lundi 11 décembre 2017

Armel Dupas - A Night Walk (Upriver Records/L'Autre Distribution)

Armel Dupas - A Night Walk (Upriver Records/L'Autre Distribution)

Le délicat Armel Dupas, pianiste et claviériste nantais qui nous avait conquis en 2015 avec son intime UpRiver, nous revient avec un nouveau projet baptisé A Night Walk. Elaboré en trio avec le batteur Mathieu Penot et le bassiste Kenny Ruby, l'album exprime avec brio l'ampleur des explorations sonores menées par le jazzman aventurier, des recherches musicales électroacoustiques et cinématiques élégantes qui tracent ici les contours d'un univers contemplatif sombre et mystérieux, ample, intimiste et poétique, parfois semé d'urgences prog-rock et de fulgurances jazz-fusion. La profondeur des mélodies, habitées de mélancolie et de douceur, envoute l'auditeur les huit titres durant, enchaînant les instants ambient aux nappes de claviers nébuleuses avec des rythmiques electronica aux sonorités organiques et des rugissements rock épiques.
Le disque sonne comme la bande-son d'un film imaginaire et sa pochette, réalisée par Quentin Delobel, nous donne le la, libre à chacun d'écrire la suite.

Tootard - Laissez Passer (Glitterbeat/Differ-Ant)

Tootard - Laissez Passer (Glitterbeat/Differ-Ant)

Issu de la région du Golan, territoire syrien administré par l'état hébreu depuis la guerre des Six Jours en 1967 et annexé en 1981, Tootard se compose de quatre jeunes musiciens apatrides, résidents permanents d’Israël mais nullement considérés comme citoyens à part entière. Le seul document officiel à leur disposition pour circuler étant un laissez passer, le nom de leur nouvel opus était donc tout trouvé! Ce flou, loin de nuire à son élan artistique, a permis au groupe nomade de façonner un répertoire riche et singulier, nourri d'un tas d'influences allant des sonorités du Levant au blues touareg, en passant par la musique classique nord-africaine, le rock psychédélique, le reggae/ska ou encore le funk. Tootard qui, à travers sa musique, parvient à voyager partout où bon lui semble, nous livre 10 titres spontanés et gorgés de vie, où s'unissent avec brio des percussions funky et la guitare électrique d'Hasan Nakhleh, son leader et chanteur. Pourtant cette liberté de ton et cet esprit de fête laissent transparaître quelques notes de tristesse et de nostalgie, reflétant une situation incertaine et précaire régnant dans les territoires occupés.

vendredi 8 décembre 2017

Bumba Massa - V70 (Cantos Music/Pias)

Bumba Massa - V70 (Cantos Music/Pias)

Le chanteur congolais Bumba Massa, vétéran emblématique de la rumba zaïroise nous présente V70, un nouvel opus enregistré à Paris qui célèbre sa 54ième année de carrière. Déclarant humblement que "sa voix est comme le bon vin : plus elle vieillit, meilleure elle est”, l'artiste septuagénaire combine avec toujours autant d'aisance et d'élégance, les couleurs latines de la Havane aux rythmes sulfureux de Kinshasa. Depuis la formation de son premier groupe en 1963 nommé Cubana Jazz, son projet Kékélé pensé par l'illustre Ibrahim Sylla en 2000 et bien sûr son passage dans l'OK Jazz du prolifique Franco Luambo, Bumba n'a eu de cesse de mélanger les genres, flirtant avec la salsa cubaine, le kwasa kwasa, le zouk et la fameuse rumba congolaise, fruit d'un étrange aller-retour de l'histoire entre les Caraïbes et l'Afrique dans les années 30.



jeudi 7 décembre 2017

Matteo Pastorino - Suite For Modigliani (Challenge Records/Bertus)

Matteo Pastorino - Suite For Modigliani (Challenge Records/Bertus)

Le clarinettiste sarde Matteo Pastorino nous présente via Challenge Records son nouvel opus baptisé Suite For Modigliani, un recueil de 9 compositions tendres et raffinées inspirées des moments forts de la vie du célèbre peintre italien Amedeo Clemente Modigliani, du départ de son Italie natale à sa vie parisienne excessive, de son admiration pour l’art africain à sa passion pour la stylisation du trait asiatique.
Le jazzman, qui fit ses classes sous les ordres de Paolo Fresu dans un premier temps, puis au CRR de Paris, a étudié auprès des plus grands musiciens actuels, tels que le pianiste Kenny Werner ou les saxophonistes Miguel Zenon et Chris Potter. Il est considéré par ses paires comme une étoile montante du jazz européen, qui a su digérer toute l'histoire de son instrument de prédilection en intégrant l'héritage de certaines figures emblématiques et déterminantes dans son apprentissage et sa pratique, comme Ben Webster, Stan Getz, Benny Goodman et bien sûr Charlie Parker.
A la tête de son quartet composé du pianiste Matthieu Roffé, du contrebassiste Damien Varaillon et du batteur Jean Baptiste Pinet, que l'on découvrait en 2013 dans l'album V, Matteo poursuit ici sa quête esthétique et musicale, "en mélangeant des dynamiques d’improvisation et d’interplay purement jazz à des couleurs et des nuances d’un ensemble de musique de chambre". La grâce et la mystérieuse beauté des oeuvres de l'artiste maudit ont profondément touché le jeune musicien qui vise une forme de pureté idéale, surgissant comme une évidence du tourment des rythmes, notes et virtuosités de ses complices. Ensemble ils tentent de "révéler les sonorités visuelles et narratives des tableaux de Modi et de traduire son incursion dans une intimité trouble et passionnante".

