mardi 3 mars 2015

Tal National – Zoy Zoy (Fat Cat/Differ-Ant)


Tal National – Zoy Zoy (Fat Cat/Differ-Ant)

C’est une explosion de sonorités urbaines hypnotiques et de rythmes brulants issus des steppes ouest africaines que nous propose d’écouter le nouvel opus Zoy Zoy, du groupe ancré à Niamey, Tal National. Succédant à Kanni qui, grâce au producteur américain Jamie Carter, eut une écoute internationale en 2013, il fut lui aussi enregistré de façon roots et artisanale dans un studio poussiéreux de la capitale du Niger. En croisant les sonorités du Nigéria (afrobeat), du Mali (culture mandingue) et du Ghana (highlife) côtiers, ainsi que les différents folklores composant l’identité nigérienne, le leader Almeida (guitariste, enseignant, juge, greffier et ancien footballeur) inonde les 8 titres de riffs véloces d’une guitare congolaise énergique, inspirée par la tradition des grands orchestres d’Afrique de l’Ouest. Tal National, formation pluriethnique puisqu’y sont présents des musiciens Arabes, Touaregs, Songhais, Fulanis ou encore Hausas, interprète un répertoire traditionnel largement réactualisé et engagé, dont le propos est souvent d’honorer la femme et sa condition dans une société nigérienne malheureusement écrasée par le poids du religieux.

samedi 28 février 2015

Tuxedo – Tuxedo (Stone Throw Records)

Tuxedo – Tuxedo (Stone Throw Records)

Retour au son sophistiqué du disco funk des années 80 avec les 12 pépites de deux américains tirés à 4 épingles, Tuxedo. Le duo se compose de deux poids lourds de la nouvelle scène hip-hop/soul/R&B, l’excellent multi-instrumentiste/chanteur originaire de Détroit Mayer Hawthorne (propulsé en tête des charts en 2009 grâce à son délicieux Just Ain't Gonna Work Out inspiré des Delfonics) et le Dj/beatmaker de Seattle Jake One (qui a notamment produit pour Drake, Rick Ross ou 50 Cent…). C’est sur le label californien de Peanut Butter Wolf, Stone Throw Records (Madlib, J Dilla, Snoop Dogg, Aloe Blacc …), que nos deux larrons, baignant dans l’héritage du hip hop de Public Enemy et de la Motown, publient leur premier opus au titre éponyme. Michael Collins et Sasha Desree avec leurs sonorités soul minimalistes nous avaient déjà enthousiasmé lors de la toute récente sortie sur ce même label du sublime Silk Rhodes, c’est dans une veine plus funky et dancefloor, dans l’esprit de Chic, The Whispers ou Shalamar, que Tuxedo nous présente un disque au groove efficace et contagieux, dont certains titres comme R U Ready, Watch The Dance ou Do It, auraient facilement trouvé leur place dans la tracklist des nuits folles du Studio 54 à New York.

Rien de neuf, c'est sûr, puisqu’il s’agit d’un retour aux sources que les Daft Punk ont largement contribué à mettre en lumière avec leur Random Access Memories, et que d’autres ont aussi exploré avec brio comme Mark Ronson, Bruno Mars ou Pharrell Williams… Mais qu’importe tant que c’est bon !

mardi 24 février 2015

Polar Bear – Same As You (The Leaf Label/Differ-Ant)


Polar Bear – Same As You (The Leaf Label/Differ-Ant)

Les anglais de Polar Bear nous reviennent avec Same As You, un disque nous présentant une musique toujours aussi bardée d’expérimentations sonores et d’aventures instrumentales dans un territoire jazz aux frontières mouvantes. Dirigé par le batteur Sebastian Rochford, le quintet nous dévoile une entité musicale tantôt cool, free, fusion et acoustique, tantôt électro, afro et funky, pour faire court : progressive ! Mêlant les structures jazz à des textures electronica, des beats hip-hop et des rythmiques rock, Polar Bear plonge l’auditeur dans un espace en expansion, où les mélodies se cousent et se décousent au fil d’un groove parfois nébuleux, parfois percussif ! Innovant, le groupe est considéré comme l’un des plus brillants de la sphère jazz britannique et même au-delà, dixit le pianiste/chanteur/animateur radio Jamie Callum.

 
 

lundi 23 février 2015

Laura Perrudin – Impressions (L’Autre Distribution)


Laura Perrudin – Impressions (L’Autre Distribution)

