Grâce à l’entremise du label Analog Africa basé à Frankfort et spécialisé dans les sonorités
afro-latines, nous redécouvrons l’un des piliers de la musique sénégalaise moderne,
le chanteur/percussionniste guinéen Amara
Touré. Artiste énigmatique disparu des écrans radars depuis le début des
années 1980, il sort de l’oubli par le biais d’une sublime compilation de 10
titres parus originellement entre 1973 et 1980. Cette dernière rassemble deux de
ses projets, celui du Star Band de Dakar,
avec qui il enregistra 6 singles au milieu des années 70 au Sénégal, et celui
de l’Orchestre Massako du Gabon qui
l’accompagna en 1980 dans un LP mythique. Fusionnant les folklores ouest africains aux rythmes
chaloupés et torrides des Caraïbes, Amara
chante dans son dialecte mandingue des
airs de rumba aux mélodies touchantes et
sensuelles qui dégagent encore aujourd’hui un charme imparable !
A Filetta – Castelli (World Village/Harmonia Mundi)
Découvert tardivement dans la B.O. du film Comme Un Aimant d’Akhenaton et Kamel
Saleh sorti en salle fin mai 2000, j’écoutais alors les polyphonies enivrantes de la formation corseA Filetta dans affrescu,figurant parmi
une excellente sélection de titres soul, hip-hop et R&B où Talib Kweli côtoyait
Isaac Hayes, Cunnie Williams, Psy4 De La Rime ou Millie Jackson.
Fondé à Balagne, l’ensemble
polyphonique entretient depuis plus de 35 ans un héritage a cappella chargé
d’émotions, qu’il enrichie d’un soupçon
de musique classique, de traditions méditerranéennes et d’Europe de l’Est.
Composé aujourd’hui des voix de Jean Claude Acquaviva, François
Aragni, Paul Glansily, Stéphane Serra, Jean Sicurani et Maxime
Vuillamier, A Filetta nous
présente Castelli, rassemblant des pièces
interprétées en a cappella, aussi bien sacrées que profanes, extraites
de créations entreprises depuis 2008 pour le théâtre, la danse et le cinéma,
ainsi que deux chants commémoratifs (Gradualia 29/12
et Introit 29/12), une berceuse touchante (Dormi) et un hymne géorgien vibrant (Tbilisso).
Complètement à part dans le paysage musical actuel, les
chants polyphoniques corses traversent les âges et les générations, enracinés
dans leur Ile de Beauté ils résonnent de par le monde grâce à une approche
artistique questionnant le sens de la vie et jonglant avec mémoire, nostalgie
et utopie.
Le jeune pianiste nantais Armel Dupas nous offre son très intime Up River, où il résume avec élégance et nostalgie ses 10 dernières
années de recherches, de tâtonnements, de découvertes et d’inspirations.
Attaché aux sonorités imparfaites du Legnica
(piano droit polonais) de son enfance, l’artiste y joue un jazz cinématique résolument contemporain, alimenté d’éléments et de traitements sonores électroniquessubtils (orchestrés par son arrangeur Mathieu Penot) ainsi qu’imprégné d’une culture classique bien
française (on pense à Erik Satie
ou Maurice Ravel).
Rejoignant en 2011 la formation de la chanteuse Sandra Nkaké à l’occasion de sa tournée
pour l’album Nothing For Granted, il intègre en 2014, entre autres projets, le
prestigieux Sky Dancers Quintet du contrebassiste Henri Texier et de là se voit programmé dans les salles et les festivals
comptant parmi les plus illustres de la sphère jazz.
Egalement très actif dans le milieu du cinéma, il compose
pour Michel Gondry ou Arnaud Desplechin… Cette capacité à
plonger son auditoire dans des paysages imaginaires à grand renfort d’un son minimaliste captivant s’exprime dans
Up River à travers 11 pièces pour
piano arborant comme le dit Texier un
« jazz figuratif » gorgé d’émotions
et de délicatesse. Armel nous
ballade ainsi dans unespace électro-acoustique où se côtoient
pop, ambient, chanson, puis jazz et musique classique bien sûr.
