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dimanche 28 décembre 2014

D'Angelo And The Vanguard - Black Messiah (RCA Records)

D'Angelo And The Vanguard - Black Messiah (RCA Records)

L’immense multi-instrumentiste Michael Eugene Archer alias D’Angelo marquait indélébilement l’histoire de la black music lorsqu'en 2000 paraissait sur Virgin Records le mythique Woodoo (classé par le magazine Rolling Stone parmi les 500 meilleurs albums de tous les temps).
5 ans plus tôt, son premier disque intitulé Brown Sugar contribuait déjà à lancer, avec des œuvres telles que l’Urban Hang Suite de Maxwell en 1996, un nouveau genre musical baptisé néo soulcroisant l’héritage des maîtres de la soul avec le hip-hop, le funk, la house, le jazz et le R&B. Emergeait alors une famille de jeunes artistes talentueux et novateurs tels qu’Omar, Erykah BaduRaphael Saadiq, Eric BenétAngie Stone et Musiq Soulchild pour ne citer qu’eux, supportée par les monstres sacrés du hip-hop et du jazz de Détroit et de Philadelphie comme les Djs/producteurs Jay Dilla et Dj Premier, Ali Shaheed Muhammad (des Tribe Called Quest) ou encore le trompettiste Roy Hargrove.

14 longues années de doute auront été nécessaires à D’Angelo pour parvenir à s’extirper de sa maudite et douloureuse traversée du désert. Marqué dans sa chaire par un accident de voiture et brisé par des affaires de drogue et d’alcool, le chanteur a sombré ! Lui qui cultivait une image de sexe symbole bodybuildé (on se souvient de sa prestation dans le clip Untitled (How Does It Feel)) est apparu bouffi et bedonnant sur les clichés volés par la presse people, il a fuit les studios d'enregistrement et déserté la scène (à quelques rares exceptions près) coupant alors les ponts avec son public.

Black Messiah était bien sûr attendu au détour! Les fans, tout d'abord, espéraient de nouvelles chansons, loin d'être satisfaits par les compilations The Soul Of D’Angelo (en 2006) par Dj Ameldabee et The Best So Far (en 2008). Les critiques, ensuite, dubitatives sur un éventuel retour, attendaient un peu plus que ses quelques apparitions disséminées ça et là, comme en 2002 dans l’excellente reprise de Fela Kuti Water No Get Enemy ou encore dans Imagine en 2006 avec Dr Dre et Snoop Dogg
En effet, nous nous demandions tous comment ce prodige, dont le retour était souhaité comme celui du messie, allait penser son post-Woodoo ? Comment allait-il renouveler sa palette musicale et quelles directions allait-il prendre ? Quels sujets allait-il aborder ?

Épaulé par son fidèle ami et confident, le batteur des Roots Ahmir ?uestlove Thompson, des précieux Q-Tip et Kendra Foster à l’écriture, et entouré de son orchestre The Vanguard - composé du mythique James Gadson (Bill Withers, Herbie Hancock…) et de Chris Daddy Dave (José James, Meshell Ndégéocello…) à la batterie, puis de Pino Palladino à la basse (The RH Factor, Adele…) -, D' alias Real R&B Jesus s’est laissé guider par ses convictions et son talent en revenant des ténèbres avec un instantanée brûlant et sombre d’une société américaine gangrénée par les haines raciales et les injustices sociales.



Lui qui excellait aux claviers (le piano étant son premier instrument) est apparu armé d'une guitare sur Woodoo, mais visant la perfection il a étudié ces dernières années avec le guitariste et producteur Jesse Johnson, apparu entre autres aux côtés de Prince, Janet Jackson, Paula Abdul et même Les Rita Mitsouko. Ses influences ont nettement déteint sur un D'Angelo reconnaissant!






