mardi 3 novembre 2015

Victor Démé – Yafaké (Chapa Blues/World Village-Harmonioa Mundi)


Victor Démé – Yafaké (Chapa Blues/World Village-Harmonia Mundi)

Le duo électro français Synapson, composé des DJs Alexandre Chière et Paul Cucuron publiaient en 2014 un tube qui allait les installer sur les ondes radio et les clubs mondiaux jusqu’à la sortie toute récente de leur LP Convergence, ce titre n’était autre que le remix de Djon’ Maya, succès d’un musicien africain récemment disparu !

Le chanteur/guitariste folk Victor Démé, originaire de la capitale économique du Burkina Faso, Bobo Dioulasso, nous quittait fin septembre dernier alors que son troisième et ultime Yafaké s’apprêtait à paraître sur le label Chapa Blues. Reconnu tardivement, ce chantre de la culture mandingue nous laisse un opus posthume poignant dont le titre signifie « pardonner » en langue dioula. Issu d’une lignée de griots du côté de sa mère et d’une famille de couturiers du côté de son père, Victor amorce sa carrière musicale en Côte d’Ivoire qu’il rejoint adolescent pour œuvrer dans l’atelier paternel. Rentré au pays à la fin des années 80, il collabore dans de nombreux orchestres et devient rapidement un chanteur populaire dans les nuits d’Ouagadougou. Ce n’est pourtant qu’en 2007 que paraît son premier disque éponyme, il est alors âgé de 46 ans et se remet péniblement d’une maladie qui l’emportera finalement quelques années plus tard.

Artiste témoin des troubles qui ont ponctués l’histoire de sa terre natale, Victor a toujours célébré dans ses compositions la femme, la tolérance, la paix et la solidarité, affectionnant les instruments traditionnels tels que la kora et les percussions tout en appréciant les sonorités latines.

Si Yafaké reprend les ingrédients d’une recette folk/blues peaufinée par le compositeur depuis plusieurs décennies, il s’émancipe aussi de ses prédécesseurs en octroyant une importance plus grande à la batterie, interprétée par Abdulaye Zon et Patrick Goraguer. Les guitares mandingues sont bien entendu toujours omniprésentes, qu’elles soient acoustiques ou électriques, le complice Issouf Diabaté les arrange comme personne. Les frères Diarra assurent quant à eux la section rythmique avec kora, balafon et percussions tandis que l’excellent Grégoire Yanogo impose son groove à la guitare basse. A noter, entre autres invités pour les cuivres, chœurs et piano, la présence du fameux accordéoniste Fixi (François Xavier Bossard), remarqué pour son projet avec le jamaïcain Winston McAnuff et son travail avec Tony Allen.

Une voix puissante et touchante, une musique élégante touchée par la grâce d’un griot combattif parti trop tôt.

lundi 2 novembre 2015

Fresh Sounds from Les Chroniques de Hiko (October/November 2015)


Fresh Sounds from Les Chroniques de Hiko (Aout/Septembre 2015)


Céu – Live (Six Degrees)


Céu – Live (Six Degrees)

La chanteuse brésilienne Céu, que nous écoutions il y a peu sur l’excellent Tempo & Magma de Tigana Santana nous revient avec un album Live intimiste capté en aout 2014 chez elle à Sao Paolo, au Centre Culturel Rio Verde. Le disque, composé de 15 titres, reprend l’essentiel de ses 3 premiers opus et marque ainsi 10 années d’une carrière ponctuées notamment de 4 nominations aux Grammy Awards.

Accompagnée de Lucas Martins à la basse, de Dustan Gallas à la guitare et au Fender Rhodes, de Dj Marco à la programmation et aux scratches ainsi que de Bruno Buarque à la batterie, Céu nous invite dans son univers MPB fusionnant samba et rock psyché aux accents méxicains (Falta de Ar), ballade pop (Chegar Em Mim) et reflets électroniques (Contados), blues rugueux (Grains de Beauté) et cumbia (Retrovisor), tropicalisme (Cangote), instants reggae (Concrete Jungle) et soul (Lenda) ou encore rythmiques afrobeat (Rainha) et swing jazzy (Amor De Antigos). Sa voix, à la tessiture si subtile, a la clarté et la profondeur de son aînée Gal Costa. Elle survole avec élégance et maitrise, en portugais et parfois en anglais (Streets Bloom), un répertoire multicolore au grain vintage, plantant une atmosphère chaleureuse et conviviale.