On remarquera dans un Aujourd’hui
Il a Plu vibrant et touchant, la présence de la chanteuse Chloé Cailleton et de la saxophoniste alto Lisa Cat-Berro!
Antonio Sanchez & Migration - The Meridian Suite (CamJazz/Harmonia
Mundi)
Avec ce nouvel opus baptisé The Meridian Suite, le batteur de jazz mexicain Antonio
Sanchez a choisi d’explorer la thématique des méridiens, ces demi-cercles qui
relient les pôles du globe ou ces lignes imaginaires qui gravitent sur la
sphère céleste… Projet ambitieux et risqué, inspiré par sa collaboration en
2012 avec Pat Metheny et succédant logiquement
à sa BO pour le génial Birdman d’Alejandro Gonzalez Inarritu (qui fit un
triomphe aux Oscars), il s’étend sans discontinuité sur près de 56 minutes dans un
format libre affirmé, refusant le standard imposé par la pop. Ainsi,
accompagné de son groupe électro-acoustique Migration, composé de la crème de la scène jazz new-yorkaise (le saxophoniste
Seamus Blake, du bassiste Matt Brewer, du claviériste John Escreet),puis rejoint en post production par le guitariste Adam Rogers et son épouse la chanteuse Thana Alexa, le compositeur a développé
une suite musicale singulière et contemporaine en 5 parties, une fusionjazz-rock détonante où interagissent et s’entrechoquent un tas d’influences, où apparaissent,
disparaissent puis réapparaissent sous des formes alternatives les motifs
harmoniques et mélodiques tantôt rythmés dans des moments contemplatifs tantôt célébrés
dans des passages musclés et nerveux. Le batteur
virtuose établit ici un trait d’union entre le hard bop de Coltrane et
le jazz-funk des Weather Report.
Le messie du modern funk, DâM Funk aka Damon G.
Riddick,n’aura pas tardé à
refaire parler de lui après son excellente collaboration avec le prince du G-Funk, Snoop Dogg en 2013, sur l’album 7 Days Of Funk, qui nous replongeait dans les sonorités West Coast des 90’s. Il nous offre en téléchargement
gratuit un EP de 4 titres baptiséSTFU,
plantant un décor instrumental nous rendant nostalgique du gangsta rap classieux
de Warren G et Nate Dogg (RIP) dans Regulate.
Snoop & DâM FUNK
Le producteur californien annonce ainsi l’imminence de la
sortie de son nouveau long format intitulé Invite
The Light, à paraître début septembre 2015 et dans le lequel il invite une pléiade
d’artistes incarnant l’essence même du hip-hop
et du funk d’hier et d’aujourd’hui.
On note bien sûr la présence de Snoopzilla,
mais aussi celle de l’immense rappeur new-yorkais Q-Tip (Tribe Called Quest), du mythique Junie Morrisson (The Ohio Players, P-Funk, Funkadelic), de la
légende Leon Sylvers III (The Sylvers),
de la chanteuse électro Nite Jewel,
du surprenant Ariel Pink, du
bassiste Flea (Red Hot Chili
Peppers) ou encore du beatmaker natif de Los Angeles Computer Jay et de la chanteuse emblématique Jody Watley (Shalamar)…
D’habitude assez rare, Dâm-Funk
était fin Mai 2015 en tournée US avec une de ses idoles, le rocker Todd Rundgren et Il est prévu qu’il contribue
à un documentaire nommé Finding The Funk
(si la campagne de financement via Kickstarter aboutit) dirigé par le tandem Nelson George/Arthur Baker et qui raconte la genèse du funk. Il serait narré
par ?ueslove (The Roots) et
inclurait les participations de Nile
Rodgers, Bootsy Collins, D’Angelo,
Peanut Butter Wolf (boss de Stone Throw), Mike D (Beastie Boys), Bernie
Worrell et Sheila E.
Personnellement j’ai hâte !
