mercredi 23 mars 2022

Bonga - Kintal Da Banda (Lusafrica)

Bonga - Kintal Da Banda (Lusafrica)

 L'immense chanteur angolais Bonga est de retour sur Lusafrica avec Kintal Da Banda, nouvel opus qui succède à Recados de Fora paru en 2016 et qui célèbre 50 ans d'une carrière bien remplie. Avec près d'une quarantaine d'albums à son actif, dans lesquels il s'illustre en portugais comme en angolais traditionnel, l'octogénaire engagé n'a jamais perdu le soutien de ses fans, répartis à travers le monde. En effet depuis le début des années 70 et son fameux Angola 72, sa musique douce et militante allie merveilleusement le folklore portugais, les rythmes chaloupés du semba et l'esprit festif du kizomba, tout en agrémentant cet héritage colonial et ouest-africain de sonorités cap-verdiennes et brésiliennes des plus radieuses et fédératrices. 

Dans ce nostalgique et brulant Kintal Da Banda, la voix grave et éraillée de Bonga chante avec une inébranlable joie de vivre une enfance heureuse, passée dans la maison familiale à Kipiri, bercée par la musique bien sûr, mais également ponctuée par les couleurs, les odeurs de plats et les instants précieux de partage. Ces moments seront aussi le terreau d'une conscience politique profonde, qui conduira très tôt ce sportif de haut niveau devenu artiste, à lutter pour la libération de son pays contre le joug portugais.

Une fois de plus accompagné par son vieux complice, le guitariste Betinho Feijo, Bonga s'est également entouré de Camélia Jordana, dans un délicieux "Kudia Kuete" aux saveurs culinaires angolaises. Une invité de marque qui vient enrichir la liste de ses sublimes collaborations, dont celles menées aux côtés de Bernard Lavilliers ("Angola" en 2010), Agnès Jaoui ("Dikanga" 2009), Gaël Faye ("Président" 2013), Manu Dibango ("Diarabi" 1994) ou encore de la diva Cesaria Evora ("Sodade" 2002)...

Un disque plein d'émoi, de tendresse et de fête à ne pas bouder en ces temps de conflit et de pandémie.



lundi 21 mars 2022

Kokoroko - Could We Be More (Brownswood Recordings)

Kokoroko - Could We Be More (Brownswood Recordings)

 Devenue incontournable, lorsque l'on s'intéresse à l'effervescente scène UK jazz, la formation Kokoroko accouchera au milieu de l'été prochain de son tout premier album long format, baptisé Could We Be More. Enfin une belle nouvelle qui émerge de cette année 2022 décidément mal engagée. Bien campée sur son héritage ouest africain et afro caribéen, la soul nébuleuse aux incursions funk de l'octet londonien mêle avec tendresse et maestria le highlife d'Ebo Taylor, l'afrobeat révolté de Fela Kuti, le jazz ethnique de Pharoah Sanders et l'approche plus spirituelle de John Coltrane.

 C'est lorsque résonnent les mélodies astrales et envoutantes de thèmes tels que "Dide O", "Age Of  Ascent" (tous deux présents dans cet opus) ou "Abusey Junction" (petit chef d'œuvre extrait de son premier EP paru en Février 2018) que Kokoroko révèle pleinement son phrasé inégalable et ses sonorités si captivantes, gorgées de vibrations groove positives et parcourues d'harmonies cuivrées immersives.

 Rares sont les artistes actuels qui transcendent si bien les genres sans faire table rase du passé et des racines. Kamasi Washington, génie américain du saxophone ténor, possède lui aussi cette capacité à bâtir des mélodies virales émouvantes et intemporelles, qui fédèrent et font voyager un auditoire toujours plus large (je pense surtout à "Desire", mouvement issu du concept-album Harmony Of Difference sorti en 2017 sur Young Turks). 

 Brownswood Recordings a toujours eu le chic pour dénicher des talents hors norme, il a su attendre patiemment que murisse cet album précieux, tout en égrainant au cours des 4 dernières années quelques pépites, qui ont su créer un buzz immédiat autour de l'emblématique formation pilotée par Sheila Maurice-Grey (trompette et voix)

 Alors même que sa sortie est prévue dans plusieurs mois, Could We Be More est déjà l'une des sensations fortes de l'année 2022, avec son message d'espoir, de paix et d'amour...