jeudi 29 octobre 2015

Get The Blessing – Astronautilus (Naim Jazz/Modulor)


Get The Blessing – Astronautilus (Naim Jazz/Modulor)

Dédié au saxophoniste précurseur du free jazz Ornette Coleman, disparu en juin dernier à New York, Astronautilus est le 5° opus de la section rythmique de Portishead, Get The Blessing. Composé depuis ses débuts en 2000 du saxophoniste Jake Mucmurpchie, du trompettiste Pete Judge, du batteur Clive Deamer et du bassiste Jim Barr, le quartet post-jazz de Bristol nous offre 9 titres sombres aux ambiances punk tendues et électriques. Les sonorités cuivrées désarticulées, distordues et renforcées d’FX noisy sont soutenues par des lignes de basse massives et des beats tranchants et crasseux. Si l’improvisation y occupe une place importante, Astronautilus combine habilement les rythmiques marquées aux atmosphères cinématiques et embrumées, habitées de mélodies lancinantes parfois accrocheuses et d’autres fois dissonantes et complexes. Get The Blessing évolue aux frontières du jazz, se frottant à l’ambient, au post-rock, à l’electro et à la musique de film.

Antiquarks – KÔ le libre album (Mustradem/InOuie Distribution)


Antiquarks – KÔ le libre album (Mustradem/InOuie Distribution)

La compagnie Antiquarks est à l’initiative depuis sa création il y a une dizaine d’années d’une quinzaine d’œuvres originales et de plus de 300 performances artistiques, concerts, spectacles, conférences ou workshop, délivrés en France et à travers le monde. Le collectif humaniste, tentaculaire et à géométrie variable, nous présente son dernier projet intitulé (« corps » en créole), une œuvre musicale, graphique et poétique se dressant avec vigueur, humour et folie contre une industrie du disque standardisée et omnipotente.

Offert comme un « humanifeste du corps ordinaire » sous la forme d’un livret de près de quarante pages, d’un disque de 8 titres et d’un show anticonformiste et débridé, convie son public devenu auditeur, spectateur et lecteur dans un univers singulier où se « rassemblent une pluralité de mondes musicaux ». La chanteuse tuscarora militante Pura Fé (Western Dark Side) côtoie ainsi la cantatrice de l’orchestre national de Lyon Sophie Lou (Papageno Papagena), le percussionniste Ismael Mesbahi (Aman) et le danseur/chanteur burkinabé Bouréima Kiénou (Rockya Couba) dans une musique « interterrestre » comme le dit l’un des piliers d’Antiquarks, l’artiste-sociologue chanteur, percussionniste et compositeur, Richard Monségu. Entre les rythmes d’Afrique de l’ouest, le punk/rock (Pigs Bridge), la musique orientale, le world jazz (Shake It) ou les ambiances créoles (Dyab), se joue des codes, prend le risque d’être une œuvre foisonnante et plurielle, sans à priori mais gorgée de convictions.

G!rafe & Bruno Girard - L’Ami que j’Aimais Bien (Discobole Records)


G!rafe & Bruno Girard - L’Ami que j’Aimais Bien (Discobole Records)

Quel est donc cet animal étrange, qui, animé par une énergie post-rock, joue une musique sombre marquée par les mots d’un poète maudit nommé Alain Peters ? G!rafe est une formation menée par le chanteur Bruno Girard (membre de Bratsch, groupe historique français aux influences jazz, tziganes, russes et arméniennes) et composée du bassiste Théo Girard, du batteur Eric Groleau, du guitariste Stéphane Hoareau et du clarinettiste Nicolas Naudet. Son projet intitulé L’Ami que j’Aimais Bien est un hommage à l’auteur et musicien réunionnais Alain Peters, qui fusionnait dans les années 70 psychédélisme, rock et maloya. Bruno a choisi de dire en français 6 poèmes de l’artiste disparu précocement en 1995, ils expriment tantôt l’espoir puis le désespoir, tantôt la déception amoureuse et la solitude puis l’injustice sociale… Bref autant de divagations souvent mélancoliques et parfois amères que son chant grave et imposant, qui s’apparenterait presque au slam de Grand Corps Malade, extirpe avec calme et vigueur d’un amas rocheux en fusion.