Nite Jewel & DâM FUNK
Mais revenons à notre objet d’étude, Invite The Light nous offre donc une musique sur laquelle le temps
n’a plus aucune emprise, le funk est
mort à la fin des années 80 mais n’a jamais été aussi vivant, il continue
d’évoluer au travers du hip-hop et son
art du sampling ou bien des scènes modern
funk/future funk/electro funk dont notre serviteur est l’un des acteurs
majeurs. N’acceptant aucun compromis, « son approche musicale est pure » comme le précise Nite Jewel, peu importe si elle ne lui
remplie pas les poches grassement tant que la reconnaissance et l’intégrité
sont là !
Dâm-Funk, qui a
commencé sa carrière comme batteur dans une formation jazz de Pasedena, a pensé
ce second album studio comme un disque estival
gorgé de lumière, de légèreté et de sensualité, mais aussi et surtout de
larmes et de sourires, qui d’après lui sont des composants essentiels du funk. Il l’a écrit avec les tripes et enregistré
dans l’intimité d’une chambre avec un pc portable et quelques claviers aux accents
vintage, puis a accordé une place significative aux voix, plus présentes que
dans ses précédents travaux, l’idée de raconter une histoire et d’écrire une
chanson l’a séduit.
DâM FUNK
L’Ambassadeur du
Boogie Funk de Los Angeles est clairement orienté vers une esthétique à la D-Train ou Earth Wind & Fire, avec
des orchestrations sophistiquées où
les mélodies sont reines.
Si We Continue
nous immerge dans le funk des 80’s avec son potentiel dancefloor contagieux, Somewhere, Someday nous fait prendre de
la hauteur avec ses synthés aériens et son rythme plus lent et langoureux, sa ligne de basse ronflante et prédominante
nous maintient cependant un pied sur la piste de danse.
Q-Tip
Q-tip dépose son
flow si reconnaissable sur I’m Just
Tryna’ Survive (In The Big City), on s’imagine alors longeant la côte au
volant d’une Pontiac Grand Prix de
1970…
Surveillance Escape
est plus tranchant et rapide, une sorte de psyché
funk urgent et haletant.
Flea et Computer Jay collaborent ensuite sur un
Floating On Air enivrant aux saccades
breakbeat, suivi d’un HowUGon’Fu*kAroundAndChooseABusta ?
où DâM Funk prend des airs de Prince et George Clinton.
Le titre instrumental The
Hunt & Murder Of Lucifer est suivi de It Didn’t Have 2 End This Way et Missing U, deux titres jumeaux où le producteur déploie ses talents
au vocoder.
Ariel Pink & DâM FUNK
La pépite du disque est sans doute Acting, dans lequel Ariel
Pink dévoile une présence presque fantomatique sur une prod. aux hit hats
comme désynchronisés.
O.B.E (deuxième
bijou du LP), son format maxi de 8 mn 29s et ses accents nu-disco nous mènent sur un sentier balisé jadis par le duo
new-yorkais Metro Area, dont la
moitié Storm Queen a le vent en
poupe depuis son succès de 2010, Look
Right Through.
Leon Sylvers III
Leon Sylvers III
rejoint DâM dans un Glyde 2nyte aux saveurs R&B torrides, tandis que Snoop Dogg et Joi nous proposent un hymne à la décontraction et à l’apaisement
avec Just Ease Your Mind From All
Negativity, on imagine sans mal les nuages de fumée qui devaient planer
dans le studio d’enregistrement…
Novena Carmel
Enfin, le très féminin Virtuous
Progression, avec en guests les charmantes Nite Jewel, Jody Watley,
Novena Carmel (fille de Sly
Stone !!!), Jane Jupiter et Jimi James déborde forcément de
sensualité et de douceur, jusqu’à ce que Scatin’
(toward The Light) (troisième trésor de l’opus) à la rythmique plus
qu’explicite, clôt notre parcours dans l’univers passionnant de DâM Funk, grand défenseur du son old school. Il déclare d’ailleurs que « le funk est l’outsider de la black
music, son bateau noir ».
DâM FUNK
Artiste visionnaire travaillant toujours dans l’émotion, il revendique son amour du funk comme un
style de vie. Nous gratifiant de 3
bonus tracks portant le nombre des pistes à 20, ce passionné et généreux DâM Funk nous balance ses ondes
positives sans nous faire quitter la réalité, on garde ainsi les pieds sur
terre pour entamer quelques pas de danse et l’esprit serein mais alerte pour ne
pas perdre le nord ni la valeur de la vie.