ESSENTIEL et vivement recommandé!



jeudi 3 février 2022

Kevin Braci Quintet - Au Croisement des Mondes (Déluge/Socadisc)

Kevin Braci Quintet - Au Croisement des Mondes (Déluge/Socadisc)

Le guitariste Kevin Braci, diplômé du Conservatoire régional de Montpellier et du Centre des Musiques Didier Lockwood en Seine-et-Marne, publiait le 08 Octobre dernier son premier opus baptisé Au Croisement des Mondes. Le musicien trentenaire, entouré de quatre autres jeunes loups du jazz parisien, nous propose un recueil de 8 compositions puissantes et inspirées, influencées par la musique réunionnaise (le maloya en particulier), le rock hybride des Rage Against The Machine et des Red Hot Chili Peppers, ainsi que par le jazz contemporain de Kurt Rosenwinkel ou Bill Frisel (2 de ses références absolues à la guitare). Brillamment épaulé par le soliste virtuose Maxime Berton au saxophone soprano et par l'excellent pianiste Auxane Cartigny, Kevin est également soutenu par un redoutable tandem rythmique, que forment les talentueux Pierre Elgrishi à la basse et Leo Danais à la batterie. 

Ce quintet épatant nous offre un jazz frais au groove énergisant et coloré, une belle découverte!



vendredi 28 janvier 2022

Strata Records - The Sound of Detroit - Reimagined By Jazzanova (BBE Music)

 Strata Records - The Sound of Detroit - Reimagined By Jazzanova (BBE Music)


Le label BBE Music est passé maître dans l'art du teasing et comme souvent chez lui, le titre du projet met déjà l'eau à la bouche! En effet il a le chic pour mettre en haleine ses afficionados et le premier single dévoilé fin 2021 de l’opus présenté ici, en est la preuve! "Creative Musicians" et ses nuances afrobeat (titre initialement enregistré en 1973 par Lyman Woodard Organization et spécialement repensé par Jazzanova), annonce la couleur et se voit pour l'occasion flanqué des excellents remixes orchestrés par Waajeed et Henrik Schwarz

Strata Records - The Sound of Detroit - Reimagined By Jazzanova - qui paraîtra le 22 Avril prochain - est le fruit d'une collaboration de BBE avec DJ Amir et son 180 Proof Records, le disque célèbre l'héritage de l'emblématique label de Détroit Strata, chantre de la contre-culture jazz des années 70, que l’ancien artiste de Blue Note, Kenny Cox, fondait en 1969. 

La formation allemande Jazzanova, égérie depuis la fin des années 90 des cultissimes Compost Records puis Sonar Kollektiv, insuffle une nouvelle vie à 11 morceaux triés sur le volet, extraits du catalogue Strata qu'Amir Abdullah a commencé à rééditer en 2011. Le collectif berlinois formé en 1995, qui se composait à l'origine de DJs/producteurs et collectionneurs fascinés par les vieux disques aux sonorités funk, jazz, disco et latines, s'est élargi depuis 2009, accueillant d'excellents musiciens venus enrichir sa palette musicale et interpréter en live des sons classiques, mais aussi ses propres créations, empruntes de post-bop, de broken beat, de house ou même du hip-hop. La rencontre d'Amir et de Jazzanova autour du répertoire révolutionnaire de l'obscur label de la Motor City, coule donc de source et sonne comme une évidence ! 

Stefan Leisering, membre fondateur du groupe, précise que Strata Records - The Sound of Detroit - Reimagined By Jazzanova n'est pas un album de reprises mais d'adaptations ou plutôt de réappropriations, nous facilitant l'accès à un trésors oublié. Il réactualise l'esprit 70's aux accents spiritual et soul jazz de Strata, en alignant notamment des touches urbaines plus contemporaines. Jazzanova dote les 11 thèmes d'un groove musclé plus punchy et accrocheur que jamais, sur lequel les cuivres omniprésents s'expriment avec brio. A noter la prestation remarquable de l'élégant Sean Haefeli, nom d'un jeune crooner et claviériste berlinois à retenir !



mercredi 26 janvier 2022

Hasse Poulsen et Thomas Fryland - Dream A World (Das Kapital Records/L'Autre Distribution)