Sa musique, moins policée, a évoluée logiquement, sonnant parfois de manière chaotique et désaccordée, cherchant une brèche à travers le groove chamanique de George Clinton et Bootsy Collins, les racines diaboliques d'un blues corrosif et le message politique pugnace mais classieux de What's Going On insufflé par Marvin Gaye ou de We The People Who Are Darker Than Blue par Curtis Mayfield.
Le son de Black Messiah demeure ainsi magistral et riche, vivace, protéiforme et bouillant !

Ain't That Easy ouvre l'album, nous immergeant d'emblée dans des sonorités psyché/funk où le timbre distordu de la guitare électrique nous fait penser à Jimi Hendrix, tandis que la voix gémissante et profondément soul convoque les spectres d'Al Green et Sly Stone. Il s'agit d'une chanson d'amour où le musicien se livre et implore, refusant de céder aux difficultés  : "I'm gonna keep you / Safe from evil opinion", "I need the comfort of your lovin' / To bring out the best in me".

L'hostile 1000 Deaths nous noie ensuite sous une déferlante de beats tonitruants où les coups de baguettes accompagnent, en introduction, un sample de sermon sur Jésus enregistré en mauvaise qualité, et plus loin une voix torturée semblant hurler son texte couvert de larsens à travers un mégaphone défectueux. Ce morceau coup-de-gueule pourrait à lui seul illustrer ce que ?uestlove pense de Black Messiah : un "Apolypse Now of black music".


The Charade prolonge l'expérience psychédélique de D'Angelo, le mirage d'une sitar se fait même entendre au milieu d'un songe qu'aurait pu imaginer Prince en personne. Mais attention au contenu, le texte est militant, il s'insurge et dénonce la condition des noirs dans la société américaine :"All we wanted was a chance to talk, 'stead we only got outlined in chalk / Feet have bled a million miles we've walked, revealing at the end of the day, the charade"!


Sugah Daddy nous réconcilie enfin avec l'univers chaud, sexuel et groovy de l'ange déchu, on retrouve en effet ses accords de piano flirtant avec les arrangements cuivrés du maître Roy Hargrove, la rythmique de guitare y est funky à souhait... Bref tous les ingrédients d'un futur succès sont réunis !
 
Le premier single est baptisé Really Love, ce titre torride aux saveurs hispaniques est beaucoup moins anticonformiste que la première moitié du disque. Le guitariste Mark Hammond y signe une délicate intro à la guitare classique, invitant l'auditeur dans une ballade sensuelle aux accents acoustiques. Le chanteur y déploie tout son savoir-faire de crooner-lover, pinçant chaque mot du bout des lèvres en les laissant se faire caresser par une ligne de basse voluptueuse et des cordes langoureuses : "When you touch me there / When you make me tingle / When our nectars mingle / I'm in really love with you". Un appel à la luxure...



Back To The Future (Part I) a le parfum de ces instants de lucidité et de solitude où l'on fait le point sur sa vie sans aigreur ni rancune (presqu'avec humour), optimisme et groove ronflant sont de rigueur !




A l'instar de The Charade, Till It's Done (Tutu) est un constat, moins féroce il nous pose simplement la question de savoir si un jour l'humanité prendra réellement conscience de ses maux et des ses méfaits: "Carbon pollution is heating up the air / Do we really know? Do we even care?".

Avec Prayer, D'Angelo évoque sa foi, la spiritualité ayant surement joué un rôle sans sa reconstruction : "But you got to pray, you got pray / Oh you got to pray for redemption / Lord, keep me away from temptation / Deliver us from evil, oh yeah"

Sans doute la pépite de Black Messiah avec son swing communicatif et sa walking bass orchestrée par un Pino au sommet de son art, Betray My Heart exprime tous le génie de D' alias The New Prince résultant d'un syncrétisme singulier des rythmes africains, de la musique afro-américaine, du désir et de l'amour. Qui ne voudrait pas être l'auteur de cette déclaration si douce et fleure bleue ? Et qui n'y succomberait pas? :
"As the day must have its sun / And the night must have its moon / Sure as both must rise and fall / I'll be there to see you through / Just as long as there is time / I will never leave your side / And if ever that you feel / That my love is not sincere".