Une enfance bercée par le jazz, un double cursus en harpe celtique et en harpe classique (à pédale) au Conservatoire, un grand appétit pour la pop, l’électro, la soul, le hip-hop et une curiosité infinie pour les nouvelles technologies. La jeune harpiste bretonne Laura Perrudin nous livre son premier opus solo intitulé Impressions, somme de son parcours sinueux et de ses goûts éclectiques. La harpe n’étant pas un instrument taillé pour le jazz elle n’a souvent joué qu’un rôle mineur et décoratif dans les orchestres (avec le principe du glissando), avant d’atteindre un statut plus noble avec le rock et la pop, parfois électrifiée et couplée à des machines. Laura s’est donc associée au luthier Philippe Volant pour se forger une harpe celtique à cordes alignées entièrement chromatique, plus adéquate aux évolutions harmoniques du jazz contemporain. Impressions rassemble 13 compositions dont les textes, qu’elle chante avec douceur et sensualité, sont extraits des œuvres d’illustres auteurs anglais et américains (Shakespeare, O. Wilde, E.A. Poe, J. Joyce…). L’artiste y exploite le plus largement les possibilités que lui offre ce nouvel instrument qu’elle allie à la puissance de ses machines, créant ainsi une fusion subtil entre sonorités acoustiques du monde « réel et palpable » - organiques et humaines – et textures électroniques du « monde sonore parallèle ou virtuel » « ouvrant des horizons de découvertes infinis ». Impressions nous évoque donc à la fois un univers électro jazz sophistiqué teinté d’accents celtiques et des ambiances folk/pop façon Norah Jones, gracieuses et enivrantes. Laura Perrudin y a tout conçu, voix, percussions, harpe et programmations, jusqu’à la post-production… Un travail abouti et bourré de bonnes idées, une technique pointue et exigeante, une sensibilité inspirée et délicate.

Sonnet VII, qui explore les couleurs nu soul, est pour moi le titre le plus marquant. J’ai l’impression d’y retrouver le groove et la voix  d’Esperanza Spalding ayant troqué sa contrebasse pour une harpe celtique !






vendredi 20 février 2015

Michele Campanella & Javier Girotto - Musique Sans Frontières (CamJazz/Harmonia Mundi)


Michele Campanella & Javier Girotto - Musique Sans Frontières (CamJazz/Harmonia Mundi)

Prenons de la hauteur et laissons nous happer par la beauté et l’élégance du projet de deux musiciens aux univers à priori bien distincts : celui du pianiste classique italien Michele Campanella (spécialiste de Franz Liszt) et du saxophoniste jazz argentin Javier Girotto (ayant collaboré avec l’ONJ, Stefano Bollani, Paolo Fresu…). Tous deux, sous la direction du producteur de CamJazz, Ermano Basso, échangent leurs maîtrises, leurs affinités et leurs sensibilités autour de 15 pièces issues des répertoires de Maurice Ravel et Claude Debussy. On y distingue les frontières ténues qu’il put y avoir entre la musique classique avant-gardiste du début du XX° siècle et l’émergence du jazz, la rigueur de la grande musique et la liberté d’improvisation de celle aux notes bleues ne s’opposent pas, bien au contraire, elles s’accordent sur une exigence, une technicité et une écriture pointue ; la curiosité poussant l’une et l’autre à s’étudier voire à s’influencer. Bill Evans, par exemple, est redevable aux deux compositeurs impressionnistes, fascinés en leur temps par ces sonorités noires américaines, comme le blues et le ragtime, qui allaient donner naissance au jazz.

Troyka – Ornithophobia (Naim Jazz/Bertus)


Troyka – Ornithophobia (Naim Jazz/Bertus)

Le trio londonien Troyka publie son 3° opus studio intitulé Ornithophobia. Mixé à Berlin par le bassiste/producteur suédois Petter Eldh, ce disque mêle habilement l’esprit créatif du jazz aux expérimentations sonores du post-rock en s’imprégnant du blues, des sonorités électroniques du trip-hop et des rythmiques alambiquées de l’abstract hip-hop. Constitué de Kit Downes aux claviers, Chris Montagne à la guitare/loops et Josh Blackmore à la batterie, Troyka nous livre un album aux atmosphères sombres, complexes mais envoutantes, alternant les moments planants et les passages plus incisifs, tracés au couteau par une guitare angoissante et les motifs polyrythmiques d'un batteur affuté. Inspiré d’une phobie de Chris pour les volatils, le groupe a composé 9 titres évoquant un Londres cauchemardesque habité d’oiseaux à taille humaine imaginés par l’artiste Naiel Ibarrola.

jeudi 19 février 2015

Buena Vista Social Club – Lost & Found (World Circuit)


Buena Vista Social Club – Lost & Found (World Circuit)

Le projet Buena Vista Social Club, mené par Ry Cooder et immortalisé au cinéma par Wim Wenders, fut largement salué dès la parution du 1er disque au titre éponyme en 1996. Il consistait à remettre en selle les légendes de la musique cubaine des années 50, provoquant alors un nouvel engouement international pour les rythmes chaloupés de la salsa, de la guarija, du son cubain et autres boléros de la Havane. 20 ans plus tard et en guise d’adieu, le label anglais World Circuit publie un recueil de raretés et d’inédits intitulé Lost & Found. Il rassemble 13 titres captés en live ou lors de sessions d’enregistrements en studio et retrace l’épopée d’une équipe qui, depuis, vit disparaître certains de ses membres éminents comme Compay Segundo, Ibrahim Ferrer ou encore Ruben Gonzalez. Les survivants ont prévu un Adios tour afin de partager une dernière fois sur scène ce patrimoine de la trova, que la chanteuse Omara Portuondo continue d’explorer et de promouvoir en solo.