée du chant gospel et de l’incantation chamanique. Quinto et Matador jouent les claves, chékérés et autres tres-dos tandis que Dagoberto Arocena et Yosvani Diaz l’accompagnent au chœur.

Dans Sin Empezar, Daymé se met au piano et entame une merveilleuse ballade aux reflets mélancoliques servis par la trompette au son feutré de Yelfris Valdes. Le culte qu’elle voue à feu Whitney Houston s’y manifeste alors pleinement, mâtinant son jazz d’une sensualité R&B touchante.

Avec ses rythmes chaloupés et son invitation à la danse dignes de la grande Célia Cruz, El Ruso demeure le titre le plus ‘cubain’ de cet EP qui annonce un album Nueva Era des plus intéressants de ce début d’année. Les talents d’interprète et de compositeur de Daymé confirment une fois de plus que Gilles Peterson a vu juste en la plaçant sous l’aile bienfaitrice de Brownswood Recordings, comme il le fît par le passé pour José James, Ben Westbeech, Zara McFarlane ou les japonais de Soil & ‘’Pimp’’ Sessions.

dimanche 5 avril 2015

Château Marmont - Sound Of Shambala (Sony Music)

Château Marmont - Sound Of Shambala (Sony Music)

Le tandem Château Marmont publie chez Sony Music l’excellent Sound Of Shambala. Ce second disque franchement orienté dancefloor est un pur bijou pop taillé dans la french touch des 90’s, serti d’éclats deep house et incrusté de paillettes soulfull. Les deux barbus prêtent une attention toute particulière à l’écriture de leurs mélodies, mélancoliques mais profondément séduisantes et attirantes d’où jaillit une sensualité délicate.
En 11 titres sans une seule fausse note, Château Marmont nous fait revivre ce qui s’est fait de mieux ces 15 dernières années sur la scène électronique française, nous rappelant à quel point la pop a transformé ses reliefs, brisant des tabous et proposant de nouvelles perspectives.
La house sucrée et estivale de Sound Of Shambala s’immisce insidieusement dans nos esprits, apaisés par l’arrivée du printemps, dès son ouverture avec Nothing To Hold Back interprétée par la délicieuse Steffaloo.
Bent Van Loo nous accompagne ensuite, à la manière d’un Chet Faker, dans un Don’t Cry déchirant et vibrant, tandis que la voix vocodée du titre City Of Giants nous rappelle celle des Daft Punk dans Game Of Love, une influence des maîtres casqués de la french touch que l’on retrouve plus loin avec l'énergique Everybody is somebody.
Le R&B futuriste de  A.T.T.Y.S. (avec les Twinsmatic en guests) rejoint les prouesses instrumentales d’un Flume jusqu’à ce qu’In Love viennent annoncer un changement de tempo. En effet Music Is My Land,  avec ses accents jazzy et son breakbeat entêtant, nous invite à quitter calmement le coin lounge pour rejoindre le dancefloor, le chanteur Rouge Mary (qui s’est notamment  illustré aux côtés de Bob Sinclar et Hercules & Love Affair) nous y accompagne avec sa voix gorgée de soul et de gospel.
Puis vient enfin le clou de l’album, même si tous les invités y ont une présence forte et remarquable, celle d’Alex Gopher revêt une dimension bien particulier. Quasiment disparu des écrans radars ce véritable héros de l’electro française réapparaît dans l’enivrant Paris La Nuit et ses nappes de synthés technoïdes étourdissantes, nous transportant vers cet ailleurs hindo-bouddhiste nommé Shambala ou « lieu du bonheur paisible ».

