Elle se nomme Aïda Nosrat
et lui Babak Amirmobasher, elle est
chanteuse et violoniste lui est guitariste. Ils forment un couple dans la vie
et dirigent Manushan sur scène, un groupe acoustique de musique contemporaine iranienne
fondé à Téhéran en 2006. Reliés aux traditions musicales, spirituelles et
philosophiques de la Perse ancienne,
les auteurs-compositeurs sont aussi passionnés de flamenco et s'inventent un univers à part, habité de jazz manouche et américain, de musique classique iranienne et européenne,
de sonorités celtes et des Balkans, de
rythmes latins (Brésil, Espagne) et
de mélodies intemporelles turcopersanes.
Composé de 13 titres enchanteurs et vibrants, l'album est une invitation poignante
au voyage vers un ailleurs sans nom, sans frontière et sans âge. Les cordes du duo
sont rejointes par les percussions d'Habib
Meftah Bousheri, la contrebasse d'Antonio
Licusati, la clarinette basse de Denis
Collin, le zarb et le tombak de Pablo
Cuelho.
Ci-dessous l'extrait d'un de leurs concerts captés le 04/12/16 à Paris
Teaser de leur album précédent "Swing Me To Your Song"
Alexis Avakian - Hi Dream (Paris Jazz Underground/Absilone/Socadisc)
Le saxophoniste franco-arménien Alexis Avakian nous présente son second opus intitulé Hi Dream, un disque de jazz métissé de sonorités traditionnelles qui succède à un premier Digging Chami, largement salué par la critique et nommé 'révélation française 2014' par Jazz Magazine. Toujours entouré de sa fine équipe composée du batteur Fabrice Moreau, du contrebassiste Mauro Gargano et du pianiste Ludovic Allainmat, il invite une nouvelle fois le doudoukiste Artyom Minasyan, déjà présent par le passé et composante essentielle d'un projet enraciné dans un folklore que la mère du leader(joueuse de Qanûn) lui transmis dès sa plus tendre enfance, passée d'ailleurs à Marseille, cité de la diversité par excellence.
Présente et palpable sur au moins 4 des 11 titres, cette mémoire n'est pourtant pas prédominante dans Hi Dream, en effet le jazzman (que l'on découvre aussi à la flûte et à la guitare) fervent admirateur d'Archie Shepp et formé auprès d'Eric Barret, Sylvain Beuf, Grant Stewart et Jerry Bergonzi, est très tôt tombé dans la marmite du jazz et s'est depuis converti à l'improvisation et aux jam sessions parisiennes, ville qu'il a rejoint en 2006 et où il s'est produit notamment avec Franck Amsallem, Remi Vignolo ou Philippe Soirat. Hi Dream est un disque poignant, et si l'on frissonne au son du doudouk dans le nostalgique "Adieu mon Drôle" ou dans "Boulevard des Pins", titre témoin de l'exil arménien et de ses espérances, on se fait emporter par le swing trépidant de "Glendale" ou de l'hommage au mentor "Per Gonzi". Plus loin, l'artiste nous délivre les ballades nocturnes "Agnès" et "Minor Mood", qui font briller la tessiture accrocheuse, franche et massive de son saxophone ténor qui nous fait forcément songer à un autre de ses modèles, John Coltrane.
Le jeune pianiste italien Claudio Filippini nous offre son nouveau projet intitulé Overflight. Il s'agit d'un album mené en solo derrière son instrument de prédilection, qu'il fait virevolter au gré de ses 12 titres emplis de grâce et de volupté. Se jouant des styles et des époques, il navigue avec une aisance et une élégance déconcertante à travers les genres, flirtant autant avec des thèmes inspirés ou empruntés à la musique classique ("Sonata N. 14 - Opera 27 N. 2 - 2nd Mov."), qu'avec des mélodies dignes des meilleures bandes originales de films ("Voilà"), des berceuses envoutantes et bouleversantes ("El Noi De La Mare") ou des instants jazz subtils et raffinés ("Haze"). Que Claudio improvise ("Impro K 135"), compose ("Phantom Zone") ou interprète ("Le Tombeau De Couperin - Forlane" de Maurice Ravel), il le fait toujours avec le souci de séduire son auditeur et le désir d'exprimer son profond respect pour ses maîtres à jouer. Il se livre et dévoile ses influences, ses références, mettant sa virtuosité délicate au service d'une expression retenue et sensible. Un hommage touchant et vibrant à la Musique !
Andrea Lombardini - Diminuendo (CAM Jazz/Harmonia Mundi)
Le 07 Octobre 2016 sur CAM Jazz, le bassiste italien Andrea Lombardini nous présentait en trio son projet baptisé Diminuendo, un recueil délicat de 11 titres aux ambiances jazz tamisées et vaporeuses, colorées de musique ancienne aux reflets world. S'illustrant à la basse électrique et au luth Colachon, rendu célèbre grâce à son utilisation dans la Comedia Dell'arte, Andrea est accompagné d'Emanuele Maniscalco au piano et à la batterie ainsi que du tubiste/serpentiste français Michel Godard. 3 musiciens pour 6 instruments qui plantent un décor alliant des mélodies saisissantes de sensualité et des sonorités d'antan à un jazz vibrant et ouvert aux folklores. L'ensemble flotte avec légèreté dans des eaux calmes parfois troublées par des pulsations captivantes.
