Déjà repéré depuis un certain temps grâce à ses excellentes productions,
il s’est récemment fait remarquer grâce à ses remixes bodybuildés (je pense notamment à sa version punchy du
succès Liquid Spirit du jazzman Grégory Porter ou bien de sa
réappropriation d’Omen des frangins Disclosure) destinés aux dancefloors
exigeants, férus de beats down tempo bien
produits. Désormais partie
intégrante du paysage électronique mainstream, l’allemand Claptone s’essaye au long format avec
son premier opus paru chez Différent Recordings
et distribué par Pias, Charmer. Composé de 13 titres où sont invitées
quelques unes des pointures du rock indépendant Nathan Nicholson (UK), Peter
Bjorn & John (Suède)et Clap Your Hands Say Yeah (USA), de
l’électro Jay Jay Johanson (Suède)et Jaw (FR) ou de la pop Young
Galaxy (Canada), le Dj producteur nous offre même une collaboration de haut
vol avec le dandy pop finlandais Jimi
Tenor sur un titre efficace, sensuel et funky intitulé Party Girl.
L’animal Claptone
se laisse difficilement apprivoiser, en effet il se dissimule derrière un
inquiétant masque en forme de bec de
vautour (que portaient les médecins bec durant les épidémies de peste
bubonique en France et qui inspira ensuite un personnage de la comedia dell’arte), emblématique du
carnaval de Venise. Ainsi grimé il se permet toutes les audaces devant ses
platines, distillant un son deep-house
orienté chill/pop, où la voix et le chant y occupent une place importante.
Certains regretteront peut être ses premières productions plus
underground comme Night On Fire qu’il
sortait en 2012 sur Exploited et Cream la même année sur Defected, cependant d’autres
apprécieront ses atmosphères estivales qui se rapprochent des sonorités de Feder, Milky Chance, The Avener
ou Robin Schulz, qui ont animées les
chaudes soirées de nos plages azuréennes l’été dernier.
Le titre phare de Charmer
est sans conteste No Eyes, qui n’est
d’ailleurs pas d’hier puisque la version maxi sortait en 2012, un hit en
puissance que l’on entendra résonner cet hiver en before, Jaw y déploie sa voix soul légèrement granuleuse injectant à
l’ouvrage un groove imparable.
Claptone a conçu
des mélodies catchy qui font mouche
dès la première écoute, bien que trop consensuel à mon goût, il nous délivre un
effort plutôt réussi.
Le jeune producteur franco-équatorien Nicola Cruz nous présente son premier opus Prender El Alma, sur ZZK
Records (label qui nous offrait il y a peu l’excellent projet La Yegros). Mêlant les sonorités
acoustiques des percussions
traditionnelles, des chants tribaux,
des flûtes indiennes et autres guitares andines à ses textures électroniques nappées de synthés
délicats et rythmées par un groove
organique down tempo des plus prenants, il rapproche de façon singulière la
richesse des influences indigènes
précolombiennes aux possibilités infinies de la production musicale numérique contemporaine assistée de ses séquenceurs,
boites à rythmes MPC et autres logiciels Ableton…
Né à Limoges mais installé à Quito, capitale de l’Equateur située
sur les flancs du volcan Guagua Pichincha, le petit protégé du prodige
américano-chilien Nicolas Jaara
voulu revenir à l’essence même de ses origines et rendre un hommage vibrant et
intimiste à la Nature et à ses ancêtres.