En parlant de leur disque, Château Marmont a déclaré:
« L'idée de départ de ce disque était de faire une musique moderne et actuelle avec des outils vintage. Recréer avec des instruments électroniques des années 70 ou 80, ce type de musique qui habituellement se fait sur un ordinateur dans un home studio. La moitié de ce disque repose sur des collaborations avec des producteurs, arrangeurs, musiciens, chanteur/chanteuses. C'est quelque chose qu'on voulait faire depuis longtemps, explorer de nouveaux horizons et surtout partager l'univers musical des autres. De manière générale, On voulait faire les choses de manière plus fraîche et moins cérébrale que l'album précédent. »






samedi 4 avril 2015

DJ Cam - Miami Vice (Inflamable Records)

DJ Cam - Miami Vice (Inflamable Records)



L'un des producteurs français les plus appréciés de la scène électronique depuis ses débuts dans l'abstract Hip-Hop avec Underground Vibes en 1994 et surtout The Beat Assassinated en 1998, nous revient, après son dernier LP sorti en 2011, avec la bande originale imaginaire de la série culte des années 80, Miami Vice oú Deux Flics à Miami.

Abreuvé des 5 saisons de nos deux super flics campés par Don Johnson (dans le rôle de Sonny Crockett) et Philip Michael Thomas (dans celui de Ricardo Tubbs), Laurent Daumail aka DJ Cam a choisi, 25 ans après, de composer sa propre vision musicale des aventures du duo plongé dans des intrigues de trafiques de drogue et de meurtres sordides, au centre d'un décors de rêve et sous un soleil rayonnant où seuls les palmiers et les silhouettes de sublimes déesses à moitié nues pouvaient leur offrir un peu d'ombre et de répit. 

Nous remémorant les 50 mn par épisode d'immersion oú plages de sable fin, bikinis et grosses sportives rythmaient les pérégrinations du couple de playboys, les beats et les nappes de Dj Cam font insidieusement leur office en proposant un road-trip gorgé de sensualité hip-hop instrumental, lignes de basse bien rondesboucles classieuses, scratchs bien placés, samples bien trouvés et influences G-funk old-school nous bercent délicieusement. Le spectres des Warren G. et Snoop Doggy Dog des 90's nous y accompagnent bien sûr, mais le beatmaker nourrit aussi son hommage de sonorités footwork, trap, dubstep, jazzy et deep house plus qu'appréciables.
Qui ne se souvient pas de son excellent projet house baptisé Soulshine paru en 2002, dont le titre Summer In Paris interprété par la chanteuse pop Anggun avait embrasé les ondes. C'est ce fameux single qui constitue d'ailleurs la seconde actualité de Dj Cam en ce début d'année 2015, avec sa réédition enrichie des remix de Pablo Valentino, Vect, Reflex, Nikitch et Lifelike.
 
La musique était omniprésente dans la série, alternant scènes d'action et longues séquences musicales défilant dans une ville de lumière et de paillettes qui est devenue la terre d'accueil de notre vétéran de la team de Bob Sinclar, à l'époque où feu le label Yellow Productions illuminait la french touch.
 
Tout n'était pas rose dans la vie de nos deux héros sapés de leurs costumes amples et filmés à la manière des pop-stars d'un clip vidéo, en effet malgré les couleurs rose flamant, vert citron oú bleu des Caraïbes du sud de la Floride, le cinéaste Michael Mann portait un intérêt tout particulier à l'humain, à ses travers, à ses angoisses et ses névroses. Cam y fait aussi allusion dans sa manière de construire ses textures, arborant souvent des reflets dark et mélancoliques, apportant gravité et épaisseur à l'image idylique souvent véhiculée par Miami Vice.

L'artiste produit un disque aux ambiances cinématiques que l'on découvrait déjà en 2011 - quoiqu'en un peu plus ensoleillées - avec le radieux Seven. Il invite au détour d'un sample au ralenti de l'hymne In The Air Tonight de Phil Collins, Earl Davis (aucune info sur lui à ce jour) et plus loin le pionnier du gangsta rap MC Eiht sur Music To Drive et Street Life, inondant de son flow à l'ancienne un Miami Vice plus que crédible dans son rôle de score pour - pourquoi pas - une prochaine adaptation au cinéma des aventures de Crockett et Tubbs.



