Robert
Glasper - Covered (The Robert Glasper Trio recorded Live At Capitol Studios)
(Blue Note)
L’excellent pianiste jazz Robert Glasper a enflammé la critique et séduit un large public grâce
à ses deux précédents albums largement orientés R&B, Black Radio paru en 2012 et Black
Radio 2 sorti l’année suivante.
Proche des milieux hip-hop et néo-soul, il côtoie et
collabore avec des artistes d’horizons divers tels que Meshell Ndegeocello,
Bilal, Erykah Badu, Q-Tip, Jay-Z, Maxwell ou Common ainsi que les jazzmen Chris
McBride, Roy Hargrove, Terence Blanchard…
De retour chez Blue
Note avec le même trio qu’en 2005 et 2007 lorsqu’il publiait ses opus Canvas et In My Element, le musicien nous offre un projet jazz acoustique d’une élégance rare, intitulé Covered (The Robert Glasper Trio recorded
Live At Capitol Studios).
Nous retrouvons donc ses fidèles acolytes, Vincente Archer à la contrebasse et Damion Reid à la batterie enregistrant
avec lui en Décembre dernier une session
live intimiste devant un public ultra restreint, dans les mythiques Studios Capitol d’Hollywood.
Comme son nom l’indique, l’enregistrement se compose de reprises chères à Robert, piochées dans son propre répertoire (I Don’t Even Care, In Case
You Forgot) ou issues de ceux de Radiohead
(Reckoner, premier single de l’album),
Joni Mitchell (Barangrill), Musiq Soulchild
(So Beautiful), Jhene Aiko (The Worst), John Legend (Good Morning) ou encore Kendrick
Lamar (I’m Dying Of Thirst)…
Parmi ces covers qui exposent ses talents d’arrangeur et sa virtuosité discrète, empruntant
indifféremment aux scènes pop rock , électro, folk, R&B, hip-hop et néo
soul, le pianiste a choisi d’interpréter l’immense standard de jazz Stella By
Starlight (écrit par Victor Young),
une ode somptueuse où l’influence des rythmes
urbains apparaît dans le jeu expert du batteur.
Malgré le fait qu’il compose toujours en pensant à la manière
qu’un chanteur ou MC pourrait déposer son flow sur ses mélodies, Covered est un album uniquement instrumental, exception faite d’une
courte intervention d’Harry Belafonte
dans le vibrant et engagé Got Over. L’ancien
crooner y déploie un texte touchant qu’il récite d’une voix fragile et usée,
décrivant une journée dans la peau d’un afro-américain… Sur I’m Dying Of Thirst, des voix d’enfants énoncent
le nom des victimes de violences policières aux US, issues des minorités certains
de ces martyrs ont été rendus tristement célèbres en partie grâce à la mobilisation
de stars telles que Nas, Derrick Rose, D’Angelo, ?uestlove ou Kendrick Lamar (qui est d’ailleurs l’auteur
du thème).
Le ton est donc donné, Covered
est un live de jazz engagé socialement
mais aussi artistiquement, en effet le trio nous balance, au-delà de ses sublimes
reprises, son étonnant In Case You Forgot,
unique titre au format réellement jazz, qui s’étale sur 13 minutes et où les
trois musiciens improvisent en totale liberté s’acoquinant même à certains
moments au free jazz.
Robert Glasper,
avec son doigté délicat tantôt véloce tantôt cool exprime une telle
décontraction qu’il captive d’emblée, que ce soit dans le cadre d’un concert
privé ou d’un festival. Aussi adroit dans tous les répertoires de la black
music, il s’impose peu à peu comme une figure emblématique du paysage musicale
américain, fusionnant comme personne la sophistication du jazz et l’efficacité
du hip-hop/R&B.
Un bien bel effort !
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