Les Ambassadeurs – Rebirth EP (World Village/Harmonia Mundi)
Nous connaissons l’engagement profond du musicien Salif Keita auprès des albinos maliens
et guinéens, ces « blancs locaux » discriminés, moqués et méprisés.
Depuis 2005, date à laquelle il fonde l’ONG
Club Art et Culture Salif Keita ainsi que la Fondation Salif Keita, il œuvre pour la prise en charge médicale du
handicap, l’éducation et l’insertion socioprofessionnelle des populations
touchées par « cette malédiction ».
Démarrant sa carrière de chanteur à la fin des années 60
avec le Rail Band de Bamako mené par
le saxophoniste Tidiani Koné, il
intègre en 1973 le fameux orchestre Les
Ambassadeurs, dirigé alors par Kanté
Manfila. Le big band offre à Salif l’opportunité
d’interpréter d’autres styles musicaux que le folklore mandingue (auquel il apportait déjà un souffle de modernité),
s’essayant ainsi au jazz, à la salsa, au funk, à l’afrobeat et à
l’afropop. Son répertoire traditionnel
enrichi des sonorités latines et afro-américaines devient alors contagieux et
son modèle musical se répand telle une traînée de poudre à travers tout le Mali,
l’Afrique de l’Ouest, la France et les USA.
Plus de 40 années s’écoulèrent depuis le début des
Ambassadeurs, il était temps de reformer le groupe, de regagner les studios et
retrouver le public. Epaulé du claviériste/chanteur mythique Cheick Tidiane Seck et de l’illustre
guitariste Amadou Bayoko (moitié du
duo Amadou & Mariam), Salif redonne
vie à ce monument de la pop mandingue,
officiant par la même occasion pour la bonne cause puisque les bénéfices de l’entreprise
seront entièrement reversés à sa Fondation.
En effet, paraîtra fin juin 2015 un EP de 4 titres intitulé Rebirth,
composé de deux morceaux de Salif Keita
(Mali Denou et Seydou extrait de son album Folon
sorti en 1995), d’un de Manfila
Kanté (4V) et le dernier du claviériste/chanteur
Idrissa Soumaoro (Tiecolomba Hé). On y retrouve le groove entraînant inimitable, les cuivres aux reflets afro-cubains, les guitares mandingues et les chants enivrants de l’âge d’or de la
formation, toujours aussi prompte à nous faire danser.
Le guitar hero italo-américain
Al Di Meola publie un nouvel album
studio intitulé Elysium. Après 40 années
de carrière marquées par une problématique de fusion (entre jazz, rock puis influences latines) et de réinvention des
genres, sa technique sophistiquée et sa virtuosité déroutante s’expriment ici à
travers toutes sortes de guitares, l’artiste y mêle ainsi les sonorités douces
et chaudes des cordes nylon, à celles métalliques de la guitare folk, brillantes
et riches de la 12 cordes, puissantes et tranchantes de l’électrique.
Accompagné de trois claviéristes (Barry Miles, Philippe Saisse,
Mario Parmisano), d’un batteur (Peter Kaszas) et d’un percussionniste
indien (Rhani Krija), le compositeur
très imprégné des cultures gipsy et
flamenca a choisi pour l’occasion de ne pas s’entourer de bassiste, une
absence notable dans un projet jazz
rock, mais compensée par des arrangements de guitares conçus sur mesure et
occupant un vaste espace sonore, au détriment de ses acolytes relayés en toile
de fond.
Le tango d’Astor
Piazzola, le flamenco de Paco De
Lucia, le jazz fusion de Chick Corea,
John MacLaughlin ou de Jaco Pastorius et le rock latino de Carlos Santana continuent à hanter son
jardin secret, son petit coin de paradis musical accessible aux
amateurs avertis.
A noter La Lluvia qui clôt Elysium tout en légèreté, un hymne smooth jazz aux reflets latins des plus estivaux.