Toujours sur le thème de l'amour, The Door nous mène au bord des rives du Missippi, berceau du blues...







Back To The Future (Part II) nous rappelle que malgré les épreuves la vie suit son cours et que seule demeure la mémoire du passé, à nous d'en faire quelque chose de positif afin de s'en sortir peut-être grandi! "The seasons may come and your luck may just run out / And all that you'll have is a memory, oh" La magie de D'Angelo réside dans le fait de dire si peu en nous faisant vibrer si fort...


Enfin Another Life clôt cet épique monument érigé en hommage à la soul music, grandiose et vibrant il invite les Delfonics à la table de Marvin Gaye pour un dernier festin de roi avec comme sujet de conversation : l'amour d'une femme "I just wanna take you with me / To secret rooms in the mansions of my mind / Shower you with all that you need".

 
C'est certain, D' alias Modern Day Marvin Gaye accouche d’un nouveau chef d’œuvre soul aux sonorités expérimentales, vintages, rugueuses et brutalessurvolé d’une voix toujours aussi ensorceleuse. L'Apollon noir qui posait à moitié-nu devant les objectifs est désormais quarantenaire, il troque ses abdos contre les costumes moins bling-bling du bluesman écorché et du Mr P-Funk abrasif. L'accent est mis sur le contenu, les messages politiques alternent avec les histoires d'amour, de perte et de trahison, l'apparent désordre d'une ébauche brossée sur une toile de jute trouve sa place au côté d'une étoffe délicate brodée de fil d'or.
 
Au-delà du simple renouveau musical, Black Messiah se veut être un écho à l’actualité, notamment aux évènements tragiques que connurent les villes de Ferguson (avec le décès du jeune Michael Brown, abattu par un policier inexpérimenté) et de New-York (où Eric Garner perdit la vie sous les coups inconscients des forces de l’ordre). Il est un cri de révolte, sauvage et violent, celui d'un Phénix renaissant de ses cendres et voulant apporter sa pierre à un édifice ébranlé par ses vieux démons...

 

dimanche 22 mars 2015

Marcus Miller – Afrodeezia (Blue Note Records)


Marcus Miller – Afrodeezia (Blue Note Records)

Chaque disque de Marcus Miller est un évènement, chacun d’eux est une immersion dans son univers en fusion qu’il nous dépeint à grand renfort de slap et de lignes de basse massives au groove assassin. Après Renaissance paru en 2012, il publie Afrodeezia  sur le prestigieux label Blue Note, entouré d’un quintet exceptionnel : le saxophoniste Alex Han, le trompettiste Lee Hogans, le pianiste Brett Williams, le guitariste Adam Agati et le batteur Louis Cato. Nommé artiste de l’Unesco  pour la paix en 2013 et porte-parole du programme éducatif La Route De l’Esclavage, Marcus entreprend avec ce nouvel opus de « remonter à la source des rythmes qui font la richesse de son héritage musicale », de l’Afrique aux Etats-Unis , en passant par la France, le Brésil ou les Caraïbes.

Débutant son voyage initiatique en Afrique, il s’abreuve de culture mandingue au Mali, passe prendre le chanteur Alune Wade au Sénégale puis poursuit son exploration de l’ouest africain vers le Ghana berceau du Highlife, tout proche du Nigeria et plus précisément de Lagos terre de l’afrobeat et de Fela Kuti. Hylife est la première étape de son pèlerinage et constitue par la même le premier single d’Afrodeezia.

Dans B’s River, inspiré par sa femme Brenda au retour d’un trip en Zambie, Marcus au guembri (ainsi qu’à la basse et à la clarinette basse), Cherif Soumano à la kora, Guimba Kouyaté à la guitare, Adama Bilorou Dembele aux percussions et Etienne Charles à la trompette, nous invitent en Afrique Australe pour une ballade où jazz, mélodie pop et sonorités ancestrales font bon ménage autour d’une rythmique hypnotique, avant de descendre en Afrique du sud écouter les chœurs interpréter du gospel.