Hasse Poulsen et Thomas Fryland - Dream A World  (Das Kapital Records/L'Autre Distribution)

L'hyperactif Hasse Poulsen, guitariste, improvisateur, compositeur, chanteur et auteur - notamment co-pilote de la formation Das Kapital - nous revenait le 21 Mai 2021 avec le poétique et politique Dream a World, un nouveau projet élaboré en duo avec le trompettiste danois Thomas Fryland. Ce recueil tendre et intimiste qu'Hasse a entièrement interprété à la guitare acoustique, rassemble 14 pépites empruntées à des géants du jazz, de la folk ou de la musique classique. Présentés dans leur plus simple apparat, ces morceaux d'anthologie tels que "The Time They Are A-Changin'" de Bob Dylan, "Hallelujah" de Leonard Cohen, "Imagine" de John Lennon, "Hymn To Freedom" d'Oscar Peterson ou encore "l'Ode à la Joie" de Beethoven, résonnent ici et aujourd'hui d'une façon toute particulière. Passées à la postérité et devenue des symboles universels de résistance, de prise de conscience et de liberté, ces mélodies incontournables que le tandem habille juste de l'essentiel (avec comme couleur dominante le bleu), font mouche à nouveau, plongeant l'auditeur dans un état de contemplation mais aussi de réflexion, au regard d'une époque troublée, où les pires aspects de notre humanité semblent redoubler d'intensité...



Pierre de Bethmann - Ilium/Complexe (Aléa)

Pierre de Bethmann - Ilium/Complexe (Aléa)


Le label français de jazz fondé en 2015, Aléa, entamait il y a peu la réédition d'une série d'albums du projet Ilium, formation à géométrie variable menée au cours des années 2000 par le pianiste et claviériste parisien Pierre de Bethmann. Le disque éponyme Ilium et Complexe, respectivement enregistrés en 2003 en 2005 refont donc surface en premier, avant qu'au printemps 2022 ne soient republiés Oui et Cubique, puis Go en fin d'année. Portés par les sonorités électriques du piano rhodes, les deux opus - au sein desquels évoluent des musiciens d'exception tels que David El Malek au saxophone, Michael Felberbaum à la guitare, Clovis Nicolas puis Vincent Artaud à la contrebasse et Franck Agulhon à la batterie - expriment un groove accrocheur, parfois fougueux et souvent sophistiqué, mêlant habilement virtuosité, générosité, lyrisme et élégance. 15 ans après ses premiers pressages, le jazz d'Ilium ne semble pas avoir subi les outrages du temps, d'où l'intérêt de s'y replonger...




mercredi 15 décembre 2021

Mara TK - Bad Meditation (Extra Soul Perception)

Mara TK - Bad Meditation (Extra Soul Perception)

C'est au détour d'une écoute suggérée par les algorithmes d'une plateforme de streaming, que j'ai découvert les tendres nuances polynésiennes de la futur soul ouatée et terriblement accoucheuse de Mara TK, chanteur métisse, aux origines maoris et écossaises, officiant depuis 2009 dans la formation néo-zélandaise, Electric Wire Hustle. En mai dernier, il publiait sur le label Extra Soul Perception, son premier opus baptisé Bad Meditation, un recueil de 13 compositions qu'il a entièrement réalisé et interprété en solo, après 5 années de tâtonnements et d'apprentissages en studio. Abordant les thèmes universels de l'amour et de la perte, de l'enfance et de l'héritage culturel légué par ses ancêtres, Mara accouche d'un petit chef d'œuvre aux sonorités hybrides, où se mêlent avec sensualité des éléments acoustiques organiques et des textures électroniques immersives. On pense à Maxwell et sa néo soul nébuleuse, à Marvin Gaye bien sûr, à ses compatriotes du Fat Freddy's Drop, mais aussi à Adrian Younge et à l'incontournable H.E.R.... Mélancolique et hypnotique, le groove magique du jeune artiste fait mouche à tous les coups, caressant l'auditeur avec ses lignes de basse langoureuses et funky, dodelinant sur des nappes de claviers délicieusement dissonantes, des arpèges de guitares folk ou électriques aux saveurs vintage et des  lamentations de cordes fragiles et émouvantes... Le tout, aligné sur des rythmiques de percussions et de batteries aux charmes indicibles et à l'efficacité indécente.

A découvrir d'urgence!