Nous noterons les interventions sophistiquées et envoutantes d'un invité de marque, le guitariste israélien Gilad Hekselman, qui nous offrait en 2015 l'excellent Homes.

mardi 5 décembre 2017

Bruno Tocanne - Sea Song(e)s (Cristal Records/Sony Music)

Bruno Tocanne - Sea Song(e)s (Cristal Records/Sony Music)

Le batteur Bruno Tocanne nous invite à pénétrer l'univers mystérieux, crépusculaire et poétique de son dernier opus baptisé Sea Song(e)s, un recueil onirique de 9 titres captivants, librement inspirés d'un classique du rock progressif des années 70, l'obsédant Rock Bottom, second album que l'anglais Robert Wyatt publiait en solo, alors en convalescence après une terrible chute qui lui couta l'usage de ses jambes.
Accompagné de la pianiste/clavieriste Sophia Domancich et du trompettiste Remi Gaudillat, Bruno a également convié le chanteur Antoine Lang, dont la voix émouvante et envoutante rappelle forcément celle de l'ancien leader de Soft Machine et Matching Molle. Largement teinté de jazz et de musique classique contemporaine, savamment saupoudré de psychédélisme, d'accents rock et pop puis d'une pincée d'électro, Sea Song(e)s est une vision très personnelle du lègue musical de Wyatt, faite d'improvisations éclairées et dépouillées, d'ambiances ensorceleuses, intimistes et sensuelles nappées d'une beauté fragile et délicate.

vendredi 1 décembre 2017

Bicep - Bicep (Ninja Tune)

Bicep - Bicep (Ninja Tune)

Les amateurs de Jamie XX et de ses sonorités UK bass envoutantes apprécieront sans doute ce premier opus au titre éponyme de Bicep, duo irlandais basé à Londres, formé par les producteurs mélomanes Matt McBriar et Andy Ferguson. Paru sur Ninja Tune le 01 Septembre dernier, Bicep est un recueil electronica habité de 12 titres technoïdes aux effluves ambient, 80'srave, futur garage et post dubstep typiquement britanniques. Une armée de synthés déploient des mélodies pop immersives aux timbres mélancoliques terriblement accrocheurs. Ces dernières s'appuient sur des rythmiques subtiles savamment orchestrées, affichant des cadences tantôt down-tempo, tantôt plus entraînantes. Attachés à la culture club et préoccupés par l'ambiance du dancefloor, nos deux larrons maîtrise également l'art du Djing et le prouvent depuis maintenant une dizaine d'années à travers des sets éclectiques (disco, funk, classic house, IDM, hip-hop, new-wave et bien plus encore...) égrainés sur les scènes du monde entier ainsi que relayés par leur fameux blog Feelmybicep.

mardi 28 novembre 2017

Pale Grey - Waves (Jauneorange/PIAS)

Pale Grey - Waves (Jauneorange/PIAS)


La formation belge Pale Grey, garante d'une pop mélancolique, onirique et touchante, nous présente son nouvel opus baptisé Waves, un recueil émotionnellement intense habité de 11 chansons pop/folk envoutantes, assorties de quelques expérimentations electronica délicates ("Billy").
L’histoire de Pale Grey, c’est d’abord celle de deux musiciens multi-instrumentistes et amateurs de sonorités anglo-saxonnes. Gilles Dewalque et Maxime Lhussier ont grandi du côté de Malmedy dans la Province de Liège, ensemble ils ont tracé les contours d'une musique influencée par les entités hybrides que sont Phoenix, The Whitest Boy Alive, Radiohead, Alt J et The Notwist... Monuments de la pop moderne qui ont su mêler avec singularité les cultures new-wave, rock, folk et electro, faisant cohabiter le potentiel insondable de l'ordinateur et la chaleur des instruments traditionnels.

Rejoints par Jan Montens aux claviers et Benoît Damoiseau à la batterie, le groupe accouche de Best Friends en 2013, un premier album chantant l’amitié, la nostalgie des beaux jours, l’amour et les vertus de la pop alternative. C'est après un break ponctués de quelques déconvenues sentimentales douloureuses, que le son de Pale Grey se réinvente, murit et évolue vers des ambiances plus nocturnes et atmosphériques ("Ghost", "Light"), se nourrissant autant d'accidents sonores, d'erreurs de manipulations et d'imprévus électroniques que de notes empruntées à l’histoire de la black music: la soul, le hip-hop ("Late Night" avec en guest Serengeti d'Anticon, Sisyphus ou Why) et le funk en première position.
Epaulé par l'ingénieur du son français Yann Arnaud (Air, Camille, Agoria, Orwell, Selah Sue, Syd Matters…), le quatuor nous livre ici un ouvrage pop sophistiqué, riche et dense, mixant à la fois intimisme et lyrisme, nostalgie, mélancolie, fragilité et puissance.