Dans Preacher’s Kid (Song For William H), dédicacé à son père William, Marcus troque en effet sa guitare basse pour une contrebasse et rassemble autour de lui l’organiste Cory Henry (Snarky Puppy) et une chorale d’exception composée des voix d’Alune, Lalah Hathaway (oui oui, vous ne rêvez pas !), Julia Sarr et Alvin Chea des Take 6.

Traversons l’Atlantique maintenant, les rythmes chaloupés de la samba font leur entrée avec un titre coécrit par un héro de la MPB Djavan, We Were There. Le pandeiro et autres percussions de Marco Lobo servent d’écrin à une bassline ‘millerienne’ tonique, rejointe par le solo du pianiste de génie Robert Glasper au Fender Rhodes (pincez vous une nouvelle fois !) et par les chœurs d’inspiration brésilienne menés par le scat brulant de Lalah.

Dans un thème plus classique, Mr Miller et sa bande nous livre un Papa Was A Rolling Stone des plus funky, si vous êtes pris de tremblements et de vertiges pas d’inquiétude, ce doit être à cause des riffs de guitares électriques et acoustiques du légendaire Wah-Wah Watson (présent dans la version originale des Temptations) et du bluesman Keb’ Mo’, ou bien du souffle électrisant de l’excellent trompettiste Patches Stewart.


C’est le violoncelliste classique Ben Hong, notamment remarqué au côté de Bobby McFerrin et de l’orchestre philarmonique de Los Angeles, qui nous fait prendre de la hauteur grâce à sa délicate interprétation d’une composition du français George Bizet, I Still Believe I hear (Je Crois Entendre Encore). Guitare basse et violoncelle semblent évoluer en apesanteur, jouant à l’unisson une mélodie faite d’arabesques.

Son Of Macbeth et ses accents caribéens nous plonge ensuite dans une mer au bleu azur, le genre de paysage idyllique où le calypso s’anime sur les sonorités métalliques des tambours d’acier, ici domptés par le joueur de steel drums Robert Greenridge. Ce titre est un hommage au percussionniste originaire de Trinidad et Tobago Ralph Macdonald, qui débuta sa carrière dans la troupe du crooner Harry Belafonte.

L’intermède alléchante Prism nous fait songer, le temps de ses 30s, à la magie du groove nusoul d’un Woodoo de D’Angelo, sensuel et addictif. Il semble être extrait d’une jam session enregistrée sur un vieux dictaphone par Marcus et ses réguliers.

 
Xtraordinary et ses reflets pop est une autre de ces sublimes ballades évoquant l’habileté qu’a le compositeur à fusionner les genres musicaux, un peu à la manière du bassiste et chanteur camerounais Richard Bona. Alvin Chea y fredonne avec son timbre de voix très bas une mélodie enivrante tandis que Marcus, à la guitare basse gémissante, se met aussi à la kalimba, instrument africain 3 fois millénaire.

Water Dancer porte bien son nom, hymne à la danse et à la fête porté par une énergie débordante, il pourrait être le thème joué par un brass band électrifié de la Nouvelle Orléans. A noter la participation d’Ambrose Akinmusire à la trompette, Michael Doucet au violon et Roddie Romero à l’accordion.

En clôture d’Afrodeezia, Marcus a convié le beatmaker Mocean Worker et la moitié de Public Enemy Chuck D, pour un I Can’t Breathe electrojazz s’ouvrant avec une ritournelle gnawa interprétée au guembri  par notre serviteur en personne, bientôt rejoint par les séquences du producteur, bassiste et chanteur natif de Philadelphie et le flow revendicateur d’un des piliers du hip-hop engagé et politique.