Percussionniste de
formation, il est depuis ses débuts marqué par « l’aspect mystique qu’offrent les percussions du monde
entier », il intègre alors la dimension du rituel à ses constructions
sonores. Orientant rapidement sa pratique vers l’électro, il étiquette son trip wolrd bass d’Andes Step ou d’Andes
Infused Electronica, un mouvement à
mi-chemin entre tradition et modernité qui fera sans doute des émules parmi
la scène électronique sud américaine florissante (Dj Raff du Chili, Siete
Catorce de Mexico…)
Avec ses échantillons
de sons analogiques prélevés avec soin, découpés puis mis en boucle, Nicola parvient à restituer sa vision
d’une culture mal connue et rarement sublimée par l’electronica. Nourri de cumbia
et autres folklores locaux voisins, il s’inspire des démarches artistiques du
méxicain Murcof (qui collaborait il y a quelques années avec Erik Truffaz sur le projet Rendez-vous), des anglais Matthew Herbert et Quantic (Will Holland a
d’ailleurs longtemps séjourné et travaillé en Colombie) ou de l’américain Philipp Glass (…) pour nous proposer un
voyage plus anthropologique que touristique. La voix des chanteuses Huaira (compagne du producteur) et Tanya Sanchez participe à nous immerger
dans cette exploration « des
mythologies ancestrales vues par le prisme du monde moderne »,
immersion amplifiée par les rythmiques répétitives hypnotiques et les efforts
particuliers à bâtir des structures instrumentales
sonnant « comme si un groupe était
en train de les jouer ».
Anne Carleton – So High (Quart de Lune/Rue Stendhal)
A la croisée de sonorités issues du jazz et de la musique classique, la chanteuse
et plasticienne Anne Carleton nous
livre un opus envoûtant et singulier intitulé So High.
Entre poésie, slam,
chanson et textures électroniques,
elle distille avec grâce et tendresse 12 plages délicates gorgées de fragilité,
de douceur et de beauté. Parmi ses subtiles compositions ainsi que celles de Jean-Philippe Viret (Le Temps, Confusion) et de Carine
Bonefoy (Why Are You Gone), on
remarque de sublimes reprises de succès pop,
comme l’éblouissant Norwegian Wood de
The Beatles et l’aérien Wild Is The Wind, immortalisé par Nina Simone.
Entourée de Laurent Guanzini
au piano, de Benoït Dunoyer de Segonzac
à la contrebasse, d’Eric Moulineuf
au design sonore et d’un quatuor à
cordes vibrant, Anne convie
quelques invités de cœur dont Ninon Valder
au bandonéon, ses deux filles Prune et
Ambre au chant, puis l’illustre philosophe Edgar Morin, qui mêle sa voix aux ambiances musicales cinématiques de l’album.
Elle déploie d’une voix
cristalline une onde radieuse éclairant des titres puissants et profonds, s’interrogeant
et interrogeant différentes personnes sur des thèmes universels tels que l’espoir,
la liberté, l’amour, l’enfance ou l’existence…
Jonathan Orland – Small Talk (PJU/Absilone/Socadisc)
Mêlant son esprit d’aventure inspiré par le jazz moderne aux sonorités d’Europe de l’Est et klezmer, le jeune saxophoniste alto Jonathan Orland publie son second opus
intitulé Small Talk. Entouré du
contrebassiste Yoni Zelnik, du
batteur Donald Kontomaou (fils de la
diva Elizabeth) et du guitariste prodige originaire de Salvador de Bahia Nelson Veras, il interprète avec éloquence,
exigence mélodique et qualité harmonique 12 titres, dont 8 compositions et 4
reprises.
Après son premier Homes,
enregistré en quintet à New York avec d’anciens collègues de promo du Berkelee College of Music où il a
étudié auprès de George Garzone et Joe Lovano, il organise régulièrement des
sessions avec Yoni puis Donald et de la rencontre avec Nelson naîtra peu à peu l’envie de
graver l’interaction et la complicité du quartet en studio d’enregistrement.
Comme l’indique le titre de l’album Small Talk qui se traduit par « conversation légère et
spontanée », la liberté est un des maître-mots du projet, chaque musicien exprime
sa créativité au travers de thèmes inspirés du répertoire traditionnel yiddish (Reysele de Mordechai
Gebirtig) et du folklore des balkans
(Be There). Cependant le swing et l’importance de l’improvisation
demeurent omniprésents, nous n’avons qu’à écouter Played Twice de Thelonious
Monk,For Heaven’s Sake immortalisé notamment par Chet Baker, ou bien Falling
Grace du bassiste Steve Swallow.