Entouré de son quintet, le jeune trompettiste sicilien Alessandro Presti nous présentait en Septembre 2016 chez CAM Jazz son premier projet solo intitulé Halaesa. A même pas 30 ans, le musicien natif d'une petite ville située dans la région de Lazio s'est fait un nom dans le paysage jazzistique italien grâce à son approche singulière du hard-bop et son goût prononcé pour l'effervescence de la scène jazz de New-York. Remarqué par le légendaire contrebassiste portoricain Eddie Gomez et membre deux années durant du quartet de l'excellent batteur Roberto Gatto, Alessandro nous offre ici 9 compositions originales enregistrées avec un casting de haut vol, le saxophoniste Daniele Titarelli, le pianiste Alessandro Lanzoni (dont nous parlions en 2015 avec la parution de son disque Seldom), le contrebassiste Gabriele Evangelista et le batteur Francesco Ciniglio. Ensemble, ils distillent avec équilibre et raffinement une musique d'une grande élégance, mettant en avant un sens de la musicalité certain que le trompettiste curieux doit en grande partie à l'étude des maîtres Miles Davis et John Coltrane, Wayne Shorter et Horace Silver ou encore McCoy Tyner et Herbie Hancock... Un bien bel exercice extrait de la série CAM Jazz Presents consacrée aux jeunes talents.
Only Heaven feat. Roots Manuva Remixed (Ahead Of Our Time)
Nous parlions la semaine dernière du nouvel EP de Coldcut baptisé Only Heavenet de son titre phare du même nom sur lequel était invité le pionnier du hip-hop anglais, Roots Manuva. Dans la foulée, le label du duo Ahead Of Our Time,nous propose Only Heaven feat. Roots Manuva Remixed un recueil de 3 remixes orchestrés par la crème des producteurs electro qui s'ouvre avec l'excellentissime Matthew Herbert et sa signature si reconnaissable. Le rework tonique et hypnotique est boosté par une rythmique 2-Step viscérale et rehaussée d'une mélodie aux accents délicieusement naïfs et décalés. Les vocaux de Roots Manuva y sont découpés et réordonnés de façon à refonder totalement le morceau rendu méconnaissable.
Puis c'est au tour de Special Request de nous fournir son edit aux accents drum'n'bass moites et sombres, son traitement lo-fi et low-beat en font un titre sensuel et efficace adressé au dancefloor.
Olivier Rodigan aka Cadenza, oui le fils de... la légende David Rodigan, propose quant à lui une version qui demeure assez fidèle à l'univers de Coldcut. Il y intègre tout de même son background d'activiste trap, breakbeat et jungle.
Eve Risser - Les Deux Versants se Regardent (Clean Feed/Orkhêstra)
La jeune pianiste basée à Paris Eve Risser nous présente son dernier projet intitulé Les Deux Versants se Regardent. Entourée de son White Desert Orchestra elle y évoque, en 9 compositions sophistiquées, sa fascination pour les grands espaces du sud-ouest américain, ces territoires sauvages où splendeur des lumières et puissance des paysages nourrissent abondamment l'imaginaire.
Influencée par les sonorités de la scène scandinave et des pays nordiques, Eve s'imprègne aussi de la fougue improvisatrice free jazz et du bouillonnement heavy metal. Rassemblant 10 musiciens parmi les plus en vue du jazz européen, elle élabore un univers musical sophistiqué et mystérieux, une bande-son pour un film imaginaire habité d'expérimentations sonores organiques, de moments suspendus, de temps forts incisifs et rythmés que l'imposante section cuivre anime entre chaud et froid, dans des passages flirtant parfois avec la musique concrète.
Se nourrissant des 5 années passées au sein de l'ONJ sous la direction de Daniel Yvinec, elle s'autorise toutes les libertés d'orchestrations et de formes, accouchant d'un disque peu orthodoxe, avec s'ouvre avec un titre éponyme contemplatif de 20 minutes, suivi d'un "Tent Rocks" jubilatoire de 11 minutes. Plus loin, "Fumeroles" s'étend tel un nuage de vapeur hanté par des silences, le grondement boisé du basson, quelques bruits du batteur/percussionniste Sylvain Darrifourcq et quelques accords du guitariste Sylvain Desprez. Ailleurs, "Eclats" et "Jaspe", bien que basés sur l'observation de pierres précieuses, font echo aux reliefs tranchants, abruptes et inquiétants de la région des Canyons, le tromboniste Fidel Fourneyron, la flûtiste Sylvaine Hélary, les saxophonistes Antonin-Tri Huong et Benjamin Dousteyssier, la bassoniste Sophie Bernado et le trompettiste Eivind Lonning nous y livrent en effet des saccades désarticulées, émergeant des tréfonds de leurs instruments respectifs.
On n'oublie pas Fanny Lafargues et la rondeur de sa basse électrique qui traverse discrètement cette oeuvre étrange et osée, où musique improvisée croise le fer avec le jazzde Miles et Carla Bley, le classico-contemporain de Reich et le post-rock islandais de Sigur Ros... A seulement 24 ans, Eve signe une disque marquant et expérimental, une pierre de plus dans son catalogue déjà bien fourni.