Marcus Miller voulait à travers ce projet célébrer la musique afro-américaine et montrer qu’elle pouvait donner de la voix à ceux qui n’en n’avait pas, à l’instar des esclaves arrachés à leur terre natale et enchaînés à une autre, qui ont ainsi fait naître malgré l’oppression de nouvelles formes d’expressions hybrides et syncrétiques, comme l’ont été le gospel, le blues puis le jazz et la soul... 
 
 
 
 
 
… Good Job !

mercredi 24 juin 2015

Robert Glasper - Covered (The Robert Glasper Trio recorded Live At Capitol Studios) (Blue Note)


Robert Glasper - Covered (The Robert Glasper Trio recorded Live At Capitol Studios) (Blue Note)

L’excellent pianiste jazz Robert Glasper a enflammé la critique et séduit un large public grâce à ses deux précédents albums largement orientés R&B, Black Radio paru en 2012 et Black Radio 2 sorti l’année suivante.

Proche des milieux hip-hop et néo-soul, il côtoie et collabore avec des artistes d’horizons divers tels que Meshell Ndegeocello, Bilal, Erykah Badu, Q-Tip, Jay-Z, Maxwell ou Common ainsi que les jazzmen Chris McBride, Roy Hargrove, Terence Blanchard…

De retour chez Blue Note avec le même trio qu’en 2005 et 2007 lorsqu’il publiait ses opus Canvas et In My Element, le musicien nous offre un projet jazz acoustique d’une élégance rare, intitulé Covered (The Robert Glasper Trio recorded Live At Capitol Studios).

Nous retrouvons donc ses fidèles acolytes, Vincente Archer à la contrebasse et Damion Reid à la batterie enregistrant avec lui en Décembre dernier une session live intimiste devant un public ultra restreint, dans les mythiques Studios Capitol d’Hollywood.

Comme son nom l’indique, l’enregistrement se compose de reprises chères à Robert, piochées dans son propre répertoire (I Don’t Even Care, In Case You Forgot) ou issues de ceux de Radiohead (Reckoner, premier single de l’album), Joni Mitchell (Barangrill), Musiq Soulchild (So Beautiful), Jhene Aiko (The Worst), John Legend (Good Morning) ou encore Kendrick Lamar (I’m Dying Of Thirst)…

Parmi ces covers qui exposent ses talents d’arrangeur et sa virtuosité discrète, empruntant indifféremment aux scènes pop rock , électro, folk, R&B, hip-hop et néo soul, le pianiste a choisi d’interpréter l’immense standard de jazz Stella By Starlight (écrit par Victor Young), une ode somptueuse où l’influence des rythmes urbains apparaît dans le jeu expert du batteur.

Malgré le fait qu’il compose toujours en pensant à la manière qu’un chanteur ou MC pourrait déposer son flow sur ses mélodies, Covered est un album uniquement instrumental, exception faite d’une courte intervention d’Harry Belafonte dans le vibrant et engagé Got Over. L’ancien crooner y déploie un texte touchant qu’il récite d’une voix fragile et usée, décrivant une journée dans la peau d’un afro-américain… Sur I’m Dying Of Thirst, des voix d’enfants énoncent le nom des victimes de violences policières aux US, issues des minorités certains de ces martyrs ont été rendus tristement célèbres en partie grâce à la mobilisation de stars telles que Nas, Derrick Rose, D’Angelo, ?uestlove ou Kendrick Lamar (qui est d’ailleurs l’auteur du thème).

Le ton est donc donné, Covered est un live de jazz engagé socialement mais aussi artistiquement, en effet le trio nous balance, au-delà de ses sublimes reprises, son étonnant In Case You Forgot, unique titre au format réellement jazz, qui s’étale sur 13 minutes et où les trois musiciens improvisent en totale liberté s’acoquinant même à certains moments au free jazz.