 

vendredi 3 avril 2015

Sylvaine Hélary – Printemps / Spring Roll (Ayler Records/Orkhestrâ)


Sylvaine Hélary – Printemps / Spring Roll (Ayler Records/Orkhestrâ)

La flutiste, chanteuse et compositrice Syvaine Hélary, entourée de sa formation de musiciens et performeurs Spring Roll (anciennement La Barbe) dans lequel figurent le pianiste Antonin Rayon, le vibraphoniste/percussionniste Syvain Lemêtre et le saxophoniste Hugues Mayot, nous présente sous la forme d’un double CD son projet de concert-spectacle Printemps, enregistré en septembre 2013 avec 10 musiciens sur scène et un recueil de 7 titres, baptisé du même nom que son quartet. A mi-chemin entre musique classique contemporaine et jazz, l’instrumentation peu commune alterne les moments minimalistes épurés voire intimistes dans Spring Roll, avec les orchestrations plus théâtrales de Printemps, agrémentées de textes, de dialogues, d’éléments bruitistes et visuels. Réservé aux initiés, ce live difficile d’accès revêt, outre sa référence à la saison qui annonce les beaux jours, une dimension évidemment plus politique avec le concours des textes et de la voix du blogger égyptien Aalam Wassef, militant très actif durant la révolte du Printemps Arabe.

jeudi 2 avril 2015

Titi Robin – Taziri (Molpé Music/World Village)


Titi Robin – Taziri (Molpé Music/World Village)

Le guitariste français Titi Robin, épaulé du chanteur marocain Medhi Nassouli publie, par l’entremise de World Village, son dernier projet nommé Taziri, un disque gorgé de groove berbère, de sonorités méditerranéennes et gitanes. Alors que le guembri de Medhi impose ses lignes de basse enivrantes héritées de la tradition gnawa, Thierry dessine ses mélodies en renforçant sa six cordes de la résonnance métallique du buzuq (luth à manche long). L’accordéoniste Francis Varis, le percussionniste Zé Luis Nascimento et le joueur de rabab (ancêtre du violon) Foulane Bouhssine viennent accompagner le duo tout au long des 9 compositions interprétées en arabe et en français. Rapprochant le littoral nord africain des côtes françaises, espagnoles, grecques, turques ou italiennes, Titi Robin nous inonde de ces folklores sans âge qui ont forgés les bases de notre musique occidentale.

Enrico Pieranunzi & Federico Casagrande – Double Circle (CamJazz/Harmonia Mundi)


Enrico Pieranunzi & Federico Casagrande – Double Circle (CamJazz/Harmonia Mundi)

C’est un très joli recueil de ballades douces et aériennes que nous proposent le fameux pianiste romain Enrico Pieranunzi et le jeune guitariste originaire de Trévise, Federico Casagrande. En effet les deux italiens ont su tisser une complicité harmonique délicate qui se dévoile au fil de leurs mélodies gracieuses et raffinées, empreintes d’un calme apaisant comme dans Anne Blomster Sang et Clear, ou d’accents plus prononcés comme dans les improvisations Sector 1 presque free jazz et Sector 2 au swing entrainant. Double Circle rassemble 10 compositions touchantes dont un hommage au regretté Charlie Haden et une reprise d’un standard brésilien de Nelson Cavaquinho nommé Beija Flor. Les musiciens y conversent sereinement, narrant une histoire de cordes avec un lyrisme et un charme très italiens. Une bien belle association !

mercredi 1 avril 2015

Alessandro Lanzoni trio Feat. Ralph Alessi – Seldom (Cam Jazz/Harmonia Mundi)


Alessandro Lanzoni trio Feat. Ralph Alessi – Seldom (Cam Jazz/Harmonia Mundi)

Le tout jeune pianiste italien Alessandro Lanzoni nous présente son nouvel opus intitulé Seldom. Récompensé à plusieurs reprises et plutôt bien accueilli par la critique lors de son premier effort, le jazzman, entouré du contrebassiste Matteo Bortone et du batteur Enrico Morello, invite le trompettiste américain Ralph Alessi à bord de ce projet jazz complexe et éclectique mais abordable. Malgré son jeune âge (22 printemps), Alessandro fait preuve d’une grande maturité stylistique, son écriture libérée et son lyrisme affirmé traversent les 9 titres d’un album dense qui nous gratifie d’une association subtile et cohérente avec le quinquagénaire californien (remarqué au côté de Steve Coleman), notamment lors de leurs 3 improvisations libres menées en duo.