Jean-Pierre Como – Express Europa (L’âme Sœur/Absilone/Socadisc)
Le pianiste parisien Jean-Pierre
Como revient avec son 10° opus baptisé Express
Europa. Après Boléro, son
hommage aux musiques latines et méditerranéennes paru en 2013, le co-fondateur du
groupe jazz fusion Sixun a choisi de
redonner (comme à ses débuts avec l’album Padre
1989), une importance toute particulière au chant qui, depuis son enfance
passée dans un milieu familiale marqué par la culture italienne, habite son œuvre
et accompagne son processus créatif.
Toujours bien entouré, on retrouve près du jazzman ses
fidèles acolytes comme le saxophoniste Stefano
Di Battista, le guitariste Louis
Winsberg (également membre de Sixun)
et le batteur Stéphane Huchard, qui figuraient
déjà en 1995 dans le projet initial Express
Paris Roma, que l’artiste considère encore comme l’un des plus beaux
moments de sa carrière. Rejoint par le bassiste Jérôme Regard, le quintet est largement enrichi des voix exceptionnelles
de deux crooners, l’anglais Hugh Coltman
(The Hoax, Nouvelle Vague, China Moses ou encore Eric Legnini) de l’italien Walter Ricci (David Sauzay, Lucas
Santaniello).
Les deux premières plages StarsIn Daylight - part 1 et
part 2 introduisent les timbres vibrants
des chanteurs, ils nous offrent une ballade
jazzy aux reflets souldoux et
délicats, une splendide chanson survolée par les phrasés puissants et inspirés
du saxophoniste italien, habillée des accords acoustiques du guitariste marseillais
aux multiples facettes, ainsi que de le touché léger et toujours impeccable de l’immense
batteur niçois André Ceccarelli (ici
les deux batteurs sont présents !).
Si Hugh Coltman
est à l’origine des textes interprétés en anglais, c’est à Walter que l’on doit l’écriture des charmantes Raccontami et Mio Canto, s’alignant
avec le penchant naturelle de Jean
Pierre Como pour ses racines, une Italie tout autant sublimée dans Musica et Io Che Amo Solo Te, où l’inconditionnel de Sinatra, Bennett et
Fitzgerald y exprime toute sa sensualité et son romantisme.
Mandela Forever
vient raffermir le swing d’Express Europa avec son tempo soutenu, son
efficacité mélodique empruntée au So What
de Miles Davis et sa chaleur latine auSamba
de Uma Nota So d’Antonio Carlos
Jobim.
Le chanteur natif de Bristol nous offre ensuite You Are All et Turn And Turn, deux instants suspendus et intimistes où se
rencontrent esprit pop et magie jazz.Sa
voix de velours qu’il module avec brio et sensibilité inonde les compositions
de Jean Pierre d’une fragilité
touchante, la finesse des arrangements de Pierre
Bertrand (Raccontami, You Are All, Musica et Mio Canto) participent
bien sûr à rendre ces moments d’écoute uniques et inoubliables !
Louis Winsberg a
composé Silencio, aux accents
flamenco et Alba, aux saveurs
brésiliennes, deux titres où la guitare acoustique omniprésente ajoute une note
chaleureuse et conviviale, où chaque instrument trouve sa place entre
improvisation et mélodie accrocheuse.
Une citation de Jean Pierre
Como en personne résume assez bien Express
Europa, décrivant simplement l’ambition du disque :
« J’ai voulu un
projet musical ouvert, aux influences multiples. Ce qui me touche dans la pop music, dans la soul, c’est la voix. Je
pense à Stevie Wonder, à Peter Gabriel, à Caetano Veloso, à Sting, à Joni
Mitchell, à Ricky Lee Jones…»