Robert Glasper, avec son doigté délicat tantôt véloce tantôt cool exprime une telle décontraction qu’il captive d’emblée, que ce soit dans le cadre d’un concert privé ou d’un festival. Aussi adroit dans tous les répertoires de la black music, il s’impose peu à peu comme une figure emblématique du paysage musicale américain, fusionnant comme personne la sophistication du jazz et l’efficacité du hip-hop/R&B.

Un bien bel effort !

vendredi 29 mai 2015

Royce Wood Junior - The Ashen Tang (37 Adventures)


Royce Wood Junior - The Ashen Tang (37 Adventures)

Omar n’en finit pas de faire des émules outre-manche, en effet la scène néo soul britannique accouche d’un nouveau prince du groove nommé Royce Wood Junior. Aperçu aux manettes de l’excellent Mirrorwriting de Jamie Woon en 2011 (et aux guitares pendant la tournée), l’artiste multi-instrumentiste dévoile aujourd’hui son premier LP intitulé The Ashen Tang. En 2014, ses deux premiers EPs Rover et Tonight Matthew avaient déjà capté l’attention de la critique et du public, annonçant l’arrivée imminente d’un nouveau Jamie Liddle – rien que ça ! -  avec sa voix gorgée de soul et de velours, ses rythmiques granuleuses et asymétriques, ses synthés vintage obsédants, ses guitares saturées de rock’n’roll et ses lignes de basse contagieuses.

Sincèrement les 12 plages de l’album sont autant de claques, ou plutôt de crochets funky lancés au travers de nos figures tuméfiées affichant un sourire béat de satisfaction. 

L’artiste a assimilé le génie de ses deux héros Stevie Wonder et Prince, il a très vite compris qu’avec sa voix il devait assumer pleinement son statut de crooner et ne pas uniquement rester dans l’ombre avec les musiciens, confiné dans les studios d’enregistrement ou planté derrière l’écran de son ordinateur.  


C’est ainsi que dès l’intro Remembrance (Part I) l’artiste plante le décor, après 30 secondes d’une orchestration cinématique (ensemble de cordes et piano) il entame au chant une complainte monotone sur les rythmes d’une marche militaire syncopée, agrémentée de glitchs et autres accidents sonores puis survolée d’une nappe vaporeuse qui s’épaissit progressivement jusqu’à l’ouverture de la seconde piste, le majestueux Midnight.

Taillé pour le dancefloor, Midnight est la synthèse parfaite du son de Royce en mode up-tempo et glamour. Il y distille une énergie pop et electro-funk des plus chics à l’image du tube Baby I’m Yours du français Breakbot (Ed Banger).

Jodie déploie une soul profonde, intense et organique sur une assise rythmique désarticulée et brinquebalante, nous faisant songer à la rencontre du brulant D’Angelo et du producteur Flying Lotus.

Clanky Love est un clin d’œil aux 70’s, il fusionne les reflets soul d’autrefois à l’efficacité pop d’aujourd’hui, conduisant l’auditeur nostalgique à se trémousser langoureusement le sourire aux lèvres et les yeux entrouverts.

Honeydripper est la suite logique de Jodie, nous immergeant plus profondément dans une néo soul moite aux accents psychédéliques.

Avec le titre central Stand, l’artiste change légèrement les couleurs de sa palette optant pour une dominante plus pop  voire même piano rock à la Rufus Rainwright. En effet durant les 5 mn de cette ballade flamboyante, le chanteur nous berce tendrement avec sa voix éthérée, son arrangement de cordes envoutant et dramatique ainsi que son piano gavé de reverb. Le morceau nous rappelle l’immense succès mainstream A Full Of Stars de Coldplay

Poursuivant l’exploration de son penchant pop, Royce signe les très 80’s Bees et Nuther Bruther, proches des sonorités dance-pop-R&B de Stevie Wonder.

Nouvelle ballade cette fois-ci plus intimiste, à presque nous en tirer les larmes des yeux, le touchant Midas Palm (évoquant un amour perdu) étend son arpège à la guitare acoustique et sa ligne de basse sonnant comme le son d’un tuba étouffé sur plus de 4 mn où nous demeurons suspendus à la voix caressante du crooner aux airs mélancoliques de Chris Isaak.

Twiggin’ nous délivre un groove subaquatique accueillant le flow sensuel de Royce qui prend des allures de Prince dans les refrains au funk contagieux. Remembrance (Part II) complète et achève l’exploration techno et garage amorcée dans l’intro Remembrance (Part I), l’instru y est plus barrée mais aboutie après 2 mn au même texte extrait d’un poème de Sir Thomas Wyatt entonné, la encore, à la manière du Kid de Minneapolis.

Enfin pour clore cette véritable pépite, Stickin’ répand une electronica lyrique et sophistiquée comme sait si bien les faire James Blake

Royce Wood Junior publie une œuvre aboutie et censée, son approche singulière de la pop music passée au travers du crible des sons mythiques de Stax et Motown ainsi que d’une électro ouvrant les champs du possible, est d’une efficacité et d’une accessibilité déconcertante, frisant parfois la perfection.

mardi 30 juin 2015

DâM Funk - Invite The Light (Stones Throw Records/Differ-Ant)


DâM Funk - Invite The Light (Stones Throw Records/Differ-Ant)

Le messie du modern funk, DâM Funk aka Damon G. Riddick, n’aura pas tardé à refaire parler de lui après son excellente collaboration avec le prince du G-Funk, Snoop Dogg en 2013, sur l’album 7 Days Of Funk, qui nous replongeait dans les sonorités West Coast des 90’s. Il nous offre en téléchargement gratuit un EP de 4 titres baptisé STFU, plantant un décor instrumental nous rendant nostalgique du gangsta rap classieux de Warren G et Nate Dogg (RIP) dans Regulate.

 
 
 
Snoop & DâM FUNK
Le producteur californien annonce ainsi l’imminence de la sortie de son nouveau long format intitulé Invite The Light, à paraître début septembre 2015 et dans le lequel il invite une pléiade d’artistes incarnant l’essence même du hip-hop et du funk d’hier et d’aujourd’hui. On note bien sûr la présence de Snoopzilla, mais aussi celle de l’immense rappeur new-yorkais Q-Tip (Tribe Called Quest), du mythique Junie Morrisson (The Ohio Players, P-Funk, Funkadelic), de la légende Leon Sylvers III (The Sylvers), de la chanteuse électro Nite Jewel, du surprenant Ariel Pink, du bassiste Flea (Red Hot Chili Peppers) ou encore du beatmaker natif de Los Angeles Computer Jay et de la chanteuse emblématique Jody Watley (Shalamar)…

D’habitude assez rare, Dâm-Funk était fin Mai 2015 en tournée US avec une de ses idoles, le rocker Todd Rundgren et Il est prévu qu’il contribue à un documentaire nommé Finding The Funk (si la campagne de financement via Kickstarter aboutit) dirigé par le tandem Nelson George/Arthur Baker et qui raconte la genèse du funk. Il serait narré par ?ueslove (The Roots) et inclurait les participations de Nile Rodgers, Bootsy Collins, D’Angelo, Peanut Butter Wolf (boss de Stone Throw), Mike D (Beastie Boys), Bernie Worrell et Sheila E. Personnellement j’ai hâte !


Nite Jewel & DâM FUNK
Mais revenons à notre objet d’étude, Invite The Light nous offre donc une musique sur laquelle le temps n’a plus aucune emprise, le funk est mort à la fin des années 80 mais n’a jamais été aussi vivant, il continue d’évoluer au travers du hip-hop et son art du sampling ou bien des scènes modern funk/future funk/electro funk dont notre serviteur est l’un des acteurs majeurs. N’acceptant aucun compromis, « son approche musicale est pure » comme le précise Nite Jewel, peu importe si elle ne lui remplie pas les poches grassement tant que la reconnaissance et l’intégrité sont là !

Dâm-Funk, qui a commencé sa carrière comme batteur dans une formation jazz de Pasedena, a pensé ce second album studio comme un disque estival gorgé de lumière, de légèreté et de sensualité, mais aussi et surtout de larmes et de sourires, qui d’après lui sont des composants essentiels du funk. Il l’a écrit avec les tripes et enregistré dans l’intimité d’une chambre avec un pc portable et quelques claviers aux accents vintage, puis a accordé une place significative aux voix, plus présentes que dans ses précédents travaux, l’idée de raconter une histoire et d’écrire une chanson l’a séduit.


DâM FUNK
L’Ambassadeur du Boogie Funk de Los Angeles est clairement orienté vers une esthétique à la D-Train ou Earth Wind & Fire, avec des orchestrations sophistiquées où les mélodies sont reines.

Si We Continue nous immerge dans le funk des 80’s avec son potentiel dancefloor contagieux, Somewhere, Someday nous fait prendre de la hauteur avec ses synthés aériens et son rythme plus lent et langoureux, sa ligne de basse ronflante et prédominante nous maintient cependant un pied sur la piste de danse.
Q-Tip

Q-tip dépose son flow si reconnaissable sur I’m Just Tryna’ Survive (In The Big City), on s’imagine alors longeant la côte au volant d’une Pontiac Grand Prix de 1970…

Surveillance Escape est plus tranchant et rapide, une sorte de psyché funk urgent et haletant.

Flea et Computer Jay collaborent ensuite sur un Floating On Air enivrant aux saccades breakbeat, suivi d’un HowUGon’Fu*kAroundAndChooseABusta ?DâM Funk prend des airs de Prince et George Clinton.

Le titre instrumental The Hunt & Murder Of Lucifer est suivi de It Didn’t Have 2 End This Way et Missing U, deux titres jumeaux où le producteur déploie ses talents au vocoder.

Ariel Pink & DâM FUNK
La pépite du disque est sans doute Acting, dans lequel Ariel Pink dévoile une présence presque fantomatique sur une prod. aux hit hats comme désynchronisés.

O.B.E (deuxième bijou du LP), son format maxi de 8 mn 29s et ses accents nu-disco nous mènent sur un sentier balisé jadis par le duo new-yorkais Metro Area, dont la moitié Storm Queen a le vent en poupe depuis son succès de 2010, Look Right Through.

Leon Sylvers III
 
Leon Sylvers III rejoint DâM dans un Glyde 2nyte aux saveurs R&B torrides, tandis que Snoop Dogg et Joi nous proposent un hymne à la décontraction et à l’apaisement avec Just Ease Your Mind From All Negativity, on imagine sans mal les nuages de fumée qui devaient planer dans le studio d’enregistrement…
 
 
Novena Carmel
Enfin, le très féminin Virtuous Progression, avec en guests les charmantes Nite Jewel, Jody Watley, Novena Carmel (fille de Sly Stone !!!), Jane Jupiter et Jimi James déborde forcément de sensualité et de douceur, jusqu’à ce que Scatin’ (toward The Light) (troisième trésor de l’opus) à la rythmique plus qu’explicite, clôt notre parcours dans l’univers passionnant de DâM Funk, grand défenseur du son old school. Il déclare d’ailleurs que « le funk est l’outsider de la black music, son bateau noir ».

DâM FUNK
Artiste visionnaire travaillant toujours dans l’émotion, il revendique son amour du funk comme un style de vie. Nous gratifiant de 3 bonus tracks portant le nombre des pistes à 20, ce passionné et généreux DâM Funk nous balance ses ondes positives sans nous faire quitter la réalité, on garde ainsi les pieds sur terre pour entamer quelques pas de danse et l’esprit serein mais alerte pour ne pas perdre le nord ni la valeur de la vie.